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N° RG 16/01633 - N° Portalis DBVM-V-B7A-IOBL
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP ALPAVOCAT
la CPAM DES HAUTES ALPES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU MARDI 31 MAI 2022
Ch.secu-fiva-cdas
Appel d'une décision (N° RG 21500035)
rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTES ALPES
en date du 26 février 2016
suivant déclaration d'appel du 25 Mars 2016
APPELANT :
M. [N] [U]
Les Parots
05130 SIGOYER
représenté par Me Elisabeth LECLERC MAYET de la SCP ALPAVOCAT, avocat au barreau de HAUTES-ALPES substituée par Me Anaïs CLEMENT-GABELLA, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
INTIMEES :
Société NERA PROPRETE PROVENCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
ZAC Micropolis
Route de Marseille
05000 GAP
représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Floris RAHIN, avocat au barreau de GRENOBLE
CPAM DES HAUTES ALPES
10 boulevard Georges Pompidou
BP 99
05012 GAP CEDEX
représenté par Mme [J] [R] régulièrement munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Avril 2022
Mme Magali DURAND-MULIN, chargée du rapport et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller, ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Chrystel ROHRER, Greffier, et en présence de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 31 Mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 31 Mai 2022.
Le 13 juin 2012, M. [N] [U], salarié de la SA Nera Propreté Provence (société Nera) en qualité d'agent de maîtrise, s'est blessé à l'épaule gauche alors qu'il procédait au chargement du matériel utilisé pour accomplir sa mission d'entretien d'espaces verts.
Le salarié a subi une intervention chirurgicale d'acromioplastie et s'est trouvé en arrêt de travail jusqu'au 19 août 2013.
A l'occasion de la visite de reprise, le médecin du travail a émis des préconisations d'aménagement de son poste pendant au moins six mois afin d'éviter les travaux de force et le port de charges lourdes.
Le 18 novembre 2013, M. [U] a été victime d'un nouveau traumatisme de son épaule gauche dans le cadre de son activité professionnelle à l'occasion d'une intervention sur un chauffe-eau.
M. [U] a sollicité de la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) la mise en 'uvre d'une procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Nera à l'origine de chacun de ces deux accidents et le 25 juin 2014, la CPAM a dressé un procès verbal de non-conciliation.
Le 10 février 2015, M. [U] a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Gap et par jugement du 26 février 2016, cette juridiction a :
-débouté M. [U] des fins de son recours,
-dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 25 mars 2016, M. [U] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 9 janvier 2018, la cour a :
-infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes Alpes ;
- dit que la SA Nera Propreté Provence a commis des fautes inexcusables dont il est résulté deux accidents du travail dont a été victime M. [N] [U] les 13 juin 2012 et 18 novembre 2013 ;
- condamné la SA Nera Propreté Provence à rembourser à la Caisse primaire d'assurance-maladie des Hautes Alpes les sommes dont elle aura fait l'avance y compris les frais d'expertise ;
Avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice :
- ordonné une mesure d'expertise médicale ;
- désigné pour y procéder le Dr [E] [C] - Clinique Toutes Autres, Avenue des Savels - 04100 MANOSQUE - avec pour mission de :
-examiner M. [N] [U] ;
-se faire prendre connaissance de tous les éléments utiles notamment son dossier médical ;
-fournir tous renseignements sur l'identité de la victime et sur sa situation, ses conditions d'activité professionnelle, son statut ou sa formation si elle est en demande d'emploi ;
-évaluer les préjudices énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale en relation directe et certaine avec les accidents et notamment: les souffrances physiques et morales, les préjudices esthétiques et d'agrément, le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de promotion professionnelle, le déficit fonctionnel temporaire ;
-rappelé que l'expert devra accomplir sa mission dans le respect des dispositions du code de procédure civile et notamment des articles 155 à 174, 232 à 248, 263 et suivants ;
- dit qu'avant le dépôt de son rapport définitif, l'expert devra adresser aux parties ses premières conclusions, recueillir leurs observations dans le délai qu'il fixera et y répondre ;
- dit que l'expert devra déposer son rapport au service des expertises de la cour et en adresser un exemplaire aux parties dans le délai de quatre mois à compter de la présente décision ;
- dit que l'affaire sera rappelée à l'initiative de la partie la plus diligente à la suite du dépôt du rapport d'expertise.
Le 26 février 2018 l'expert a déposé son rapport.
Par courrier du 24 septembre 2019, M. [U] a saisi la cour pour voir inviter l'expert à reprendre ses opérations d'expertise afin d'évaluer le déficit temporaire conformément à sa mission.
Par arrêt du 21 janvier 2020, la cour a :
- invité le Dr [E] [C] à compléter son rapport déposé le 26 février 2018 en répondant au chef de mission relatif à l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire de M. [U].
- dit que l'expert devra déposer son rapport complété au service des expertises de la cour et en adresser un exemplaire aux parties dans le délai de deux mois à compter de la présente décision.
