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16/06/2022 | FRANCE | N°20/03029

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 16 juin 2022, 20/03029


C7



N° RG 20/03029



N° Portalis DBVM-V-B7E-KSAO



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET



Me Isabelle ROUX



Me Amandine PHILIP



AU NOM DU PEU

PLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 16 JUIN 2022





Appel d'une décision (N° RG 18/00009)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 07 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 02 octobre 2020





APPELANT :



Monsieur [E] [H]

né le 21 avril 1980 à LA TRONCHE

de nationalité Fr...

C7

N° RG 20/03029

N° Portalis DBVM-V-B7E-KSAO

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

Me Isabelle ROUX

Me Amandine PHILIP

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 16 JUIN 2022

Appel d'une décision (N° RG 18/00009)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 07 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 02 octobre 2020

APPELANT :

Monsieur [E] [H]

né le 21 avril 1980 à LA TRONCHE

de nationalité Française

5 rue Bayard

38000 GRENOBLE

représenté par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Anaïs BIANCHI, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/009662 du 02/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEES :

Association EMPLOI 38, n° siret : 378 644 322 00034, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

1 rue Hauquelin

38000 GRENOBLE

représentée par Me Isabelle ROUX, avocat postulant au barreau de VALENCE,

et par Me Vanessa SOMMIER, avocat plaidant au barreau de VALENCE

GRENOBLE ALPES-METROPOLE, n° siret : 200 040 715 00019, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

3 rue Malakoff

38000 GRENOBLE

représentée par Me Amandine PHILIP, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Grégory MOLLION de la SELARL CAP - CONSEIL AFFAIRES PUBLIQUES, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 avril 2022,

Madame FRESSARD, Présidente, chargée du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE

L'association EMPLOI 38 est une Association Intermédiaire active dans le secteur de l'insertion depuis 1990, date de sa création, et conventionnée par la préfecture de l'Isère, pour permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle, sous forme de mise à disposition de personnel auprès de personnes physiques ou morales.

La Métropole GRENOBLE ALPES-METROPOLE a passé avec l'ASSOCIATION EMPLOI 38 un marché public de services de type « Insertion sociale et professionnelle dans le cadre d'activités de mise à disposition de personnel pour assurer le remplacement des agents du service collecte des déchets ».

Monsieur [E] [H] a été recruté par l'Association Intermédiaire Emploi 38 dans le cadre de 29 contrats de travail successifs, à compter du 20 avril 2015 et jusqu'au 6 janvier 2016. Il a été, sur cette période, mis à disposition de GRENOBLE ALPES-METROPOLE, pour effectuer des tâches de collectes des ordures ménagères et de gardiennage de déchetterie.

Le 4 décembre 2015, Monsieur [H] a été victime d'un accident du travail.

La déclaration d'accident du travail fait état des circonstances suivantes : « Chute. M. [H] est sur le marche-pied droit du camion. Le chauffeur tourne à gauche très vite et brusquement. Il a été éjecté et tombe en arrière sur les fesses et a roulé plusieurs fois. Il a tapé la tête côté droit, et la jambe et le bras côté gauche'». Suite à cet accident du travail, Monsieur [H] n'a pas repris son poste.

Monsieur [E] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble le 03 janvier 2018 aux fins de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et de paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 7 septembre 2020, le conseil de prud'hommes a statué en ces termes':

- Met hors de cause GRENOBLE ALPES METROPOLE,

- Dit n'y avoir lieu à requalifier les contrats de mission en contrat à durée indéterminée, ni à qualifier la rupture des relations contractuelles en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Dit que l'association EMPLOI 38 a respecté son objectif d'insertion et exécuté de manière loyale les contrats de mission,

- Dit que Monsieur [E] [H] n'a pas droit à un régime de prévoyance,

- Déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes,

- Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'instance.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec accusé de réception des 08 et 09 septembre 2020'; M. [E] [H] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction du 02 octobre 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 juin 2021, M. [E] [H] sollicite de la cour de':

INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

PRONONCER la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à partir du 20 avril 2015,

JUGER que la rupture de la relation contractuelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER in solidum l'Association Emploi 38 et GRENOBLE ALPES METROPOLE à verser à Monsieur [H] les sommes suivantes :

- 1 562,88 € à titre d'indemnité de requalification

- 1 562,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (1 mois), outre 156,28 au titre des congés payés afférents,

- 1 562,88 € à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement (1 mois),

- 7 814,40 € nets de CGS CRDS, soit l'équivalent de 5 mois de salaire, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER l'Association Emploi 38 à verser à Monsieur [H] la somme de 5 000 € nets de CGS CRDS, à titre de dommages et intérêts au regard de l'exécution déloyale du contrat de travail

CONDAMNER l'Association Emploi 38 à verser à Monsieur [H] la somme de 3 000 € nets de CGS CRDS, à titre de dommages et intérêts suite aux manquements de l'Association emploi 38 dans la mise en 'uvre du régime de prévoyance.

CONDAMNER l'Association Emploi 38 à verser à Monsieur [H] la somme de 3 000 € nets de CGS CRDS, à titre de dommages et intérêts du fait du défaut de délivrance de l'attestation POLE EMPLOI.

ASSORTIR l'obligation de remise les documents de fin de contrat d'une astreinte de 100 € par jour de retard à compter du rendu du jugement.

CONDAMNER in solidum l'Association Emploi 38 et GRENOBLE ALPES METROPOLE à verser à Monsieur [H] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens.

DEBOUTER l'ASSOCIATION EMPLOI 38 et la METROPOLE GRENOBLE ALPES METROPOLE des demandes formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2021, l'association EMPLOI 38 sollicite de la cour de':

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de GRENOBLE en ce qu'il a :

Mis hors de cause la société GRENOBLE ALPES METROPOLE,

Dit n' avoir lieu à requalifier les contrats de mission en contrat à durée indéterminée, ni à qualifier la

rupture des relations contractuelles en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que l'Association EMPLOI 38 a respecté son objectif d'insertion et exécuté de manière loyale les contrats de mission,

Dit que Monsieur [E] [H] n'a pas droit à un régime de prévoyance,

Débouté Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes lesquelles tendaient à obtenir la condamnation in solidum de l'Association EMPLOl 38 et de GRENOBLE ALPES METROPOLE à lui verser les sommes suivantes :

- 1 562,88 € à titre d'indemnité de requalification,

1 562,88 € au titre de d'indemnité compensatrice de préavis, outre 156,28 au titre des congés payés afférents,

- 1 562,88 € à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- 7 814,40 € nets de CGS CRDS, soit l'équivalent de S mois de salaire, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 € nets de CGS CRDS, à titre de dommages et intérêts au regard de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 3 000 € nets de CGS CRDS, à titre de dommages et intérêts suite aux manquements de l'Association emploi 38 dans la mise en 'uvre du régime de prévoyance,

- 3 000 € nets de CGS CRDS, à titre de dommages et intérêts du fait du défaut de délivrance de l'attestation POLE EMPLOI,

- 2000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens,

Débouté Monsieur [H] de sa demande tendant à obtenir la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du rendu du jugement.

Statuant à nouveau

Condamner Monsieur [H] à payer à l'association EMPLOI 38 la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner Monsieur [H] aux entiers dépens d'appel et frais d'exécution par voie forcée de la décision à intervenir

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2021, l'établissement public GRENOBLE ALPES-METROPOLE sollicite de la cour de':

- CONFIRMER le jugement entrepris ,

- A TITRE PRINCIPAL, DEBOUTER Monsieur [H] de la totalité de ses demandes ;

- A TITRE SUBSIDIAIRE, DECLARER la Cour d'appel de GRENOBLE incompétent au profit du Tribunal administratif de GRENOBLE ;

- CONDAMNER Monsieur [H] à verser à la Métropole GRENOBLE-ALPES METROPOLE une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me PHILIP.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 mars 2022 et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 06 avril 2022. La décision a été mise en délibéré le 16 juin 2022.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la mise hors de cause de GRENOBLE ALPES-METROPOLE

A titre liminaire, c'est à bon droit que la METROPLE de Grenoble sollicite la confirmation de la décision de la juridiction du premier degré en ce qu'elle a été mise hors de cause dans le présent litige.

En effet, il est constant que la métropole GRENOBLE ALPES-METROPOLE a signé avec l'Association EMPLOI 38, dans le cadre des marchés publics de fournitures courantes et services, un marché public ayant l'objet suivant':«'Insertion sociale et professionnelle dans le cadre d'activités de mise à disposition de personnel pour assurer le remplacement des agents du service collecte des déchets ».

Dans ces conditions, M.[H] a effectué, pour le compte de la Métropole, une activité de collecte et traitement des déchets, mis à disposition par l'association EMPLOI 38 dans le cadre de son projet de réinsertion sociale et professionnelle, pour assurer le replacement d'agents titulaires, intervenant en tant que ripeur ou gardien de déchetterie.

Dès lors que la Métropole GRENOBLE ALPES METROPOLE écrit, sans être démentie, que cette activité, réalisée en exécution du marché public susvisé, est financée par l'impôt, il n'appartient pas à la présente juridiction d'apprécier la réalité et la nature de l'éventuelle relation contractuelle ayant lié ce service public administratif à M.[H], lequel est, en conséquence, renvoyé à mieux se pourvoir en ses demandes à l'encontre de la dite Métropole.

Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée

L'article L.5132-1 du code du travail dispose que l'insertion par l'activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en 'uvre des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement.

L'insertion par l'activité économique, notamment par la création d'activités économiques, contribue

également au développement des territoires.

L'article L.1242-3 1° du code du travail dispose que, outre les cas prévus à l'article L1242-2, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu au titre des dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi, quand l'article D1242-1 12° prévoit qu'en application du 3° de l'article L1242-2, les secteurs d'activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont': les activités d'insertion par l'activité économique exercées par les associations intermédiaires prévues à l'article L5132-7.

L'article L. 5132-7 du code du travail dispose en effet que les associations intermédiaires sont des associations conventionnées par I'Etat ayant pour objet l'embauche des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, en vue de faciliter leur insertion professionnelle en les mettant à titre onéreux à disposition de personnes physiques ou de personnes morales.

Une durée de travail hebdomadaire inférieure à la durée minimale mentionnée à l'article L. 3123-6 peut être proposée aux salariés lorsque le parcours d'insertion le justifie.

L'association intermédiaire assure l'accueil des personnes ainsi que le suivi et l'accompagnement de

ses salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d'une insertion professionnelle durable.

L'article L.5132-8 du code du travail précise qu'une convention de coopération peut être conclue entre l'association intermédiaire et l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 définissant notamment les conditions de recrutement et de mise à disposition des salariés de l'association intermédiaire. Cette convention de coopération peut également porter sur l'organisation des fonctions d'accueil, de suivi et d'accompagnement des salariés.

Cette convention peut mettre en 'uvre des actions expérimentales d'insertion ou de réinsertion.

L'article L. 5132-9 du code du travail poursuit en ces termes : seules les associations intermédiaires qui ont conclu une convention de coopération avec l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 peuvent effectuer des mises à disposition auprès des employeurs mentionnés à l'article L. 2211-1 dans les conditions suivantes :

1 ° La mise à disposition pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire d'une durée supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d'Etat n'est autorisée que pour les personnes ayant fait l'objet de l'agrément de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 mentionné à l'article L. 5132-3;

2° La durée totale des mises à disposition d'un même salarié ne peut excéder une durée déterminée par décret, pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la première mise a disposition. Dans l'attente du décret susmentionné, cette durée est fixée à 480 heures. Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de mise à disposition auprès de personnes physiques pour des activités ne ressortissant pas à leurs exercices professionnels et de personnes morales de droit privé à but non lucratif.

L'article L. 2211-1 du code du travail précise que les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés.

Elles sont également applicables :

1°Aux établissements publics à caractère industriel et commercial;

2° Aux établissements publics à caractère administratif lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé.'

L'article L. 5132-11-1 du code du travail énonce notamment les conditions particulières suivantes':

- Les associations intermédiaires peuvent conclure avec des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières des contrats à durée déterminée en application de l'article L. 1242-3.

- Pendant l'exécution de ces contrats, une ou plusieurs conventions conclues en vertu de l'article L.5135-4 peuvent prévoir une période de mise en situation en milieu professionnel auprès d'un autre employeur dans les conditions prévues au chapitre V du présent titre.

- La durée de ces contrats ne peut être inférieure à quatre mois (sauf pour les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation et bénéficiant d'un aménagement de peine).

- Ces contrats peuvent être renouvelés dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois.

- A titre dérogatoire, ces contrats peuvent être renouvelés au-delà de la durée maximale prévue en vue de permettre d'achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation à l'échéance du contrat. La durée de ce renouvellement ne peut excéder le terme de l'action concernée...

- La durée hebdomadaire de travail du salarié embauché dans ce cadre ne peut être inférieure à vingt heures. Elle peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat sans dépasser la durée légale hebdomadaire. Les périodes travaillées permettent de valider des trimestres de cotisations d'assurance vieillesse dans les conditions de l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale.

Il résulte, dès lors, des dispositions combinées des articles L1242-3 et suivants, de l'article D1242-1 12° et des articles L5132-7 et suivants du code du travail que le recrutement d'un salarié par une association intermédiaire donne lieu à la signature d'un contrat de travail à durée déterminée, aux termes duquel l'association intermédiaire devient l'employeur de la personne embauchée et est soumise au respect de certaines obligations.

Au cas d'espèce, tous les contrats établis par l'Association Emploi 38 et conclus avec M.[H] sont nommés «'contrats à durée déterminée dit «'d'usage'», et mentionnent comme motif': « emploi d'usage constant » tout en précisant, dans le même temps, conformément au marché public établi avec la Métropole tel qu'évoqué précédemment, que le contrat est conclu « en remplacement d'un salarié absent », les contrats de travail visant expressément les articles L.5132-7 et suivants, L.1242-2 et D.1242-1 du code du travail, ainsi qu'en cas de mise à disposition, l'article L.5132-9.

Et, l'association EMPLOI 38, qui soutient que les contrats de travail, que les associations intermédiaires concluent avec les salariés en insertion, ne sont pas soumis au régime de droit commun du contrat de travail à durée déterminée, verse aux débats, d'une première part, les conventions tripartites Etat/Pôle Emploi/Association valablement signées au titre des années 2015, 2016 et 2017, qui valident la reconnaissance de sa qualité d'association intermédiaire en tant que structure d'insertion par l'activité économique.

D'une deuxième part, la mise à disposition de M.[H] auprès de la Métropole Grenoble Alpes Metropole, qui n'est pas un employeur de droit privé, est conforme aux dispositions de l'article L2211-1 du code du travail déjà évoqué.

Enfin, l'association EMPLOI 38 justifie avoir, dans le respect des exigences légales de l'article L5132-7, assuré l'accueil de M.[H] ainsi que son suivi et son accompagnement en vue de faciliter son insertion sociale et de rechercher les conditions d'une insertion professionnelle durable, à l'occasion des entretiens et/ou des rencontres et échanges divers dont il a bénéficié avec sa conseillère en insertion professionnelle (CIP) de l'association EMPLOI 38, Madame [I] [N]. Ainsi, sur une période de mars 2015 à décembre 2015, soit neuf mois, l'association justifie de neuf échanges et/ou entretiens visant à réaliser un suivi de sa situation socio-professionnelle et un accompagnement du salarié appelant.

En revanche, l'association EMPLOI 38 échoue à établir qu'elle a régulièrement mis à disposition Monsieur [H] auprès de GRENOBLE ALPES-METROPOLE en ce que, alors que l'article L5132-11-1 du code du travail dispose que les associations intermédiaires peuvent conclure avec des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières des contrats à durée déterminée en application de l'article L.1242-3, l'article précise que la durée de ces contrats ne peut être inférieure à quatre mois.

Or, il est constant que les 29 contrats qui ont été successivement conclus entre M.[H] et l'association EMPLOI 38 l'ont été pour des périodes d'un mois maximum.

Par ailleurs, alors que l'article L.5132-9 du code du travail fixe la durée totale des mises à disposition, réalisées auprès des employeurs mentionnés à l'article L.2211-1 du code du travail, d'un même salarié, à 480 heures pour une durée de 24 mois à compter de la première mise à disposition, l'association intermédiaire ne justifie pas pourquoi M. [H] a travaillé plus de 660 heures pendant ses presque huit mois de mise à disposition à la Métropole de Grenoble.

Or, selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code.

Dans ces conditions, il résulte des énonciations qui précèdent et de l'application combinée des articles susvisés que la méconnaissance par l'association EMPLOI 38 des dispositions spécifiques exigées pour la validité des contrats, relatives tant au nombre d'heures effectuées qu'à la durée des contrats, sans qu'il soit nécessaire de suivre le salarié appelant dans le détail de son argumentaire, constituent des irrégularités suffisantes pour que la relation de travail soit requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 20 avril 2015.

Le salarié est, dès lors, fondé à obtenir de son employeur le versement de l'indemnité de requalification prévue par l'article L.'1245-2 du code du travail, à hauteur de la somme de 1 562,88 euros, qui n'est pas contestée dans son montant.

La décision entreprise est infirmée en ce sens.

Sur la rupture de la relation contractuelle

Il apparaît que la rupture de la relation de travail entre M.[H] et l'association EMPLOI 38 est intervenue hors de tout formalisme.

Pourtant, l'employeur qui prend l'initiative de la rupture du contrat de travail, le rompt ou le considère comme rompu, en dehors de toute manifestation de volonté expresse du salarié tendant à la rupture, doit engager la procédure de licenciement. A défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors qu'il apparaît que le contrat liant M.[E] [H] et l'association EMPLOI 38 devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, il appartenait à cette dernière, en application des dispositions prévues aux articles L.'1232-2 et L.'1232-6 du code du travail, d'engager une procédure de licenciement pour rompre la relation de travail, ce qu'elle s'est abstenue de faire. La rupture de la relation de travail avec [E] [H] doit ainsi s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Et, il convient par conséquent de condamner l'employeur à payer à son salarié les sommes suivantes, dont les montants ne sont pas contestés':

- 1 562,88 euros à titre d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant équivalent à un mois de salaire brut, outre 156,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents

- 1 562,88 euros pour irrégularité de la procédure de licenciement

Et, au regard de la rémunération mensuelle brute que percevait l'intéressé à la date de la rupture, de sa courte ancienneté au service du même employeur, des circonstances du licenciement dont il a fait l'objet et de sa situation de santé dont il justifie, le préjudice subi à raison de la perte injustifiée de son emploi par [E] [H] doit être évalué à la somme de 3 000 €.

Le jugement entrepris doit ainsi être infirmé sur ces chefs.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

L'article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

M.[H], qui soutient s'être retrouvé dans une situation particulièrement précaire du fait de l'absence de suivi et d'accompagnement par l'association, pourtant nécessaire à son insertion professionnelle, échoue à établir que l'association EMPLOI 38 aurait, à ce titre, manqué à son obligation de loyauté.

En effet, il résulte des énonciations qui précèdent que l'obligation de suivi et d'accompagnement de l'association EMPLOI 38 a bien été remplie au profit de M.[H].

Par ailleurs, la conclusion entre les parties de dix-neuf contrats successifs, certains pour de très courtes durées, sans respecter les dispositions légales spéciales susvisées, a déjà été indemnisée au titre de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.

Dès lors en l'absence de démonstration d'une exécution déloyale de la relation contractuelle, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a débouté M.[H] de sa demande de ce chef.

Sur le manquement relatif au régime de prévoyance

M.[H] justifie de sa situation d'accident du travail depuis le 4 décembre 2015, de la mention «'Retraite : AG2R, 37 bld Brune 75014 PARIS'» portée sur chacun de ses contrats de travail et de ce qu'aucun régime de prévoyance n'a jamais complété les indemnités journalières de sécurité sociale qu'il a perçues suite à son accident du travail.

En revanche, aucun prélèvement à un régime de prévoyance n'apparaît sur les bulletins de paie du salarié et ce dernier n'apporte aucun élément au soutien des allégations selon lesquelles il s'est rapproché en vain, à plusieurs reprises, d'AG2R.

Ainsi M.[H], qui en a pourtant la charge, échoue à établir l'engagement de l'association EMPLOI 38, qui soutient valablement que le salarié ne pouvait pas prétendre à un quelconque régime de prévoyance en raison de l'absence de tout régime mis en place dans l'association à cet effet, de même qu'elle n'est soumise à aucune convention collective.

Dès lors M.[H] n'ayant jamais cotisé au régime de prévoyance auprès de l'AG2R lors de sa période d'embauche au sein de l'Association Emploi 38, la preuve d'un préjudice n'est pas suffisamment rapportée et le salarié doit être, par confirmation de la décision entreprise, débouté de sa demande au titre des manquements de l'association dans la mise en 'uvre du régime de prévoyance.

Sur la remise des documents de fin de contrat

M.[H] est fondé à solliciter la condamnation de l'association EMPLOI 38 à lui remettre une attestation POLE EMPLOI, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conforme au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation à une obligation de faire d'une astreinte provisoire, la résistance de l'intimée à l'exécution de la présente décision ne pouvant en l'espèce être présumée.

En revanche M.[H], qui n'apporte pas la preuve du préjudice subi au titre de l'absence de remise de ces documents, doit être débouté de sa demande d'indemnisation à ce titre.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de rejeter les demandes d'indemnité de procédure de l'association EMPLOI 38 et de GRENOBLE ALPES METROPOLE et de condamner l'association EMPLOI 38 à verser à M.[E] [H] la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner l'association EMPLOI 38 aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a mis hors de cause GRENOBLE ALPES-METROPOLE et débouté [E] [H] de ses demandes au titre de l'exécution déloyale et du régime de prévoyance

Statuant à nouveau des chefs infirmés

REQUALIFIE la relation contractuelle entre [E] [H] et l'association EMPLOI 38 en contrat de travail à durée indéterminée à partir du 20 avril 2015, dont la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l'Association Emploi 38 à verser à M.[E] [H] les sommes suivantes :

- 1 562,88 € à titre d'indemnité de requalification

- 1 562,88 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 156,28 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 562,88 € à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- 3000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

DEBOUTE M.[E] [H] de sa demande de dommages et intérêts au titre du défaut de délivrance de l'attestation Pôle Emploi

REJETTE la demande d'assortir l'obligation de remise des documents de fin de contrat d'une astreinte

REJETTE les demandes de l'ASSOCIATION EMPLOI 38 et de la METROPOLE GRENOBLE ALPES-METROPOLE au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE l'association EMPLOI 38 à verser à M.[E] [H] la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE l'association EMPLOI 38 aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 20/03029
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;20.03029 ?
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