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12/05/2022 | FRANCE | N°20/01203

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 12 mai 2022, 20/01203


C7



N° RG 20/01203



N° Portalis DBVM-V-B7E-KMV4



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET



la SELAS AGIS



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 12 MAI 2022





Appel d'une décision (N° RG F18/00126)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 18 février 2020

suivant déclaration d'appel du 11 mars 2020





APPELANTES :



SAS DAVID-[N] & ASSOCIES, prise en la personne ...

C7

N° RG 20/01203

N° Portalis DBVM-V-B7E-KMV4

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

la SELAS AGIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 12 MAI 2022

Appel d'une décision (N° RG F18/00126)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 18 février 2020

suivant déclaration d'appel du 11 mars 2020

APPELANTES :

SAS DAVID-[N] & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [V] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA ETABLISSEMENT [D] [J] et de la Société GILIBERT INDUSTRIES

39 rue du Capitaine Maignan - CS 34433

35044 RENNES CEDEX

SELARL EP & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [T] [G], ès qualités de Liquidateur Judiciaire de la SA ETABLISSEMENT [D] [J] et de la Société GILIBERT INDUSTRIES

9 rue Neptune

29200 BREST

représentées par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMES :

Monsieur [H] [P]

de nationalité Française

426 chemin de la Combe

38270 BEAUFORT

représenté par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

Association AGS - CGEA D'ANNECY, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Acropole - 88 avenue d'Aix les Bains - BP 37

74602 SEYNOD CEDEX

représentée par Me Alexine GRIFFAULT de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 mars 2022,

Madame FRESSARD, Présidente, chargée du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES':

Monsieur [H] [P] a été embauché par la société GILIBERT REMORQUES, à compter du 17 mars 1981 selon contrat de travail à durée indéterminée soumis à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le 12 octobre 2004, la société GILIBERT REMORQUES est cédée à la société FADOUL GILIBERT INDUSTRIES, dénommé FG INDUSTRIES, en application d'une décision du tribunal de commerce de Vienne.

Le contrat de travail de Monsieur [H] [P] a donc fait l'objet d'un transfert auprès de la société FG INDUSTRIES.

Au dernier état des relations contractuelles, il exerçait les fonctions de responsable logistique et percevait un salaire mensuel brut de 3'269,13'€.

Par jugement en date du 30 juin 2015, le tribunal de commerce de Vienne a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS FG INDUSTRIES, désignant la SELARL BAULAND CARBONI MARTINEZ & ASSOCIÉS en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [I] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement en date du 29 septembre 2015, le tribunal de commerce de Vienne a arrêté le plan de cession de la société FG INDUSTRIES au profit de la société SA ÉTABLISSEMENTS [D] [J] pour le compter d'une SAS à constituer dont elle détient intégralement le capital, avec notamment la reprise de 42 postes de travail sur les 59 présents à l'effectif, et en maintenant la SELARL BAULAND CARBONI MARTINEZ & ASSOCIÉS en qualité d'administrateur judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 octobre 2015, la SELARL BAULAND CARBONI MARTINEZ & ASSOCIÉS, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société FG INDUSTRIES, a notifié à Monsieur [H] [P] son licenciement pour motifs économiques, en l'informant d'une priorité de réembauche.

Monsieur [H] [P] ayant adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail a été rompu le 30 octobre 2015.

Le 20 octobre 2015, la société GILIBERT INDUSTRIES a été constituée, le président étant [Z] [J].

Le 20 janvier 2016, la société FG INDUSTRIES et la société GILIBERT INDUSTRIES, en présence de la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J], ont signé la cession d'un fonds de commerce dans le cadre d'un plan de cession.

Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 26 mai 2016, Monsieur [H] [P] a notifié à la société GILIBERT INDUSTRIES sa volonté de réintégrer la société aux fins d'exercer son droit de priorité de réembauche.

Le 2 janvier 2017, Monsieur [H] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu d'une demande de dommages et intérêts pour violation du droit de priorité de réembauche à l'encontre de la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J] et de la société GILIBERT INDUSTRIES en sa qualité de cessionnaire du fonds de commerce.

Le 3 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu a prononcé la radiation de l'affaire pour défaut de diligences.

