° RG 19/03302 - N° Portalis DBVM-V-B7D-KDTD
C2
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA
LAURENCE TRIQUET-DUMOULIN - AVOCATS ASSOCIES
la SELARL COOK - QUENARD
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 31 MAI 2022
Appel d'une décision (N° RG 14/03329)
rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE
en date du 26 mars 2018
suivant déclaration d'appel du 29 Juillet 2019
APPELANT :
M. [M] [X]
né le 06 Avril 1946 à LA TRONCHE
de nationalité Française
1048 C Chemin du Bemont
38760 SAINT PAUL DE VARCES
représenté par Me Michel BENICHOU de la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOULIN - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
LE FONDS COMMUN DE TITRISATION FCT HUGO CREANCES IV, ayant pour société de gestion la société EQUITIS GESTION SAS, société par action simplifiée dont le siège social est situé 6, Place de la République Dominicaine ' 75 017 PARIS, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B 431 252 121, représenté par son recouvreur la société MCS ET ASSOCIES, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 334 537 206, dont le siège social est 256 bis rue des Pyrénées ' 75020 PARIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège, venant aux droits de La BANQUE POPULAIRE DES ALPES (aujourd'hui dénommée BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES), Société Coopérative à capital variable, régie par l'article L 512-2 du Code Monétaire et Financier, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de GRENOBLE sous le N° B 605 520 071, dont le siège social est 2, Avenue du Grésivaudan ' 38700 CORENC, en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 23/11/2015 enregistré au SIE de PARIS 1 ER POLE ENREGISTREMENT le 04/12/2015 bordereau 2015/19 1415 Case n°3.
représenté par Me Nathalie COOK de la SELARL COOK - QUENARD, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène COMBES, Président de chambre,
Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,
M. Laurent GRAVA, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 mai 2022 Madame BLATRY Conseillère chargée du rapport en présence de Madame COMBES, Président de chambre, assistées de M. Frédéric STICKER, Greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le 4 juillet 2003, la société BES France a ouvert un compte auprès de la société Banque Populaire des Alpes ( BANQUE POPULAIRE DES ALPES).
Le 22 janvier 2004, cette société a souscrit auprès de cette banque un contrat dit «'Turbo on line'» permettant le traitement des lettres de change relevé (LCR), prélèvements et virements par Internet.
Suivant acte sous-seing privé du 17 juin 2004, Monsieur [M] [X], alors gérant de la société BES France, s'est porté caution solidaire dans la limite de 25.000,00€ en principal, intérêts et pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 10 ans pour toutes les dettes présentes et à venir de la société BES France.
Le 11 octobre 2013, la société BES France a été mise en liquidation judiciaire avec désignation de Maître [K] [I] en qualité de liquidateur.
Le 2 décembre 2013, la société BPA a déclaré une créance chirographaire d'un montant total de 55.656,51€ portant sur le solde débiteur du compte courant pour 28.766,10€, sur les effets escomptés impayés pour la somme de 24.515,47€ et les risques encourus sur effets escomptés non échus pour la somme de 2.374,94€.
Par deux ordonnances du juge commissaire du 8 juillet 2014 non frappées de recours, les créances relatives aux effets escomptés ont été admises à leurs montants respectifs susvisés.
Suivant exploit d'huissier en date du 10 juillet 2014, la société BPA a fait citer Monsieur [X], devant le tribunal de grande instance de Grenoble, à l'effet d'obtenir sa condamnation en qualité de caution à lui payer diverses sommes.
Selon bordereau du 23 novembre 2015, la société BPA a cédé sa créance au Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances IV (le FCT), lequel est intervenu volontairement à l'instance.
Par jugement du 26 mars 2018 rectifié par décision du 2 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Grenoble a condamné Monsieur [X] à payer au FCT la somme de 25.000,00€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 décembre 1973, outre 1.000,00€ d'indemnité de procédure, ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration en date du 29 juillet 2019, Monsieur [X] a relevé appel de cette décision.
L'affaire a été appelée le 6 septembre 2021 et par mention au dossier, Monsieur [X] a été invité à faire citer la société BPA, ce qu'il a fait suivant assignation du 17 novembre 2021.
Par uniques conclusions récapitulatives du 29 août 2019, Monsieur [X] demande à la cour de :
1) à titre principal, rejeter les prétentions adverses,
2) subsidiairement, ordonner à la société BPA de verser aux débats toutes les LCR, notamment celles datées du 29 novembre 2013 ainsi que l'ensemble des écritures des effets impayés,
3) très subsidiairement, condamner la société BPA et le FCT à lui payer des dommages-intérêts de 25.000,00€ et ordonner la compensation,
4) en tout état de cause, condamner la société BPA et le FCT à lui payer une indemnité de procédure de 1.000,00€.
Il fait valoir que :
les ordonnances du juge commissaires admettant les créances lui sont inopposables dès lors qu'il n'a pas été informé ni convoqué afin de faire connaître sa position en qualité de caution,
la société BPA a soutenu abusivement la société BES France alors que celle-ci détenait de nombreux effets escomptés non acceptés et que le montant des LCR représentait 25% du chiffre d'affaire en 2012,
dans ces conditions, la banque devait s'interroger sur le maintien du concours et des facilités de caisse,
une convention de factoring avec Natixis avait été dénoncée,
la banque en l'a jamais informé en sa qualité de caution des difficultés de la personne morale.
Par conclusions récapitulatives du 12 juillet 2021, le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances IV demande à la cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner Monsieur [X] à lui payer une indemnité de procédure de 2.500,00€.
Il explique que :
les ordonnances du juge commissaire ont autorité de la chose jugée et sont opposables à Monsieur [X],
dès lors, toute discussion sur le montant de la créance est inutile,
aucune faute n'est établie à son encontre,
le contrôle de la banque prévue au contrat «'Turbo on line »' était une faculté et non une obligation,
ainsi, la validité du cautionnement n'est pas subordonnée à l'effectivité des dits contrôles,
aux termes de l'acte de cautionnement, la banque n'avait aucune obligation d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal,'
la banque n'avait pas davantage le droit de s'immiscer dans la gestion de la personne morale,
les seuls impayés enregistrés concernant les LCR sont apparus sur des effets escomptés pour la grande majorité dans le mois précédant l'ouverture de la procédure collective.
Par conclusions du 28 janvier 2022 après citation, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes anciennement Banque Populaire des Alpes demande à la cour de rejeter les prétentions adverses, confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner Monsieur [X] à lui payer une indemnité de procédure de 1.300,00€.
Elle expose que :
il est de jurisprudence constante que les décisions d'admission de créances au passif d'une société faisant l'objet d'une procédure collective ont l'autorité de la chose jugée,
si la vérification du passif suppose la convocation du représentant légal de la société placée en procédure collective et celle du mandataire judiciaire pour que ceux-ci puissent formuler des observations, la présence d'un tiers à la société n'est pas requise,
dans la mesure où Monsieur [X] était informé de la procédure collective, il lui appartenait de se tenir informé de l'évolution de celle-ci,
en application de l'article R 624-8 dernier alinéa du code de commerce, Monsieur [X] avait la possibilité de contester, dans le délai d'un mois suivant publication au BODACC, l'état des créances déposé au greffe le 11 juin 2014 et dont l'avis a été publié au BODACC le 24 juillet 2014,
la créance déclarée par elle étant définitive, elle est opposable à Monsieur [X],
elle n'a pas à s'immiscer dans la gestion des clients et les choix de la société BES France ne rentrent pas en ligne de compte avec le présent contentieux,
elle n'a commis aucune faute,
contrairement à ce que prétend Monsieur [X], le cautionnement n'est subordonné à aucun contrôle de sa part sur la réalité des effets de commerce et de leur acceptation,
l'article 3 du contrat «'Turbo on line »' prévoit un droit et non une obligation pour la banque de procéder à des contrôles,
elle n'a pas davantage commis de faute concernant la gestion de la société BES France au regard du principe de non immixtion dans les affaires de son client,
aucun grief n'est fondé concernant l'information de la caution puisqu'elle a respecté l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par l'article L 313-22 du code monétaire et financier et celle de l'article L 341-1 du code de la consommation sur le premier incident de paiement non régularisé,
les seuls impayés enregistrés concernant les LCR sont survenus dans le mois précédant l'ouverture de la procédure collective,
Monsieur [X] a été informé de l'ouverture de la procédure collective et s'est vu rappeler ses obligations en sa qualité de caution,
il était donc parfaitement informé de l'existence des difficultés de la société BES France.
La clôture de la procédure est intervenue le 3 mai 2022.
SUR CE
1/ sur la créance de la société BPA
Pour s'opposer à la demande en paiement du FCT, Monsieur [X] prétend que les deux ordonnances du juge commissaire du 8 juillet 2014 admettant les créances relatives aux effets escomptés lui sont inopposables et qu'il n'a pu former de recours à leur encontre.
Il est justifié en pièce 9 de la société BPA, que Monsieur [X] a été informé par la banque le 2 décembre 2013 de l'oubverture de la procédure collective de la société BES France et de la transmission de la déclaration de créance dont copie lui a été adressée.
En pièce 13 de la société BPA, il est justifié du dépôt de l'état des créances concernant la société BES France le 11 juin 2014 et de sa publication au BODACC le 24 juillet 2014.
En sa qualité de tiers à la société, Monsieur [X] n'avait pas à être appelé devant le juge commissaire comme le représentant légal de la société placée en procédure collective et comme mandataire judiciaire afin de faire valoir des observations.
Toutefois, en application de l'article R 624-8 dernier alinéa du code de commerce, Monsieur [X] avait la possibilité de contester l'état des créances dans le délai d'un mois suivant la publication au BODACC. Monsieur [X] n'a formé aucun recours.
Dès lors, les deux décisions d'admission de créances au passif de la société Bes France faisant l'objet d'une procédure collective ont l'autorité de la chose jugée.
Ainsi, la créance déclarée par la banque est définitive et opposable à Monsieur [X] et c'est à bon droit que le tribunal a débouté Monsieur [X] de sa demande subsidiaire en communication de pièces, inutiles pour trancher le présent litige.
2/ sur l'engagement de caution de Monsieur [X]
Monsieur [X] soutient que son engagement de caution est subordonné à l'effectivité de contrôle de la banque sur la réalité des effets de commerce et de leur acceptation.
Ainsi que l'a justement retenu le tribunal et par application de l'article 3 du contrat «'Turbo on line »' il est prévu au bénéfice de la banque un droit de contrôle sur la réalité des effets de commerce et de leur acceptation et non une obligation d'y procéder.
En outre, l'acte de cautionnement ne porte aucune mention d'une obligation de vérification de la banque, de sorte que Monsieur [X] est bien tenu par celui-ci à hauteur de la somme de 25.000,00€.
Le jugement déféré, qui condamne Monsieur [X] à payer au FCT la somme de 25.000,00€ sera confirmé.
3/ sur la responsabilité de la banque
Au soutien de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 25.000,00€, somme devant se compenser avec une éventuelle condamnation, Monsieur [X] allègue diverses fautes de la banque.
La question des contrôles de la banque sur la réalité des effets de commerce et de leur acceptation a précédemment été examinée sans qu'aucun manquement puisse être reproché à l'organisme bancaire.
En second lieu et par application du principe de non-immixtion de la banque dans les affaires de son client, la société BPA, qui n'est pas tenue à un devoir de conseil ni à l'égard de la société Bes ni concernant la caution, n'avait pas à informer Monsieur [X] du non paiement des LCR ou de l'existence d'une convention DAILLY modifiant la méthode des encaissements sur les conditions particulières aux cessions de créances au titre des garanties.
En outre, Monsieur [X], qui a été gérant de la société BES France pendant plusieurs années, connaissait bien le fonctionnement de l'entreprise.
Enfin, la banque justifie, en pièce 9, avoir respecté l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par l'article L 313-22 du code monétaire et financier.
Ainsi, en l'absence de démonstration d'une faute à l'encontre de la banque, c'est à bon droit que le tribunal a débouté Monsieur [X] de sa demande subsidiaire de dommages-intérêts.
4/ sur les mesures accessoires
Aucune considération d'équité ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, Monsieur [X] sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [M] [X] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT