La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2022 | FRANCE | N°20/00945

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 13 septembre 2022, 20/00945


C4



N° RG 20/00945



N° Portalis DBVM-V-B7E-KL5S



N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL CABINET JP



Me Pascale HAYS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'A

PPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 13 SEPTEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 19/00212)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 23 janvier 2020

suivant déclaration d'appel du 21 Février 2020



APPELANT :



Monsieur [T] [C]

né le 25 Mars 1964 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse...

C4

N° RG 20/00945

N° Portalis DBVM-V-B7E-KL5S

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL CABINET JP

Me Pascale HAYS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 13 SEPTEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 19/00212)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 23 janvier 2020

suivant déclaration d'appel du 21 Février 2020

APPELANT :

Monsieur [T] [C]

né le 25 Mars 1964 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat postulant inscrit au barreau de VALENCE,

et par Me Samuel COTTINET, avocat plidant inscrit au barreau d'AMIENS,

INTIMEE :

S.A.S. ETABLISSEMENTS ANDRE [I], représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège de la société,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pascale HAYS, avocat au barreau de GRENOBLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Mai 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de Mme [D] [R], Assistante de justice près la Cour d'appel de Grenoble, a entendu les parties en leurs conclusions et observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 Septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 Septembre 2022.

Exposé du litige :

M. [T] [C] a été embauché sous contrat de travail à durée indéterminée le 1er novembre 1985 par la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR en qualité de magasinier.

A compter du mois de janvier 2001, M. [C] a occupé les fonctions de chef d'équipe.

Le 6 janvier 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 janvier 2016. Le 19 février 2016, M. [C] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Le 26 décembre 2017, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence aux fins d'obtenir la condamnation de son employeur à lui payer un rappel au titre du salaire minimum conventionnel, un rappel de prime d'ancienneté, un rappel au titre des heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les indemnités afférentes à la rupture de la relation de travail, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 23 janvier 2020, le Conseil de prud'hommes de Valence a :

- Dit et jugé que le licenciement pour faute de M. [C] est requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- Condamné la SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR à payer à M. [C] les sommes suivantes :

- 16393,73 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement,

- 3735,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 373,53 euros bruts au titre de congés payés sur préavis,

- 195,24 euros bruts au titre de rappel de salaire sur minimum conventionnel,

- 3235,21 euros bruts au titre de rappel de salaire sur prime d'ancienneté,

- 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné à la SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR de remettre à M. [C] de nouveaux documents légaux de fin de contrat rectifiés,

- Débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

- Débouté la SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR aux éventuels dépens de l'instance.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.

M. [C] en a, par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 21 février 2020,

relevé appel limité comme suit 'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce que le conseil des prud'hommes : - a dit et jugé que le licenciement de Monsieur [T] [C] repose sur une cause réelle et sérieuse et en conséquence a débouté Monsieur [T] [C] de sa de-mande de dommages et intérêts, - a débouté Monsieur [C] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires'.

A l'issue de ses conclusions du 22 juin 2020, M. [C] demande à la cour de :

- Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Valence le 23 janvier 2020, en ce qu'il a :

- dit et jugé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et l'a, en conséquence, débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle d'un montant de 56029,20€,

- l'a débouté de sa demande de paiement d'heures supplémentaires,

- Le confirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

- Dire et juger sa demande recevable et bien fondée,

- Dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- Condamner la société par actions simplifiée ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR à lui payer les sommes suivantes :

- 56 029,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (30 mois),

- 463,38 € au titre des heures supplémentaires,

- Remise des documents légaux afférents à la rupture modifiés

- 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'issue de ses conclusions d'intimée et d'appel incident du 17 septembre 2020, la SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR demande à la cour de :

- La recevoir en ses présentes conclusions, l'y déclarer bien fondée,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a jugé qu'elle était redevable de rappels de salaire au titre du minimum conventionnel et de la prime d'ancienneté ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [C] de sa demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires pour un montant de 463.38 €,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit et jugé que le licenciement pour faute grave de monsieur [T] [C] devait être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- Débouter Monsieur [T] [C] de ses demandes de condamnation à son encontre au titre de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Enfin,

- Condamner Monsieur [T] [C] à lui payer la somme de 3 000.00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Monsieur [T] [C] aux éventuels entiers dépens de l'instance.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

Moyens des parties :

M. [C] fait valoir que la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR ne lui a pas payé les 25 heures supplémentaires figurant sur l'annexe au solde de tout compte.

L'employeur ayant reconnu l'existence de ces heures supplémentaires, M. [C] estime être en droit de prétendre à leur règlement.

La SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR fait valoir que le salarié n'apporte aucun élément suffisamment précis sur ses horaires de travail lui permettant de répondre sur l'éventuelle réalisation d'heures supplémentaires. Si l'annexe au solde de tout compte mentionne " heures supplémentaires 25 ", elle ne fait apparaître aucun nombre d'heures réalisées à ce titre, le nombre 25 signifiant ici " 25 % ".

Sur ce,

S'agissant des heures supplémentaires, conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

Par application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient aussi à ce dernier de présenter préalablement des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de nature à permettre également à l'employeur d'y répondre utilement.

Une fois constatée l'existence d'heures supplémentaires, le juge est souverain pour évaluer l'importance des heures effectuées et fixer le montant du rappel de salaire qui en résulte sans qu'il soit nécessaire de préciser le détail du calcul appliqué.

Par ailleurs, l'absence d'autorisation donnée par l'employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

En l'espèce, au soutien de sa demande, M. [C] verse aux débats la seule annexe au solde de tout compte sur laquelle, dans le détail des sommes versées figure la mention " heures supplémentaires 25 ".

Cet élément non conforté par d'autres pièces ou décompte des heures supplémentaires dont il demande le paiement ne constitue pas une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

Il convient par conséquent de rejeter sa demande par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :

Il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave de M. [C] du 19 février 2016 qu'il lui est reproché d'avoir :

' d'une part délibérément conduit un véhicule de l'entreprise (camion) sans les permis nécessaires depuis le mois de mai 2015

d'autre part coupé du bois appartenant à la SCI de la Tourny, qui loue ses locaux à l'entreprise, pour votre usage personnel, indiquant qu'il s'agissait de bois mort et que vous aviez une autorisation de longue date pour récupérer ce bois mort et tentant de dissimuler son mensonge en affirmant que la benne contenait faussement des rafles de mais puis reconnaissant lors de l'entretien du 22 janvier qu'il avait coupé du bois sur pied pour servir de bois de chauffage et qu'il ne s'agissait en conséquence pas de bois issu de l'entretien. Cette appropriation personnelle ayant été faite à l'aide du matériel appartenant à l'entreprise'.

Moyens des parties :

La SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR fait valoir qu'aucun des deux faits fautifs qui sont reprochés à M. [C], à savoir la coupe et l'appropriation personnelle de bois appartenant à la société bailleresse de la SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR, et la conduite d'un véhicule de l'entreprise sans les autorisations administratives nécessaires, ne sont prescrits. L'employeur ayant constaté l'appropriation du bois la veille de la convocation à l'entretien préalable.

S'agissant de la conduite du camion de l'entreprise sans les autorisations administratives, M. [I] souhaite obtenir des éclaircissements sur des notes de frais du salarié, ce qui a justifié sa convocation à un entretien préalable. Le salarié a reconnu lors de cet entretien avoir conduit ce véhicule les 5 juin 2015 et 21 mai 2016. Ce n'est donc qu'à compter de cet entretien que l'employeur a eu connaissance des faits ayant justifiés son licenciement.

Sur le caractère fautif des faits, la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR soutient que le salarié est mal venu à contester le caractère fautif de l'appropriation de bois, alors qu'il a reconnu ces faits lors de l'entretien préalable. La gravité de la faute résulte de la tentative de dissimulation de ces actes auprès de la direction de la société. L'autorisation ancienne ne portait que sur l'appropriation de bois mort, ce que le salarié a également admis lors de l'entretien préalable. Cette autorisation ne portait donc pas sur du bois vert, y compris issu de l'entretien du site.

Le compte-rendu a été rédigé par M. [W] [S] qui a assisté M. [C] durant l'entretien préalable, et le salarié le verse lui-même aux débats. Il ne peut donc valablement soutenir que ce compte-rendu est dépourvu de force probante, au seul motif qu'il ne l'aurait pas signé. Dans tous les cas, il n'est pas contestable que le salarié a signé ce compte-rendu.

S'agissant de la conduite d'un véhicule sans autorisation administrative, la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR fait valoir que le salarié a pris l'initiative de la conduite d'un véhicule de plus de 3,5 tonnes sans être titulaire de la formation continue obligatoire (FCO). L'employeur soutient que la FCO du salarié a expiré en mai 2015, et qu'elle a, dans le cadre de son pouvoir de direction, décidé de ne pas faire renouveler au salarié sa FCO. Elle était parfaitement autorisée à ne renouveler sa formation, dès lors que la conduite d'un véhicule ne relevait pas de son activité principale. En conduisant le véhicule sans autorisation, M. [C] a engagé la responsabilité pénale et civile de la société et a par ailleurs fait preuve d'insubordination, la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR n'ayant plus l'intention de faire conduire ce type de camion au salarié. Cette insubordination étant également d'une gravité telle qu'elle justifiait à elle seule la rupture immédiate du contrat de travail. Il ne peut être retenu que la faute du salarié est atténuée par le fait qu'il a conduit les camions dans l'intérêt de la société. Enfin, c'est à tort que le salarié soutient qu'il existerait une exception réglementaire l'autorisant à conduire le camion sans FCO.

M. [C] fait valoir qu'il n'a jamais reconnu les faits qui lui sont reprochés et que l'employeur ne rapporte par la preuve de ces faits.

Il indique n'avoir jamais signé le compte-rendu de l'entretien préalable et soutient qu'il a été convoqué pour un autre motif que celui qui a été discuté lors de cet entretien à savoir de prétendues irrégularités de frais kilométriques et de dépenses de carburant. Il allègue que M. [J] [I] a cherché par tout moyen, un motif pour justifier son licenciement.

S'agissant du prétendu vol de bois, il était autorisé à emporter le bois contenu dans la benne, même s'il ne s'agissait pas de bois mort, ayant l'accord du président de la société, M. [H] [I], pour stocker sur le site et utiliser pour son usage personnel le bois issu de la parcelle boisée dont il avait en charge l'entretien.

M. [J] [I], le fils de M. [H] [I] et nouveau Président de la société, avait une parfaite connaissance de cette autorisation et ne lui a jamais indiqué qu'il entendait la remettre en cause. Cette autorisation a toujours concerné l'ensemble du bois provenant de cette parcelle, aussi bien le bois mort que le bois issu d'arbres dangereux ou arrachés, qui avaient été coupés.

Il n'a jamais cherché à dissimuler la présence de ce bois et n'a jamais coupé d'arbres dont l'abattage n'était pas nécessaire, dans le seul but de l'utiliser comme bois de chauffage.

Dans tous les cas, le bois qu'il coupait était stocké sur le site, ce qui démontre qu'il était de bonne foi et ne cherchait pas à dissimuler son activité.

S'agissant de la conduite du camion sans mise à jour de sa formation FCO, les faits qui lui sont reprochés sont prescrits en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail.

En effet, ces faits se sont déroulés entre le 5 juin et le 7 août 2015, et il a été convoqué à un entretien préalable le 6 janvier 2016, soit 5 mois après. L'employeur ne démontre pas qu'il n'aurait été informé de ces faits que le jour de l'entretien préalable. Il avait au contraire une parfaite connaissance des déplacements qu'il avait effectués durant cette période avec le camion, le directeur étant destinataire d'un récapitulatif hebdomadaire de ces tâches et ces déplacements étaient mentionnés sur ces fiches d'activité.

A titre subsidiaire, M. [C] fait valoir que son comportement ne peut être considéré comme fautif, alors qu'il a toujours conduit le camion de la société pendant les périodes de récoltes durant ses trente années de service, et qu'il a alerté à plusieurs reprises, dès le mois de janvier 2015, que sa FCO expirait le 21 mai 2015. Il n'a reçu aucune notification de la part de son employeur lui interdisant de conduire le camion, et ne savait pas qu'il était dans l'illégalité en conduisant le camion au garage. Il était chargé d'assurer l'entretien et la maintenance des véhicules, et il était tenu de faire procéder aux contrôles obligatoires des véhicules. Enfin, durant cette période, aucun responsable n'était présent sur le site. Il a donc été contraint de conduire le camion à deux reprises, afin de procéder aux contrôles permettant au camion d'être opérationnel lors de la récolte à venir. Dans tous les cas, il n'avait pas à être en possession de sa FCO pour conduire le véhicule aux divers contrôles, les deux trajets qu'il a effectués pour conduire le camion au garage entrant dans le cadre d'une exception. Il a appris le jour de l'entretien préalable que l'employeur avait délibérément décidé de ne pas renouveler sa FCO. La SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR a d'ailleurs fait appel à un prestataire extérieur pour effectuer le transport des récoltes 2015.

Sur ce,

Il est de principe que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires.

Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.

Il est de principe que la procédure doit être lancée dans un délai restreint sauf à faire perdre le caractère de gravité des faits.

Selon les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois courant à compter du jour où l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, faute de signature par le salarié et/ou son conseiller du compte rendu d'entretien préalable versé aux débats par l'employeur, ce document ne permet pas à la cour de s'assurer que M. [C] aurait effectivement reconnu les faits qui lui sont reprochés et fondent son licenciement pour faute grave.

S'agissant de la prescription des faits de conduite d'un camion sans les permis afférents, il est reproché au salarié la conduite en date des 5 juin et 7 août 2015 alors qu'il a été convoqué à l'entretien préalable le 6 janvier 2016.

La SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR soutient n'avoir été informée de ces faits que le jour de l'entretien préalable alors qu'elle avait convoqué le salarié pour s'expliquer sur le vol de bois et des notes de frais de gasoil et que celui-ci a avoué les faits de conduite.

Toutefois, faute de signature par le salarié et/ou de son conseiller ce document ne permet pas à la cour de s'assurer que M. [C] aurait effectivement reconnu les faits qui lui sont reprochés et que l'employeur en aurait connaissance uniquement le jour de l'entretien.

La SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR ne démontre pas qu'elle n'a pas eu connaissance de ces faits dans le délai de deux mois après leur réalisation. De plus, M. [C] produit un rappel par mail à son employeur relatif à la fin de la validité de ses permis en date du 7 avril 2015 et un récapitulatif détaillé journalier et hebdomadaire des tâches qu'il effectuait, destiné à son employeur sur lequel figure notamment pour la semaine 23 de 2015 " 1 AR garage Mimone pour vérif tachygraphe Iveco ", pour la semaine 32 " 1 AR pour pièces Iveco " démontrant que l'employeur avait connaissance de l'utilisation du camion de la société dans la semaine qui suivait les faits alors qu'il n'avait pas demandé le renouvellement de ses autorisations.

Ces faits dont la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR a eu connaissance plus de deux mois avant l'exercice des poursuites disciplinaires sont par conséquent prescrits et ne peuvent donc constituer une cause de licenciement dans la présente procédure.

S'agissant de la coupe et le vol de bois vert appartenant à l'employeur, le salarié ne conteste pas avoir emporté du bois mort issu de l'entretien des espaces verts et de l'élagage des arbres et affirme y avoir été autorisé par l'ancien dirigeant et le propriétaire de la parcelle en 2015.

La SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR ne démontre pas que M. [C] coupait et emportait du bois vert et non mort et les photographies versées aux débats, dont rien ne permet d'affirmer qu'elles concernent les faits litigieux (absence de référence de lieu et d'auteur de la photographie'), n'ont pas suffisamment force probante.

Au surplus, M. [V] [P], ancien salarié à la retraite atteste que M. [C] avait été " autorisé dans les années 1990 par M. [H] [I] (père de l'actuel dirigeant de la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR) alors Directeur de la société pour récupérer le bois issu du nettoyage des terrains et des abords. M. [U], agriculteur retraité atteste quant à lui, avoir autorisé M. [C] au printemps 2015 à récupérer un arbre tombé au sol dans sa parcelle. La SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR ne démontre pas qu'elle a explicitement remis en cause l'autorisation, même ancienne, faite au salarié et qu'il y serait néanmoins contrevenu. Ces faits ne sont pas établis.

Par conséquent, il convient de juger par voie d'infirmation du jugement déféré que le licenciement de M. [C] n'est ni fondé sur une faute grave ni fondé sur une cause réelle et sérieuse.

M. [C] avait une ancienneté de 30 ans, 3 mois et 18 jours dans l'entreprise.

Il convient de condamner la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 41 000 €.

Sur le remboursement des allocations chômage :

Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, (dans version applicable au 1er mai 2008, issue de la loi du 8 août 2016 et applicable au 10 août 2016, issue de la loi du 5 septembre 2018 et applicable au 1er janvier 2019) d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.

Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

La SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à M. [C] la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE M. [C] recevable en son appel principal et la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR en son appel incident,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- Débouté M. [C] de sa demande au titre des heures supplémentaires,

- Condamné la SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR à payer à M. [C] les sommes suivantes :

- 16393,73 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement,

- 3735,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 373,53 euros bruts au titre de congés payés sur préavis,

- 195,24 euros bruts au titre de rappel de salaire sur minimum conventionnel,

- 3235,21 euros bruts au titre de rappel de salaire sur prime d'ancienneté,

- 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné à la SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR de remettre à M. [C] de nouveaux documents légaux de fin de contrat rectifiés,

- Débouté la SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS ETABLISSEMENTS ANDRÉ [I] MONTÉLIMAR aux éventuels dépens de l'instance.

L'INFIRME, pour le surplus

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

Y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [C] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR à verser à M. [C], la somme de 41 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR à payer la somme de 2 000 € à M. [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

ORDONNE le remboursement des allocations chômage perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois,

DIT qu'une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

CONDAMNE la SAS ETABLISSEMENTS ANDRE [I] MONTELIMAR aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Kristina YANCHEVA, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 20/00945
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;20.00945 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award