Le 26 avril 2018, Monsieur [H] [P] a demandé la réinscription au rôle du dossier.

En parallèle, par jugement en date du 26 juin 2018, statuant sur une précédente requête de Monsieur [H] [P] en date du 31 octobre 2016 contestant son licenciement pour motifs économiques, le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu a débouté Monsieur [H] [P] au motif que ses demandes étaient irrecevables en raison de la prescription.

Par jugement en date du 7 novembre 2018, le tribunal de commerce de Rennes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS ÉTABLISSEMENTS [D] [J], désignant la SAS DAVID-[N] & ASSOCIÉS et la SELARL EP & ASSOCIÉS en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 22 novembre 2018, le tribunal de commerce de Vienne a prononcé la liquidation judiciaire de la société GILIBERT INDUSTRIES.

Par jugement en date du 23 janvier 2019, le tribunal de commerce de Rennes a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS ÉTABLISSEMENTS [D] [J] et nommé, en qualité de liquidateurs, la SAS DAVID-[N] & ASSOCIÉS et la SELARL EP & ASSOCIÉS.

Par jugement en date du 18 février 2020, dont appel, le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu ' section encadrement ' a'statué en ces termes :

S'EST DÉCLARÉ compétent pour connaître du litige qui lui est soumis dans la présente action';

DIT ET JUGÉ l'action de Monsieur [P] contre les organes collectifs des sociétés liquidées FG INDUSTRIES et ÉTABLISSEMENTS [D] [J] non touchée par la prescription';

REJETÉ les demandes soulevées in limine litis';

DIT ET JUGÉ fondée la demande en violation du droit de priorité de ré-embauchage de Monsieur [P]';

CONDAMNÉ solidairement les défenderesses au fond au paiement d'une somme de 25'000'€ en réparation du préjudice subi par Monsieur [P]';

CONDAMNÉ solidairement les sociétés FG INDUSTRIES et ÉTABLISSEMENTS [D] [J] au paiement d'une somme de 1'500'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile';

ORDONNÉ l'inscription au passif de la liquidation des défenderesses des sommes pour lesquelles les défenderesses sont condamnées';

DÉCLARÉ opposable aux AGS-CGEA d'ANNECY la présente décision, dans la limite des garanties légales';

MIS les dépens à la charge des défendeurs.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception les 19 et 20 février 2020.

La SAS DAVID-[N] & ASSOCIÉS, la SELARL EP & ASSOCIÉS, la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J], la société GILIBERT INDUSTRIES en ont relevé appel par déclaration de leur conseil transmise au greffe de la présente juridiction par voie électronique le 11 mars 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2020, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS DAVID-[N] & ASSOCIÉS, la SELARL EP & ASSOCIÉS, la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J], la société GILIBERT INDUSTRIES demandent à la cour d'appel de':

Infirmant,

À titre principal,

CONSTATANT qu'il n'existe aucun contrat de travail ayant lié Monsieur [P] et la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J]';

CONSTATANT que la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J] n'est pas cessionnaire de la société FADOUL GILIBERT INDUSTRIES';

CONSTATANT que Monsieur [P] n'a saisi le juge de demandes à l'encontre de la société GILIBERT INDUSTRIES que le 09 avril 2019, par voie de conclusions';

SE DÉCLARER INCOMPÉTENT au profit du tribunal judiciaire de Brest pour statuer sur les demandes formulées par Monsieur [P] à l'encontre de la société ÉTABLISSEMENT [D] [J], de la société SAS DAVID-[N] & ASSOCIÉS, et de la SELARL EP & ASSOCIÉS ès-qualité de liquidateurs judiciaires de cette dernière'; à défaut, mettre hors de cause la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J]';

DÉCLARER irrecevables car prescrites les demandes formulées à l'encontre de la société GILIBERT INDUSTRIES, de la SAS DAVID-[N] et de la SELARL EP & ASSOCIÉS ès-qualité de liquidateurs judiciaires de cette dernière';

À titre subsidiaire,

CONSTATANT qu'il n'existait aucun poste disponible et compatible avec la qualification de Monsieur [P] entre le 26 mai 2016 et le 30 octobre 2016, période de priorité de réembauchage';

DIRE ET JUGER que les sociétés ÉTABLISSEMENTS [D] [J] et GILIBERT INDUSTRIES n'ont pas violé la priorité de réembauchage de Monsieur [P]';

En tout état de cause,

DÉBOUTER Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';

CONDAMNER Monsieur [P] à payer à la SAS DAVID-[N] et à la SELARL EP & ASSOCIÉS, ès-qualité de liquidateurs judiciaire des sociétés ÉTABLISSEMENTS [D] [J] et GILIBERT INDUSTRIES, la somme de 3'000'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER Monsieur [P] aux entiers dépens.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 26 octobre 2021, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [H] [P] demande à la cour d'appel de':

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a':

- S'EST DÉCLARÉ compétent pour connaître du litige qui lui est soumis dans la présente action';

- DIT ET JUGÉ l'action de Monsieur [P] contre les organes collectifs des sociétés liquidées FG INDUSTRIES et ÉTABLISSEMENTS [D] [J] non touchée par la prescription';

- REJETÉ les demandes soulevées in limine litis';

- DIT ET JUGÉ fondée la demande en violation du droit de priorité de ré-embauchage de Monsieur [P]';

- CONDAMNÉ solidairement les sociétés FG INDUSTRIES et ÉTABLISSEMENTS [D] [J] au paiement d'une somme de 1'500'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile';

- ORDONNÉ l'inscription au passif de la liquidation des défenderesses des sommes pour lesquelles les défenderesses sont condamnées';

- DÉCLARÉ opposable aux AGS-CGEA d'ANNECY la présente décision, dans la limite des garanties légales';

- MIS les dépens à la charge des défendeurs.

INFIRMER le jugement entrepris pour le surplus';

Statuant à nouveau,

FIXER la créance de Monsieur [H] [P] à l'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS [D] [J] et GILIBERT INDUSTRIES à la somme de 30'000'€ à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de la priorité de réembauchage';

Y ajoutant,

FIXER la créance de Monsieur [H] [P] à l'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS [D] [J] et GILIBERT INDUSTRIES à la somme de 3'000'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

ORDONNER l'inscription des créances au passif de la société ETABLISSEMENTS [D] [J] au profit de Monsieur [H] [P]';

ORDONNER l'inscription des créances au passif de la société GILIBERT INDUSTRIES au profit de Monsieur [H] [P]';

DÉCLARER la décision à venir opposable l'AGS représentée par le CGEA d'ANNECY';

DIRE ET JUGER que les dépens seront à la charge des appelants.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 26 janvier 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA d'ANNECY demande à la cour d'appel de':

INFIRMER le jugement déféré';

Sur les demandes présentées à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS [D] [J]':

Au principal, voir la cour se déclarer incompétente au profit du tribunal judiciaire de Brest';

Subsidiairement, mettre purement et simplement hors de cause la société ETABLISSEMENTS [D] [J]';

Sur les demandes formulées à l'encontre de la société GILIBERT INDUSTRIES':

JUGER prescrites les demandes de Monsieur [P]';

Subsidiairement, DÉBOUTER Monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de sa priorité de réembauche';

À titre infiniment subsidiaire, juger qu'aucune nouvelle avance ne pourra être faire par CGEA d'ANNECY, la garantie de l'AGS étant plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.'3253-5 du code du travail';

DIRE que les intérêts légaux seront arrêtés au jour du jugement d'ouverture';

DIRE que le CGEA d'ANNECY sera mis hors de cause, s'agissant de l'article 700 du code de procédure civile, cette créance n'étant pas salariale';

CONDAMNER Monsieur [P] aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2022 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 2 mars 2022'; la décision a été mise en délibéré au 12 mai 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT':

Sur la demande au titre de l'incompétence de la cour à l'encontre de la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J]':

Au visa de l'article L.'1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

Au cas d'espèce, il n'est pas contesté qu'aucun contrat de travail n'a existé entre Monsieur [P] et la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J].

Par ailleurs, il ressort du jugement du Tribunal de commerce de Vienne en date du 29 septembre 2015 que, dans le cadre du plan de cession de la société FG INDUSTRIES au profit de la société SA ÉTABLISSEMENTS [D] [J], la prise de possession a été effective au 1er octobre 2015 et ' le repreneur pourra se substituer une SAS à constituer qui sera dénommée [J] GILIBERT INDUSTRIES et dont il détiendra intégralement le capital '.

La cour constate que la société GILIBERT INDUSTRIES a été constituée le 1er octobre 2015 avec pour objet la reprise de l'activité de la société FG INDUSTRIES.

Ainsi, l'acte de cession du fonds de commerce de la société FG INDUSTRIES avec la société GILIBERT INDUSTRIES a été régularisé le 20 janvier 2016, soit cinq mois avant que le salarié sollicite le bénéfice de la priorité de réembauche.

Finalement, il résulte de la combinaison des articles L.'141-12 et L.'642-5 du code de commerce que la cession de fonds de commerce, si elle intervient en application d'un jugement du tribunal de commerce, n'est pas soumise à l'exigence de publicité prévue audit article L.'141-12, de sorte que Monsieur [H] [P] ne peut pas se prévaloir de sa méconnaissance de l'acte de cession en date du 20 janvier 2016 à l'égard de la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J].

Il résulte des énonciations précédentes que seule la société GILIBERT INDUSTRIES est débitrice de la priorité de réembauche de Monsieur [H] [P], de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent.

En revanche, par infirmation du jugement entrepris, il convient de mettre hors de cause la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J].

Sur la demande au titre de la prescription des demandes à l'encontre de la société GILIBERT INDUSTRIES':

L'article L.'1471-1 du code du travail dispose que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Au cas d'espèce, il est précisé dans la lettre de licenciement que le licenciement du salarié «'fait suite ['] au jugement rendu par le Tribunal de commerce de Vienne en date du 29 septembre 2015 ayant arrêté le plan de redressement par cession au profit de la SA ETABLISSEMENT [D] [J] avec la faculté de se substituer à une société en cours de constitution et validé le motif économique de votre licenciement du fait de la suppression de votre poste.'».

De plus, contrairement à ce qu'affirme l'employeur, le salarié a adressé sa demande de réembauche en date du 26 mai 2016 à la société «'GILIBERT REMORQUES'» et ne mentionne à aucun moment la société GILIBERT INDUSTRIES, qui a repris l'activité de la société FG INDUSTRIES.

Par ailleurs, le salarié a adressé à la «'Société [J]'» un courrier en date du 12 août 2016 quant à une candidature après le départ du directeur général de la société GILIBERT, puis de son successeur, auquel a répondu Monsieur [D] [J] en indiquant': «'Après bientôt un an de présence chez GILIBERT, nous poursuivons la restructuration de l'équipe. Cette meilleure connaissance nous permet également de mieux définir les besoins de l'entreprise. Certains postes tel que celui du directeur général ne va pas être maintenu mais géré depuis Guipavas Nous allons par contre renforcer la structure de production qui est primordiale chez GILIBERT. Vous avez sollicité ce poste de directeur que malheureusement nous ne pourrons vous proposer.'».

Ainsi, il ressort de ces éléments qu'une confusion certaine existe entre les différentes sociétés GILIBERT et la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J] suite à la cession ordonnée par le tribunal de commerce de Vienne.

Finalement, aucun élément n'est versé aux débats par les parties permettant de démontrer que le salarié avait eu connaissance de la cession de la société FG INDUSTRIES au profit de la société GILIBERT INDUSTRIES avant le 10 novembre 2017, date de notification des conclusions et pièces de la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J].

En conséquence, il convient de considérer que Monsieur [H] [P] n'a eu connaissance de l'acte de cession et que la société GILIBERT INDUSTRIES était débitrice de la priorité de réembauche qu'à compter du 10 novembre 2017, de sorte que le délai de prescription prenait fin le 10 novembre 2019.

Le salarié ayant mis la société GILIBERT INDUSTRIES dans la cause par conclusions en date du 9 avril 2019, ses demandes à l'encontre de cette dernière ne sont pas prescrites.

Il convient donc de débouter la société GILIBERT INDUSTRIES, la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J] et l'AGS de leur demande au titre de la prescription.

Sur la demande au titre de la violation de la priorité de réembauche':

L'article L.'1233-45 du code du travail dispose que le salarié, licencié pour motif économique, bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

Il résulte de cet article qu'en cas de litige, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes.

Et, il est constant que le droit des salariés licenciés pour motif économique et qui ont demandé à bénéficier de la priorité de réembauche, prévue par l'article L.'1233-45 du code du travail, s'exerce à l'égard de l'entreprise et subsiste en cas de reprise de l'entité économique par un autre employeur, peu important que cette demande ait été faite auprès de l'auteur du licenciement et que la cession soit intervenue après le licenciement.

L'article L.'1235-13 du même code prévoit qu'en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L'1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Au cas d'espèce, par courrier en date du 26 mai 2016, Monsieur [H] [P] a informé son ancien employeur de sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche et il a adressé une candidature spontanée au poste de directeur général à Monsieur [D] [J], par courrier en date du 12 août 2016.

Il ressort des échanges de mail, versés aux débats par le salarié, que les réponses apportées par Monsieur [D] [J] concernent uniquement la candidature spontanée en date du 12 août 2016 et qu'aucune réponse n'a été délivrée au salarié concernant sa demande de bénéficier de la priorité de réembauche, qu'il a réitérée par mail le 10 octobre 2016.

De plus, l'employeur ne produit aucune pièce utile permettant de déterminer, d'une part, les postes disponibles à compter du 26 mai 2016 au sein de la société et, d'autre part, que les représentants du personnel ont été informés des postes disponibles.

Les sociétés GILIBERT INDUSTRIES et ÉTABLISSEMENTS [D] [J] se contentent uniquement de contester les allégations du salarié quant au fait que certains postes étaient disponibles au sein de l'entreprise en critiquant les pièces versées par celui-ci, les éléments pertinents du registre du personnel n'étant pas versés.

Dès lors, l'employeur échoue à rapporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation quant à la priorité de réembauche en justifiant de l'absence de postes disponibles et compatibles avec la qualification de Monsieur [H] [P].

En conséquence, il convient d'ordonner à la SAS DAVID-[N] & ASSOCIÉS et la SELARL EP & ASSOCIÉS, ès qualités de co-liquidateurs judiciaires de la société GILIBERT INDUSTRIES, de fixer au passif de la procédure collective contre la société GILIBERT INDUSTRIES, au bénéfice de Monsieur [H] [P], la somme de 25'000'€ au titre des dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche, le salarié ne justifiant pas suffisamment du quantum sollicité.

Le jugement entrepris est infirmé partiellement en ce qu'il a condamné solidairement les deux sociétés.

Sur la garantie de l'AGS CGEA d'ANNECY':

Il convient de déclarer le présent arrêt commun et opposable à l'UNEDIC Délégation de l'AGS CGEA D'ANNECY et de dire qu'elle doit sa garantie selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt étant rappelé qu'en application de l'article L.'3253-17 du code du travail tel que modifié par la loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016, le plafond de garantie de l'AGS s'entend en montants bruts et retenue à la source, de l'article 204'A du code général des impôts, incluse.

Sur les demandes accessoires':

La société GILIBERT INDUSTRIES, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.

L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS'

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- s'est déclaré compétent pour connaître du litige,

- dit et jugé l'action de Monsieur [P] non touchée par la prescription';

L'INFIRME pour le surplus';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

MET hors de cause la société ÉTABLISSEMENTS [D] [J]';

FIXE au passif de la procédure collective suivie contre la société GILIBERT INDUSTRIES au bénéfice de Monsieur [H] [P] la somme de 25'000'€ au titre des dommages et intérêts pour manquement à la priorité de réembauche';

DIT que l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA d'ANNECY doit sa garantie dans les conditions des articles L.'3253-6 et suivants et D.'3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes et retenue à la source de l'impôt sur le revenu, de l'article 204 du code général des impôts, incluse';

DIT que les intérêts au taux légal sur les sommes dues sont arrêtés au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective contre la société GILIBERT INDUSTRIES';

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront réglés en frais privilégiés de procédure collective suivie contre la société GILIBERT INDUSTRIES.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 20/01203
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;20.01203 ?
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