C6
N° RG 20/00875
N° Portalis DBVM-V-B7E-KLYD
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU MARDI 21 JUIN 2022
Ch.secu-fiva-cdas
Appel d'une décision (N° RG 14/00837)
rendue par le Pole social du Tribunal judiciaire d'ANNECY
en date du 06 janvier 2020
suivant déclaration d'appel du 18 février 2020
APPELANTE :
SA COMPTOIR SAVOYARD DE DISTRIBUTION, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
35 Route d'Héry
74540 ALBY SUR CHERAN
représentée par Me Gregory KUZMA de la SCP R & K Avocats, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
La CPAM DE HAUTE-SAVOIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Service Contentieux
2 rue Robert Schuman
74984 ANNECY CEDEX 9
comparante en la personne de Mme [F] [X], régulièrement munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Mai 2022
Mme Magali DURAND-MULIN, chargée du rapport et Mme Isabelle DEFARGE, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 21 Juin 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 21 Juin 2022.
Le 15 avril 2014, M. [Y], employé d'entrepôt au sein de la société Comptoir Savoyard de Distribution (ci-après dénommée société CSD) a été victime d'un malaise pris en charge au titre de la législation professionnelle par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de la Haute-Savoie suivant décision du 15 juillet 2014.
Le 27 septembre 2014, la société CSD a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Annecy d'un recours à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire saisie de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge.
Suivant décision notifiée le 13 octobre 2014, la commission a explicitement rejeté le recours de l'employeur.
Par jugement du 6 janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire d'Annecy a :
- débouté la société CSD de son recours,
- lui a déclaré opposable la décision de la CPAM du 15 juillet 2014 de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident du travail dont M. [Y] a été victime le 15 avril 2014,
- condamné la société CSD aux dépens.
Le 18 février 2020, la société CSD a interjeté appel de cette décision.
Selon ses conclusions parvenues au greffe le 8 novembre 2021 et reprises oralement à l'audience, la société CSD demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que la matérialité du supposé fait accidentel à l'origine de l'accident du 15 avril 2014 n'est pas rapportée,
En conséquence,
- juger inopposable la décision de prise en charge du 15 juillet 2014 relative à l'accident de M. [Y],
A titre subsidiaire,
- ordonner une expertise sur pièces afin d'établir si la lésion de M. [Y] est en lien direct et certain avec le travail,
- ordonner la transmission de l'entier dossier médical de l'assuré à son consultant médical, le Docteur [B],
En conséquence,
- juger inopposable la décision de prise en charge du 15 juillet 2014 relative à l'accident de M. [Y],
En tout état de cause,
- condamner la CPAM aux entiers dépens de l'instance.
Selon ses conclusions parvenues au greffe le 15 avril 2022 et reprises oralement à l'audience, la CPAM de la Haute-Savoie demande à la Cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- rejeter toute autre demande.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, l'existence d'un accident de travail est présumée pour tout accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail.
Il incombe néanmoins à la partie qui se prévaut de cette présomption d'apporter la preuve d'un événement, ou d'une série d'événements, soudainement survenus à une date certaine par le fait ou à l'occasion du travail, et dont il est résulté une lésion corporelle ou psychique.
En l'espèce cette preuve incombe à la caisse primaire dont la décision de prise en charge du 15 juillet 2014 est contestée par la société CSD, employeur de la victime, au motif tiré de l'absence de fait accidentel établi.
En premier lieu, la CPAM de la Haute-Savoie relève, à juste titre que, le malaise dont a été victime M. [Y] le 15 avril 2014 est survenu à l'occasion du travail dans la mesure où il s'est produit sur le lieu de travail habituel de la victime, à 10h15 donc pendant ses horaires de travail (9h-17h).
Il ressort en outre de la déclaration de travail qu'à la suite de ce malaise, M. [Y] a été transporté à l'hôpital, étant précisé qu'il sera finalement hospitalisé pendant 4 jours.
La caisse primaire observe également que le docteur [O] du centre hospitalier Annecy Genevois se réfère, sur le certificat médical initial du 18 avril 2014 qu'il a rédigé, à la date de cet accident survenu le 15 avril 2014 et mentionne au titre des lésions constatées une angoisse.
En tout état de cause, la nature de cette lésion n'est pas contestée par la société CSD dès lors que cette dernière a précisé sur le questionnaire-employeur transmis à la CPAM de Haute-Savoie : « Après 1h15 de travail, il est pris à 10h15 d'une crise d'angoisse et de larmes alors qu'il était à son poste ». Ce faisant, la société CSD confirme les éléments recueillis auprès du salarié qui explique que son malaise, dont les circonstances sont ainsi décrites : «étourdissement, vue brouillée, tremblement, perte d'équilibre», a pour origine une fatigue évoquant aussi de l'anxiété et beaucoup de travail et qu'il lui a été diagnostiqué «une crise d'angoisse liée au travail et personnel».
Au vu de l'ensemble de ces constatations résultant notamment des éléments recueillis auprès du salarié et de l'employeur lors de l'enquête administrative qu'elle a diligentée, la caisse primaire démontre que, le 15 avril 2014, M. [Y] a été victime d'un malaise survenu soudainement et brutalement dont il est résulté une lésion psychique consistant en une crise d'angoisse.
L'absence d'effort physique inhabituel relevée par l'employeur s'avère sans incidence.
Dès lors que ce fait accidentel s'est effectivement produit au temps et au lieu du travail de la victime et qu'il en est résulté une lésion psychique, la CPAM de Haute-Savoie était fondée à se prévaloir de la présomption d'imputabilité.
Pour tenter de détruire cette présomption et à l'appui de sa demande d'expertise, la société CSD prétend d'une part que les conditions de travail de M. [Y] étaient normales le jour de l'accident et que d'autre part, selon le salarié lui-même, «l'une des causes de son malaise serait liée à des problèmes personnels».
Mais ces éléments à les supposer établis ne permettent pas d'en déduire l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ni même ne constituent un commencement de preuve susceptible de justifier la demande d'expertise laquelle sera rejetée en application des dispositions de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile.
En conséquence, il convient de retenir le caractère professionnel de l'accident survenu à M. [Y] le 15 avril 2014 et de confirmer le jugement qui a déclaré opposable à la société la décision de la CPAM du 15 juillet 2014 de prise en charge.
La société CSD qui succombe sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré.
Condamne la société Comptoir Savoyard de Distribution aux dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Chrystel ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Conseiller