N° RG 19/02092 - N° Portalis DBVM-V-B7D-KAGY
N° Minute :
C1
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SCP TGA-AVOCATS
la SCP LEGALP
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 10 MAI 2022
Appel d'un Jugement (N° R.G. 16/00806) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP en date du 15 janvier 2019, suivant déclaration d'appel du 14 Mai 2019
APPELANTE :
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE CONCORDE représenté par son syndic en exercice la société FONCIA L'IMMOBILIERE DES HAUTES ALPES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
C/O FONCIA L'IMMOBILIERE DES HAUTES-ALPES L'Aigle Bleu Avenue René Froger
05100 BRIANCON
Représentée par Me Ludovic TOMASI de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
INTIMÉ :
M. [O] [E]
né le 05 Juillet 1971 à BRIANCON (05100)
de nationalité Française
Résidence Le Concorde - 5 route de Croze
05240 LA SALLE LES ALPES
Représenté par Me VOLPATO, avocat au barreau de HAUTES-ALPES substitué par Me GUY
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Emmanuèle Cardona, présidente
Laurent Grava, conseiller,
Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 février 2022, Laurent Grava, conseiller, qui a fait son rapport, en présence d'Anne-Laure Pliskine, conseillère, assistés de Caroline Bertolo, greffière, ont entendu seuls les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [O] [E] est propriétaire des lots de copropriété n°205, 354 et 390 au sein de l'ensemble immobilier dénommé « Le Concorde » situé sur la parcelle cadastrée section AM653 sur la commune de La Salle Les Alpes (05). Le lot n°390 consiste en un appartement comprenant deux pièces, dépendances et loggia, au 8e étage.
Par courrier daté du 10 février 2016 M. [O] [E] a demandé l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale d'une résolution l'autorisant à réaliser une véranda fermant la loggia.
L'assemblée générale du 28 mars 2016 a rejeté la demande d'autorisation de travaux présentée par M. [O] [E] lequel a contesté le refus par courrier daté du 6 avril 2016.
Par acte d'huissier délivré le 7 juillet 2016 M. [O] [E] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Gap le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Concorde, aux fins de :
-juger irrégulier et abusif le rejet de la résolution n°15 présentée lors de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires du 26 mars 2016 ;
- en conséquence, l'annuler ;
- autoriser M. [O] [E] à fermer le balcon situé côté Nord-Est de l'appartement qu'il détient au 8e étage, qui constitue le lot n°390 et à mettre en place la véranda prévue ;
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Schreiber-Fabbian-Volpato.
Par jugement contradictoire en date du 15 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Gap a :
- autorisé M. [O] [E] à réaliser les travaux de fermeture de la loggia de l'appartement correspondant au lot 390 au sein de l'ensemble immobilier dénommé « Le Concorde » conformément au projet établi par la SAS d'architecture Lionel Bouchié daté du 17 mai 2018 ;
- dit que ces travaux devront avoir un aspect identique à ceux réalisés au dixième étage, notamment en conservant le garde-corps bois initial devant les châssis ;
- condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde à payer à M. [O] [E] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde aux dépens de l'instance avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Schreiber-Fabbian-Volpato ;
- rappelé qu'en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 M. [O] [E] est de plein droit dispensé de toute participation à la dépense commune des frais liés à la présente procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires ;
- rejeté toutes les autres demandes.
Par déclaration en date du 14 mai 2019, le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde a interjeté appel de la décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 10 septembre 2019, le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
- débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner M. [E] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Concorde la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :
- il rappelle les faits et la procédure ;
- il rappelle les dispositions des articles 25b et 30 de la loi du 10 juillet 1965 ;
- au moins deux conditions doivent donc être remplies par le copropriétaire requérant, la démonstration qu'il s'agit de travaux d'amélioration et la production d'éléments suffisants quant à la nature et la réalisation des travaux envisagés ;
- M. [E] ne satisfait à aucun de ces préalables, de sorte que c'est à tort qu'il a été autorisé par le premier juge à réaliser les travaux sollicités ;
- il ne s'agit certainement pas d'une amélioration pour l'immeuble, mais tout au plus pour le seul appartement de M. [E] si tant est qu'il en rapporte la preuve ;
- la fermeture du balcon ne peut constituer une amélioration thermique alors qu'elle implique la création d'une plus grande surface à chauffer ;
- M. [E] ne communique strictement aucun document technique à l'appui de ses demandes ;
- le seul élément versé aux débats est un mail de l'entreprise Alpes Alu du 30 mai 2016, soit postérieur à l'assemblée générale critiquée, et qui déclare simplement que les travaux seront identiques à la fermeture du balcon du 10e étage ;
- aucune étude béton n'est par exemple fournie afin de déterminer si les balcons peuvent devenir une surface habitable, et notamment supporter le poids de murs et de menuiseries pour se voir fermer ;
- la fermeture du balcon du 10e étage n'a jamais fait l'objet d'une assemblée générale depuis 1972 ;
- le balcon n'a pu en outre être fermé sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, lesquels n'auraient pas manqué d'agir en démolition de l'ouvrage contrevenant ;
- il s'en déduit que la fermeture du balcon du 10e étage n'a pu qu'être réalisée lors de la construction de l'immeuble ;
- la fermeture du balcon dès la construction de l'immeuble est attestée par quatre copropriétaires ;
présents dans l'immeuble depuis son édification ;
- aucune rupture dans l'égalité entre les copropriétaires ne saurait être légitimement invoquée par M. [E], alors que l'assemblée générale des copropriétaires a déjà eu à refuser la fermeture d'un balcon à un autre copropriétaire ;
- enfin, M. [E] ne peut solliciter de tels travaux sans expliquer comment il entend voir modifier le règlement de copropriété, la création d'une surface habitable supplémentaire devant nécessaire entraîner la création de millièmes supplémentaires.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2019, M. [O] [E] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- déclarer le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde non fondé en son appel ;
- dire et juger qu'est irrégulier et abusif le rejet de la résolution n°15 présentée lors de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde du 26 mars 2016 ;
En conséquence,
- annuler le rejet de la résolution n°15 présentée lors de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde du 26 mars 2016 ;
- autoriser M. [O] [E] à fermer le balcon situé Côté Nord-Est de l'appartement qu'il détient au 8e étage, qui constitue le lot n° 390 et à mettre en place la véranda prévue ;
- condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde à payer à M. [O] [E], une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Schreiber-Fabbian-Volpato, sur son affirmation de droit.
Il expose les principaux éléments suivants au soutien de ses écritures :
- son intention était de mettre en place une véranda vitrée parfaitement identique à celles déjà existantes dans cette copropriété, telle par exemple, celle localisée au 10e étage ;
- les travaux envisagés devaient ainsi s'intégrer parfaitement avec l'aspect général du bâtiment, seuls deux tasseaux métalliques et une vitre transparente devant être visible depuis le bas de l'immeuble, soit une trentaine de mètres côté Nord, sans aucun vis-à-vis avec le parking en contrebas ;
- il était attendu de cette véranda un gain énergétique et une amélioration de l'isolation thermique ;
- le rejet d'autorisation est un abus évident au vu de la rupture d'égalité entre les copropriétaires dans la jouissance des parties communes ;
- le syndicat oppose la prétendue absence de preuve de ce que les travaux envisagés par M. [E] constitueraient réellement des travaux d'amélioration ;
- le syndicat avance également que l'amélioration profitant aux seules parties privatives ne peut pas correspondre à l'amélioration telle que mentionnée à l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 ;
- le syndicat a une approche erronée de la notion de travaux d'amélioration visés par ce texte dans son alinéa 4 ;
- à la lecture du règlement de copropriété en date du 30 août 1973, la partie adverse ne peut pas affirmer comme elle le fait, que cette fermeture a été réalisée lors de la construction de l'immeuble en 1973, en ce qu'il y apparaît une loggia (qui est une surface ouverte).
La clôture de l'instruction est intervenue le 28 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'autorisation demandée par M. [E] :
L'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que l'assemblée générale des copropriétaires, statuant à la majorité prévue à l'article 25, peut, à condition qu'elle soit conforme à la destination de l'immeuble, décider toute amélioration, telle que la transformation d'un ou de plusieurs éléments d'équipement existants, l'adjonction d'éléments nouveaux, l'aménagement de locaux affectés à l'usage commun ou la création de tels locaux.
Elle fixe alors, à la même majorité, la répartition du coût des travaux et de la charge des indemnités prévues à l'article 36, en proportion des avantages qui résulteront des travaux envisagés pour chacun des copropriétaires, sauf à tenir compte de l'accord de certains d'entre eux pour supporter une part de dépenses plus élevée.
Elle fixe, à la même majorité, la répartition des dépenses de fonctionnement, d'entretien et de remplacement des parties communes ou des éléments transformés ou créés.
Le dernier aliéna de cet article ajoute que lorsque l'assemblée générale refuse l'autorisation prévue à l'article 25 b), tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal de grande instance à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d'amélioration visés à l'alinéa 1er.
Le tribunal fixe en outre les conditions dans lesquelles les autres copropriétaires pourront utiliser les installations ainsi réalisées. Lorsqu'il est possible d'en réserver l'usage à ceux des copropriétaires qui les ont exécutés, les autres copropriétaires ne pourront être autorisés à les utiliser qu'en versant leur quote-part du coût de ces installations, évaluée à la date où cette faculté est exercée.
En outre, la loi précise dans cet article 25 b) que sont adoptées à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.
1) L'annulation de la délibération :
M. [E] sollicite tout d'abord l'annulation du rejet de la résolution n°15 présentée lors de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires du 26 mars 2016.
Les dispositions textuelles évoquées ci-dessus n'instituent pas au bénéfice des copropriétaires un recours en annulation mais permettent au tribunal d'accorder une autorisation dés lors qu'un refus définitif a été opposé par l'assemblée générale, ce qui correspond parfaitement à la configuration soumise à la cour dans le cadre du présent litige.
Dans ces conditions les éventuels moyens d'annulation présentés au visa de ces seuls dispositions sont inopérants et par suite voués au rejet.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2) La demande d'autorisation de travaux :
M. [O] [E] sollicite l'autorisation de fermer le balcon situé côté Nord-Est de l'appartement qu'il détient au 8e étage, constituant le lot n° 390 et ainsi de mettre en place la véranda prévue.
En l'espèce, les travaux litigieux consistent en la réalisation d'une véranda fermant le balcon.
De tels travaux apportent des éléments supplémentaires de confort et d'habitabilité et ils procurent une valorisation de l'appartement.
En effet, ils augmentent de façon objective l'isolation thermique et peuvent dès lors être qualifiés de travaux d'amélioration au sens des dispositions textuelles susvisées.
De plus, dans la mesure où le balcon du 10e étage fait déjà l'objet d'une fermeture ne pouvant être remise en cause et affectant définitivement l'unité architecturale de l'immeuble, la réalisation de travaux identiques aux étages inférieurs ne peut plus apparaître comme dégradant significativement l'aspect extérieur.
Les moyens et arguments développés de ce chef par le syndicat des copropriétaires sont inopérants.
S'agissant des travaux eux-mêmes, les pièces produites, notamment le projet Lionel Bouchié daté du 17 mai 2018, précisent les caractéristiques des travaux prévus.
Ainsi, il est indiqué que la fermeture aura un aspect identique à celle réalisée au 10e étage en conservant le garde-corps bois initial devant les châssis à mettre en place pour réaliser la fermeture.
Dans ces conditions, il convient d'autoriser M. [O] [E] à réaliser les travaux de fermeture de son balcon tels que prévus par le projet de la SAS d'architecture Lionel Bouchié daté du 17 mai 2018.
Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde, dont l'appel est rejeté, supportera les dépens d'appel avec distraction, ceux de première instance étant confirmés.
Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [O] [E] les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde sera condamné à lui payer la somme complémentaire de 3 000 euros (trois mille) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde à payer à M. [O] [E] la somme complémentaire de 3 000 euros (trois mille) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde aux dépens, avec application, au profit des avocats qui en ont fait la demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Rappelle, en cas de besoin, qu'en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, M. [O] [E] est de plein droit dispensé de toute participation à la dépense commune des frais liés à la présente procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE