C9
N° RG 20/02905
N° Portalis DBVM-V-B7E-KRTO
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Jean EISLER
La SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER
SELARL GIBERT-COLPIN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 16 JUIN 2022
Appel d'une décision (N° RG 19/00810)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 04 septembre 2020
suivant déclaration d'appel du 23 septembre 2020
APPELANT :
Madame [P] [E]
de nationalité Française
1 allée George Sand
38360 SASSENAGE
représenté par Me Jean EISLER, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEES :
S.A.S. PETZL DISTRIBUTION, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Zone Industrielle
38920 CROLLES
représentée par Me Charlotte DESCHEEMAKER de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Pierre COMBES de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON substitué par Me Cécilia MOTA, avocat au barreau de LYON
S.A.R.L. WORK 2000 INDUSTRIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
1431 avenue Geoges Clémenceau
74300 CLUSES
représentée par Me Sylvie GIBERT de la SELARL GIBERT-COLPIN, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Elodie SANCHES, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, Présidente,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 avril 2022,
Monsieur BLANC, Conseiller, chargé du rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [P] [E] a été mise à disposition par la société WORK 2000 Industrie auprès de la société PETZL Distribution à Crolles, en qualité d'opératrice de production, entre le 8 juillet 2013 et le 2 septembre 2016, sur une période discontinue, au titre de contrats de missions liés à des surcroîts temporaires d'activité.
Le 2 janvier 2017, Mme [E] a conclu un contrat à durée indéterminée intérimaire avec la société WORK 2000 Industrie.
Dans le cadre de son contrat, elle a été mise à disposition auprès de la société PETZL Distribution entre le 2 janvier 2017 et le 29 mars 2019, en qualité d'opératrice, en raison de surcroîts temporaires d'activité.
Le 28 juin 2019, la société WORK 2000 Industrie a notifié à Mme [E] son licenciement pour faute suite à ses refus répétés de propositions de missions, la salariée indiquant que son licenciement a été, au préalable, porté à sa connaissance verbalement.
Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble par requête déposée le 26 septembre 2019 demandant la requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée et invoquant des licenciements irréguliers.
Suivant jugement en date du 4 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Grenoble a :
DÉBOUTE Mme [P] [E] de l'intégralité de ses demandes, tant dirigées à l'encontre de la SAS PETZL Distribution, qu'à l'encontre de la SARL WORK 2000 Industrie,
DÉBOUTE la SAS PETZL Distribution de sa demande reconventionnelle.
LAISSE les dépens à la charge de Mme [P] [E].
La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 10 septembre 2020 par Mme [P] [E], la SAS PETZL et la SARL WORK 2000 INDUSTRIE.
Appel de la décision a été interjeté par Mme [P] [E] par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 23 septembre 2020.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2021, Mme [P] [E] sollicite de la cour de':
Déclarer Mme [E] recevable et bien fondée en son Appel.
Réformer en totalité le jugement rendu le 4 septembre 2020 par le conseil de prud'homme de Grenoble Section Industrie, en formation restreinte, qui a dit n'y avoir lieu à requalification à l'égard de la société PETZL entreprise utilisatrice, ni à indemnité de requalification, ni aux conséquences de la rupture irrégulière et sans motif intervenue fin mars 2019,
Et qui a dit à l'égard de la société WORK 2000 que la procédure de licenciement est régulière et que le licenciement pour faute grave était justifié.
Et a débouté Mme [E] de l'intégralité de ses demandes.
Prononcer la requalification de la totalité des missions d'intérim de Mme [E] auprès de la société PETZL DISTRIBUTION en un contrat à durée indéterminée entre la société PETZL DISTRIBUTION et Mme [E].
Condamner la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [E] une indemnité de requalification de 3000 €.
Dire et Juger que la société PETZL DISTRIBUTION a rompu de manière irrégulière sans cause réelle et sérieuse et brutalement la relation contractuelle avec Mme [E] au 31 mars 2019.
Condamner en conséquence la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [E] avec intérêt de droit du jour de la demande :
- préavis deux mois x 2 139,03 = 4 278,06€
- congés payés afférents : 427,81€
- indemnité légale de licenciement': 2139.03 x 1/4 x 5 ans = 2 673,79€
Et avec intérêt de droit à compter de la décision :
- dommages intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse 2139.03 x 6 mois =12 834,18€ net
- au titre du préjudice moral : 8 000€
Condamner enfin, la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [E] une indemnité de 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Également,
Condamner la société WORK 2000 à payer à Mme [E] à titre de licenciement irrégulier 3 000€ net.
Et avec intérêt de droit à compter de la demande au titre du licenciement :
- préavis deux mois : 4 278,06€
- congés payés afférents : 427.81€
- indemnité légale de licenciement : 2 673,79€
Et avec intérêt de droit à compter de la décision :
- dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse':12 834,18€ net
- préjudice moral : 8 000€ net
Condamner enfin la société WORK 2000 à payer à Mme [E] une indemnité de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner solidairement la société PETZL DISTRIBUTION et la société WORK 2000 aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2021, la SAS PETZL sollicite de la cour de':
Confirmer les chefs de dispositifs suivants du jugement du Conseil de Prud'hommes de Grenoble du 4 septembre 2020 :
« '
DÉBOUTE Mme [P] [E] de l'intégralité de ses demandes, tant dirigées à l'encontre de la SAS PETZL Distribution, qu'à l'encontre de la SARL WORK 2000 Industrie,
(')
LAISSE les dépens à la charge de Mme [P] [E]' »
Infirmer le chef de dispositif suivant :
« '
DÉBOUTE la SAS PETZL Distribution de sa demande reconventionnelle ' »
En conséquence, débouter Mme [E] de l'intégralité de ses demandes,
Condamner Mme [E] à verser à la société PETZL DISTRIBUTION, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, les sommes suivantes :
-1 000 € au titre des frais engagés en première instance,
-2 500 € au titre des frais engagés en première instance ainsi qu'en cause d'appel.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 février 2022, la SARL WORK 2000 INDUSTRIE sollicite de la cour de':
Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Grenoble le 04 septembre 2020 en toutes ses dispositions.
Débouter Mme [P] [E] de l'intégralité de ses demandes.
Condamner Mme [P] [E] à verser à la société WORK 2000 INDUSTRIE la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner Mme [P] [E] aux dépens.
Si, par extraordinaire, la Cour venait à réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la procédure de licenciement est régulière :
À titre subsidiaire,
Juger que Mme [P] [E] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice.
Débouter Mme [P] [E] de sa demande d'indemnité pour licenciement irrégulier qu'elle fixe à hauteur de 3 000 € net.
À titre infiniment subsidiaire,
Fixer au plus juste l'indemnisation de Mme [P] [E] qui, en tout état de cause, ne pourra excéder le plafond prévu par l'article L. 1235-2 du Code du travail (1 mois de salaire).
Si, par extraordinaire, la Cour venait à réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de Mme [P] [E] est bien fondé,
À titre subsidiaire,
Juger que le licenciement de Mme [P] [E] repose sur une cause réelle et sérieuse.
Débouter Mme [P] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À titre infiniment subsidiaire,
Fixer au minimum la réparation à accorder à Mme [P] [E] par application de l'article L. 1235-3 du Code du travail (3 mois de salaire brut).
En tout état de cause :
Débouter Mme [P] [E] du surplus de ses demandes.
Débouter Mme [P] [E] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens.
Condamner Mme [P] [E] à verser à la société WORK 2000 INDUSTRIE la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner Mme [P] [E] aux dépens.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2022.
EXPOSE DES MOTIFS :
Sur la demande de requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société PETZL DISTRIBUTION :
Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
Selon l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de travail.
L'article 56 de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi énonce que :
I. - Une entreprise de travail temporaire peut conclure avec le salarié un contrat à durée indéterminée pour l'exécution de missions successives. Chaque mission donne lieu à :
1° La conclusion d'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit entreprise utilisatrice ;
2° L'établissement, par l'entreprise de travail temporaire, d'une lettre de mission.
II. - Le contrat de travail mentionné au I est régi par les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée indéterminée, sous réserve des dispositions du présent article.
Il peut prévoir des périodes sans exécution de mission, dites périodes d'intermission. Ces périodes sont assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés et pour l'ancienneté.
Il est établi par écrit et comporte notamment les mentions suivantes :
1° L'identité des parties ;
2° Le cas échéant, les conditions relatives à la durée du travail, notamment le travail de nuit ;
3° Les horaires auxquels le salarié doit être joignable pendant les périodes d'intermission ;
4° Le périmètre de mobilité dans lequel s'effectuent les missions, qui tient compte de la spécificité des emplois et de la nature des tâches à accomplir, dans le respect de la vie personnelle et familiale du salarié ;
5° La description des emplois correspondant aux qualifications du salarié ;
6° Le cas échéant, la durée de la période d'essai ;
7° Le montant de la rémunération mensuelle minimale garantie ;
8° L'obligation de remise au salarié d'une lettre de mission pour chacune des missions qu'il effectue.
III. - Le contrat mentionné au I liant l'entreprise de travail temporaire au salarié prévoit le versement d'une rémunération mensuelle minimale garantie au moins égale au produit du montant du salaire minimum de croissance fixé en application des articles L. 3231-2 à L. 3231-12 du code du travail, par le nombre d'heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré, compte tenu, le cas échéant, des rémunérations des missions versées au cours de cette période.
IV. - Les missions effectuées par le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire sont régies par les articles L. 1251-5 à L. 1251-63 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues au présent article et à l'exception des articles L. 1251-14, L. 1251-15, L. 1251-19, L. 1251-26 à L. 1251-28, L. 1251-32, L. 1251-33 et L. 1251-36 du même code.
V .- Pour l'application des articles L. 1251-5, L. 1251-9, L. 1251-11, L. 1251-13, L. 1251-16, L. 1251-17, L. 1251-29, L. 1251-30, L. 1251-31, L. 1251-34, L. 1251-35, L. 1251-41 et L. 1251-60 du code du travail au contrat à durée indéterminée conclu par une entreprise de travail temporaire avec un salarié, les mots : " contrat de mission " sont remplacés par les mots : " lettre de mission ".
VI. - Par dérogation à l'article L. 1251-12 du code du travail, la durée totale de la mission du salarié lié par un contrat à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire ne peut excéder trente-six mois.
VII. - Pour l'application du 1° de l'article L. 6322-63 du code du travail, la durée minimale de présence dans l'entreprise s'apprécie en totalisant les périodes de mission et d'intermission effectuées par le salarié lorsque ce dernier est lié à l'entreprise de travail temporaire par un contrat à durée indéterminée.
VIII. - Pour l'application des articles L. 2314-17 et L. 2324-16 du code du travail, la durée passée dans l'entreprise est calculée en totalisant les périodes de mission et d'intermission effectuées par le salarié.
IX. - Le présent article est applicable aux contrats conclus jusqu'au 31 décembre 2018.
Au plus tard le 30 juin 2018, le Gouvernement présente au Parlement un rapport, établi après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives et après avis de la Commission nationale de la négociation collective, sur les conditions d'application de ce dispositif et sur son éventuelle pérennisation;
Il se déduit de ses dispositions légales l'applicabilité au contrat de travail à durée indéterminée intérimaire à l'égard de l'entreprise utilisatrice notamment des articles L 1251-5, L 1251-40 et L 1251-41 du code du travail dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, de sorte que nonobstant la signature par le salarié mis à disposition d'un contrat à durée indéterminée intérimaire, ce dernier peut également solliciter la requalification des missions en contrat à durée indéterminée de droit commun à l'égard de l'entreprise utilisatrice au motif que les missions avaient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de celle-ci.
Le salarié est également fondé à solliciter à l'égard tant de l'entreprise utilisatrice, dans le cadre de missions d'interim requalifiées en contrat à durée indéterminée de droit commun, que de l'entreprise de travail temporaire lui ayant notifié son licenciement dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée intérimaire, diverses sommes au titre de deux ruptures injustifiées des contrats de travail dès lors que l'objet des contrats n'est pas le même, y compris lorsque les ruptures interviennent à des périodes concomitantes après la fin d'une mission auprès de l'entreprise utilisatrice puisque l'entreprise de travail temporaire, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée intérimaire, n'a pas pour obligation de fournir des missions à la salariée à l'égard uniquement d'une entreprise utilisatrice comme pour un contrat de mission mais, au contraire, d'une ou plusieurs entreprises utilisatrices selon des lettres de mission s'intégrant à une relation à durée indéterminée continue avec des périodes inter-missions rémunérées par l'entreprise de travail temporaire employeur.
D'ailleurs, la fin d'une mission auprès d'une entreprise utilisatrice dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée intérimaire n'implique aucunement la fin du contrat du salarié à l'égard de l'entreprise de travail temporaire employeur.
Le contrat à durée indéterminée intérimaire ne prend, en effet, fin que si une rupture du contrat intervient à l'initiative de l'une ou l'autre des parties.
Au cas d'espèce, Mme [E] établit, par la production de bulletins de paie dressés par la société d'interim WORK 2000, qu'elle a été régulièrement mise à disposition de la société PETZ DISTRIBUTION à compter du 8 juillet 2013, quoiqu'avec des périodes d'interruption, et ce jusqu'au 29 mars 2019.
Le motif de recours figurant sur les contrats de mission temporaire puis les lettres de mission temporaire après la conclusion à effet du 2 janvier 2017 d'un contrat à durée indéterminée intérimaire par Mme [E] avec la société WORK 2000 est un surcroît temporaire allégué d'activité.
Si la société PETZL DISTRIBUTION fournit divers justificatifs du surcroît temporaire d'activité en pièces n°2.1 à 5, ils ne couvrent que les années 2017 à 2019 alors même que Mme [E] demande expressément la requalification de l'ensemble de ses contrats et lettres de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice et ce, depuis le 8 juillet 2013.
Faute du moindre élément justificatif pour la période antérieure à 2017, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de requalifier les missions de Mme [E] à l'égard de la société PETZL DISTRIBUTION en contrat à durée indéterminée de droit commun à compter du 8 juillet 2013.
Il convient également d'allouer à Mme [E] une indemnité de requalification de 3 000 euros nets afin de tenir compte de la durée particulièrement longue pendant laquelle elle a été soumise à une précarité injustifiée, quoiqu'en partie atténuée, à compter du 2 janvier 2017, par la signature d'un contrat à durée indéterminée intérimaire avec la société de travail temporaire.
Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée requalifié à l'égard de la société PETZL DISTRIBUTION :
Premièrement, la société PETZL DISTRIBUTION a cessé, le 29 mars 2019, de fournir du travail à Mme [E] en considérant à tort que le contrat était arrivé à son terme à raison de la fin de l'ultime mission d'interim, alors que la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée de droit commun.
Le contrat de travail a dès lors été rompu sans que ne soit observée la moindre procédure de licenciement, de sorte que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Deuxièmement, il s'ensuit que Mme [E] est fondée à solliciter de la société PETZL DISTRIBUTION une indemnité compensatrice de préavis de 4278,06 euros bruts, outre 427,81 euros bruts de congés payés afférents ainsi qu'une indemnité de licenciement de 2673,79 euros prenant en compte son ancienneté depuis le 8 juillet 2013.
Troisièmement, au visa de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au jour du licenciement, Mme [E] avait plus de 5 ans d'ancienneté au service de la société PETZL DISTRIBUTION, de sorte qu'elle a droit à une indemnisation comprise entre 3 et 6 mois de salaire.
Elle ne fournit, pour autant, aucun justificatif sur sa situation ultérieure au regard de l'emploi, si bien qu'il lui est alloué la somme de 6 418 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et le surplus de la demande est rejeté.
Quatrièmement, elle ne justifie aucunement de circonstances vexatoires entourant la rupture de son contrat de travail requalifié avec la société PETZL DISTRIBUTION si bien qu'elle est déboutée de sa demande indemnitaire distincte au titre d'un préjudice moral.
Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail à l'égard de la société WORK 2000:
En application de l'article 56 de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi le contrat à durée indéterminée intérimaire, celui-ci, sous certaines exceptions expressément visées, est régi par les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée indéterminée.
S'appliquent dès lors, au contrat à durée indéterminée intérimaire, les dispositions du code du travail relatives à la procédure de licenciement figurant aux articles L 1232-1 et suivants du code du travail.
Trouvent également à s'appliquer les articles L1235-2 et suivants du code du travail relatifs aux irrégularités de procédure et aux ruptures injustifiées du contrat de travail.
En l'espèce, premièrement, la procédure de licenciement suivie est parfaitement irrégulière puisque, outre le fait que Mme [E] a refusé la remise contre décharge du courrier daté du 17 juin 2019 de convocation par la société WORK 2000 et que cette lettre ne lui a pas davantage été adressée par courrier recommandé, il apparaît que celui-ci, versé aux débats dans le cadre de la présente procédure, ne fait aucunement état d'un licenciement envisagé et que les adresses de l'inspection du travail et de la mairie, auprès desquelles la salariée est supposée pouvoir récupérer la liste des conseillers extérieurs ne figurent pas sur ce document.
Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la société WORK 2000, il ne saurait se déduire de manière certaine et évidente que la notification du licenciement par courrier en date du 28 juin 2019 l'a été pour faute grave. En effet, s'il est assurément et explicitement reproché à Mme [E] une faute, celle-ci n'est pas qualifiée et l'employeur reste taisant sur le fait de savoir si la rupture est immédiate ou si un préavis est à exécuter ou non.
Il ne peut, dès lors, aucunement être considéré, à la lecture de ce courrier, que l'employeur a entendu mettre fin immédiatement au contrat de travail sans préavis ni indemnité de licenciement à raison d'une faute, implicitement mais nécessairement grave, reprochée à la salariée.
En tout état de cause, aucune faute n'est établie.
En effet, il n'apparaît aucunement que Mme [E] aurait refusé une ou plusieurs missions qui lui auraient été proposées conformément à l'article L 1251-16 du code du travail, soit par un écrit dénommé lettre de mission comportant des mentions obligatoires.
Cette obligation de remise d'une lettre de mission écrite avec diverses mentions obligatoires est d'ailleurs expressément rappelée à l'article 1 du contrat de travail à durée indéterminée intérimaire.
Or, si ce n'est des attestations de salariés de l'employeur lui-même ou un échange de courriels avec une entreprise utilisatrice susceptible d'être intéressée par le profil de Mme [E], qui ne font pas la preuve de la remise de l'écrit sus-énoncé à la salariée, il n'est versé aux débats qu'un courriel de Mme [Y], chargée de mission au sein de la société WORK 2000, à Mme [E], en date du 5 juin 2019, lui faisant part qu'il y a pour elle un poste en production sur La Terrasse, en 3X8, selon une mission longue avec un taux horaire de 10,14 euros.
Il manque l'essentiel des mentions obligatoires de l'article L 1251-16 du code du travail et notamment la qualification professionnelle de la salariée, les modalités précises de rémunération, un taux horaire dont on ne sait pas même s'il est brut ou net étant insuffisant.
Un éventuel refus de Mme [E] n'apparaît dès lors pas fautif dans ces conditions.
Il s'ensuit que le licenciement notifié le 28 juin 2019, pour faute, à Mme [E], est jugé, par réformation du jugement entrepris, sans cause réelle et sérieuse.
Troisièmement, dès lors que le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, Mme [E] a droit à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 4 278,06 euros bruts, outre 427,81 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Elle est également fondée à solliciter une indemnité de licenciement à hauteur de 1 426,03 euros en calculant une ancienneté du 2 janvier 2017 jusqu'au 28 août 2019, préavis inclus, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.
Au visa de l'article L 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au jour du litige, Mme [E] avait, au jour de son licenciement injustifié, plus de 2 ans d'ancienneté, de sorte qu'elle a droit à une indemnisation comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire.
Outre qu'elle sollicite un montant supérieur au plafond légal sans développer la moindre argumentation juridique qui permettrait à la juridiction d'y déroger, Mme [E] ne fournit pour autant aucun justificatif sur sa situation ultérieure au regard de l'emploi, si bien qu'il lui est alloué la somme de 6418 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle, ladite indemnisation couvrant également l'irrégularité de procédure de licenciement suivie et le surplus des prétentions est rejeté, Mme [E] ne pouvant solliciter, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'irrégularité de la procédure de licenciement suivie, qu'une seule indemnité, par application combinée des articles L 1235-2 et L 1235-3 du code du travail.
Quatrièmement, Mme [E] ne justifie aucunement de circonstances vexatoires entourant la rupture de son contrat de travail avec la société WORK 2000 si bien qu'elle est déboutée de sa demande indemnitaire distincte au titre d'un préjudice moral.
Sur les demandes accessoires :
L'équité commande de condamner la société WORK 2000 à payer à Mme [E] une indemnité de procédure de 1 500 euros et de condamner la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [E] une indemnité de procédure de 1 500 euros.
Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner in solidum, la société WORK 2000 et la société PETZL DISTRIBUTION, parties perdantes, aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
REQUALIFIE les missions d'intérim de Mme [P] [E] à l'égard de la société PETZL DISTRIBUTION en contrat à durée indéterminée de droit commun à compter du 8 juillet 2013
DIT que la société PETZL DISTRIBUTION a licencié sans cause réelle et sérieuse Mme [P] [E] le 29 mars 2019
CONDAMNE la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [P] [E] les sommes suivantes:
- 4 278,06 euros (quatre mille deux cent soixante-dix-huit euros et six centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 427,81 euros (quatre cent vingt-sept euros et quatre-vingt-un centimes) bruts à titre de congés payés afférents
- 2 673,79 euros (deux mille six cent soixante-treize euros et soixante-dix-neuf centimes) à titre d'indemnité de licenciement
outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 26 septembre 2019
- 6 418 euros (six mille quatre cent dix-huit euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt
DIT irrégulière la procédure de licenciement suivie par la société WORK 2000
DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 28 juin 2019 par la société WORK 2000 à Mme [P] [E]
CONDAMNE la société WORK 2000 à payer à Mme [P] [E] les sommes suivantes :
- 4 278,06 euros (quatre mille deux cent soixante-dix-huit euros et six centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 427,81 euros (quatre cent vingt-sept euros et quatre-vingt-un centimes) bruts à titre de congés payés afférents
-1 426,03 euros (mille quatre cent vingt-six euros et trois centimes) à titre d'indemnité de licenciement
outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 26 septembre 2019
- 6 418 euros (six mille quatre cent dix-huit euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt
DEBOUTE Mme [P] [E] du surplus de ses prétentions au principal
CONDAMNE la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [P] [E] une indemnité de procédure de 1 500 euros
CONDAMNE la société WORK 2000 à payer à Mme [P] [E] une indemnité de procédure de 1500 euros
REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE in solidum la société PETZL DISTRIBUTION et la société WORK 2000 aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente