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13/09/2022 | FRANCE | N°20/01049

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 13 septembre 2022, 20/01049


C4



N° RG 20/01049



N° Portalis DBVM-V-B7E-KMF5



N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL BGLM



la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<

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COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 13 SEPTEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG )

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GAP

en date du 24 février 2020

suivant déclaration d'appel du 02 Mars 2020



APPELANTE :



Madame [F] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Franck MILLIAS de la SELA...

C4

N° RG 20/01049

N° Portalis DBVM-V-B7E-KMF5

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL BGLM

la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 13 SEPTEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG )

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GAP

en date du 24 février 2020

suivant déclaration d'appel du 02 Mars 2020

APPELANTE :

Madame [F] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Franck MILLIAS de la SELARL BGLM, avocat au barreau de HAUTES-ALPES,

INTIMEE :

S.A.S. AZURVAP, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Charlotte DESCHEEMAKER de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Dominique CESARI, avocat plaidant inscrit au barreau de NICE, substitué par Me Hélène TISNERAT, avocat au barreau de NICE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Mai 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de Mme [G] [U], Assistante de justice près la Cour d'appel de Grenoble, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 Septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 Septembre 2022.

Exposé du litige :

Mme [F] [E] a été engagée le 5 novembre 2015 par la SAS AZURVAP en qualité de vendeuse en contrat de travail à durée déterminée d'une durée de six mois.

Le 1er avril 2016, la salariée a conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec la SAS AZURVAP.

Le 4 octobre 2017, les parties ont conclu une rupture conventionnelle de la relation de travail à effet au 9 novembre 2017.

Le 24 mai 2018, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Gap aux fins d'obtenir la condamnation de son employeur à lui payer un rappel de salaire au titre de la reclassification conventionnelle de son emploi, des dommages et intérêts pour défaut de suivi médical, la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour licenciement abusif, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité pour absence de respect de la procédure de licenciement, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 24 février 2020, le conseil de prud'hommes de Gap a :

- Requalifié la classification conventionnelle des fonctions de Mme [E] en des fonctions d'agent de maîtrise, niveau 6 et dit que le taux horaire et la classification de cet emploi modifie sa rémunération comme prévu par la convention collective applicable.

- Condamné la SAS AZURVAP à verser à Mme [E] la somme de 720 euros à titre de rappel de salaire outre l'incidence des congés payés à hauteur de 72 euros,

- Condamné la SAS AZURVAP à verser à Mme [E] la somme de 2000 euros au titre du défaut de suivi médical,

- Condamné la SAS AZURVAP à verser à Mme [E] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

- Ordonné l'exécution provisoire sur l'ensemble de la décision,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.

Le 2 mars 2020, Mme [E] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction.

A l'issue de ses conclusions du 29 avril 2022, Mme [E] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Gap en ce qu'il a requalifié ses fonctions en des fonctions d'agent de maîtrise, niveau 6 et lui a alloué 2000 euros au titre du défaut de surveillance médicale outre 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- Le réformer pour le surplus,

- Condamner la SAS AZURVAP au rappel de salaire subséquent à concurrence de 8112 euros outre l'incidence des congés payés à hauteur de 811,20 euros,

- Requalifier la rupture conventionnelle en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamner la SAS AZURVAP à lui verser une indemnité afférente à l'absence de respect d'une procédure de licenciement à concurrence de 1798 euros,

- Condamner la SAS AZURVAP à lui verser une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 2 mois de salaire, soit 3596 euros, outre 360 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents au préavis,

- Condamner la SAS AZURVAP à lui verser une indemnité afférente à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, calculé sur la base de la « fourchette haute » du barème Macron, à concurrence de 3,5 mois de salaire (étant ici rappelé que le plancher est fixé à 3 mois de de salaire) à concurrence de 6293 euros,

- Débouter la SAS AZURVAP de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner la SAS AZURVAP au paiement d'une indemnité de 2000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procécure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris l'intégralité des dépenses liées à l'exécution forcée éventuelle de la décision à intervenir.

A l'issue de ses conclusions en date du 1er avril 2022, la SAS AZURVAP demande à la cour de :

- Statuer ce que de droit sur l'appel partiel principal interjete' par Mme [E] ;

- La déclarer recevable et bien fonde'e en son appel reconventionnel ;

- Infirmer le jugement rendu le 24 fe'vrier 2020 par la section commerce du Conseil de Prud'hommes de Gap (RG F 18/00051 et re'pertorie' sous la minute n°2020/000/2) en qu'il a,

- reclasse' Mme [E] en cate'gorie Agent de Mai'trise et dit que le taux horaire serait modifie' de ce chef,

- l'a condamne'e a' verser a' Mme [E] la somme de 720 € a' titre de rappel de salaire ainsi que la somme de 72 € a' titre des conge's paye's y affe'rents ;

- Statuant de nouveau, juger Mme [E] irrecevable en ses demandes en reclassification et en rappels de salaire et de conge's paye's y affe'rents, du fait de son acquiescement sans re'serve de son solde de tout compte le 9 novembre 2017 et de sa saisine tardive du Conseil de Prud'hommes le 24 mai 2018 ;

- Condamner par suite Mme [E] a' restituer les sommes de 720 € et de 72 € qui lui ont e'te' re'gle'es en exe'cution du premier jugement ;

- La débouter également par suite de ses demandes en paiement des sommes suivantes :

- 8.112,00 € a' titre de rappel de salaire,

- 811,20 € a' titre de conge's paye's du ledit rappel ;

- A défaut, juger que la salarie'e rele've tout au plus d'un emploi de niveau 3 et plafonner en conse'quence le rappel de salaire qui lui serait du' a' la somme de 1.133,07 € bruts, outre 113,31 € au titre des conge's paye's y affe'rent,

- Confirmer en revanche le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Gap le 24 fe'vrier 2020 en ce qu'il a juge' que Mme [E] ne rapportait pas la preuve que la proce'dure de rupture conventionnelle n'avait pas e'te' respecte'e et que son consentement avait e'te' vicie' ;

- Juger en outre que la rupture conventionnelle conclue le 4 octobre 2017 ayant pris effet le 9 novembre 2017 n'est entache'e d'aucune nullite' ;

- Débouter par suite Mme [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions en paiement de,

- 1.798,00 € a' titre d'indemnite' pour de'faut de proce'dure de licenciement,

- 3.596,00 € a' titre d'indemnite' compensatrice de pre'avis (2 mois),
- 360,00 € a' titre d'indemnite' compensatrice de conge's paye's sur ledit pre'avis,

- 6.293,00 € a' titre d'indemnite' pour licenciement sans cause re'elle et se'rieuse,

- Si par extraordinaire la cour venait a' re'former le jugement soumis a' sa censure de ce chef et venait a' estimer que la proce'dure serait irre'gulie're, force lui serait de constater que pour autant, le consentement de Mme [E] fut libre et e'claire' et qu'il ne fut en aucune fac'on vicie' ;

- Débouter par suite Mme [E] de toutes ses demandes fins et conclusions portant sur une pre'tendue nullite' affectant la rupture conventionnelle ainsi que de toutes les indemnite's qui pourraient en de'couler ;

- Si par impossible la cour venait toutefois a' re'former le jugement querelle' et a' annuler la rupture discute'e, condamner Mme [E] a' restituer les sommes qu'elle aurait en cas perc'ues au titre de la rupture conventionnelle du 4 octobre 2017, quitte a' ope'rer le cas e'che'ant par compensation avec les sommes qui pourraient e'tre mises a' sa charge ;

- Infirmer le jugement querelle' en ce qu'il l'a condamne'e la a' verser 2.000 € a' Mme [E] pour de'faut de visite me'dicale ;

- Statuant de nouveau juger au principal que Mme [E] ne de'montre pas avoir subi un quelconque pre'judice en raison d'un de'faut de suivi me'dical renforcé ;

- A défaut, plafonnfer cette indemnite' a' un mois de salaire brut, soit 1.481.00 €

- De manière plus générale, débouter Mme [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- La condamner à lui a' verser 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre a' supporter les entiers de'pens de l'instance.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la reclassification dans l'emploi :

Mme [E] fait d'abord valoir que sa demande n'est pas prescrite sur le fondement des dispositions de l'article L. 1234-20 du code du travail qui limitent à six mois la durée pour contester le reçu pour solde de tout compte. Ces dispositions ne s'appliquant qu'aux sommes mentionnées dans le reçu pour solde de tout compte, ce qui n'était pas le cas du rappel de salaire demandé. Seule la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail a vocation à s'appliquer à sa demande.

Mme [E] soutient d'autre part qu'elle effectuait l'ensemble des fonctions inhérentes à la gestion d'un point de vente, et qu'étant seule sur place, elle occupait dans les faits un poste de responsable de magasin et travaillait en direct avec la direction.

Ainsi, en application de l'avenant du 5 juin 2008 relatif à la classification des emplois au sein des métiers relevant de la convention collective des commerces de détail non alimentaire applicable à la relation de travail, elle aurait dû bénéficier de la classification d'agent de maîtrise, niveau 6. Les premiers juges ont bien procédé à la reclassification de ses fonctions, mais ils n'ont pas tiré les conséquences qui s'imposaient sur plan financier en appliquant le salaire minimum conventionnel auquel elle était en droit de prétendre. Les attestations et pièces produites par la SAS AZURVAP visant à démontrer qu'elle n'exerçait pas des fonctions de responsable de magasin devront être écartées des débats, ayant été manifestement créées pour les besoins de la cause.

Le jugement ne fournit aucune explication sur la manière dont a été calculée la somme à laquelle la SAS AZURVAP a été condamnée à titre de rappel de salaire.

La SAS AZURVAP fait d'abord valoir que la salariée n'a pas contesté le reçu pour solde de tout compte et l'annexe au solde de tout compte portant détail intégral de toutes les sommes qu'elle a perçues, lesquelles mentionnent que la somme versée comprend le paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursement des frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation du contrat de travail. Or, il est de jurisprudence constante que l'effet libératoire du solde de tout compte porte sur la nature des sommes qui y sont mentionnées et non pas seulement sur les sommes elles-mêmes.

L'annexe du solde de tout compte mentionnant que les sommes versées lui ont notamment été versées à titre de salaires et d'accessoires, la demande de rappel de salaire de la salariée est nécessairement prescrite sur le fondement des dispositions de l'article L. 1234-20 du code du travail.

A titre subsidiaire, la SAS AZURVAP fait valoir ensuite que la salariée pourrait prétendre tout au plus à une reclassification au niveau 3, et non au niveau 6. Ses compétences se sont toujours limitées aux compétences d'une simple vendeuse placée sous une autorité hiérarchique et elle ne disposait pas des diplômes lui permettant de prétendre à classification de niveaux 4 et 5.

Sur ce,

S'agissant du caractère libératoire du solde de tout compte et de la prescription :

En application de l'article L. 1234-20 du code du travail, le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées. Dès lors le reçu qui fait état d'une somme globale sans inventaire détaillé des sommes payées et renvoie pour le détail des sommes versées à un autre document annexé n'a pas d'effet libératoire. La signature du solde de tout compte par le salarié, à l'occasion de la rupture du contrat de travail ne le prive pas de réclamer les sommes dues au titre de ses salaires et non mentionnées dans celui-ci.

En l'espèce, la demande de rappels de salaire de Mme [E] ne concerne pas les sommes visées dans le solde de tout compte qu'elle ne conteste pas avoir signé le 9 novembre 2017, mais des sommes résultant d'un rappel de rémunération suite à une éventuelle requalification professionnelle et au non-respect allégué des salaires minimas conventionnels. De plus, les sommes précisées dans le solde de tout compte sous la dénomination « salaire de base »  et « salaire brut » ne permettent pas de déterminer le détail des salaires versés.

Par conséquent le solde de tout compte ne présente pas d'effet libératoire et les demandes de Mme [E] ne sont pas prescrites.

S'agissant de la demande reclassification :

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique. La classification d'un salarié dépend des fonctions effectivement exercées que le juge apprécie.

Il ressort des éléments versés aux débats que Mme [F] [E] a été engagée le 5 novembre 2015 par la SAS AZURVAP en qualité de de vendeuse, Niveau 1 de la convention collective du commerce de détail non alimentaire en contrat de travail à durée déterminée d'une durée de six mois.

Le 1er avril 2016, la salariée a conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec la SAS AZURVAP par lequel elle exerce les fonctions de vendeuse, Niveau II de la convention collective susvisée.

Il est précisé qu'en cette qualité, elle a pour tâches non exhaustives :

Accueil des clients

Encaissement

Mise en rayon et réassort

Petite manutention

Il est précisé « qu'il pourra lui être demandé d'exercer des missions complémentaires et en cas de nécessité d'autres missions dans le respect de sa classification et de ses compétences. Elle exercera ses fonctions sous l'autorité et la responsabilité de Mme [D] [Y], Présidente, M. [W] [Y] et M. [I] [N]. Elle sera administrativement rattachée au siège de la société à saint Laurent du Var mais exercera son activité au sein de l'établissement de la société situé à [Localité 3] ».

Il ressort de l'avenant à la convention collective visée, relatif aux salaires minimas en date du 26 janvier 2017 que le Niveau I est principalement un niveau « débutant » qui ne peut être appliqué au-delà d'une durée de 6 mois de présence dans l'entreprise sauf pour les employés de nettoyage.

Il est constant par ailleurs que Mme [E] est titulaire d'un BTS Management des unités commerciales obtenu le 28 juin 2013, niveau de qualification exigé pour le niveau 4 minimum et le niveau 5 conformément à la convention collective applicable.

Il n'est pas contesté que Mme [E] exerçait seule au sein de l'établissement de [Localité 3] depuis plus de 6 mois, l'employeur ne pouvant par conséquent se prévaloir du seul Niveau I débutant lors de la rupture du contrat de travail. De plus compte tenu de son diplôme de BTS (BAC + 2) des tâches exécutées alors qu'elle est le seul personnel vendeur du magasin, elle ne relève pas non plus du niveau II ou III.

Il n'est par ailleurs pas contesté qu'en plus de ses fonctions de vendeuse, elle assurait la gestion de la caisse (comme prévu dans son contrat de travail) ainsi que les remises de fonds à la banque.

Toutefois, Mme [E] ne démontre pas qu'elle assurait les tâches et les missions d'un Responsable de magasin (Agent de Maîtrise Niveau VI) et il n'existait aucune équipe dans le magasin à animer.

Par conséquent, il y a lieu d'ordonner la reclassification de Mme [E] au Niveau IV de la convention collective susvisée par voie de réformation du jugement déféré et donc de condamner la SAS AZURVAP à lui verser la somme de à titre de rappel de salaires :

Pour l'année 2015 (salaire dû de 1 520 €), soit la somme de 106,98 €

Pour l'année 2016 (salaire dû de 1 534 €), soit la somme de 870,17 €

Pour l'année 2017 (salaire dû de 1 549 €), soit la somme de 1 071,96 €

Soit un total dû de 2 049,11 € outre 204,91 € de congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour défaut de suivi médical de la salariée en sa qualité de travailleur handicapé :

Mme [E] soutient qu'alors qu'elle a été reconnue travailleur handicapé en raison d'une polyarthrite, elle n'a jamais été soumise à un quelconque contrôle médical ni même à l'embauche, ni dans le cadre du suivi médical renforcé dont bénéficient les travailleurs handicapés. Elle fait valoir qu'elle s'est même vue refuser le bénéfice d'une chaise ergonomique lui permettant de travailler dans des conditions satisfaisantes, devant exercer son emploi debout directement derrière le comptoir conduisant inéluctablement à l'aggravation de son état de santé et à un arrêt maladie le 27 juin 2017 en lien avec sa pathologie. Le médecin du travail indiquant dans le cadre de la visite médicale organisée à son initiative que la reprise de son poste nécessitait un aménagement ergonomique de son poste. Cette situation lui ayant causé un préjudice qu'elle évalue à 2 000 €.

La SAS AZURVAP fait valoir que la salariée qui se prévaut de sa qualité de travailleur handicapé et allègue ne pas avoir bénéficié en conséquence d'un suivi médical renforcé, ne fait la démonstration d'aucun préjudice. La SAS AZURVAP soutient par ailleurs qu'elle n'a pas sollicité comme le lui permet l'article R.4624-17 du code du travail le bénéfice d'un examen par le médecin du travail. A défaut, l'employeur sollicite le plafonnement de l'indemnité à un mois de salaire.

Sur ce,

En application de l'article R. 4624-10 du code du travail, tout salarié bénéficie d'une visite d'information et de prévention réalisée par un professionnel de santé dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective de travail.

La défaillance de l'employeur sur ce point justifie l'octroi de dommages et intérêts en fonction du préjudice dont l'existence et l'étendue doivent être établies.

Selon l'article R.4624-16 du code du travail dans sa version applicable aux faits de l'espèce, le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail, en vue de s'assurer du maintien de son aptitude médicale au poste de travail occupé. Le premier de ces examens, a lieu dans les vingt-quatre mois qui suivent l'examen d'embauche.

Selon les dispositions des articles R. 4624-18 et suivants du code du travail, les travailleurs handicapés bénéficient d'une surveillance médicale renforcée. Cette surveillance comprend au moins un ou des examens de nature médicale selon une périodicité n'excédant pas vingt-quatre mois.

Il résulte enfin des dispositions de l'article R.4624-17 du code du travail qu'indépendamment des examens périodiques, le salarié bénéficie d'un examen par le médecin du travail à la demande de l'employeur ou à sa demande. La demande du salarié ne peut motiver aucune sanction.

En l'espèce, il est constant que Mme [E] bénéficie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la période du 28 juillet 2016 au 27 juillet 2021. Cette reconnaissance est intervenue postérieurement à la signature du contrat à durée déterminée et du contrat à durée indéterminée du 1er avril 2016 mais l'employeur ne conclut pas qu'il ignorait la qualité de travailleur handicapé de Mme [E].

Il n'est pas contesté que Mme [E] n'a pas bénéficié de visite médicale d'embauche, ni de visite périodique, ni d'un suivi médical renforcé.

Mme [E] ne justifie toutefois pas, comme les dispositions légales le lui permettaient, avoir demandé à bénéficier d'un examen par le médecin du travail face au défaut de l'employeur.

De plus Mme [E], qui doit justifier de l'existence d'un préjudice et de son étendue découlant du défaut de visites médicales, ne démontre ni s'être vue refuser une chaise ergonomique, ni que ce refus ait eu pour conséquence l'aggravation de la pathologie comme conclu.

Faute de démontrer le préjudice qui serait résulté pour elle de l'absence d'organisation de visites médicales, il convient de débouter Mme [E] de sa demande à ce titre par voie de réformation du jugement déféré.

Sur la nullité de la procédure de rupture conventionnelle :

Mme [E] fait valoir que la SAS AZURVAP a obtenu son consentement à la rupture conventionnelle de la relation de travail dans un contexte de pressions et de brimades.

Elle soutient qu'alors qu'elle souffrait de problèmes de santé, et bénéficiait de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, son employeur a exercé une pression à son encontre à la suite d'erreurs qu'elle a commises dans la gestion du stock, et l'a contrainte à choisir entre une rupture conventionnelle de la relation de travail ou son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Elle a été congédiée dès le 3 octobre 2017. Pour autant, elle n'a accepté le principe d'une rupture conventionnelle que le 11 octobre 2017, un rendez-vous ayant été organisé avec l'employeur le 17 octobre 2017. L'entretien du 4 octobre 2017 indiqué sur le formulaire de rupture conventionnelle n'a jamais eu lieu et est purement fictif, ce dont il résulte que la convention a été antidatée au 4 octobre 2017.

Le défaut d'entretien est une cause de nullité de la convention de rupture conventionnelle.

Il en résulte par ailleurs que le délai de rétractation de 15 jours calendaires n'a pas été respecté, ce défaut entraînant également la nullité de la convention. La nullité de la convention produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SAS AZURVAP fait valoir que Mme [E] ne démontre pas qu'aucun entretien n'a eu lieu le 4 octobre 2017, le seul fait que les parties se soient revues après cet entretien n'impliquant pas son caractère fictif.

L'employeur soutient que c'est Mme [E] qui a sollicité elle-même le bénéfice d'une rupture conventionnelle bien avant cette date, ne pouvant en conséquence valablement soutenir qu'elle aurait été contrainte d'accepter le principe d'une rupture conventionnelle en raison des pressions exercées par son employeur. La loi ne prévoit aucun formalisme particulier pour la convocation à l'entretien préalable. Dans tous les cas, les parties s'étaient déjà entendues durant plusieurs semaines sur les modalités de la rupture, l'entretien du 4 octobre 2017 étant seulement venu formaliser le consentement déjà exprimé à plusieurs reprises par la salariée.

La salariée n'a pas saisi l'inspecteur du travail d'un quelconque vice de son consentement durant le délai légal de 15 jours. L'ensemble des échanges produits démontre le consentement libre et éclairé de Mme [E] , qui a elle-même organisé l'ensemble de la procédure de rupture conventionnelle, ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Enfin la salariée ne démontre aucune pression ni brimade de la part de son employeur.

Sur ce,

Aux termes des articles L.1237-11 et suivants du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir des conditions de la rupture du contrat qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat.

Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :

1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;

2° Soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

Lors du ou des entretiens, l'employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l'employeur auparavant ; si l'employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié.

Selon les dispositions de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. L'existence d'un vice du consentement de nature à entraîner la nullité d'une rupture conventionnelle relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Ce vice du consentement doit être allégué par les parties.

S'agissant du non-respect de la procédure applicable :

Si le défaut du ou des entretiens prévus par les dispositions légales susvisées entraine la nullité de la convention, il appartient à celui qui invoque cette cause de nullité d'en établir l'existence.

En l'espèce, Mme [E] qui allègue ne pas avoir bénéficié de l'entretien préalable par l'employeur du 4 octobre 2017 doit en apporter la preuve.

Il est constant qu'une rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [E] a été signée par les parties portant la date du 4 octobre 2017 avec précision de la fin du délai de rétractation au 19 octobre 2017, et d'un entretien sans assistance de part et d'autre en date du jour de la signature le 4 octobre 2017.

Il est de principe que les parties sont libres d'organiser comme bon leur semble ces entretiens notamment leur nombre et leur durée et il n'existe aucun formalisme s'agissant de la convocation du salarié.

Par conséquent le seul fait conclu par Mme [E] qu'elle n'a pas été convoquée à l'entretien du 4 octobre 2017 par lettre recommandée avec accusé de réception ne suffit pas à démontrer le non-respect de la procédure et l'absence d'entretien. La SAS AZURVAP produisant au surplus un courrier aux débats daté du 2 octobre 2017 lui indiquant «' nous souhaitons obtenir votre accord afin d'initier une procédure de rupture conventionnelle de votre contrat de travail . Au cas où vous accéderiez, nous fixerons un rendez-vous afin de déterminer les conditions de votre départ. Vous pourrez naturellement vous faire assister par une personne de votre choix appartenant au personnel de l'entreprise ou par un conseiller dont la liste est dressée par l'autorité administrative et mise à votre disposition à la mairie. Cependant si vous vous faites assister, nous vous prions de nous en avertir dans un délai raisonnable afin que nous puissions prendre les dispositions nécessaires. »

Toutefois, il appert des échanges entre les parties et notamment du courrier de Mme [E] en date du 14 octobre 2017 versé aux débats par l'employeur, qu'à cette date, la rupture conventionnelle n'avait pas été signée, contrairement à la date du 4 octobre 2017 indiquée sur le document de rupture signé par les parties, et qu'il est ainsi peu probable que l'entretien ait eu lieu.

Dans ce courrier Mme [E] explique à l'employeur « qu'il serait préférable de choisir la rupture conventionnelle, ce qui me convient, car cela nous évitera de l'attente et des frais, essentiellement pour vous. Pour cela nous devons signer cette rupture, attendre 15 jours de délais légaux de rétractation et envoyer par la suite le dossier à l'inspection du travail. Ayant eu mon dernier jour de travail le 3 octobre 2017, les papiers devront être datés du 4 octobre 2017 . Etant donné que cela fait 10 jours, il ne nous restera plus que 5 jours avant de tout envoyer' Nous pouvons nous donner rendez-vous à [Localité 3] la semaine prochaine' ».

La cour en conclut que si manifestement la rupture conventionnelle a été antidatée au 4 octobre 2017, elle l'a été avec l'accord non équivoque de la salariée qui explique même à l'employeur la manière de procéder et propose l'organisation d'un entretien la semaine qui suit le 14 octobre 2017. Les SMS versés aux débats démontrant qu'un rendez-vous a finalement été fixé entre les parties le 17 octobre 2017 devant la boutique de [Localité 3].

Mme [E] ne peut par conséquent se prévaloir de l'absence d'entretien et du non-respect de la procédure pour fonder sa demande de nullité de la rupture conventionnelle. Elle doit être déboutée de sa demande de nullité à ce titre.

S'agissant de l'existence d'un vice du consentement :

Le courrier susvisé, non contesté par la salariée, aux termes duquel Mme [E] propose à l'employeur l'organisation d'une rupture conventionnelle antidatée démontre le caractère non équivoque de son consentement à cette rupture. Son consentement résulte également de son SMS adressé à l'employeur le 3 octobre 2017.

En outre, elle ne développe aucun moyen de fait susceptible de caractériser un vice de consentement et n'explicite pas les pressions dont elle aurait été l'objet. Elle ne démontre pas le refus de la chaise ergonomique et le seul fait conclu que l'employeur « aurait souhaité la congédier » ne constitue pas un moyen de pression en soi, mais au contraire un des motifs permettant de proposer au salarié une rupture conventionnelle que ce dernier est libre ou non d'accepter.

S'agissant de l'absence de garanties liées au délai de rétractation, il ressort des éléments déjà cités que Mme [E] était parfaitement consciente des délais de rétractation et qu'elle a accepté le principe de leur réduction en acceptant d'antidater la rupture conventionnelle sans démontrer qu'elle y a été contrainte.

Par conséquent, il convient de rejeter sa demande de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement :

Mme [E] sollicite dans le dispositif de ses conclusions la condamnation de la SAS AZURVAP à lui verser une indemnité afférente à l'absence de respect de la procédure de licenciement.

La SAS AZURVAP soutient que l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ne peut être cumulée avec l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Mme [E] ne développe aucun moyen de droit et de fait dans ses conclusions au soutien de cette prétention. De plus il a été jugé que la rupture conventionnelle n'avait pas lieu d'être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mme [E] doit être déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Chaque partie a été partiellement déboutée de ses demandes dans le cadre de l'instance d'appel. Dans ces circonstances, l'équité commande de les débouter de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles et de dire qu'elles supporteront chacune la charge des frais et dépens qu'elles ont engagés en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme [E] recevable en son appel,

INFIRME le jugement déféré excepté en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande au titre de la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

Y ajoutant,

ORDONNE la reclassification de Mme [E] au Niveau IV de la convention collective applicable,

CONDAMNE la SAS AZURVAP à verser à Mme [E] les sommes suivante au titre de rappels de salaires suite à la reclassification :

Pour l'année 2015 (salaire dû de 1 520 €), soit la somme de 106,98€

Pour l'année 2016 (salaire dû de 1 534 €), soit la somme de 870,17 €

Pour l'année 2017 (salaire dû de 1 549 €), soit la somme de 1 071,96€

Soit un total dû de 2049,11€ outre 204,91 € de congés payés afférents.

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour défaut de visites médicales,

REJETTE la demande de nullité de la rupture conventionnelle,

DEBOUTE Mme [E] de ses autres demandes,

DIT que chaque partie supportera la charge des frais et dépens qu'elles ont engagé en en appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 20/01049
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;20.01049 ?
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