- dit que l'affaire sera rappelée à l'initiative de la partie la plus diligente à la suite du dépôt du rapport d'expertise.
- réservé les dépens.
Le 9 mars 2020, l'expert a déposé son rapport.
M. [U] s'en est remis oralement à l'audience à ses conclusions transmises le 21 mars 2022 pour voir :
- liquider ses préjudices ainsi qu'il suit :
- souffrances physiques et morales : 8 000 €,
- préjudice esthétique : 2 000 €,
- préjudice d'agrément : 2 000 €,
- déficit fonctionnel temporaire : 2 309,50 €,
- dire que ces sommes lui seront avancées par la caisse primaire d'assurance maladie,
- condamner la société Nera Propreté Provence à lui régler la somme de 6 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Nera Propreté Provence aux dépens.
La SA Nera Propreté Provence s'en est remis oralement à l'audience à ses conclusions transmises le 28 mars 2022 pour voir :
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses prétentions faute de justificatifs,
A titre subsidiaire,
- condamner la caisse primaire d'assurance maladie à lui verser les indemnisations maximales suivantes recouvrées auprès de la société :
- souffrances physiques et morales : 4 000 € au maximum,
- préjudice esthétique : une somme purement symbolique et à titre subsidiaire un montant maximal de 2 000 €,
- préjudice d'agrément : une somme purement symbolique et à titre subsidiaire un montant maximal de 2 000 €,
- déficit fonctionnel temporaire : 2 309,50 € au maximum,
En tout état de cause,
- condamner M. [U] à lui régler la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes s'en est remis oralement à l'audience à ses conclusions transmises le 31 janvier 2022 pour voir :
- fixer le montant des préjudices extra patrimoniaux dans les limites légales,
- condamner la SA Nera Propreté Provence à lui rembourser les sommes dont elle a à faire l'avance soit les frais d'expertise d'un montant de 600 € et le montant des préjudices alloués par la cour de céans,
- rejeter toute demande visant à mettre à sa charge des frais autres que les sommes dont elle aura à faire l'avance en application de la législation de sécurité sociale.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION
Il convient d'apprécier l'indemnisation des préjudices subis par la victime au regard du rapport de l'expert lequel repose sur un examen attentif de la victime et dont les conclusions ne font pas l'objet de contestations.
Sur le déficit fonctionnel temporaire
Est indemnisé à ce titre l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, constitué principalement de la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant la période antérieure à la consolidation et la privation de qualité de vie.
L'expert a retenu un déficit temporaire total du 27 au 30 août 2012 puis un déficit temporaire partiel du :
- 13 juin au 26 août 2012 en classe 2,
- du 30 août au 5 octobre 2012 en classe 3,
- du 6 octobre au 31 décembre 2012 en classe 2,
- du 1er janvier au 27 août 2013 en classe 1,
- du 9 novembre 2013 au 15 janvier 2014 en classe 1.
Sur la base de 25 € par jour et de la classe 1 correspondant à 10 %, la classe 2 à 25 % et la classe 3 à 50 %, il sera alloué la somme réclamée de 2 309,50 €.
Sur les souffrances physiques et morales
Conformément aux dispositions de l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale, la victime d'une faute inexcusable a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.
L'expert a évalué ce préjudice à 3 sur 7. Il convient d'allouer à la victime la somme de 8.000 € à titre d'indemnisation.
Sur le préjudice esthétique
L'expert a retenu l'existence d'un préjudice esthétique évalué à 1 sur 7 et représenté par une cicatrice de 4 cm à la face antérieure de l'épaule.
Il convient d'allouer à la victime la somme de 2 000 € à titre d'indemnisation.
Sur le préjudice d'agrément
Le préjudice d'agrément prévu par l'article L. 452-3 du Code la Sécurité Sociale vise exclusivement l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir, dont il lui appartient de rapporter la preuve.
M. [U] justifie par des attestations d'une pratique régulière de la natation et du motocross et l'expert a relevé la perte de la pratique de la natation.
Il convient d'allouer à la victime la somme de 2 000 € à titre d'indemnisation.
La SA Nera Propreté Provence sera condamnée à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie les sommes dont elle aura à faire l'avance y compris les frais d'expertise.
Sur les mesures accessoires
Il est équitable d'allouer à M. [U] la somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société qui succombe sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Fixe l'indemnisation complémentaire des préjudices subis par M. [N] [U] aux sommes suivantes :
- souffrances physiques et morales : 8 000 €,
- préjudice esthétique : 2 000 €,
- préjudice d'agrément : 2 000 €,
- déficit fonctionnel temporaire : 2 309,50 €.
Dit que ces sommes seront avancées à M. [N] [U] par la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes,
Condamne la société Nera Propreté Provence à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes les sommes dont elle aura fait l'avance y compris les frais d'expertise,
Condamne la société Nera Propreté Provence à régler à M. [N] [U] la somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Nera Propreté Provence aux dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Chrystel ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Conseiller