N° RG 20/00554 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KKW4
N° Minute :
C2
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL GERBI
la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT
SELARL CDMF AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 13 SEPTEMBRE 2022
Appel d'un Jugement (N° R.G. 15/00714) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 12 décembre 2019, suivant déclaration d'appel du 29 Janvier 2020
APPELANT :
M. [G] [Z]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Hervé GERBI de la SELARL GERBI, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Buron
INTIMÉES :
Société AREAS DOMMAGES venant aux droits de la Compagnie AREAS CMA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4] - FRANCE
Représentée par Me Gaëlle LE MAT de la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT, avocat au barreau de GRENOBLE
CPAM DE L'ISERE (RCT) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Défaillante
Association BUREAU CENTRAL FRANCAIS Le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS (BCF), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Denis DREYFUS de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Emmanuèle Cardona, présidente
Laurent Grava, conseiller,
Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 juin 2022, Emmanuèle Cardona, Présidente chargée du rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [G] [Z] a été victime d'un accident de la circulation le 30 novembre 1987, alors qu'il se trouvait passager du véhicule conduit par Monsieur [N], assuré auprès de la compagnie CMA, aux droits et obligations de laquelle vient désormais la société Aréas dommages.
Cet accident a impliqué trois véhicules :
-le véhicule de Monsieur [N] ;
-un véhicule de la société Stilex conduit par Monsieur [T] et assuré auprès de la compagnie Intercontinentale assicurazione SPA ;
-un véhicule Peugeot conduit par son propriétaire, Monsieur [O].
Par ordonnance du 26 juillet 1989, une mesure d'expertise a été ordonnée.
Un premier rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 15 novembre 1989.
En l'absence de consolidation, un nouveau rapport d'expertise a été déposé le 20 janvier 1992.
Par jugement du 20 février 1997, le tribunal de grande instance de Grenoble a notamment procédé à la liquidation du préjudice de Monsieur [Z] ainsi qu'il suit :
-1.031.038,75 francs s'agissant du préjudice de Monsieur [Z] soumis à l'emprise de la CPAM.
-155.000 francs s'agissant de son préjudice personnel.
Un second jugement est intervenu le 24 juin 1999, opérant une répartition entre les coresponsables des véhicules impliqués.
Par exploit d'huissier en date du 25 janvier 2013, Monsieur [Z] a de nouveau sollicité la désignation d'un expert en raison de l'aggravation de son état de santé.
Par ordonnance en date du 27 mars 2013, le juge des référés a ordonné une nouvelle mesure d'expertise et désigné le docteur [A]-[D] en qualité d'expert.
Par ordonnance de référé en date du 17 avril 2013, les opérations d'expertise du docteur [A]-[D] ont été déclarées communes et opposables à la compagnie Intercontinentale assicurazione SPA.
Le Docteur [A]-[D] a déposé son rapport le 26 mai 2014.
Le 30 janvier 2015, Monsieur [Z] a assigné la société Aréas dommages et la CPAM de l'Isère devant le juge des référés de Grenoble, aux fins d'obtenir une indemnité provisionnelle complémentaire à valoir sur la réparation définitive de son préjudice.
Par exploit d'huissier en date du 18 février 2015, la société Aréas dommages a dénoncé cette assignation au Bureau central français, aux fins de le voir condamner à la relever et garantir de toutes condamnations provisionnelles qui seraient prononcées à son encontre, à concurrence du tiers.
Par ordonnance de référé du 13 mai 2015, le juge des référés de Grenoble a :
-ordonné la jonction des procédures ;
-condamné Aréas dommages au paiement d'une provision de 8.000 euros à valoir sur les préjudices de Monsieur [Z] au titre des deux aggravations ;
-condamné Aréas dommages au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus ;
-dit que le Bureau central français garantira la société Aréas dommages des condamnations, y compris au titre de l'article 700 à hauteur d'un tiers ;
-condamné Aréas dommages aux dépens.
Par déclaration en date du 5 juin 2015, Monsieur [G] [Z] a interjeté appel de cette ordonnance.
Par arrêt en date du 15 mars 2016, la cour d'appel de Grenoble a condamné Aréas dommages au paiement d'une provision de 25 000 euros à valoir sur les préjudices de Monsieur [Z] au titre des deux aggravations.
Par acte d'huissier en date du 29 janvier 2015, la société Aréas dommages a assigné au fond Monsieur [Z] et -constatant la défaillance de la compagnie Intercontinentale assicurazione - le Bureau central français, aux fins de voir liquider les préjudices en aggravation de Monsieur [Z].
Madame [Z] est intervenue volontairement à cette procédure, et par exploit d'huissier en date du 23 septembre 2015, Monsieur et Madame [Z] ont assigné la CPAM de l'Isère en intervention forcée.
Par jugement du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Grenoble, a :
-débouté M. [G] [Z] de sa demande d'expertise ;
-fixé ainsi qu'il suit les préjudices résultant pour M. [G] [Z] des aggravations des 28 mai 2002 et 7 janvier 2008 :
Préjudices corporels consécutifs à l'aggravation du 28 mai 2002
Déficit fonctionnel temporaire : 802,50 euros
Souffrances endurées : 3.000 euros
Préjudice esthétique temporaire : 800 euros
Préjudices corporels consécutifs à l'aggravation du 7 janvier 2008 :
Frais divers : 600 euros
Déficit fonctionnel temporaire : 5.197,50 euros
Souffrances endurées : 6.000 euros
Préjudice esthétique temporaire : 1.500 euros
Déficit fonctionnel permanent : 3.000 euros
Préjudice esthétique permanent : 600 euros
Soit un total de 21.500 euros ;
-condamné in solidum la société Aréas dommages et le Bureau central français à payer à M. [G] [Z] la somme de 21.500 euros en réparation de son préjudice ;
-rappelé que les provisions déjà versées viendront en déduction des condamnations prononcées ;
-condamné in solidum la société Aréas dommages et le Bureau central français à payer à Mme [K] [Z] la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice ;
-condamné le Bureau central français à relever et garantir la société Aréas dommages à hauteur d'un tiers des condamnations prononcées ;
-dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
-dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;
-déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM ;
-condamné in solidum la société Aréas dommages et le Bureau central français aux entiers dépens, avec application, au profit des avocats qui en ont fait la demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
-condamné in solidum la société Aréas dommages et le Bureau central français à payer aux époux [Z] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-ordonné l'exécution provisoire ;
-débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Par déclaration en date du 4 février 2020, M.[Z] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a:
-débouté M. [G] [Z] de sa demande d'expertise ;
-fixé ainsi qu'il suit les préjudices résultant pour M. [G] [Z] des aggravations des 28 mai 2002 et 7 janvier 2008 :
Préjudices corporels consécutifs à l'aggravation du 28 mai 2002 :
Déficit fonctionnel temporaire : 802,50 euros
Souffrances endurées : 3.000 euros
Préjudice esthétique temporaire : 800 euros
Préjudices corporels consécutifs à l'aggravation du 7 janvier 2008 :
Frais divers : 600 euros
Déficit fonctionnel temporaire : 5.197,50 euros
Souffrances endurées : 6.000 euros
Préjudice esthétique temporaire : 1.500 euros
Déficit fonctionnel permanent : 3.000 euros
Préjudice esthétique permanent : 600 euros
Soit un total de 21.500 euros ;
-condamné in solidum la société Aréas dommages et le Bureau central français à payer à M. [G] [Z] la somme de 21.500 euros en réparation de son préjudice ;
-rappelé que les provisions déjà versées viendront en déduction des condamnations prononcées ;
-dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
-dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;
-débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Dans ses conclusions notifiées le 30 avril 2020, M.[Z] demande à la cour de:
-confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a:
-fixé ainsi qu'il suit les préjudices résultant pour M. [G] [Z] des aggravations des 28 mai 2002 et 7 janvier 2008 :
Préjudices corporels consécutifs à l'aggravation du 28 mai 2002 :
o Déficit fonctionnel temporaire : 802,50 euros
o Souffrances endurées : 3.000 euros
o Préjudice esthétique temporaire : 800 euros
Préjudices corporels consécutifs à l'aggravation du 7 janvier 2008 :
o Frais divers : 600 euros
o Déficit fonctionnel temporaire : 5.197,50 euros
o Souffrances endurées : 6.000 euros
o Préjudice esthétique temporaire : 1.500 euros
o Déficit fonctionnel permanent : 3.000 euros
o Préjudice esthétique permanent : 600 euros »
-le réformer en ce qu'il a:
-débouté M. [G] [Z] de sa demande d'expertise ;
-fixé ainsi qu'il suit les préjudices résultant pour M. [G] [Z] des aggravations des 28 mai 2002 et 7 janvier 2008 :
Préjudices corporels consécutifs à l'aggravation du 7 janvier 2008 :
o Déficit fonctionnel permanent : 3.000 euros
-condamné in solidum la société Aréas dommages et le Bureau central français à payer à Monsieur [G] [Z] la somme de 21.500 euros en réparation de son préjudice ;
-rappelé que les provisions déjà versées viendront en déduction des condamnations prononcées ;
-dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
-dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;
-débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires
Statuant à nouveau dans cette limite par l'effet dévolutif de l'appel,
À titre principal,
-condamner la société Aréas dommages, venant aux droits et obligations de la société CMA, à régler à Monsieur [G] [Z] les indemnités complémentaires suivantes :
*la somme de 1.500 euros au titre du préjudice esthétique permanent découlant de l'aggravation survenue le 28 mai 2002 ;
*la somme de 85.881 euros au titre du déficit fonctionnel permanent découlant de l'aggravation survenue le 7 janvier 2008 ;
*la somme de 100.000 euros au titre de l'incidence professionnelle découlant de l'aggravation survenue le 7 janvier 2008 ;
*la somme de 25.000 euros au titre du préjudice d'agrément découlant de l'aggravation survenue le 7 janvier 2008 ;
À titre subsidiaire,
Avant-dire droit sur la liquidation définitive de l'aggravation survenue le 7 janvier 2008 :
-ordonner un complément d'expertise, commettre pour y procéder tel médecin en chirurgie vasculaire et lui impartir la mission suivante :
a- Réévaluer le taux de déficit fonctionnel permanent à la date de la précédente consolidation selon le barème indicatif d'évaluation du concours médical dans son édition la plus récente, le comparer avec le déficit fonctionnel permanent actuellement observé et en déduire, ainsi, le taux correspondant à l'aggravation du 7 janvier 2008 ;
b- Après avoir procédé à un examen clinique complémentaire, évaluer distinctement, conformément au barème indicatif d'évaluation du concours médical dans son édition la plus récente, le taux de déficit fonctionnel permanent correspondant à l'accident vasculaire cérébral survenu le 26 mars 2012 et ses conséquences fonctionnelles ;
c- Évaluer, conformément à la nomenclature Dintilhac, l'ensemble des autres chefs de préjudice afférents à cette seule complication ;
-dire et juger que, l'honoraire de ce médecin expert, sera taxé et massé aux dépens de l'instance ;
En tout état de cause,
-dire et juger que les condamnations prononcées produiront intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2002 ou du 7 janvier 2008, selon l'aggravation auxquels elle se rapporte ;
-condamner la société Aréas dommages, venant aux droits et obligations de la société Aréas CMA, à en régler le montant capitalisé par année entière ;
-condamner la même aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de l'avocat constitué sur son affirmation de droit ;
-déclarer l'arrêt à intervenir opposable aux appelés en cause ;
Au soutien de ses demandes, M. [Z] énonce pour l'aggravation du 28 mai 2002 que l'expert a relevé la persistance des suintements, ce qui démontre l'existence d'un préjudice esthétique permanent.
Concernant l'aggravation du 7 janvier 2008, il indique que contrairement à ce qu'a écrit le premier juge, il a bien développé une critique sur la méthode, le taux de 23 % ayant été fixé par une expertise médicale du 20 janvier 1992, à une date où l'instrument médico-légal d'évaluation était l'incapacité permanente partielle, incluant le retentissement professionnel, et non le déficit fonctionnel permanent et qu'il est d'usage, en matière d'aggravation, de réévaluer le taux de déficit fonctionnel permanent à la date de la précédente consolidation selon le barème indicatif d'évaluation du concours médical.
Il fait état des conclusions du professeur [U], chirurgien vasculaire, selon lequel l'aggravation de la surcharge pondérale et l'apparition d'un syndrome d'apnée du sommeil peuvent être la conséquence de la réduction de la mobilité liée aux séquelles du traumatisme initial.
Il considère que le taux de déficit fonctionnel permanent est incomplet et qu'à supposer même que l'accident vasculaire cérébral trouve une origine multifactorielle, le docteur [A] n'est pas parvenue à exclure que parmi les facteurs y ayant concouru, figurent l'aggravation de la surcharge pondérale et la constitution du syndrome d'apnée du sommeil, de sorte que même en appliquant le cas échéant un coefficient pondérateur qu'il incombe à la Cour de déterminer, il n'est pas permis d'exclure totalement l'imputabilité de l'accident vasculaire cérébral.
Il souligne que le tribunal en 1997 n'a alloué aucune somme au titre de l'incidence professionnelle et que l'aggravation du 7 janvier 2008, consolidée au 25 mars 2012, est effectivement à l'origine de son inaptitude à tout travail physique.
S'agissant du préjudice d'agrément, il fait valoir que c'est seulement la « limitation » que le jugement du 20 février 1997 a initialement réparée, alors que désormais il est dans l'impossibilité de pratiquer une activité sportive.
Enfin, il déclare qu'au regard de l'ancienneté tant de la première aggravation (constatée le 28 mai 2002, consolidée le 14 avril 2003) que de la seconde aggravation (constatée le 7 janvier 2008, consolidée le 25 mars 2012), il convient de faire application du texte précité, en fixant respectivement au 28 mai 2002 et au 7 janvier 2008, le point de départ des intérêts au taux légal à valoir sur l'indemnité correspondante et d'en ordonner la capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Dans ses conclusions notifiées le 22 juillet 2020, la société Aréas dommages demande à la cour de:
-déclarer M. [Z] mal fondé en son appel
-déclarer la société Aréas dommages recevable et bien fondée en son appel incident
Au titre de la première aggravation
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande formulée au titre du préjudice esthétique permanent
-réformer le jugement entrepris sur l'évaluation du DFT partiel, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire.
Statuant à nouveau,
-fixer ces postes de préjudices comme suit
DFTP: 642 euros
souffrances endurées: 2 200 euros
préjudice esthétique temporaire: 300 euros
Au titre de la deuxième aggravation
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M.[Z] de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle, des dépenses de santé futures et du préjudice d'agrément.
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé les frais divers à hauteur de 600 euros, le préjudice esthétique temporaire à hauteur de 1 500 euros et le préjudice esthétique permanent à hauteur de 600 euros.
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le taux de DFP à hauteur de 2% et débouté M.[Z] de sa demande d'expertise.
-réformer le jugement entrepris sur l'évaluation de l'indemnisation des souffrances endurées, du DFT et du DFP de 2%.
Statuant à nouveau
-fixer ces postes de préjudices comme suit:
DFTT: 780 euros
DFTP à 75%: 810 euros
DFTP à 50%: 330 euros
DFTP à 10%: 2 238 euros
souffrances endurées 4 000 euros
DFP à 2%: déduire du DFP la rente AT, ce qui aboutit à un solde nul pour M. [Z].
En tout état de cause
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [Z] de sa demande au titre du doublement des intérêts légaux et de sa demande au titre des dispositions de l'article 1231-7 du code civil et fixé le point de départ des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement.
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les provisions déjà versées viendront en déduction des condamnations prononcées.
-condamner M.[Z] à verser à Aréas dommages la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-le condamner aux entiers dépens.
La société Aréas dommages expose que l'incidence professionnelle a déjà été indemnisée par jugement du 20 février 1997, qui revêt l'autorité de la chose jugée, faisant valoir que même si la nomenclature Dintilhac n'était pas applicable, c'est bien en se référant à la pénibilité de son travail que le tribunal a indemnisé l'incapacité permanente partielle.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent, elle fait état du caractère contradictoire des propos de M.[Z] au sujet de l'incidence professionnelle, puisque ce dernier l'intègre pour les besoins de sa démonstration.
Elle énonce que le préjudice d'agrément a déjà été indemnisé en 1997.
Enfin, elle s'oppose à l'application de l'article 1231-7 du code civil, réfutant tout retard dans l'indemnisation du préjudice.
Dans ses conclusions notifiées le 29 juillet 2020, le Bureau central français demande à la cour de:
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
-débouté M. [Z] de sa demande d'indemnisation au titre d'un prétendu préjudice esthétique permanent en lien avec l'aggravation du 28 mai 2002,
-débouté M. [Z] de sa demande d'expertise complémentaire pour l'évaluation du déficit fonctionnel permanent,
-fixé à 600 euros l'indemnisation des frais divers et du préjudice esthétique permanent en lien avec l'aggravation du 7 janvier 2008,
-débouté M. [Z] de sa demande d'indemnisation au titre d'une prétendue incidence professionnelle et d'un préjudice d'agrément en lien avec l'aggravation du 7 janvier 2008,
-limité la garantie du Bureau central français au tiers des sommes accordées,
-fixé le point de départ des intérêts légaux au jour de la décision rendue,
-infirmer le jugement déféré pour le surplus, et statuant à nouveau, liquider le préjudice de M. [Z] ainsi qu'il suit :
Au titre de la première aggravation :
-Déficit fonctionnel temporaire : 642 euros
-Souffrances endurées : 2.200 euros
-Préjudice esthétique temporaire : 300 euros
Au titre de la seconde aggravation :
-fixer comme suit les préjudices subis par Monsieur [Z] :
-Déficit fonctionnel temporaire : 4.158 euros
-Souffrances endurées : 4.000 euros
-Préjudice esthétique temporaire : 700 euros
-Déficit fonctionnel permanent : Rejet
En toute hypothèse :
-constater que ce n'est qu'en janvier 2015 que le Bureau central français a été assigné suite à l'accident dont a été victime Monsieur [Z] et suite aux deux aggravations qui sont intervenues postérieurement à cet accident ;
Par conséquent, si par extraordinaire la Cour venait à juger que les intérêts au taux légal doivent commencer à courir antérieurement au jugement à intervenir,
-dire et juger que ces intérêts n'auront pas à être supportés par le Bureau central français ;
-rejeter la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens par Monsieur [Z],
-dire et juger que la provision de 25.000 euros versée à Monsieur [Z] en exécution de l'ordonnance de référé rendue le 13 mai 2015 par le président du tribunal de grande instance de Grenoble devra être déduite des condamnations qui seront prononcées en sa faveur;
-rejeter toute demande plus ample ou contraire.
Le Bureau central français s'oppose à toute augmentation du taux du déficit fonctionnel permanent et conteste le rapport établi par le docteur [J] auquel s'est adressé M. [Z] compte tenu de son manque d'objectivité.
De même, il s'oppose à une quelconque indemnisation au titre de l'incidence professionnelle, soulignant que dans le cadre de la première expertise, Monsieur [Z] avait d'ores et déjà été déclaré inapte à un travail physique et que le premier jugement est revêtu de l'autorité de la chose jugée.
Il ajoute que Monsieur [Z] est en arrêt de travail depuis le 26 mars 2012, mais que l'expert précise expressément que cet arrêt de travail fait suite à un accident vasculaire cérébral dont a été victime Monsieur [Z] le 26 mars 2012, accident non imputable au fait générateur en litige.
La CPAM, citée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat. L'arrêt sera réputé contradictoire.
La clôture a été prononcée le 17 novembre 2021.
MOTIFS
Sur les préjudices
L'expert a noté que depuis l'expertise du 18 décembre 1991 sont survenus :
-une réactivation de l'ostéite chronique le 28 mai 2002. Un certificat de « guérison » a été établi le 14 avril 2003 malgré la persistance des suintements.
-le 7 janvier 2008 a eu lieu une nouvelle rechute pour « récidive d'ostéite avec suppuration ».
M.[Z] a ensuite été hospitalisé pour un AVC le 26 mars 2012.
La date de reprise du travail a été le 23 octobre 2012 et la consolidation avec un taux d'incapacité permanente partielle porté à 40 % en accident du travail.
Les conclusions de l'expert étaient les suivantes :
Première rechute du 28 mai 2002
Guérison le 14 avril 2003
Période précédant la guérison
DFT 10 % du 28 mai 2002 au 13 avril 2003
souffrances endurées : 2/7
préjudice esthétique temporaire : 1/7
Période postérieure à la guérison
DFP : nul
Aucun préjudice
Etat susceptible d'aggravation
Deuxième rechute du 7 janvier 2008
Consolidation le 25 mars2012
Période précédant la consolidation :
Le DFT 100 % du 3 au 7 novembre 2008 et du 3 février 2009 au 3 mars 2009
DFT 75 % du 8 novembre 2008 au 31 décembre 2008
DFT 50 % du 1er janvier 2009 au 2 février 2009
DFT 10 % du 4 mars 2009 au 26 mars 2012
Souffrances endurées : 3/7
Préjudice esthétique : 2/7
Période postérieure à la consolidation :
Déficit fonctionnel permanent de 25 %
Préjudice esthétique permanent de 0,5/7.
Incidence professionnelle : la victime est inapte à un travail physique.
Agrément de vie : impossibilité de pratiquer un sport.
Concernant les soins futurs : port d'une chaussure adaptée à renouveler tous les ans.
L'état de santé est susceptible d'aggravation.
Compte tenu de l'argumentation présentée par M.[Z], les chefs de préjudices seront repris dans l'ordre de ses conclusions et non selon la distinction traditionnelle entre préjudices patrimoniaux et préjudices extra-patrimoniaux.
Aggravation du 28 mai 2002
Sur le déficit fonctionnel temporaire
Il inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.
Compte tenu de la jurisprudence actuelle et des blessures présentées par M.[Z], c'est à juste titre que le premier juge a retenu une indemnisation journalière de 25 euros, et a alloué une somme de 802, 50 euros, le jugement sera confirmé.
Sur les souffrances endurées
Le taux étant de 2/7, c'est à juste titre que le premier juge a alloué la somme de 3 000 euros, le jugement sera confirmé.
Sur le préjudice esthétique temporaire
Le taux étant de 1/7, et ce préjudice s'étant poursuivi sur plusieurs mois, c'est à juste titre que le premier juge a alloué la somme de 800 euros, le jugement sera confirmé.
Sur le préjudice esthétique permanent
Le docteur [A] a fait état d'un certificat de « guérison », en mettant elle-même le terme entre guillemets, tout en relevant la persistance de suintements. Cependant, il n'est pas avéré que ces suintements présents en 2003 soient toujours présents au jour de l'expertise puisqu'ils ne sont pas repris dans l'examen clinique, ni attestés par un quelconque autre élément. Le jugement sera confirmé.
Aggravation du 7 janvier 2008
Sur le déficit fonctionnel temporaire
Compte tenu de la jurisprudence actuelle et des blessures présentées par M.[Z], c'est à juste titre que le premier juge a retenu une indemnisation journalière de 25 euros, et alloué la somme de 5 197, 50 euros, le jugement sera confirmé.
Sur les souffrances endurées
Le taux étant de 3/7, c'est à juste titre que le premier juge a alloué la somme de 6 000 euros, le jugement sera confirmé.
Sur le préjudice esthétique temporaire
Le taux étant de 2/7,c'est à juste titre que le premier juge a alloué la somme de 1 500 euros, le jugement sera confirmé.
Sur le déficit fonctionnel permanent
M.[Z] allègue que le jugement rendu le 20 janvier 1997 avait retenu une incapacité permanente partielle de 23 % avec incidence professionnelle, mais qu'à l'époque, antérieurement à la nomenclature Dintilhac, cette IPP incluait le retentissement professionnel et non le déficit fonctionnel permanent.
Toutefois, l'examen de la notion d'IPP avant cette nomenclature montre qu'elle recouvrait d'une part des pertes de gains professionnels et d'autre part des troubles dans la vie courante et les conditions de l'existence non professionnelle de la victime, situation qui a justement conduit différents groupes de travail à proposer une distinction nette entre préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, afin de permettre une meilleure indemnisation de la victime pour ses préjudices personnels, non soumis au recours des tiers payeurs.
Par ailleurs, M.[Z] affirme que l'expert puis le tribunal n'ont pas pleinement pris en compte les conséquences de la seconde aggravation, dès lors que l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime est une conséquence directe de son absence d'activité physique ayant conduit à une prise de poids conséquente et à son obésité.
Le rapport du professeur [U] sur lequel se fonde M.[Z], outre le fait qu'il ne présente aucun caractère contradictoire, n'est pas aussi catégorique que le laisserait entendre l'appelant puisqu'il écrit que l'aggravation de la surcharge pondérale et l'apparition d'un syndrome d'apnée du sommeil « peuvent être » et non pas « sont » la conséquence de la réduction de la mobilité liée aux séquelles du traumatisme initial.
Il ne s'agit nullement d'un lien de causalité avéré, et ce d'autant plus que cette surcharge pondérale, même si elle s'est accrue, était largement préexistante à l'accident. L'expert en réponse au dire de son Conseil a précisé que M. [Z] avait en outre des antécédents d'hypertension, laquelle constitue l'un des principaux facteurs de risque de développer un AVC.
M. [Z] en énonçant qu'il ne peut être exclu que son AVC, même s'il a une origine multifactorielle, est en lien avec l'accident de 1987, renverse la charge de la preuve, puisque c'est à la victime de rapporter la preuve du lien de causalité entre le fait générateur et le dommage, et non au responsable de prouver l'absence de lien. En l'espèce, M.[Z] échoue à démontrer un quelconque lien entre son AVC et l'accident.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge n'a retenu qu'un taux de déficit fonctionnel permanent correspondant à la différence entre le taux retenu au titre de l'incapacité permanente partielle et celui retenu au titre du déficit fonctionnel permanent tel que calculé par l'expert, soit 2 %.
Il est de jurisprudence constante qu'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, la rente accident du travail (AT) indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent, en tout ou partie. En l'espèce, la rente AT dont le montant figure dans les débours de la CPAM, à hauteur de 97654, 08 euros, indemnise la totalité du déficit fonctionnel permanent. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué la somme de 3 000 euros.
Sur l'incidence professionnelle
Le jugement du 20 février 1997 a été rédigé comme suit : « IPP 23 % avec incidence professionnelle relevée par l'expert du fait que la marche et la station debout sont très pénibles sans que cette incidence puisse donner lieu à une indemnisation distincte ».
Il faisait donc état d'une incidence professionnelle, non dissociable de l'incapacité permanente partielle contrairement aux dires de M. [Z].
En revanche, il est avéré que le premier rapport d'expertise sur lequel s'était fondé le juge notait que « l'incapacité permanente n'a pas permis au blessé de reprendre l'exercice de son activité habituelle qui était celle de VRP, M.[Z] occupant dès lors un travail plus sédentaire dans le marketing de la même entreprise, avec des baisses de salaire ».
M. [Z] se fonde sur le rapport du docteur [A] qui énonce qu'il est désormais inapte à un travail physique, mais l'expert a également noté qu'il était en arrêt de travail au titre suite à son AVC.
Cependant, et ainsi que cela a été rappelé ci-dessus, le lien de causalité entre l'accident et l'AVC de M. [Z] n'est pas démontré.
S'agissant d'une éventuelle incidence professionnelle spécifique à la seconde aggravation, l'expert indique également « au niveau du travail : il faisait un travail de visite client en informatique mais ne peut plus à cause du déplacement et de l'obligation de port de charges lourdes », mais ne donne pas de date et aucun dire n'a été formulé sur ce point spécifique.
En outre, M. [Z] ne communique aucun document professionnel à l'appui de ses dires.
Il ne rapporte donc pas la preuve d'une quelconque incidence professionnelle en lien avec son accident et qui n'aurait pas déjà été indemnisée par le premier jugement, le jugement sera confirmé.
Sur le préjudice d'agrément
Le jugement du 20 février 1997 faisait état d'une gêne dans les activité de loisirs du fait des troubles de la marche, et de l'abandon du tennis et du ski.
Dans son rapport, le docteur [A] indique M. [Z] ne fait plus de sport « depuis le début », cependant et contrairement aux allégations de l'intéressé, cette expression ne se réfère aucunement à la date de la seconde aggravation, mais à celle de l'accident, au demeurant, les attestations versées aux débats se réfèrent à des périodes antérieures à ce dernier, M. [C] indiquant « avant l'accident de [G] » et M. [V] indiquant « dans les années 70 ».
Dès lors, M. [Z] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une aggravation de son préjudice d'agrément. Le jugement sera confirmé.
Sur les demandes accessoires
M. [Z] demande que les sommes accordées en cause d'appel soient assorties des intérêts légaux à compter de la date d'aggravation, toutefois, et comme l'a déjà relevé la cour d'appel dans son arrêt du 15 mars 2016, rien ne justifie de fixer les intérêts à une date antérieure à la décision, dès lors notamment que M. [Z] n'a introduit une action qu'en référé que le 25 janvier 2013 et que c'est la société Aréas dommages qui a assigné la première au fond. Le jugement sera confirmé.
Selon l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.
La capitalisation des intérêts, qui est de droit, sera ordonnée, le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur l'opposabilité du présent arrêt
Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable aux parties intimées, le seul fait de les attraire en cause d'appel étant suffisant pour que ledit arrêt leur soit opposable.
Dès lors qu'il n'existe pas de partie perdante, chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
-fixé à la somme de 3 000 euros le préjudice au titre du déficit fonctionnel permanent,
-condamné in solidum la société Aréas dommages et le Bureau central français à payer à M. [G] [Z] la somme de 21.500 euros en réparation de son préjudice,
-dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;
et statuant de nouveau ;
Fixe à zéro euro la somme due au titre du déficit fonctionnel permanent ;
Condamne in solidum la société Aréas dommages et le Bureau central français à payer à M. [G] [Z] les sommes suivantes :
Préjudices corporels consécutifs à l'aggravation du 28 mai 2002
Déficit fonctionnel temporaire : 802,50 euros
Souffrances endurées : 3.000 euros
Préjudice esthétique temporaire : 800 euros
Préjudices corporels consécutifs à l'aggravation du 7 janvier 2008 :
Frais divers : 600 euros
Déficit fonctionnel temporaire : 5.197,50 euros
Souffrances endurées : 6.000 euros
Préjudice esthétique temporaire : 1.500 euros
Préjudice esthétique permanent : 600 euros
Ordonne la capitalisation des intérêts ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE