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12/05/2022 | FRANCE | N°20/00634

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 12 mai 2022, 20/00634


N° RG 20/00634 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KLAD



C8



Minute :









































































Copie exécutoire

délivrée le :







Me Eric HATTAB



la SELARL CDMF AVOCATS



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE

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CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 12 MAI 2022





Appel d'une décision (N° RG )

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 16 décembre 2019

suivant déclaration d'appel du 05 Février 2020



APPELANT :

M. [J] [H]

né le 12 Juin 1987 à SEMUR EN AUXOIS (21140)

de nationalité Française

19 Lotissement Champ Guichard

38140 APPRIEU



représenté et ...

N° RG 20/00634 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KLAD

C8

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Eric HATTAB

la SELARL CDMF AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 12 MAI 2022

Appel d'une décision (N° RG )

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 16 décembre 2019

suivant déclaration d'appel du 05 Février 2020

APPELANT :

M. [J] [H]

né le 12 Juin 1987 à SEMUR EN AUXOIS (21140)

de nationalité Française

19 Lotissement Champ Guichard

38140 APPRIEU

représenté et plaidant par Me Eric HATTAB, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIM ÉE :

SA CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL,

S.A au capital de 608 439 888,00 € immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 542 016 381, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ;

6, avenue de Provence

75009 PARIS

représentée et plaidant par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me BANDOSZ, avocat au barreau de GRENOBLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Mars 2022, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assistée de Sarah DJABLI, greffière , a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour, après prorogation du délibéré,

EXPOSE DU LITIGE

Le 31 mars 2016, la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a ouvert un compte professionnel à la SASU en formation «Aux Délices de Fanette», enseigne de boulangerie pâtisserie, représentée par son président, Monsieur [J] [H].

Par acte du 15 avril 2016, le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a consenti à la SASU un prêt professionnel d'un montant de 380 000 € au taux de 2,55 % remboursable sur 84 mois ayant pour objet l'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie.

Ce prêt était garanti par

- le cautionnement solidaire de Monsieur [J] [H] à concurrence de 228.000 €,

- le cautionnement de la BPI à hauteur de 50 % du prêt,

- une inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la SASU.

Par jugement du 29 juin 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la SASU «Aux Délices de Fanette».

La société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a déclaré sa créance le 12 juillet 2017 auprès du mandataire judiciaire pour la somme de 342.799,41 € à titre nanti et pour la somme de 77,10 € à titre chirographaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juillet 2017, la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a mis en demeure Monsieur [J] [H] d'avoir à payer 50 % de cette somme soit 171.399,20 €.

Par acte du 21 septembre 2017, la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a assigné Monsieur [J] [H] devant le tribunal de commerce de Grenoble.

Par jugement en date du 16 décembre 2019, le tribunal de commerce de Grenoble a :

-condamné Monsieur [J] [H] à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, au titre de son engagement de caution, la somme de 171.399,20 € outre intérêts légaux à compter du 13 juillet 2017 jusqu'à parfait paiement ;

-considéré Monsieur [J] [H] comme une caution avertie ;

-débouté Monsieur [J] [H] de sa demande de dommages et intérêts au vu de la violation de l'obligation de mise en garde;

-ordonné la capitalisation des intérêts, par année entière, à chaque anniversaire du 21 septembre 2017, date de l'assignation ;

-condamné Monsieur [J] [H] à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme arbitrée à 1.000 € au titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-débouté le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL de sa demande d'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

-condamné Monsieur [J] [H] aux dépens de l'instance,

-liquidé les dépens à la somme de 77,08 €TTC.

Par déclaration du 5 février 2020, Monsieur [J] [H] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions qu'il a énoncées.

Prétentions et moyens de Monsieur [J] [H]

Par conclusions notifiées le 9 février 2022, Monsieur [J] [H] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* condamné Monsieur [J] [H] à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, au titre de son engagement de caution, la somme de 171.399,20 €, outre intérêts légaux à compter du 13 juillet 2017 jusqu'à parfait paiement,

* considéré Monsieur [J] [H] comme une caution avertie,

* débouté Monsieur [J] [H] de sa demande de dommages et intérêts au vu de la violation de l'obligation de mise en garde,

* ordonné la capitalisation des intérêts, par année entière, à chaque anniversaire du 21 septembre 2017, date de l'assignation ;

* condamné Monsieur [J] [H] à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme arbitrée à 1.000 € au titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné Monsieur [J] [H] aux dépens de l'instance ;

* liquidé les dépens à la somme de 77,08 € TTC ;

-Et partant le jugement est également critiqué en ce qu'il a débouté Monsieur [J] [H] de ses prétentions qui tendaient à :

A titre principal,

* constater le caractère disproportionné du cautionnement souscrit par Monsieur [J] [H] au regard des biens et revenus de ce dernier,

* débouter le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

* Vu l'article 1240, vu la violation de l'obligation de mise en garde envers l'emprunteur profane, condamner la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Monsieur [J] [H] la somme de 171.399,20 € à titre de dommages et intérêts ;

A titre plus infiniment subsidiaire,

* Vu l'article 1240 du Code civil, vu la violation de l'obligation de mise en garde envers Monsieur [J] [H] en sa qualité de caution, condamner la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Monsieur [J] [H] la somme de 171.399,20 €,

En tout état de cause,

* condamner la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Monsieur [J] [H] une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance

Statuant à nouveau,

A titre principal,

-dire que la mention manuscrite apposée par Monsieur [J] [H] dans son engagement de caution n'est pas conforme à l'article L341-2 du Code de la consommation ;

-annuler en conséquence le cautionnement souscrit par Monsieur  [J] [H] ;

-débouter le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

-constater le caractère disproportionné du cautionnement souscrit par Monsieur [J] [H] au regard des biens et revenus de ce dernier;

-débouter le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL de l'intégralité de ses demandes

A titre infiniment subsidiaire, vu la violation de l'obligation de mise en garde envers l'emprunteur profane,

-condamner la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Monsieur [J] [H] la somme de 171,399,20 € à titre de dommages et intérêts

A titre plus infiniment subsidiaire, vu la violation de l'obligation de mise en garde envers Monsieur [J] [H] en sa qualité de caution profane,

-condamner la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Monsieur [J] [H] la somme de 171.399,20 €

A titre encore plus subsidiaire,

-dire que Monsieur [J] [H] ne peut être tenu au-delà de la somme de 171.399,20 €,

-prononcer la déchéance du droits aux intérêts à compter du 31 mars 2020,

En tout état de cause,

-condamner la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Monsieur [J] [H] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.

Sur la nullité de l'engagement de caution, il fait valoir :

-que la mention manuscrite apposée par Monsieur [J] [H] diffère de celle exigée par la loi car il manque le mot « du » entre « paiement » et « principal », que cette omission dénature le sens de la phrase en ce qu'il donne à penser que la caution s'engage au paiement des intérêts,

-que cette omission est de nature à priver la caution de la possibilité de comprendre le sens et la portée de son engagement comme l'a jugé la Cour de cassation,

-que dans une espèce identique, la cour d'appel de Grenoble a considéré l'engagement nul, qu'il en est de même de la cour d'appel de Rennes,

-qu'il conteste être une caution avertie et qu'en tout état de cause, la nullité d'une mention manuscrite non conforme s'applique à toutes les cautions qu'elles soient profanes ou averties.

Sur la disproportion, il fait remarquer :

-que le tribunal n'a pas retenu cette disproportion au motif que Monsieur [J] [H] se serait engagé à procéder au blocage de son compte courant d'associé à hauteur de 151.000 € alors qu'il n'a jamais eu dans son patrimoine la somme de 151.000 €,

-que la fiche d'information mentionne uniquement une épargne de 15.000 €, que c'est par des motifs dubitatifs que le tribunal a écarté la disproportion, que la société «Aux Délices de Fanette» venant à peine d'être créée et étant endettée à hauteur de 380.000 €, il ne peut être tenu compte de la valeur des parts sociales, qu'il n'est pas démontré qu'il a réglé la somme de 120.000 € sur ses deniers personnels au titre de l'acquisition du fonds de commerce,

-que lorsque le créancier professionnel entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, il lui incombe de prouver que la caution possède un patrimoine suffisant pour faire face à son obligation au moment où elle est appelée, que la banque ne rapporte pas cette preuve, qu'en ce qui le concerne, il produit tout de même son avis d'imposition sur les revenus 2017, correspondant à l'année de l'assignation, faisant état de revenus annuels de 23.291 €, soit 1940,91 € par mois, qu'il ne peut faire face à son engagement.

Sur la responsabilité de la banque pour violation de l'obligation de mise en garde de l'emprunteur profane, il expose :

-que Monsieur [J] [H], tiers au contrat de prêt, est fondé à invoquer la violation de l'obligation de mise en garde de la banque envers la société «Aux Délices de Fanette» dès lors que cette violation lui a causé un préjudice,

-que la charge de la preuve du caractère averti pèse sur la banque; que le caractère non averti de l'emprunteur, personne morale, s'apprécie en la personne de son représentant légal ; qu'être dirigeant ne veut donc pas nécessairement dire être un emprunteur averti

-qu'en l'espèce, lors de l'octroi du prêt, Monsieur [J] [H] était âgé de tout juste 29 ans, était dépourvu d'expérience en matière financière ou comptable et n'avait jamais été dirigeant d'une société,

-que dès lors, la société «Aux Délices de Fanette» doit être considéré comme un emprunteur non averti,

-que la banque a octroyé le prêt dans des conditions imprudentes et n'a pas mis en garde l'emprunteur contre les risques d'endettement nés de l'octroi du prêt, que le prêt n'a été remboursé que pendant 9 mois,

-qu'elle a donc commis une faute ayant fait perdre une chance à Monsieur [J] [H] d'échapper à son engagement de caution.

Sur la responsabilité de la banque pour violation de l'obligation de mise en garde de la caution, il fait observer :

-qu'il était une caution profane,

-qu'il n'avait que 15.000 € d'épargne,

-que la banque ne l'a pas mis en garde.

Sur la déchéance du droit aux intérêt, il indique que l'information annuelle de la caution se poursuit après la délivrance de l'assignation, que la banque ne justifie pas avoir respecté son obligation pour les années 2020 et 2021, que la déchéance des intérêts doit être prononcée à compter du 31 mars 2020.

Prétentions et moyens de la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

Par conclusions déposées le 17 novembre 2020, elle demande à la cour de:

-juger recevable et bien fondée la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL en ses demandes ;

-rejeter toutes les demandes de Monsieur [J] [H] puisqu'elles sont mal fondées voire irrecevables ;

-réformer le jugement en date du 16 décembre 2019 du tribunal de commerce de Grenoble ;

-condamner Monsieur [J] [H] à payer à la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme de 171.399,20 €, arrêtée au 13 juillet 2017, outre intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure en date du 13 juillet 2017 et jusqu'à parfait paiement au titre de son acte de cautionnement personnel et solidaire en date du 18 avril 2016;

-confirmer pour le surplus le jugement en date du 16 décembre 2019 du tribunal de commerce de Grenoble ;

-condamner Monsieur [J] [H] à payer à la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner conformément à l'article 696 du Code de procédure civile, le même aux entiers dépens de l'instance, dont distraction sera faite au profit de la SELARL CDMF AVOCAT, Maître Jean-Luc MEDINA, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur la demande en nullité de l'acte de cautionnement, elle en soulève l'irrecevabilité au motif qu'il s'agit d'une demande nouvelle, aucune demande de nullité n'ayant été formée en première instance, et d'un moyen nouveau tiré de l'article L 341-2 du code de la consommation.

Sur la validité de l'acte, elle fait valoir :

- qu'il appartient à la caution de démontrer que l'erreur ou l'omission a affecté le sens et la portée de la mention manuscrite,

- qu'en l'espèce, s'il manque le mot "du" entre les mots "paiement" et "principal" , il y a une virgule entre les mots 'principal" et "intérêts" de sorte que le sens et la portée de la mention n'est pas affecté par l'omission du mot "du",

- que la mention dactylographiée est juste à la page précédente de sorte qu'il est difficilement soutenable pour l'appelant de dire en cause d'appel que sa propre mention manuscrite est inintelligible, d'autant plus qu'il s'agit d'une caution avertie.

Sur l'absence de disproportion manifeste, elle expose :

- que la fiche de renseignement fait apparaître que Monsieur [H] était locataire, avait des revenus de 54.000 € par an, disposait d'une épargne de 15.000 €, avait un loyer partagé avec sa concubine de 908 € par mois et était redevable d'un acte de cautionnement de 228.000 €,

- que Monsieur [H] ne justifie pas de la valeur de ses meubles meublants, de son véhicule ou de ses autres disponibilités,

- que la valeur des parts sociales de la société «Aux Délices de Fanette» n'est pas mentionnée alors que celle-ci disposait d'un capital social a hauteur de 20.000 €,

- que le prêt professionnel était garanti par un blocage du compte courant d'associé de monsieur [H] à hauteur de 151.000 €, que la BPI n'apportait sa garantie que sous la condition de l'apport en compte courant d'un montant de 151.000 € et son blocage durant toute la durée du crédit,

- que l'opération totale s'élevant à hauteur de 500.000 € pour un prêt limité à 380.000 €, Monsieur [H] a financé seul la somme de 120.000 €,

- que cela sous-entendait que Monsieur [H] bénéficiait d'une surface patrimoniale de plusieurs centaines de milliers d'euros,

- qu'en tout état de cause, la situation actuelle de Monsieur [H] lui permet de faire face à son engagement dès lors qu'il dispose d'un salaire très confortable.

Sur le devoir de mise en garde, elle fait remarquer que selon la jurisprudence, lorsque l'emprunteur rembourse sans difficulté le prêt en cause pendant un certain délai, le prêt est alors adapté à ses capacités financières ; qu'en l'espèce, l'emprunteur a payé sans difficulté ses échéances de prêt du 15 avril 2016 au 5 février 2017, soit pendant près d'un an; que le prévisionnel communiqué laissait voir que le bénéfice de la société était en contante augmentation passant de 33.000 en 2013 à 50.000 € en 2015 ; qu'elle avait d'autres source de financement ; que dès lors, la banque n'était pas tenue d'attirer la caution sur le risque d'endettement excessif du débiteur d'autant que Monsieur [H], représentant légal de la société débitrice ne peut être qualifié de caution non avertie, qu'il a occupé différents postes à responsabilité lui conférant de façon indéniable des capacités de gestion.

Sur le quantum de la créance, elle s'interroge sur la demande de Monsieur [J] [H] "de dire qu'il ne peut être tenu au-delà de la somme de 171.399,20 €" dès qu'elle ne sollicite que la somme de 171.399,20 € correspondant à 50 % de l'encourt du prêt.

Vu les nouvelles conclusions déposée le 23 février 2022 à 17h51 par la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL,

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 février 2022.

Monsieur [J] [H] a déposé le 1er mars 2022 des conclusions tendant à voir écarter des débats les conclusions de la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL notifiées la veille de la clôture à 17H51 pour non respect du contradictoire et des droits de la défense dans la mesure où ces conclusions comportent plus de 7 pages par rapport aux précédentes écritures et qu'il a été dans l'impossibilité de répliquer compte tenu de leur tardiveté et à titre subsidiaire à être autorisé à déposer une note en délibéré pour répondre aux conclusions tardives.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur l'incident concernant les conclusions déposées le 23 février 2022

En application de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droits qu'elles invoquent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

En l'espèce, la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a déposé la veille de la clôture à 17H51 des conclusions comportant 7 nouvelles pages par rapport aux précédentes conclusions et soulevant de surcroît une fin de non-recevoir s'agissant de la déchéance du droit aux intérêts sollicitée par Monsieur [H].

Cette notification faite dans un temps très rapproché de la clôture est de nature à porter atteinte aux droits de l'adversaire et à méconnaître le principe de la contradiction. Monsieur [H] a été dans l'impossibilité de répliquer à ces nouvelles écritures.

En conséquence, les conclusions notifiées le 23 février 2022 à 17H51 qui n'ont pas été communiquée en temps utile seront écartées des débats.

II - Sur l'engagement de caution

1) Sur la demande en nullité de l'engagement de caution

A/ Sur la recevabilité de la demande

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, la demande en nullité de l'engagement de caution tend à faire écarter la demande de la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL en paiement au titre de l'engagement de caution.

Dès lors, entrant dans les exceptions prévues à l'article 564 du code de procédure civile, cette demande doit être déclarée recevable.

B/ Sur la nullité au titre d'une mention manuscrite non conforme

L'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, disposait :

"Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci: "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même."

En l'espèce, la mention manuscrite apposée par Monsieur [H] est la suivante :

« En me portant caution de AUX DELICES DE FANETTE en formation, dans la limite de la somme de 228 000 € (deux cents vingt huit mille) EUR couvrant le paiement principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 108 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si AUX DELICES DE FANETTE en formation n'y satisfait (font) pas lui (eux) même »

Il manque donc le mot "du" entre le mot "paiement" et le mot "principal".

Toutefois, les différences existant entre la formule légale et la mention manuscrite n'entraînent pas la nullité de l'engagement lorsqu'elles constituent des erreurs matérielles et n'en affectent pas le sens ou la portée.

En l'espèce, l'omission de l'article "du" entre les mots "paiement" et "principal" constitue une erreur matérielle puisqu'il s'agit d'une erreur dans la retranscription de la mention imprimée sur l'acte de cautionnement proposée à la signature laquelle comporte bien le mot "du".

Cette erreur n'affecte pas le sens ou la porté de l'engagement dès lors qu'après le mot "principal" figure une virgule et que la caution qui s'engage à garantir un prêt comprend donc nécessairement qu'il y a un principal, des intérêts et les cas échéant des pénalité on intérêts de retard à garantir.

En conséquence, Monsieur [J] [H] sera débouté de sa demande en nullité de son engagement de caution.

2) Sur la disproportion alléguée

Aux termes de l'article L 341-4 devenu L 332-1 et L 343-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Il incombe à la caution de prouver le caractère manifestement disproportionné de son engagement.

Il ressort de la fiche de renseignements remplie le 22 mars 2016 par Monsieur [J] [H] qu'à cette date, ses revenus s'élèvaient à à 4.500 € par mois, soit 54.000 € par an; il disposait d'une épargne de 15.000 € ; il ne disposait pas d'un patrimoine immobilier ; il était locataire et réglait un loyer de 908 € partagé avec sa compagne.

La fiche d'information ne fait donc état que d'une épargne de 15.000 €.

Si le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL fait état d'un acte sous seing privé du 15 avril 2016 par lequel Monsieur [J] [H] s'est engagé à laisser en permanence, et en tout état de cause jusqu'au 5 avril 2023, la somme totale de 151.000 € parmi celles figurant actuellement, à son crédit, à quelque titre que ce soit, chez la société AUX DELICES DE FANETTE en formation tant qu'il subsistera, vis à vis du CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL un engagement quelconque de la société AUX DELICES DE FANETTE, cet engagement ne signifie pas néanmoins que Monsieur [J] [H] disposait de la somme de 151.000 € à cette date, la société étant alors en formation et aucun élément ne permettant d'établir l'existence d'un compte courant d'associé à cette date.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, il ne peut être déduit de la notification de la garantie de la Bpifrance Financement adressée le 1er avril 2016 au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL le versement par Monsieur [J] [H] sur le compte courant d'associé de la somme de 151.000 € même si la Bpifrance Financement avait demandé au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL qu'il soit apporté en compte courant d'associé un montant de 151.000 € préalablement à la mise à disposition du crédit.

Le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL soutient aussi que Monsieur [J] [H] bénéficiait d'une surface patrimoniale de plusieurs centaines de milliers d'euros au motif qu'il a financé seul la somme de 120.000 €, l'opération d'acquisition s'élevant à 500.000 € pour un financement bancaire de 380.000 €. Toutefois, il résulte du document intitulé "Présentation du projet d'acquisistion" que ce sont les parents de Monsieur [J] [H] qui apportant leur soutien dans le projet de leur fils, lui ont attribué la somme nécessaire à l'apport personnel.

En conséquence, lors de son engagement, Monsieur [J] [H] établit qu'il disposait d'un revenu annuel de 54.000 € et d'une épargne de 15.000 €. Même en tenant compte de ses parts sociales dans la société AUX DELICES DE FANETTE à hauteur de 20.000 €, il se trouvait dans l'incapacité manifeste de faire face à son engagement de caution d'un montant de 228.000 € avec ses biens et revenus lors de sa conclusion.

L'engagement était donc manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution lors de sa conclusion.

Le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL prétend ensuite que le patrimoine de la caution, lui permet de faire face à son obligation au moment où celle-ci est appelée.

Il incombe au créancier professionnel de rapporter cette preuve, l'appréciation devant être effectuée à la date de la délivrance de l'assignation en paiement, soit le 21 septembre 2017.

Le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ne produit aucun élément sur la situation patrimoniale de Monsieur [J] [H] à la date de septembre 2017.

Au vu de l'avis d'imposition sur les revenus 2017 produit par Monsieur [J] [H], celui-ci a perçu des ressources annuelles 23.291 €, soit 1941 € par mois.

Il était donc dans l'incapacité de régler la somme de 171.399,20 € au moment où il a été appelé, cette somme représentant plus de 7 années de revenus annuels.

Dès lors, le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ne peut se prévaloir de l'engagement de caution souscrit le 18 avril 2016 par Monsieur [J] [H].

Le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions critiquées.

3) Sur les mesures accessoires

Le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL qui succombe à l'instance sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Ecarte des débats les conclusions notifiées par la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL le 23 février 2022 à 17H51 pour n'avoir pas été communiquées en temps utile.

Infirme le jugement rendu le 16 décembre 2019 par le tribunal de commerce de Grenoble en toutes ses dispositions critiquées.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable la demande de Monsieur [J] [H] en nullité de son engagement de caution.

Mais sur le fond, l'en déboute.

Dit que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ne peut se prévaloir de l'engagement de caution souscrit le 18 avril 2016 par Monsieur [J] [H] en raison de son caractère manifestement disproportionné.

Déboute le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL de ses demandes en paiement.

Condamne le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Condamne le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Monsieur [J] [H] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Sarah DJABLI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/00634
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;20.00634 ?
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