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12/05/2022 | FRANCE | N°20/01015

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 12 mai 2022, 20/01015


C 2



N° RG 20/01015



N° Portalis DBVM-V-B7E-KMDD



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES



la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC





AU NOM DU PEUPLE FR

ANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 12 MAI 2022







Appel d'une décision (N° RG 18/00295)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 04 février 2020

suivant déclaration d'appel du 28 février 2020





APPELANT :



Monsieur [G] [A]

né le 22 mars 1971 à BOURGOIN-JALLIEU (38300...

C 2

N° RG 20/01015

N° Portalis DBVM-V-B7E-KMDD

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 12 MAI 2022

Appel d'une décision (N° RG 18/00295)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 04 février 2020

suivant déclaration d'appel du 28 février 2020

APPELANT :

Monsieur [G] [A]

né le 22 mars 1971 à BOURGOIN-JALLIEU (38300)

de nationalité Française

202 rue de la Rivoire

38510 SAINT-VICTOR-DE-MORESTEL

représenté par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me François DUMOULIN de la SELARL FRANCOIS DUMOULIN, avocat plaidant au barreau de LYON substitué par Me Virginia COHEN, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

S.A.S. SOMEP INDUSTRIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

ZI Les Marais - 147 route n° 2

38510 MORESTEL

représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Bastien LAURENT-GRANDPRE, avocat plaidant au barreau de LYON substitué par Me Nathalie PALIX, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 mars 2022,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, chargée du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE

M. [G] [A], né le 22 mars 1971, est entré au service de la société SOMEP INDUSTRIE le'7'octobre'1992, afin de remplacer un salarié absent, suivant contrat à durée déterminée expirant le 8 décembre 1992, suivi d'un second contrat à durée déterminée du 9 décembre au 10 mars 1993, en qualité d'ouvrier.

M. [G] [A] a été embauché par contrat à durée indéterminée en date du 17 mars 1993 en qualité d'ouvrier niveau 1-02 coefficient 145 de la convention collective nationale de la métallurgie de l'Isère.

La relation contractuelle n'a révélé aucune difficulté particulière pendant 25 ans.

Le 26 août 2016, un avertissement devait être notifié à M. [G] [A] pour avoir bousculé un collègue.

Les 25 et 26 janvier 2018, survenait deux altercations impliquant M. [G] [A] et ses collègues, Messieurs [R] et [U].

M. [G] [A] était placé en arrêt de travail pour maladie d'abord pour la période du 1er au 9 février 2018, puis de manière continue à compter du 21 février 2018.

Après une pré-visite de reprise du 23 avril 2018, suivie de visites de reprise des 2 mai 2018 et 3 mai 2018, le médecin du travail a été déclaré M.'[G] [A] inapte définitivement à tout poste dans la société SOMEP INDUSTRIE.

Par courrier du 14 mai 2018, la société SOMEP INDUSTRIE a informé M.'[G]'[A] de l'impossibilité de procéder à son reclassement et l'a convoqué le 24 mai 2018 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.

Par courrier du 4 juin 2018, la société SOMEP INDUSTRIE a notifié à M.'[G]'[A] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 6 juin 2018, SOMEP INDUSTRIE a remis à M. [G] [A] les documents de fin de contrat.

Au dernier état de la collaboration, M. [G] [A] occupait le poste d'ouvrier test pression, qualification -P2, niveau II, coefficient 190 et percevait un salaire mensuel brut de'1'882,69 euros.

Contestant son licenciement, M. [G] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de'Bourgoin-Jallieu le 29 octobre 2018.

Suivant jugement en date du 4 février 2020, le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu a :

- DIT ET JUGE que l'avis d'inaptitude prononcé par le médecin du travail est régulier ;

- DIT ET JUGE que la société SOMEP INDUSTRIE a exécuté loyalement le contrat de travail qui la liait à M. [G] [A] ;

- DIT ET JUGE que le licenciement de M. [G] [A] prononcé le 4 juin 2018 repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- DÉBOUTE M. [G] [A] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;

- DÉBOUTE M. [G] [A] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- DÉBOUTE M. [G] [A] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive de son contrat de travail ;

- DÉBOUTE M. [G] [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- DÉBOUTE M. [G] [A] de sa demande d'exécution provisoire totale ;

- DÉBOUTE la société SOMEP INDUSTRIE de sa demande de condamnation de M.'[G]'[A] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- DIT que les dépens seront supportés à égalité par chacune des parties.

La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés le'11 février 2020 par M. [G] [A] et par la SAS SOMEP INDUSTRIE.

M. [G] [A] en a interjeté appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 28 février 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2020, M.'[G] [A] sollicite de la cour de':

Dire et juger que l'appel formé par M. [G] [A] est recevable, justifié et bien fondé ;

Infirmer le jugement du 4 février 2020 dans son intégralité, et,

Statuant à nouveau,

Faire sommation à la société SOMEP INDUSTRIE de produire dans le cadre des présents débats, l'ensemble des entretiens annuels du concluant, durant toute la durée de la relation contractuelle ;

Dire et juger que le licenciement prononcé le 4 juin 2018 par la société SOMEP INDUSTRIE est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Dire et juger que la société SOMEP INDUSTRIE a violé son obligation légale de sécurité et exécuté de manière déloyale le contrat de travail ;

Condamner par conséquent la société SOMEP INDUSTRIE à payer à M. [G] [A] les sommes suivantes :

- outre intérêts légaux à compter de la saisine de la juridiction prud'homale,

- 3.765,60 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 376,56 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- outre intérêts légaux à compter du jugement à intervenir,

- 34.880,31 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 10.000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison de l'exécution déloyale et fautive du contrat de travail,

Rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société SOMEP INDUSTRIE ;

Condamner, enfin, la société SOMEP INDUSTRIE à payer à M. [G] [A] la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , et à supporter les entiers dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'exécution.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 août 2020, la'société SOMEP INDUSTRIE SAS sollicite de la cour de':

- CONFIRMER le jugement entrepris,

En conséquence

- DIRE ET JUGER que le licenciement de M. [A] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- DIRE ET JUGER que l'avis d'inaptitude prononcé par le médecin du travail est régulier,

- DEBOUTER M. [A] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- DEBOUTER M. [A] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

- DIRE ET JUGE que la société SOMEP INDUSTRIE a exécuté loyalement le contrat de travail de M. [A] et que ce dernier n'a pas été harcelé,

- DEBOUTER M. [A] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- DEBOUTER M. [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER M. [A] à verser à la SAS SOMEP INDUSTRIE une somme de'2'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER M. [A] aux entiers dépens de l'instance.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 décembre 2021. L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 2 mars 2022 a été mise en délibéré au'12'mai'2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire la cour constate que M. [G] [A] demande, dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement entrepris et de juger que la société SOMEP INDUSTRIE a violé son obligation légale de sécurité et exécuté de manière déloyale le contrat de travail, sans présenter de chef de prétentions relatif à l'existence d'un harcèlement moral tel que développé dans la partie discussion de ses écritures, de sorte que la cour n'est pas saisie de prétentions au titre du harcèlement moral.

1 - Sur l'exécution du contrat de travail':

Selon l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail :

«'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3 ° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'».

En application de l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur doit mettre en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention tels que : éviter les risques, les combattre à leur source, une planification de la prévention en y intégrant dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel.

L'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et il lui est interdit de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés.

Il appartient à l'employeur, lorsque le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité à l'origine d'un accident, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité.

En dehors d'un accident du travail, l'employeur doit assurer l'effectivité de son obligation de sécurité.

Il ne méconnaît pas son obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (Ass'Plén, 25 novembre 2015, n°14-24.444).

Il doit notamment transcrire et mettre à jour un document unique des résultats de l'évaluation des risques, (physiques et psycho-sociaux), pour la santé et la sécurité des salariés qu'il est tenu de mener dans son entreprise, ainsi que les facteurs de pénibilité en vertu de l'article R 4121-1 et suivants du code du travail.

Au cas d'espèce, il est acquis que des altercations verbales ont opposé trois salariés dont M. [G] [A] les 25 et 26 janvier 2018 en cours d'exécution de leur travail.

M. [G] [A], placé en arrêt de travail pour maladie depuis le'1er février '2018, a adressé à son employeur ainsi qu'à la DIRECCTE et au service de santé au travail, un courrier daté du 5 février 2018 signalant des risques liés à une dégradation de ses conditions de travail. Il décrit «'une forte dégradation de l'ambiance de travail entre salariés et entre salariés et hiérarchie au sein de notre entreprise': cette dégradation porte préjudice à la rentabilité mais altère les relations entre les hommes et les Femmes avec une nette augmentation de menaces verbales et physiques ['] Cette ambiance incertaine induit un mal être au travail croissant et peut être la conséquence de maladies voir burn out sous-jacent'».

L'employeur n'argue ni ne justifie d'une réponse spécifique apportée à ce courrier.

Pourtant un nouvel incident était signalé le 13 février 2018 conformément au courriel de M. [J], directeur de production': «' Encore une altercation entre Mr [A] et Mr [U] hier, lundi 12/02/18': Mr [U] a voulu lui serrer la main et Mr [A] a refusé. Mr [A] a en ce moment une attitude étrange. J'ai tenté de discuter avec lui mais sans succès.'».

En revanche, donnant suite aux altercations verbales survenues les 25 et 26 janvier 2018, la société SOMEP INDUSTRIE a organisé, le'20'février 2018, une rencontre des salariés concernés, avec le directeur de production, la responsable des ressources humaines et le directeur général.

Or, d'une première part, le compte-rendu de cette réunion, rédigé par l'employeur, précise que la rencontre avait pour «'but de permettre à chacun d'exprimer son ressenti et d'apaiser les tensions nées de paroles prononcées sous le coup de la colère'». Il est certes mentionné que «'Messieurs [R] et [U] ont reconnu que les mots prononcés n'étaient pas appropriés et qu'ils se contrôleraient davantage à l'avenir'». Toutefois il est également fait état de la désapprobation exprimée par le directeur général adjoint à l'égard uniquement de M.'[A]': «'M.'[S] lui rappelle que la nature de son poste est d'être sollicité par les autres salariés et qu'il a eu de nombreuses conversations avec lui au sujet de sa communication parfois inappropriée. De plus à la moindre remarque de sa hiérarchie, M. [A] répond qu'il va aller voir l'inspecteur du travail'». Aussi cette réunion reste improprement qualifiée par l'employeur «'entretien de médiation'» dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'un procès-verbal signé par les salariés impliqués et les membres de la direction présents.

D'une seconde part, les termes de ce compte-rendu ont engendré une contestation de M.'[A] par courrier du 24 avril 2018, révélant l'absence d'accord intervenu à l'issue de la réunion du 20 février 2018 et la persistance des difficultés et des tensions. En effet, après avoir déploré de ne pas avoir reçu communication effective du compte-rendu avant le 3 avril 2018 en raison d'une erreur d'adressage, le salarié a précisé sa version du déroulement de l'altercation et reproché des imprécisions partiales du compte-rendu. L'échec de cette rencontre était d'ailleurs constaté par courrier de l'employeur du'30'mai 2018 «'La réunion de médiation s'est terminée par une main tendue de vos collègues de travail que vous avez refusée, maintenant votre position, au regret des participants'».

D'une troisième part, la réponse subséquente apportée par l'employeur par courrier du 30 mai 2018, se limite à contester la version du salarié, sans répondre à son analyse des contraintes et des risques liés à l'organisation de son poste de travail,'exprimée dans les termes suivants': «'Nul ne peut ignorer au sein de l'entreprise la surface restreinte qui m'est allouée afin de gérer des contenants de grandes dimensions à remplir de pièces volumineuses et lourdes de surcroît. Ce qui se traduit la plupart du temps par un envahissement inévitable des allées limitrophes aggravé en hiver par le fait que, travaillant porte fermée, je n'ai pas la possibilité de m'étendre à l'extérieur. En découle souvent le mécontentement de mes collègues qui, on le comprend, voient leurs trajets perturbés par les accès ainsi limités ['] En ce sens les instances responsables des conditions de travail au sein de l'entreprise devraient se pencher sur cette situation tout à fait récurrente d'autant que le stress ainsi créé, emmagasiné depuis maintenant de nombre d'années se fait de plus en plus pesant'».

D'une quatrième part, il ne ressort pas du procès-verbal de la réunion trimestrielle du CHSCT du 28 mars 2018 que la difficulté signalée par M. [A] aurait été évoquée.

Nonobstant l'absence d'enquête diligentée par l'inspection du travail et peu important que l'employeur considère que M. [A] portait une part de responsabilité dans la détérioration de ses relations avec ses collègues, l'attitude du salarié ne pouvait dispenser l'employeur de rechercher une solution aux difficultés signalées, ou à tout le moins de prendre des dispositions pour analyser ces difficultés, alors qu'il était alerté de l'échec de la rencontre du 20 février'2018, de la persistance du conflit et de ses répercussions sur l'état de santé du salarié.

En conséquence, l'employeur, ne justifie d'aucune disposition prise, autre que l'organisation de la rencontre du'20'février'2018 qui s'est révélé inefficiente. Il ne démontre pas avoir pris des mesures suffisantes pour régler le problème révélé par les altercations successives des salariés, ni sur le plan matériel, ni sur le plan relationnel.

Il en résulte que le salarié démontre que la société SOMEP INDUSTRIES a manqué au respect de son obligation de sécurité.

Par ailleurs, il résulte des éléments médicaux produits que ce manquement est lié à la dégradation de l'état de santé du salarié.

Ainsi, M. [G] [A] devait être placé en arrêt de travail pour maladie, d'abord du 1er au'9'février 2018, puis dès le lendemain de la réunion du 20 février 2018 et de manière continue jusqu'à son licenciement le 4 juin 2018.

Or, il ressort d'un certificat médical du 8 juin 2018, rédigé par le docteur [T], médecin traitant qui a prescrit ces arrêts de travail, que le 1er février 2018, le salarié avait exprimé «'être victime d'insultes, de menaces de la part de (ses) collègues'» et que le 21 février, il présentait «'un état de stress et d'angoisse'» évoquant une réunion avec ses collègues et la direction qui «'n'aurait visiblement pas permis au patient de faire connaître son préjudice'».

Cet état d'angoisse est corroboré par un courrier du docteur [L], médecin psychiatre, adressé au médecin du travail le 18 avril 2018 mentionnant un traitement anti-dépresseur et précisant': «'L'arrêt de travail et [ce] traitement amènent une relative amélioration de l'état de santé du patient mais qui n'envisage pas de se retrouver dans les mêmes conditions de travail qui génèrent pour lui une anxiété majeure'».

Par un second courrier du 18 avril 2018, le docteur [L] a indiqué au médecin traitant «'Il y a une indication de changement de poste de travail de manière à ce qu'il ne soit pas en contact des deux personnes par lesquelles il se sent menacé. Au vu du sentiment de perte de confiance que le patient a à l'égard de sa hiérarchie qui ne le soutient pas, on peut envisager une inaptitude à tout poste de travail dans la société mais qui exposerait le patient à la perte de son travail. Je conseille de renforcer le traitement antidépresseur'».

Aussi la déclaration d'inaptitude du salarié du 3 mai 2018 précise que «'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'» pour dispenser l'employeur de l'obligation de reclassement.

Enfin, suivant l'attestation du 5 mai 2020 le docteur [T] indique que le traitement du salarié s'est poursuivi jusqu'en octobre 2018, suite à son licenciement, avec une augmentation de la posologie du traitement anti-dépresseur.

Il est donc démontré que l'état d'angoisse du salarié, généré par ses conditions de travail et les altercations avec ses collègues, est à l'origine au moins partiellement, de son inaptitude. La dégradation de l'état de santé du salarié et les soins suivis caractérisent le préjudice subi par le salarié du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, que la cour évalue à un montant de'4'000'euros pour avoir duré plusieurs mois.

Par infirmation du jugement déféré, la société SOMEP INDUSTRIES est donc condamnée au paiement de la somme de 4'000 euros nets de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

2 ' Sur le licenciement

Le licenciement pour inaptitude d'un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Il a été jugé que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité faute d'avoir pris les mesures suffisantes pour répondre aux difficultés révélées par les altercations verbales entre salariés.

M. [G] [A] rapporte la preuve suffisante que son inaptitude, décidée par le médecin du travail, à l'issue de la seconde visite du 3 mai 2018, motivant son licenciement notifié par la société SOMEP INDUSTRIE le 4 juin 2018, est lié à un état d'angoisse généré au moins partiellement par ses conditions de travail.

Dès lors, la cour retient que l'inaptitude constatée par le médecin du travail a été provoquée par le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ce qui a pour conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement déféré.

Le licenciement étant dénué de cause réelle et sérieuse, la cour infirme le jugement entrerpris et condamne la société SOMEP INDUSTRIE à verser à M. [G] [A] la somme de 3 765,60 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis équivalent à deux mois de salaire, outre la somme de'376,56 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, l'employeur ne contestant pas le quantum desdites sommes.

Ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2018, date de convocation de la société SOMEP INDUSTRIE devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes.

L'article L 1235-3 du code du travail dans ses versions postérieures au 24 septembre 2017 instaure un barème d'indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse en fonction de l'ancienneté du salarié et de son salaire brut.

D'après ce barème, dont l'application n'est pas contestée, M. [G] [A] qui justifie d'une ancienneté de vingt-cinq années complètes dans l'entreprise, peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois et dix-huit mois de salaire bruts.

Au jour de la rupture, M. [G] [A], âgé de 50 ans, percevait un salaire mensuel moyen de 1882,80 euros bruts. Il justifie d'une perte de revenus avec l'obtention d'un emploi, depuis le 9 novembre 2018, en qualité d'agent de propreté.

Compte tenu de ces éléments, par infirmation du jugement déféré, il est alloué à M.'[G]'[A] une indemnité de'30 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

3 ' Sur les demandes accessoires

La société SOMEP INDUSTRIE, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, outre les dépens d'appel. Elle doit donc être déboutée de sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [G] [A] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer la condamnation de la société SOMEP INDUSTRIE à lui verser une indemnité de'2'500'euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a'débouté la société SOMEP INDUSTRIE SAS de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société SOMEP INDUSTRIE SAS à payer à M. [G] [A] la somme de 4'000 euros nets de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité';

DIT que le licenciement notifié par la société SOMEP INDUSTRIE SAS le 4 juin 2018 à M.'[G] [A] est dépourvu de cause réelle et sérieuse';

CONDAMNE la société SOMEP INDUSTRIE SAS à payer à M. [G] [A]':

- la somme de 3 765,60 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de'376,56 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2018,

- la somme de 30 000 euros nets pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE M. [G] [A] du surplus de ses prétentions financières';

DEBOUTE la société SOMEP INDUSTRIE SAS de sa demande d'indemnisation complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société SOMEP INDUSTRIE SAS à payer à M. [G] [A]'la somme de 2'500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société SOMEP INDUSTRIE SAS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 20/01015
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;20.01015 ?
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