C7
N° RG 20/03063
N° Portalis DBVM-V-B7E-KSDG
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Adrien RENAUD
la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 16 JUIN 2022
Appel d'une décision (N° RG 19/00087)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 14 septembre 2020
suivant déclaration d'appel du 06 octobre 2020
APPELANTE :
Madame [U] [D]
née le 15 décembre 1998 au MAROC
6 C chemin des Prés
38400 MEYLAN
représentée par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Audrey NAVAILLES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
S.A.S. GESTION DE LA PAIE.COM, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
3 rue Hector Berlioz
38600 FONTAINE
représentée par Me Sandrine PONCET de la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, Présidente,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 avril 2022,
Madame FRESSARD, Présidente, chargée du rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat à durée indéterminée à compter du 24 février 2015, Madame [U] [D] a été engagée par la société GESTION DE LA PAIE.COM (GDLP) en tant que Chargée d'Externalisation Paie, Agent de maîtrise, niveau IV, coefficient 220 de la convention collective des prestataires de service.
Elle percevait une rémunération moyenne mensuelle de 2 000 € brut en contrepartie d'un temps complet.
Madame [D] a été placée en arrêt maladie à compter du 29 février 2016, puis en congé maternité du 17 juin au 6 octobre 2016.
Du 8 octobre 2016 au 31 août 2017, Madame [D] était en congé parental.
Madame [D] a été à nouveau placée en arrêt maladie du 6 mars 2018 au 13 avril 2018.
Postérieurement à la visite médicale de reprise organisée le 19 avril 2018, Madame [D] a été placée en mi-temps thérapeutique à hauteur de 50% de son temps de travail, du 14 avril au 4 mai 2018 inclus. Le terme de son mi-temps thérapeutique a été porté jusqu'au 30 juin 2018.
Par lettre recommandée en date du 29 mai 2018, Madame [D] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé le 11 juin 2018, à son retour de congés.
En raison de l'impossibilité de Madame [D] d'assister à l'entretien, la société l'a convoquée à un nouvel entretien préalable fixé le 29 juin 2018, par lettre du 18 juin 2018.
Par arrêt de travail du 25 juin 2018, la salariée a été placée en arrêt de travail jusqu'au 6 juillet 2018 pour « syndrome anxiodépressif réactionnel », puis par arrêt du 23 juillet 2018, renouvelé successivement jusqu'au 21 février 2019.
Madame [D] s'est vue notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle avec réalisation du préavis par lettre recommandée datée du 20 juillet 2018.
Contestant son licenciement, Madame [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble, le 28 janvier 2019, de demandes de reconnaissance d'une situation de discrimination, de harcèlement moral et d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 14 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Grenoble a débouté Mme [U] [D] de l'intégralité de ses demandes, débouté la SAS GDLP de sa demande reconventionnelle et laissé les dépens à la charge de la salariée.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec accusé de réception du 15 septembre 2019 ; Mme [U] [D] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction du 06 octobre 2019.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 02 mars 2022, Mme [U] [D] sollicite de la cour de':
Vu les articles L. 1132-1 ; L.4121-1 ; L.1152-1 ; L.1225-27 ; L.1232-1 ; L. 6321-1 ; L. 1235-3 du
code du travail
Vu les articles R. 4624-31 et R. 4624-32 du code du travail ;
Réformer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [U] [S] de l'ensemble de ses
demandes et a laissé les dépens à sa charge.
Statuant à nouveau,
DIRE ET JUGER que Madame [D] a subi un traitement discriminatoire lié à ses
convictions religieuses et à son état de santé ;
DIRE ET JUGER que Madame [D] a subi des faits constitutifs de harcèlement moral ;
DIRE ET JUGER que la société Gestion de la paie.com a manqué tant à son obligation de
sécurité de résultat qu'à son obligation de prévention ;
A titre principal,
CONDAMNER la société Gestion de la paie.com à régler à Madame [D] la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation tant du traitement discriminatoire que du harcèlement moral qu'elle a subi, outre intérêts de droits à compter de la demande.
Subsidiairement,
CONDAMNER la société Gestion de la paie.com à régler à Madame [D] la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat et exécution déloyale du contrat de travail, outre intérêts de droits à compter de la demande.
DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [D] est nul, et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse.
CONDAMNER en conséquence la société Gestion de la paie.com à régler à Madame [D]
la somme de 24.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts de droits à compter de la demande.
CONDAMNER la société Gestion de la paie.com à régler à Madame [D] la somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la carence de l'employeur au regard des organismes de mutuelle et de prévoyance, outre intérêts de droits à compter de la demande.
CONDAMNER la société Gestion de la paie.com à régler à Madame [D] la somme de 3500€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.
CONDAMNER la société Gestion de la paie.com aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, la SAS GESTION DE LA PAIE.COM sollicite de la cour de':
A titre principal
CONFIRMER le jugement déféré dans toute ses dispositions et notamment en ce qu'il a :
$gt; JUGE que le licenciement notifié n'était pas nul et reposait sur une cause réelle et sérieuse
$gt; JUGE que Mme [D] ne démontrait pas avoir fait l'objet d'un harcèlement moral ni d'une discrimination liée à son état de santé ou convictions religieuses
$gt; JUGE que la société la GESTION DE LA PAIE.COM n'a pas commis de manquement à son obligation légale de sécurité de résultat, exécuté le contrat de bonne foi, et n'a manqué à son obligation de mise en place de mesures préventives
$gt; DEBOUTE de ce fait Mme [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse et harcèlement moral ou manquement a l'obligation de sécurité et de mise en place de mesures préventives
$gt; JUGE que Mme [D] a bien passé les visites médicales de reprise obligatoires
$gt; JUGE que la société la GESTION DE LA PAIE.COM n'a commis aucun manquement dans la gestion des relations avec la caisse de prévoyance et déboute Mme [D] de la demande de dommages intérêts formée à ce titre et au titre de l'absence de visite de reprise
DEBOUTER de ce fait Mme [D] de l'ensemble de ses demandes et notamment de ses demandes suivantes formées à l'encontre de la société LA GESTION DE LA PAIE.COM':
- 20 000 a titre de dommages et intérêts en réparation du traitement discriminatoire et du harcèlement moral subi outre intérêts à compter de la demande et à titre subsidiaire 20 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et manquement à l'obligation légale de sécurite de résultat
- 24 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul et à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre intérêts
- 2000 euros de dommages et intérêts en réparation de la carence de l'employeur au regard des organismes de mutuelle et prévoyance outre intérêts
- 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
$gt; Aux entiers frais et dépens de 1ère instance et d'appel
Y rajoutant
CONDAMNER Mme [D] à verser à la société la GESTION DE LA PAIE. COM la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 Code Procédure Civile.
CONDAMNER Mme [D] aux entiers frais et dépens de lere instance et d'appel distraits au pro't de la SCP VANDENBUSSCHE BENHAMOU ET ASSOCIES
A titre subsidiaire
Si par extraordinaire, la Cour rentrait en voie de reformation, il lui est demandé de
RAMENER l'ensemble des prétentions de la salariée à de plus justes mesures en constatant que pour aucune de ses demandes la salariée ne justifie du moindre préjudice de sorte notamment qu'en application es dispositions légales et conventionnelles
- Le montant alloué au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif sera cantonné à un mois de salaire et 6 mois en cas de licenciement nul en application de l'article L1235-3 du Code du Travail.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17mars 2022 et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 06 avril 2022.
La décision a été mise en délibéré le 16 juin 2022.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la discrimination
L'article L. 1132-1 du code du travail pose en principe qu' aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses convictions religieuses, de son apparence physique ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Selon l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :
- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,
- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,
- la discrimination inclut'tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article'1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, Mme [U] [D] invoque le fait qu'à partir du moment où elle a décidé de porter le voile, elle a été stigmatisée et a subi une différence de traitement totalement injustifiée': elle a été «'prise en grippe'» et la société a tout fait pour la pousser à la démission, puis à accepter une rupture conventionnelle, avant de la licencier.
Or, Mme [D] n'établit pas la matérialité des faits'suivants.
En effet, au soutien de l'adoption par le directeur de la société, M. [J], d'un comportement hostile à son égard, Mme [D] produit le courriel de contestation qu'elle lui a adressé le 28 février 2916, aux termes duquel elle exprime sa déception d'avoir perçu une prime sur objectif 2015 de seulement 90%, sans démontrer, ainsi qu'elle le soutient, que la direction avait prévu, pour tous les membres de l'équipe, une prime exceptionnelle payée à 100%, et alors que l'employeur produit les comptes-rendus d'entretien individuel tant de Mme [D] que de deux autres salariées qui n'ont bénéficié que d'un versement partiel de cette prime pour avoir rencontré des difficultés dans l'exécution de leurs missions. La différence de traitement n'est pas établie.
En revanche, pour étayer ses affirmations, Mme [D] produit notamment l'attestation de Mme [T] [P] qui témoigne, le 24 septembre 2018, en ces termes':' «Un jour Asma est venue demander aux membres de l'équipe si cela nous dérangeait qu'elle porte son voile au travail. Nous lui avons répondu collectivement que nous n'étions pas contre mais que c'était à l'entreprise de se prononcer et prendre sa décision sur le sujet. Ensuite notre responsable a convoqué chaque membre de l'équipe individuellement pour connaître notre avis sur le sujet en nous demandant si nous étions favorable ou non au port du voile d'Asma. Cette démarche nous a dérangée et parue déplacée de devoir se prononcer sur un sujet personnel. A l'issue de ces entretiens il refuse le port du voile à Asma car en privé les membres de l'équipe auraient majoritairement répondu qu'elles étaient défavorables et n'auraient pas eu le courage de lui dire en face. A partir de ce moment-là, le responsable et certains membres de l'équipe ont clairement pris [U] en grippe. Les rapports sont devenus de plus en plus antipathiques avec ces personnes-là. Le responsable s'est mis à régulièrement critiquer son travail et à lui mettre la pression pour la déstabiliser. Cela donnait l'impression qu'[U] dérangeait et qu'il souhaitait qu'elle craque et finisse par quitter d'elle-même l'entreprise. Certaines collègues se sont misent aussi à leur tour à être désagréable avec elle pour lui faire comprendre qu'elle n'était plus à sa place ['] ».
Et si Mme [P] précise avoir quitté l'entreprise fin 2015, de sorte que les deux salariées ont, de fait, travaillé très peu de temps ensemble, son témoignage très général et imprécis quant aux dates et personnes visées dans leurs comportements à l'égard de Mme [D] met cependant en évidence que la question du port du foulard par cette dernière a bien été abordée, avec les salariés de l'entreprise, dans des conditions inadaptées par l'employeur.
Mme [D] produit également l'attestation de Mme [W] [A], datée du 15 septembre 2018, qui témoigne que'«' lors de mon arrivée en janvier 2017, je n'ai reçu ni livret d'accueil, ni règlement intérieur. Ce dernier n'a été évoqué qu'aux environs de l'été 2017. Lors de la lecture de celui-ci par Mme [F], j'ai été surprise de l'interpellation d'[U] au moment de la lecture du paragraphe concernant les signes ostentatoires. J'ai trouvé cela déplacé venant d'une supérieure de mettre une personne, revenant tout juste de congé parental, mal à l'aise devant tous ses collègues'».
Et la salariée produit, enfin, un échange de courriels avec M. [L] [J] des 31 août et 21 septembre 2017 aux termes desquels Mme [D] interpelle son supérieur sur le déroulement de l'entretien de pré-reprise, organisé à l'issue de son congé parental le 28 août précédent, lui faisant grief notamment d'être revenu sur le port du foulard sur le lieu de travail, qu'il lui avait déjà interdit par le passé, M.[J] lui répondant «'Concernant le port de ton foulard, comme évoqué, l'entreprise GDLP adopte un principe de neutralité afin de garantir l'égalité entre les Hommes, mais aussi le respect et la compréhension de l'autre. Ce principe de neutralité ne pose aucune difficulté avec le port du foulard telle que tu le portes aujourd'hui et tant qu'il ne devient pas une manifestation ostentatoire de convictions religieuses'», faisant ainsi preuve de pondération dans le respect des principes d'égalité et de neutralité réaffirmés par le règlement intérieur adopté par la société.
Etant relevé par la cour que le règlement intérieur produit aux débats et daté du 31 août 2017, qui porte mention d'un article 2 dédié au «'comportement général du salarié'; Ethique, neutralité et respect mutuel'» répond aux exigences légales dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur, l'adoption de ce règlement établissant que la question du port du foulard dans la société a été valablement posée et réglée dans le respect des convictions religieuses de chacun, l'employeur démontrant ainsi suffisamment et valablement sa volonté de se mettre en conformité avec les exigences de la loi.
Par ailleurs, la société LA GESTION DE LA PAIE, qui soutient n'avoir jamais eu un comportement discriminatoire envers sa salariée, verse aux débats l'attestation de Mme [N] [V], gestionnaire de paie également, qui témoigne n'avoir «'jamais constaté de comportement différent quelques soit les salariés de l'entreprise lorsque Madame [D] était en poste au sein de la structure de GDLP, de la part de la direction.'».
Ainsi, en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus visés n'est pas démontrée. Les demandes relatives à la discrimination doivent, par conséquent, être rejetées.
Sur le harcèlement moral et les manquements à l'obligation de sécurité
L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral':
En cas de litige relatif à l'application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Et depuis le 10 août 2016 l'article L 1154-1 du code du travail, relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral, dispose que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité des faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.
Au cas d'espèce, Mme [D] soutient qu'à son retour de congé parental, les faits de harcèlement moral se sont accentués en ce qu'elle n'a pas bénéficié d'un entretien de reprise (1) portant sur son orientation professionnelle conformément aux dispositions de l'article L1225-27 du code du travail, qu'après avoir été laissée sans portefeuille clients (2) pendant les jours qui ont suivi sa reprise, elle a ensuite été confrontée à une surcharge de travail (3) et s'est vue appliquer un traitement différent (4) des autres salariés, à plusieurs égards et sans aucun motif légitime, qu'elle a alerté (5) sa hiérarchie en vain sur les difficultés qu'elle rencontrait et que le comportement de la société GDLP a eu des conséquences sur la dégradation de son état de santé (6).
Mme [D] n'établit pas la matérialité de l'absence de portefeuille clients (2) en produisant le courriel qu'elle a adressé à Mme [O] [H], manager paies, le 7 septembre 2017, l'informant de ce que «'mes accès SILAE sont trop limités'» pour pouvoir traiter certaines demandes de clients et sollicitant «'un accès normal pour pouvoir calculer les bulletins'», ce seul élément étant insuffisant à objectiver que, durant une période de 20 jours, la salariée appelante aurait été privée de la possibilité d'avoir un téléphone et de l'autorisation d'envoyer ses mails professionnels.
Pour étayer ses affirmations, Mme [D] produit cependant aux débats':
(1) Sur l'absence d'entretien de reprise conforme aux dispositions légales':
L'échange de courriels des 31 août et 21 septembre 2017 entre le directeur, M.[J], et elle au sujet du déroulement de l'entretien de pré-reprise, aux termes duquel la salariée fait grief à son supérieur de lui avoir annoncé qu'il ne souhaitait pas continuer à travailler avec elle, lui aurait reproché son niveau inférieur à celui des autres collaborateurs, et surtout son incapacité à se remettre en question, M.[J] lui répondant que cette rencontre avait eu pour finalité «'d'évoquer ensemble une reprise de ton travail suite à ton retour de congé. A cette occasion, je t'ai indiqué que les choses avaient évoluées dans l'entreprise ainsi que la manière de travailler' pour t'accompagner dans ta reprise, j'ai pu réfléchir avec [O], qui sera ta référente pour tes dossiers et qui pourra t'apporter du soutien dans les besoins de formation et de suivi. J'ai déjà eu l'occasion de te rappeler que tu ne peux remettre en cause mes indications et mes remarques sur la manière de traiter les dossiers, notamment lorsque je constate des erreurs''», réponse posée et respectueuse de l'employeur qui objective la matérialité d'un entretien de pré-reprise mais qui n'a pas donné lieu à la rédaction d'un document dont une copie aurait du être remise à la salariée.
(3) Sur la surcharge de travail'alléguée :
Le courriel adressé par Mme [D] à Mme [H], le 13 septembre 2017, aux termes duquel elle lui explique que «'les objectifs fixés lors de l'entretien trimestriel me semblent irréalisables compte tenu du calendrier et de la passation suite au départ de [W] M, de mes formations'Je vais faire de mon mieux, mais je t'avoue que cela me stresse un peu puisque je reprends tous juste'», Mme [H] lui répondant, le 17 septembre 2017, «'je vais pouvoir t'accompagner cette semaine pour organiser au mieux les dossiers de paies, nous allons dès lundi matin mettre en place un calendrier très détaillé des taches que tu vas aborder cette semaine avec les deux [W]. Concernant les formations, nous devons les faire avant que tu commences les paies toute seule, il est indispensable d'une remise à niveau pour commencer le mois prochain' GDLP a évolué pendant ton congé parental, tu as les consultants pour t'aider dans le paramétrage, je serai là aussi en cas de question sociale, méthodologie, communication auprès du client, et organisation des cycles. Je t'invite à communiquer régulièrement avec moi afin que nous puissions anticiper les éventuels problèmes qui pourront être vu pendant le trimestre.'», ces échanges mettant en lumière le stress légitime de la salariée à l'occasion de sa reprise de travail et l'attitude constructive de sa manager face aux difficultés présentes et à venir.
(4) Sur le traitement différent'allégué :
Alors que son contrat de travail ne prévoyait aucun horaire précis, Mme [D] s'est vue reprocher, par un courriel que lui a adressé Mme [H] le dimanche 17 septembre 2017, avec copie à M.[J], d'avoir quitté le site vers 16h30 le vendredi, un rappel des plages horaires lui étant fait à cette occasion tant par sa manager paie que par le directeur du site quelques heures plus tard,
Mme [W] [A] attestant que «'il n'y avait pas d'horaires de travail définis ni dans le contrat de travail, ni affichés. Il était d'usage que l'on pouvait partir à 16h30 le vendredi après-midi'» et précisant qu'après le rappel à l'ordre d'[U] [D], les horaires ont été affichés.
Et la réunion de service du 13 octobre 2017 a officialisé les horaires collectifs de travail avec les vendredis se terminant à 16h30.
Alors qu'il n'était pas demandé aux autres agents paies, par la société, de précisions sur les tâches qu'ils entendaient réaliser à l'occasion de leurs journées de télétravail, ainsi qu'en atteste Mme [A], Mme [D] établit que, en réponse à son courriel du 27 décembre 2017 à 11:56': «'j'envisage de faire du télétravail ce jeudi, la paie plastipak est terminée donc pas de créneau de passation prévu'», M.[L] [J] lui a répondu en ces termes':' «'Bonjour [U], Merci de me donner les points que tu as prévu de traiter demain. [L]'».
Mme [A] témoigne également que «'[U] devait faire des points quotidiens avec notre responsable paie alors qu'aucune de nous n'avait à le faire, même à notre entrée'» tandis que Mme [X] [M] atteste de ce que «'Les réunions d'équipe se faisaient toujours l'après-midi alors que [U] était en mi-temps thérapeutique et travaillait le matin' [U] n'avait pas le droit de faire de pause et n'avait pas le droit de participer au pot de départ, petit déjeuner pour les cohésions d'équipe'».
Les échanges de courriels entre Mme [H] et Mme [D], les 7 et 8 janvier 2018, mettent en lumière les reproches faits par la première à la seconde sur le défaut d'accomplissement de certaines tâches (retour de facturation, établissement d'un calendrier détaillé sur les tâches de janvier alors que cette commande avait été faite dès le 15/12 à tous les gestionnaires de paie, remplissage du fichier DADS) et les réponses successives de la salariée indiquant qu'elle avait fait la facturation, que le fichier DADS était mis à jour et expliquant pourquoi le fichier de janvier n'avait pas été renseigné.
(5) Mme [D] établit avoir alerté son employeur à plusieurs reprises':
Ainsi, dès le 17 janvier 2018, Mme [D] a informé Mme [H] de ce qu'il lui serait impossible de traiter les paies de la société PLASTIPAK en plus de celles des autres sociétés de son portefeuille en ces termes': «'je t'alerte car je sais que cela ne passe pas du tout.'».
Par un courriel daté du 30 janvier 2018, la salariée a fait part de son ressenti à Mme [H] en ces termes':' «'Cela me prend énormément de temps et d'énergie de me justifier de tout, et cela me pèse je me sent harcelé, j'en ai marre. Tout est prétexte à faire des rappels à l'ordre mais c'est plus que je ne peux en supporter'».
Puis, le 7 février 2018, elle l'a alertée de ses difficultés en ces termes':' «' [O], Quelle est la solution pour enregistrer l'aed qui soit lisible. En effet en utilisant la procédure d'enregistrement pour laquelle tu m'as rappelé à l'ordre récemment je rencontre des difficultés ''».
Parallèlement, la déléguée du personnel, Madame [R] [B], a alerté la direction de l'entreprise sur le mal être et la surcharge de travail de certains salariés dans l'entreprise, le nom de Madame [D] n'étant cependant pas cité, et la question de la détérioration de la communication ayant été abordée en ces termes, à la réunion du 19 février 2018 des délégués du personnel, avec le directeur, M. [J]': «'Sur la forme et s'agit plus d'une remarque que d'une question : des mots forts sont employés par l'équipe, harcèlement, détérioration de la santé, pression, manque de considération' chacun à l'impression de s'investir pour la société GDLP, et la direction l'a fait remarquer juste titre lors de la réunion de service du 9 Janvier 2018, cependant, elle ressent qu'on en demande toujours plus sans reconnaissance. Et la sensation d'être poussé vers la sortie se fait sentir. Il faudrait une communication positive et une remotivation de l'équipe.'»';
la réponse de la direction étant':' «'la direction est tout à fait d'accord pour échanger avec les salariés qui estiment être dans cette situation. De son côté, la direction souhaite trouver des solutions à ce type de ressenti. A ce jour aucun salarié, n'est venu me voir personnellement ([L] [J]) pour évoquer ce point, donc il est impossible pour moi de le régler'».
Et, le 22 mai 2018, Mme [D] a adressé un nouveau courriel à Mme [H] en ces termes':' «'Comme évoqué précédemment, la charge de travail sur le dossier cimi cisa isa sacicap est trop importante en parallèles des autres dossiers en ma charge et par rapport à mon temps de présence. Je suis en difficultés et effectue des heures supplémentaires. ['] La situation est très compliqué à gérer et génère du stress.'».
(6) le comportement de la société GDLP a eu des conséquences sur son état de santé':
' le 6 mars 2018, Mme [D] a été placée en arrêt maladie, lequel a été prolongé et la salariée a repris le travail à temps partiel à hauteur de 50% du 14 avril au 30 juin 2018.
' les arrêts de travail, à compter du 25 juin 2018, font état d'un «'syndrome dépressif réactionnel'», l'arrêt maladie initial du 13/06 faisait mention de «'VIROSE ORL'»
' le certificat d'un généraliste, daté du 28/01/2019, atteste que «'la patiente est suivie pour trouble anxio-dépressif reactionnel'».
Ainsi, en l'état des explications et des pièces fournies, Mme [D] établit la matérialité d'éléments de fait précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens des textes ci-dessus visés.
L'employeur, qui soutient que la salariée est totalement défaillante en terme probatoire tant en ce qui concerne la discrimination que le harcèlement moral, produit aux débats':
Au titre de (1) l'absence d'entretien de reprise conforme aux dispositions légales, l'employeur qui conteste le contenu de l'entretien informel qui s'est déroulé le 28 août 2017, tel que dénoncé par Mme [D], échoue cependant à produire le document prévu par l'article L6315-1 du code du travail et à établir tant le contenu de cet entretien que les motifs pour lesquels il a manqué à son obligation d'organisation de cet entretien de reprise dans les formes et conditions légales, à l'issue du congé parental de sa salariée. '
Au titre de (3) la surcharge de travail'dénoncée par la salariée, qu'elle ait exercé son travail à temps plein ou à temps partiel, la société, qui soutient que Mme [D] a toujours eu une charge de travail équivalente à celle des autres salariés, produit utilement des tableaux comparatifs dont il ressort que pendant ses trois périodes de travail successives, la salariée appelante a eu, en moyenne, moins de paies à gérer que ses collègues (475 puis 480 et enfin 250 pendant sa période de travail à 50%), de même que la liste des dossiers attribués à la salariée révisée pour tenir compte de son passage à mi-temps.
Par ailleurs, compte tenu des difficultés rencontrées par le passé telles qu'elles résultent du compte-rendu d'entretien de 2015, les échanges de courriels entre Mme [O] [H] et Mme [D], au moment de la reprise de cette dernière, établissent que pour l'aider à mieux s'organiser, sa responsable lui a établi un planning de travail précis lui permettant de gérer sereinement ses dossiers, a régulièrement opéré des points avec elle pour lui permettre de définir des priorités et traiter les multiples difficultés qu'elle rencontrait.
Au titre du traitement différent allégué par la salariée (4) l'employeur apparait cependant, dans le cadre de ce suivi rapproché, légitime quand il a demandé à Mme [D] d'expliquer les tâches qu'elle entendait effectuer dans le cadre de sa journée de télétravail, le pouvoir de direction de l'employeur à cette occasion unique alléguée par la salariée n'ayant pas dégénéré en abus de sa part.
En revanche, lorsque l'employeur a rappelé Mme [D] à l'ordre, le 17 septembre 2017, sur son horaire de sortie de la société le vendredi après-midi précédent, il ne démontre ni qu'elle avait quitté son poste prématurément, ni qu'elle n'avait pas terminé son travail ce jour-là.
La cour relève aussi que, s'agissant de la rythmicité des réunions d'équipe, aucun élément précis n'est fourni ni par la salariée, qui regrette de ne plus avoir pu y participer lorsqu'elle a repris son emploi à temps partiel les matins, ni par l'employeur, qui n'éclaire en rien la cour sur cette question en ce qu'il procède par affirmation, sans produire ni calendrier de réunion ni compte-rendu de ces dernières, dont il échoue à démontrer que des diffusions auraient été faites pour permettre aux salariés non-présents d'être informé de leur contenu des réunions.
(5) L'employeur, qui ne conteste pas que Mme [D] a pu exprimer qu'elle rencontrait des difficultés notamment en lien avec sa charge de travail, à plusieurs reprises entre le 30 janvier et le 22 mai 2018, directement auprès de sa responsable Mme [H], établit avoir mis en 'uvre un soutien de la salariée à l'occasion de la reprise de son emploi, les échanges de courriels entre Mme [D] et Mme [H] mettant en lumière l'attention et la disponibilité de cette dernière à l'égard de la salariée.
Et, à l'occasion de l'interpellation de la direction par la déléguée du personnel, au cours de la réunion DP du 19 février 2018, sur le ressenti de certains salariés, la cour relève qu'à aucun moment la situation personnelle de Mme [D] n'a été explicitement évoquée, les courriels versés aux débats étant à destination de tous les salariés.
(6) Enfin, l'employeur fait utilement valoir que les absences de la salariée l'ont toujours été pour maladie simple et non professionnelle. En effet Mme [D] a toujours été déclarée apte sans réserve à son poste. Le médecin du travail n'a jamais demandé un allégement des missions confiées ou encore une modification de la hiérarchie, ce qui aurait été le cas si Mme [D] avait été placée dans des conditions d'emploi inacceptables. Ses arrêts de travail ont toujours été prescrits pour raisons personnelles et non au titre de la législation professionnelle. Sa charge de travail a été adaptée à sa reprise à temps partiel à compter du 14 avril 2018.
En outre les certificats médicaux produits font état de troubles anxio-dépressifs réactionnels à compter du 25 juin 2018, sans jamais les imputer aux conditions d'emploi.
L'employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par Mme [D] sont, pour la plupart, justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement'; et l'absence de document prévu par l'article L6315-1 al 2 du code du travail, l'unique rappel à l'ordre relatif à une sortie de l'entreprise un vendredi à 16h30 comme l'absence de justification par l'employeur du calendrier des réunions de service qui auraient pu avoir lieu le matin hors la présence de Mme [D], sont insuffisants à caractériser des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de Mme [D].
Les demandes relatives au harcèlement moral doivent, par conséquent, être rejetées.
En revanche, il ressort des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est ainsi tenu, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, d'évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, l'article L.1152-4 du même code obligeant l'employeur à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir notamment les agissements de harcèlement moral.
Il convient de rappeler qu'il incombe, en cas de litige, à l'employeur, tenu d'assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité et de prévention mise à sa charge par les dispositions précitées du code du travail, de justifier qu'il a pris les mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.
Or, en l'espèce, l'employeur ne justifie aucunement avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail notamment par la mise en 'uvre d'actions d'information et de prévention propres à prévenir la survenance d'un harcèlement moral, ni qu'informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, il a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
Dans ces conditions, l'employeur a manqué à ses obligations et Mme [D] est bien-fondée en sa demande de dommages et intérêts, qu'il convient de fixer à hauteur de 2000 €.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en cas de litige, forme sa conviction au regard des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Si un doute subsiste, il doit profiter au salarié.
Pour constituer une cause réelle et sérieuse de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments précis, objectifs ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations caractérisée, notamment, par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant.
Si le juge n'est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'expliquer sur les pièces qu'il entend écarter, il lui appartient néanmoins d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de rupture, laquelle circonscrit le champ du litige et le lie.
La lettre de licenciement, notifiée à Mme [U] [D] le 20 juillet 2018 par la société GDLP
est motivée comme suit :
« Nous vous avions convoqué à un entretien préalable à licenciement auquel vous ne vous vous êtes pas rendue pour des motifs qui vous sont personnels.
Votre absence ne nous permet pas de revenir sur notre projet et nous vous notifions par la présente votre licenciement pour les motifs qui suivent':
Vous avez été recrutée en qualité de gestionnaire de paie à compter du 24 février 2015.
Très rapidement, nous avons eu à constater des manquements et erreurs qui ont d 'ailleurs été soulignés lors de vos différents entretiens annuels.
Nous avions à l 'époque choisi de vous laisser le temps de prendre en main votre poste et nous vous avions maintenu notre confiance.
Nous avions en parallèle mis en place des mesures pour vous aider dans vos missions, en vous accordant notre support technique mais également plusieurs formations, notamment après votre retour de congé maternité.
En dépit du temps laissé et des moyens mis en place, force est de constater que vous n 'avez toujours pas réussi à prendre en main votre poste et que les dossiers qui vous sont confiés, comportent toujours des erreurs qui ne peuvent être admises pour une salariée ayant votre expérience. Ces erreurs nuisent au bon fonctionnement du service, compte tenu du fait que nous sommes contraints de vérifier bon nombre des dossiers que vous avez traités et que les erreurs commises nuisent à notre relation avec nos clients.
Ainsi, force est de constater qu'après près de 4 ans de présence au sein de notre effectif vous ne maitrisez toujours pas les procédures applicables et n 'êtes toujours pas autonome dans la gestion des dossiers confiés.
A titre d'exemples,
Au mois d 'avril 2018 vous n'avez pas contrôlé les éléments variables de paie chez Eugen ce qui a eu pour conséquence d 'imputer à un salarié 10 jours de congés non-pris.
Apres vérification, nous avons constaté qu'aucun contrôle n'avait été stocké sur le réseau, que vous aviez juste réalisé une extraction des activités après intégration, mais aucun pointage contrairement aux règles applicables.
De même, vous n'avez pas procédé au contrôle des éléments de paie permettant la détermination de l'intéressement au sein de la société CIMI CISA ce qui générait un blocage et nous a contraint à reprendre l'ensemble des éléments de paie pour finaliser les données.
Autre exemple, lors du retour de la DNS de la société SA CICAP vous n 'avez pas contrôlé le fichier et donc pas pris en compte le changement de numéro de Siret de l 'entreprise. Cette dernière vous avait pourtant alerté à plusieurs reprises sur ce point.
Certaines notions de base ne sont toujours pas assimilées par exemple, le fait qu'un bulletin de paie faisant apparaitre un net négatif conduit à opérer un virement à zéro, le virement négatif n'existant pas.
Les demandes d'aide formulées auprès du service support con'rment cette absence de maitrise de bases de la paie.
Ainsi le 13 février dernier, vous avez sollicité le service pour une difficulté sur le calcul d 'un maintien de salaire pour un salarié en maladie de la société STERIGENICS Une simple vérification du service de la saisie du planning d 'activité a réussi à mettre en évidence que la difficulté venait du fait que sur un même jour, le salarié concerne' était mis cumulativement en maladie et congés payés.
Le 29 mai dernier, pour la société CISA vous constatez que le montant du compte 641110 n 'est pas égal au brut du récapitulatif de paie sans être en mesure d'apporter la moindre solution alors qu'il suffisait de faire une écriture comptable détaillée pour avoir les rubriques rentrant dans ce compte et opérer un comparatif Cette opération est facilement réalisable par le logiciel mis à votre disposition.
Logiciel qui n 'est visiblement toujours pas maitrisé au bout de 4 années de présence.
Autre exemple, le 24 mai dernier, vous interrogé le service support pour la société CIMI pour laquelle le récapitulatif de paie fait apparaitre des bases retraite TA et AGFF TA différentes.
Les mesures à mettre pour trouver l'erreur présente, sont accessibles à une salariée débutante puisqu'il suffit de faire un récapitulatif de paie et d 'afficher le détail des lignes pour comparer les 2 cotisations et trouver le ou les salariés en écart, pour enfin faire un récapitulatif de paie annuel pour valider le cumul.
Il s 'agit encore une fois d 'un contrôle et un niveau fonctionnel simple et cela démontre également clairement que vous ne savez toujours contrôler une cotisation avec une régularisation et un cumul annuel.
Les exemples susvisés ne sont que des illustrations non exhaustives des carences constatées.
Les procédures liées à l'organisation interne ne sont également pas respectées.
Le 1er juin, nous avions une réunion de transmission des dossiers avant votre départ en congés payés. Or en dépit des règles applicables et respectées par l'ensemble des autres salariés, vous vous êtes présentée à réunion d 'organisation sans aucune préparation alors que vous auriez dû préparer les tâches de remplacement de vos dossiers.
En outre toujours lors de cette réunion, il a été acté de la clôture de certains dossiers relatif au mois de mai ce qui dans les faits n 'étaient pas le cas exemple': comptabilité post paies STERIGENICS.
Plusieurs jours après votre retour de congés, vous n'aviez toujours pas désactivé le renvoi d'appel en étant même pas étonnée de recevoir aucun appel téléphonique.
Nous constatons également que vous n 'opérez pas un suivi régulier des demandes des clients notamment par mail'
Ainsi la société SEBL SAREM vous a adressé un mail relatif à la paie d 'avril 2018 auquel vous n'avez pas répondu ce qui a conduit le client à vous adresser un nouveau mail une semaine plus tard pour savoir si quelqu'un avait traité les paies.
Lors de nos différents entretiens, nous avons à plusieurs reprises évoqués avec vous les difficultés rencontrées sans que vous soyez en mesure d 'apporter la moindre explication à cette situation.
Force est de constater qu'après 4 ans de présence sur le poste, les connaissances requises pour l'occuper ne sont toujours pas acquises et que vous n 'avez pas l'autonomie utile pour exécuter vos missions et ce en dépit des formations octroyées et de l'aide accordée.
Aucune amélioration n'est intervenue en 4 années de présence. Votre comportement démontre même actuellement une très faible implication dans l 'exécution de vos taches.
L 'ensemble de ces motifs nous conduisent à constater votre insuffisance professionnelle vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Votre préavis d'une durée de deux mois prendra effet à la date de 1ère présentation du présent courrier. ''.
L'employeur, qui soutient qu'avec son diplôme et son expérience antérieure, Mme [D], à son retour de congé parental, n'avait besoin que d'une mise à jour, justifie d'une première part des formations dont elle a pu bénéficier'sur plusieurs demi-journées en septembre et octobre 2017 : SILAE ' STC - TRAITEMENT DU SDIS - CHARGES, CONTROLE, GENERATION, DEPOT ' FICHE DU PERSONNEL- PROCESSUS PAIE ' REPORTING PAIE/COMPTA/BILAN SOCIAL.
D'une deuxième part, l'employeur, qui soutient que Mme [D] a rencontré des difficultés, sans rapport avec le manque de formations, dont il résulte des énonciations qui précèdent qu'elles lui ont été dispensées, justifie des manquements et carences de sa salariée, alors qu'elle a bénéficié de l'appui important de sa responsable Mme [H], par la production de':
- l'attestation de Mme [O] [H], datée du 16 décembre 2019, qui témoigne de ce que': «'ayant été manager de l'équipe paie au sein du GDLP du 01/02/2016 au 03/04/2019 et en particulier de Madame [U] [D], son niveau d'autonomie et ses compétences étaient insuffisantes pour tenir le poste de chargée d'externalisation malgré son ancienneté, les formations, l'accompagnement et l'adaptation de son activité à temps partiel.
J'ai accompagné personnellement Madame [D] mais celle-ci n'a jamais progressé au niveau que j'attendais, elle ne respectait pas les procédures et prenait souvent du retard sur les tâches qui lui étaient confiées et a tenu des propos déplacés lors de son évaluation.'»
- les échanges de courriels entre Mme [H] et Mme [D], le 17 septembre 2017, objectivant la réalité de l'aide et du soutien dont la salariée a pu bénéficier pour la gestion de ses dossiers et l'organisation de sa charge de travail au quotidien,
- le rappel à l'ordre de M.[J], en date du 15 décembre 2017, aux termes d'un courriel adressé à Mme [D] qui lui rappelle qu'alors que [O] [H] avait pris du temps pour reprendre un de ses dossiers sur lequel elle l'avait alertée sur le fait qu'elle ne savait pas faire le paramétrage, la salariée appelante a oublié de déposer la DSN réelle le lendemain, ainsi qu'elle en avait la charge
- les échanges de courriels entre Mme [H] et Mme [D], entre le 7 et le 29 janvier 2018, aux termes desquels la première donne des consignes à la seconde et/ou pointe des erreurs, des oublis, des retards, générateurs d'incompréhensions de la part de la responsable, de mécontentements et d'interrogations des clients
- deux synthèses sur le support nommé «'Entretien individuel trimestriel'» du 2 mai 2018, renseignées par Mme [H], qui mettent en évidence des objectifs non atteints, la nécessité pour la responsable d'intervenir très fréquemment pour pallier les manquements de Mme [D], l'adaptation de son planning, les erreurs encore trop nombreuses pour envisager une évolution dans le poste «'à ce jour je ne peux pas te donner de gros dossiers'», les demandes faites à la salariée d'être plus vigilante dans son travail, plus rapide pendant les contrôles de paie.
En revanche, d'une troisième part, l'employeur ne produit aucun élément de preuve suffisant établissant les manquements allégués de Mme [D] au titre de sa maîtrise des procédures applicables comme de son manque d'autonomie dans la gestion des dossiers confiés, tirés des exemples de l'absence de contrôle des éléments variables de paie chez Eugen, en avril 2018, de l'absence de contrôle des éléments de paie permettant la détermination de l'intéressement au sein de la société CIMI CISA, de l'absence de contrôle du fichier lors du retour de la DNS de la société SACICAP, de l'absence d'assimilation de la notion de virement négatif qui n'existe pas, de l'absence de vérification élémentaire pour régler une difficulté de calcul du maintien de salaire pour un salarié de STERIGENICS, le 13 février 2018, de son incapacité à recourir à une écriture comptable détaillée, le 29 mai 2018, alors qu'il s'agissait d'apporter une solution pour la société CISA, comme de son incapacité, le 24 mai 2018, à trouver une erreur pour la société CIMI alors qu'il s'agissait de procéder à des opérations élémentaires pour une gestionnaire de paies de 4 ans d'ancienneté. L'employeur ne démontre pas plus les manquements de Mme [D], le 1er juin, lors de la réunion de transmission des dossiers avant son départ en congés payés, ni les difficultés de clôture du dossier des paies de mai pour STERIGENICS, ni de traitement des paies de la société SEBL SAREM pour le mois d'avril.
La salariée, qui ne conteste pas avoir rencontré des difficultés, rappelle'utilement les alertes qu'elle a adressées à son employeur, dès le 17 janvier 2018, sur l'impossibilité de traiter certaines tâches, alors que sa courte période de reprise professionnelle (de septembre 2017 à son licenciement en juillet 2018) a été marquée par des difficultés de passation des dossiers entre sa collègue et elle, que la société GDPL a reconnu, aux termes de l'entretien individuel de mai 2018, comme ayant été incomplète.
Et la société GDLP, qui justifie avoir diminué le nombre de paies à établir par Mme [D] à partir de son mi-temps thérapeutique, n'objective pas suffisamment l'adaptation de la nouvelle charge de travail de la salariée au temps de travail partiel qui a été décidé compte tenu de la dégradation de son état de santé.
En revanche, le journal de bord tenu par Mme [D] n'est pas suffisamment précisément renseigné au jour le jour pour rendre compte de la réalité de sa charge de travail.
La cour relève encore l'absence de tout avertissement qui aurait été notifié à Mme [D] quand le client [Y] [I] exprime, à l'occasion d'un échange de courriels le 24 janvier 2018, avoir apprécié travailler avec elle.
Dans ces conditions, il résulte de l'ensemble des énonciations qui précèdent que l'employeur est mal fondé à invoquer l'insuffisance professionnelle de Mme [D] alors qu'il ne justifie pas suffisamment que tous les moyens ont été donnés à la salariée, que toutes les mesures ont été prises pour qu'elle puisse faire ses preuves sur le temps restreint qui s'est écoulé entre sa reprise professionnelle en septembre 2017 et son licenciement en juillet 2018.
En conséquence, par infirmation de la décision entreprise, le licenciement notifié le 20 juillet 2018 à Mme [U] [D] est sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
L'article L.'1235-3 du Code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.
Aux termes de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (l'OIT), si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
Les stipulations de l'article 10, qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.
Selon le Conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail, le terme "adéquat" visé à l'article 10 de la Convention signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnité de la perte injustifiée de l'emploi.
Or, la cour relève, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L.'1235-3 de ce code n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Il en résulte, d'une part, que les dispositions susvisées des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi ; d'autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont donc de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.
Il résulte de ces constatations que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention précitée. Il n'y a donc pas lieu d'écarter les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.
S'agissant des dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, également invoquées par la salariée pour écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, il résulte des dispositions de la Charte sociale européenne que les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en 'uvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application selon les modalités prévues par l'annexe de la Charte et l'article I de la partie V de la charte, consacré à la "mise en 'uvre des engagements souscrits", dont les Etats parties ont réservé le contrôle au seul système spécifique prévu par l'annexe de la Charte.
Il résulte de ces constatations que les dispositions de la Charte sociale européenne, dont l'article 24, n'ont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, et que l'invocation de l'article 24 ne peut avoir pour effet d'écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.
Par conséquent les dispositions de l'article L. 1235-3 code du travail sont applicables aux faits d'espèce.
En l'espèce, Mme [D] disposait d'une ancienneté au service du même employeur supérieure à trois années et peut prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 4 mois de salaire brut.
Mme [D], qui justifie être toujours sans emploi à ce jour et bénéficiaire de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à hauteur de 1 173 € pour le mois de janvier 2022, s'abstient de verser aux débats les pièces susceptibles d'établir l'ampleur du préjudice dont elle sollicite réparation à raison de la perte injustifiée de son emploi.
Il apparaît ainsi que la réparation à hauteur de quatre mois de salaire, par application des dispositions précitées de l'article L.'1235-3 du code du travail, constitue une réparation du préjudice adéquate et appropriée à la situation d'espèce telle qu'elle ressort des seules pièces produites aux débats par l'appelante.
Il convient, par conséquent, de condamner la société GDLP à payer à Mme [U] [D] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
Le jugement déféré est infirmé de ce chef.
Sur la carence alléguée de l'employeur concernant les organismes de prévoyance et de mutuelle
Mme [D], qui sollicite la condamnation de la société GDLP à lui verser des dommages et intérêts pour ne pas avoir respecté ses obligations envers la caisse de prévoyance et avoir ainsi empêché la salariée de bénéficier de la portabilité de ses droits à prévoyance et mutuelle, son indemnisation ayant été décalée de plus de deux mois, justifie avoir relancé son employeur par courriel en date du 2 octobre 2018, l'organisme de prévoyance l'informant, le 4 décembre suivant, n'avoir rien reçu et demeurant dans l'attente des éléments demandés.
La société GDPL, pour sa part, affirme sans l'établir avoir effectué les démarches nécessaires auprès du groupe APICIL, par voie électronique puis par courrier en date du 06 décembre 2018, et produit un courrier adressé à la salariée le 18 décembre 2018 sollicitant de sa part l'envoi de différends documents, toujours manquants à son dossier, à l'organisme APICIL.
La société établit également les échanges de courriels entre Mme [D] et Mme [K] [C], en juillet 2018, rappelant à la salariée appelante la nécessité de transmettre ses bordereaux d'IJSS à son employeur pour la préparation de son dossier de prévoyance et la régularisation de sa situation.
En conséquence, c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce, que la cour fait sienne, que les premiers juges ont pu débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la carence non établie de l'employeur à ses obligations à l'égard des organismes de mutuelle et de prévoyance.
Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [U] [D] les frais qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits en justice.
En conséquence, par infirmation de la décision entreprise, la société GDLP est condamnée à verser à Madame [D] la somme 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.
La société GDLP est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME la décision entreprise sauf en celles de ses dispositions ayant statué sur les manquements de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité, sur les causes du licenciement, les frais de procédure et les dépens
INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau
JUGE le licenciement notifié à Mme [U] [D] le 20 juillet 2018 sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la société GESTION DE LA PAIE.COM à payer à [U] [D] les sommes suivantes':
- 2 000 € de dommages et intérêts au titre des manquements de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité
- 8 000 € de dommages et intérêts au titre de la perte injustifiée de son emploi
- 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
REJETTE le surplus des demandes des parties au titre des frais de procédure
CONDAMNE la société GESTION DE LA PAIE.COM aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente