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27/09/2022 | FRANCE | N°20/02450

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 27 septembre 2022, 20/02450


N° RG 20/02450 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KQDV



N° Minute :





C1

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL CABINET JP



la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



SELARL FAYOL ET ASSOCIES















AU NOM DU PEUPLE FRANÇ

AIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 27 SEPTEMBRE 2022



Appel d'un Jugement (N° R.G. 13/02785) rendu par le tribunal judiciaire de VALENCE en date du 14 janvier 2020, suivant déclaration d'appel du 03 Août 2020





APPELANTS :



M. [C] [G]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]



Mme [T] [M] épouse [G]

d...

N° RG 20/02450 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KQDV

N° Minute :

C1

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL CABINET JP

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

SELARL FAYOL ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 27 SEPTEMBRE 2022

Appel d'un Jugement (N° R.G. 13/02785) rendu par le tribunal judiciaire de VALENCE en date du 14 janvier 2020, suivant déclaration d'appel du 03 Août 2020

APPELANTS :

M. [C] [G]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Mme [T] [M] épouse [G]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentés par Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉES :

S.A.R.L. FERNANDES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Guillaume SCHENCK, avocat au barreau de la DROME

Société L'AUXILIAIRE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Elodie BORONAD de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Emmanuèle Cardona, présidente

Laurent Grava, conseiller,

Anne-Laure Pliskine, conseillère

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 juin 2022 Laurent Grava, conseiller, qui a fait son rapport, en présence d'Anne-Laure Pliskine, conseillère, assistés de Caroline Bertolo, greffière, ont entendu seuls les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon devis du 15 mars 2006, M. [C] [G] et Mme [T] [G] (M. et Mme [G]) ont confié à la SARL Fernandes, assurée en garantie décennale auprès de la SA l'Auxiliaire, la construction d'une piscine et les travaux d'aménagement extérieurs.

Les époux [G] ont réglé les factures émises les 13 juillet, 25 juillet et 31 octobre 2006 par la SARL Fernandes pour un montant total de 73 998,06 euros.

Invoquant une baisse importante du niveau d'eau de la piscine, les époux [G] ont fait procéder par le cabinet Expelliance à une expertise amiable qui s'est déroulée le 6 novembre 2012 au contradictoire de la SARL Fernandes.

Désigné en qualité d'expert par ordonnance du 9 janvier 2014, M. [L] a déposé le 10 juin 2015 son rapport d'expertise en l'état, à défaut de versement de la consignation complémentaire mise à la charge des époux [G].

Se plaignant de divers désordres, ils ont fait citer la SARL Fernandes devant le tribunal judiciaire de Valence. La SA l'Auxiliaire est intervenue volontairement à la procédure.

Par ordonnance du 10 décembre 2015, le juge de la mise en état a ordonné une nouvelle expertise.

M. [S] a déposé au greffe son rapport définitif le 11 juillet 2018.

Par jugement contradictoire du 14 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Valence a :

- débouté les époux [G] de leur demande de révocation de la clôture fixée au 5 juillet 2019 ;

- déclaré les époux [G] recevables en leurs demandes dirigées à l'encontre de la SARL Fernandes et la SA l'Auxiliaire ;

- débouté les époux [G] de leur demande au titre du remplacement du robot de piscine ;

- condamné in solidum la SARL Fernandes et la SA l'Auxiliaire à leur payer la somme de 39 616,36 euros au titre de la réfection de la piscine, du local technique, escalier et portique, de l'installation de chantier et nettoyage et de l'étude d'exécution structures, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;

- condamné in solidum la SARL Fernandes et la SA l'Auxiliaire à leur payer la somme de 3 000 euros à titre de préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;

- condamné la SARL Fernandes à leur payer la somme de 17 483,40 euros au titre des travaux de reprise des murs, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;

- déclaré les époux [G] irrecevables en leurs prétentions dirigées à l'encontre de la SARL Conti ;

- condamné in solidum la SARL Fernandes et la SA l'Auxiliaire à leur payer la somme 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute prétention plus ample ou contraire des parties ;

- condamné in solidum la SARL Fernandes et la SA l'Auxiliaire aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire ;

- dit qu'ils seront distraits au profit de la SELARL Athemis par le ministère de Me Delphine Msika, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné la SA l'Auxiliaire à relever et garantir la SARL Fernandes des condamnations prononcées à son encontre au titre de la réparation des désordres de nature décennale et des préjudices immatériels consécutifs, en principal et intérêts de retard ;

- condamné la SA l'Auxiliaire à relever et garantir la SARL Fernandes des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, dans la limite de 70 % ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.

Les époux [G] ont interjeté appel de la décision le 3 août 2020.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 10 janvier 2022, M. [C] [G] et Mme [T] [G] demandent à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

« Condamne la SARL Fernandes et la SA l'Auxiliaire in solidum à verser aux époux [G] la somme de 39 616,36 euros au titre de la réfection de la piscine, du local technique, escalier et portique, de l'installation de chantier et nettoyage et de l'étude d'exécution structures, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;

- Condamne la SARL Fernandes à verser aux époux [G] la somme de 17 483,40 euros au titre des travaux de reprise des murs côtés escalier et derrière la piscine, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision » ;

Sur la recevabilité de la demande des époux [G],

- débouter la SARL Fernandes de sa demande d'irrecevabilité en ce qu'il s'agit d'une demande accessoire et/ou complémentaire ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- ordonner un complément d'expertise suite à l'établissement des études de sol et béton afin que l'expert se prononce sur la réalité et l'ampleur des travaux de reprise à effectuer, notamment concernant les murs venant en soutien des terres, ainsi que sur le chiffrage desdites reprises ;

- nommer tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de se rendre sur les lieux, décrire les travaux de reprise concernant les murs venant en soutien des terres en se basant sur les études de sol et les études béton réalisées à la demande des époux [G], chiffrer les travaux de reprise ;

A titre subsidiaire,

- condamner la SARL Fernandes et la SA l'Auxiliaire à régler aux époux [G] la somme de 221 964 euros TTC au titre de la reprise intégrale des désordres se basant sur les études de sol et les études béton ;

En tout état de cause,

- débouter la SA l'Auxiliaire de ses demandes, fins et prétentions contraires ;

- condamner la SARL Fernandes et la SA l'Auxiliaire à payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens.

Ils exposent les éléments principaux suivants au soutien de leurs écritures :

- ils rappellent les faits et la procédure ;

- ils développent le rapport d'expertise de M. [S] ;

- l'expert a, d'une part, décrit des travaux de reprise des désordres sans qu'aucune étude de sol et étude béton n'ait été réalisée au préalable, et d'autre part, omis d'inclure, au titre des travaux de reprise, le renforcement du mur de soutènement dont la dangerosité quant à sa solidité a été parfaitement soulevée aux termes du rapport ;

- un complément d'expertise s'impose ;

- cette demande ne doit donc pas être considérée comme une nouvelle demande au sens de l'article 564 du code de procédure civile, mais bien comme une demande accessoire et/ou complémentaire ;

- aucune entreprise ne souhaite intervenir afin d'exécuter les travaux recommandés par l'expert en l'absence d'étude de sol, au motif d'une grande instabilité des sols sur lesquels les ouvrages reposent ;

- les époux [G] n'ont eu de choix que de mandater la société GIA Ingénierie afin qu'il soit procédé à l'établissement d'un diagnostic géotechnique, lequel rapport a été établi le 17 juin 2019, soit postérieurement aux mesures d'expertise ;

- les époux [G] sollicitent un complément d'expertise judiciaire portant sur les murs de soutien des terres afin que l'expert se prononce d'une part, sur la réalité des travaux de reprise, lesquels reposeront désormais sur des études de sol et béton, et d'autre part, sur le chiffrage des reprises ;

- à titre subsidiaire, à l'aune des rapports de sol et béton établis à la demande des époux [G], M. [J] [U], gérant de l'entreprise de maçonnerie générale, a estimé le coût des travaux de réfection de la piscine ainsi que de ses abords, à la somme de 221 964 euros TTC.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 26 avril 2021, la SARL Fernandes demande à la cour de :

In limine litis,

- débouter les époux [G] de leur demande nouvelle de complément d'expertise judiciaire comme étant irrecevable en cause d'appel ;

A titre principal,

- débouter les époux [G] de l'intégralité de leur demande comme étant injustifiées ;

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Valence dans son intégralité et notamment en ce qu'il :

« - Condamne la SA l'Auxiliaire à relever et garantir la SARL Fernandes des condamnations prononcées à son encontre au titre de la réparation des désordres de nature décennale et des préjudices matériels consécutifs, en principal et intérêts de retard ;

- Condamne la SA l'Auxiliaire à relever et garantir la SARL Fernandes des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, dans la limite de 70 % » ;

En tout état de cause,

- condamner les époux [G] à payer à la SARL Fernandes 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

- condamner les époux [G] aux entiers dépens.

Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :

- la demande d'expertise formulée pour la première fois en cause d'appel est une demande nouvelle et par suite irrecevable ;

- les époux [G] n'ont jamais demandé un complément d'expertise en première instance alors même que l'expert judiciaire avait déjà pour mission de relever les désordres et de chiffrer les éventuels travaux nécessaires à la reprise ;

- de même, ils n'ont pas contesté le chiffrage dans le cadre de la première instance, ce n'est qu'en cause d'appel qu'ils soulèvent cette nouvelle prétention ;

- les demandes formulées par les époux [G] étant nouvelles et sans lien avec les demandes originaires, la cour ne pourra que les déclarer irrecevables ;

- subsidiairement, la demande est prescrite ;

- il n'est en l'espèce pas contesté que les époux [G] ont pris possession des ouvrages réalisés par la société Fernandes en juillet 2006, et intégralement réglé ceux-ci, dès le mois de novembre 2006, après émission de la facture de solde, le 31 octobre 2006 ;

- or, la demande nouvelle d'expertise complémentaire concernant les sols a été faite en cause d'appel le 5 août 2020 par les époux [G] soit bien plus de 10 ans après la réception des travaux ;

- la cour ne pourra donc que déclarer les demandes nouvelles des époux [G] tendant à la mise en oeuvre d'une expertise complémentaire irrecevables comme étant prescrites ;

- dans son rapport d'expertise, M. [S] n'a constaté aucun désordre en rapport avec le sol ;

- concernant l'assureur, l'Auxiliaire soutient l'absence de désordre à caractère décennal en prétendant qu'à aucun moment les époux [G] ou un expert judiciaire ne réussit à caractériser un dommage qui compromet la solidité de l'ouvrage ou bien un dommage qui rend l'ouvrage impropre à sa destination ;

- elle doit sa garantie en ce que les désordres constatés par l'expert concernant la piscine, le local technique, l'escalier, le portique, l'installation de chantier relevaient de la garantie décennale.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 janvier 2021, la SA l'Auxiliaire demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer à titre d'appel incident le jugement entrepris ;

- constater l'absence de désordre de nature décennale ;

- constater que les désordres affectant le mur de soutènement et les parois de la cave étaient apparents à la réception des ouvrages ;

- dire et juger que la responsabilité décennale de la société Fernandes ne saurait être engagée ;

- dire et juger que la garantie décennale souscrite par la société Fernandes auprès de la SA l'Auxiliaire ne peut être mobilisée ;

- débouter les époux [G] de toutes leurs demandes à l'encontre de la SA l'Auxiliaire ;

- constater que la demande des requérants au titre de la prétendue perte de jouissance n'est pas justifiée ;

- rejeter la demande des requérants au titre la perte de jouissance ;

A titre subsidiaire,

- débouter les époux [G] de leur demande de complément d'expertise judiciaire comme étant irrecevable en cause d'appel ;

- débouter les époux [G] de leur demande tendant à voir condamner la SA l'Auxiliaire à la somme de 211 964 euros TTC comme étant absolument pas justifiée ;

En tout état de cause,

- condamner les époux [G] à payer une indemnité de procédure de 5 000 euros à la SA l'Auxiliaire ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.

Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :

- elle est l'assureur décennal de la SARL Fernandes ;

- elle estime qu'il n'y a aucun désordre de nature décennale ;

- à aucun moment, les époux [G] ou bien l'expert judiciaire ne réussissent à caractériser un dommage qui compromet la solidité de l'ouvrage, ou bien un dommage qui rend l'ouvrage impropre à sa destination ;

- le local technique a plus de dix ans, et malgré une humidité relative, le fonctionnement des appareils électriques de filtration n'a pas été altéré ou endommagé ;

- certains défauts étaient décelables à la réception et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part du maître d'ouvrage ;

- de plus, l'expert a occulté le déséquilibre chimique de l'eau qui a sévi durant l'utilisation du bassin pendant les premières années (faute des maîtres de l'ouvrage) ;

- il n'y a pas de préjudice de jouissance.

La clôture de l'instruction est intervenue le 16 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

À titre liminaire :

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.

Par prétention, il faut entendre une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux.

Par voie de conséquence, les expressions telles que « dire et juger », « déclarer » ou « constater » ne constituent pas de véritables prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés contre la décision entreprise et dans la discussion des prétentions et moyens, mais pas dans le dispositif même des conclusions.

En conséquence, il n'y aura pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur la demande de complément d'expertise :

1) La prescription :

En l'espèce, l'assignation délivrée le 24 juillet 2013 à la SARL Fernandes, à la requête de M. [C] [G] et de Mme [T] [M] épouse [G] a de facto interrompu le cours de la prescription.

En conséquence, la demande d'expertise concernant la reprise des murs formulée en 2020 ne peut donc pas être considérée comme prescrite.

Le moyen sera rejeté.

2) Le caractère nouveau en cause d'appel :

La demande d'expertise concernant la reprise des murs formulée par les appelants dans leurs conclusions d'appel de 2020 ne peut pas être considérée comme nouvelle en cause d'appel.

En effet, une telle demande entre dans les prévisions de l'article 566 du code de procédure civile qui dispose que «  les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».

En l'espèce, la demande concerne un complément se rattachant à l'objet expertisé (la piscine) dans sa composante structurelle. Le lien accessoire est évident.

La fin de non-recevoir sera en conséquence rejetée.

3) Le bien fondé :

La demande de complément d'expertise, certes non prescrite et recevable procéduralement en cause d'appel, doit néanmoins être fondée pour pouvoir éventuellement être ordonnée.

En l'espèce, la chronologie des opérations expertales est la suivante :

- une expertise amiable (Expelliance) en novembre 2012 (au contradictoire de la SARL Fernandes) ;

- une première expertise judiciaire avec dépôt du rapport en l'état en juin 2015 en raison du non-versement de la consignation complémentaire ;

- une nouvelle expertise judiciaire de décembre 2015 (juge de la mise en état) avec dépôt du rapport en juillet 2018 ;

- un diagnostic géothermique non contradictoire (rapport d'août 2019).

Force est de constater que le diagnostic géothermique établi de façon non contradictoire, est intervenu presque un an après une succession d'opérations d'expertise étalées sur environ 6 années.

Ainsi, alors qu'ils ont disposé de plusieurs années pour affiner leurs demandes dans le respect du contradictoire, les époux [G] n'ont pas mis cette problématique dans les débats, attendant le dépôt de l'expertise judiciaire pour s'orienter dans une voie peu conforme à la loyauté procédurale, étant rappelé qu'ils avaient déjà refusé de payer un complément de consignation.

De plus, dans le cadre de la mesure amiable Expelliance de 2012, il avaient démontré leur capacité à respecter le contradictoire en appelant la SARL Fernandes aux opérations, ce qu'ils n'ont pas jugé bon de faire pour le diagnostic géothermique.

Enfin, l'expert judiciaire avait adressé le 28 mai 2018 son pré-rapport aux parties et a déposé son rapport définitif le 11 juillet 2018 au greffe du tribunal.

Les époux [G], qui ont conclu au fond le 13 décembre 2018 ont néanmoins attendu le mois de juin 2019 pour faire réaliser une étude géotechnique, laquelle de surcroît n'avait pas été considérée par l'expert judiciaire comme un préalable indispensable à l'évaluation de leurs préjudices.

L'ensemble de ces éléments permet de conclure que la demande de complément d'expertise sur la base d'un document tardif, non contradictoire et jugé non indispensable par l'expert judiciaire n'est pas fondée et doit être rejetée.

Sur la responsabilité, les désordres, les reprises et la demande de garantie :

En l'espèce, les principaux éléments pris en compte par le premier juge pour statuer sur les désordres, les reprises et la demande de garantie sont les suivants :

- aux termes des articles 1792 et suivants du code civil, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs et leurs sous-traitants, se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ;

- s'agissant des désordres intermédiaires, la demande de réparation n'est pas soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans de l'article 2224 du code civil ;

- la responsabilité contractuelle pour faute de la SARL Fernandes est donc susceptible d'être recherchée pendant un délai de dix ans à compter de la réception des ouvrages ;

- la réception est intervenue tacitement en novembre 2006, suite à la prise de possession des ouvrages et au paiement intégral de la facture de la SARL Fernandes ;

- l'action en paiement, qui a été introduite le 24 juillet 2013, soit dans le délai de dix années de la réception, est par conséquent recevable ;

- s'agissant des murs de soutien des terres (parties a et d page 19 du rapport d'expertise), les fissures caractérisent des défauts de réalisation, et n'ont pas d'incidence majeure ni ne manifestaient d'instabilité relevée, ni de dévers ;

- les dommages constatés ne compromettant pas la solidité des murs de soutien et ne les rendant pas non plus impropres à leur destination, les conditions d'application de l'article 1792 du code civil ne sont pas réunies ;

- toutefois, la responsabilité contractuelle pour faute de la SARL Fernandes est engagée dans la mesure où l'expert judiciaire a relevé le non-respect des règles de l'art caractérisé notamment par l'absence de dilatation et d'indépendance entre eux des murs de soutien et leur qualité en inadéquation avec leur fonction de soutien des terres supérieures (usage d'agglos creux, absence de semelles dimensionnées pour les efforts, défaut d'armatures et ferraillages) ;

- s'agissant de l'accès constitué d'une rampe et d'un escalier (partie b), les lézardes sont telles que la maçonnerie n'est plus tenue et peut tomber à tout moment ;

- le garde-corps maçonné est d'une hauteur inférieure à la hauteur normalisée pour la sécurité (1 m minimum) ;

- tant l'atteinte à la solidité de l'ouvrage que le risque pour la sécurité des personnes sont avérés de sorte que les désordres sont de nature décennale ;

- la dalle béton qui supporte l'escalier couvre deux locaux, un local technique supportant les installations électriques de la piscine et un local à usage de cave ;

- les désordres consistent en la présence de fissures sur les murs, le descellement de la porte métallique du local technique, des infiltrations d'eau provenant de la couverture et des murs dans le local technique et la cave ainsi que des entrées d'eau de pluie par la porte du local ;

- ces désordres proviennent de diverses malfaçons commises par la SARL Fernandes (insuffisance de gestion des eaux dans les terres en amont provoquant la forte migration de l'humidité en parois et couverture, absence de drainage en pied de fondation périphérique, absence d'étanchéité de la dalle béton haute formant couverture, absence d'imperméabilisation des parois enterrées, défaut de seuil de la porte d'entrée) ;

- la mise en place d'un extracteur par le maître d'ouvrage dans la pièce n'est pas à l'origine des problèmes d'humidité constatés sur les murs ou sous la dalle béton servant de couverture au local sous escalier, cet extracteur n'ayant fait qu'accentuer le phénomène de condensation ;

- l'absence de ventilation provient d'une erreur de conception, la porte séparant le local technique et la cave coupant le circuit d'air ;

- s'agissant du local technique, M. [S] a mis en évidence un danger pour la sécurité des personnes, l'humidité se trouvant au droit des installations électriques commandant la piscine ;

- si, compte-tenu de la destination de cave de l'autre local, le défaut d'étanchéité à l'eau ne le rend pas impropre à sa destination, il convient de le traiter de manière à éviter d'endommager le local technique en prolongement ;

- la responsabilité civile décennale de la SARL Fernandes est donc bien engagée s'agissant des locaux sous escalier ;

- le décollement, le désagrègement, l'effritement, la cassure, le délitement, la fissuration des enduits ou revêtements muraux ne rendent pas les murs impropres à leur destination au sens de l'article 1792 du code civil ;

- ces désordres sont consécutifs soit à l'absence de joints, soit à l'épaisseur trop faible de l'enduit, soit l'absence de baguette de renfort sur les arrêtes, soit à l'absence de protection des têtes de mur, soit à des manquements dans la mise en oeuvre comme dans la préparation des supports ;

- ils engagent dès lors la responsabilité civile contractuelle de la SARL Fernandes ;

- le bassin est affecté de graves désordres généralisés (usure manifeste du revêtement de la piscine avec décollement par morceaux et effritement du revêtement en parois et fond, présence de fissures sur le fond et perte d'eau anormale) ;

- l'état dégradé du bassin compromet son usage normal ;

- M. [S] a relevé la mauvaise jonction des marches d'escalier, le défaut de qualité du revêtement, sa faible épaisseur, sa composition inapte à sa tenue, l'absence d'utilisation de produit hydrofuge ou de la série SIKA assurant le rôle d'étanchéité ;

- la mauvaise conception de l'ouvrage résulte du défaut de gestion des eaux de pluie sur les plages et terrasses qui migrent dans la chape béton vers les margelles du bassin et s'infiltrent dans l'épaisseur ;

- le choix de poser du dallage collé aurait dû conduire la SARL Fernandes à mettre en place un système de collecte des eaux de surface via des grilles en sol ;

- aucune pente et dispositif adapté n'ont été prévus pour la récolte des eaux, ou le drainage afin de protéger le bassin ;

- l'expert [L] n'a pas mené à leur terme ses investigations et, étant expert en piscines, il ne dispose pas d'autant de compétences dans le domaine du bâtiment et de la construction que M. [S], architecte de formation ;

- M. [S] a relevé avec précision les nombreux manquements aux règles de l'art et normes DTU commis par la SARL Fernandes, en s'appuyant notamment sur les photographies prises en cours de chantier ;

- son diagnostic de migration des eaux de pluie dans la chape béton vers les margelles du bassin est confirmé par la présence d'algues vertes d'eau douce sur la zone hors d'eau du bassin ;

- le phénomène de dégradation de l'enduit était beaucoup plus important sur la zone avec les plus grandes terrasses subissant un apport d'eau plus important que celui que reçoit la zone côté jardin avec une terrasse moindre ;

- il a relevé l'absence de pente du dallage et des terrasses ;

- si le traitement défaillant de l'eau par les époux [G] et le nettoyage des plages et margelles au nettoyeur haute pression ont accéléré le phénomène d'usure prématurée du revêtement, l'expert [S] a mis en évidence que l'enduit, par sa constitution, n'était pas été à même de conserver sa cohésion de liant et de sable ;

- ce sont l'inaptitude à garantir son rôle, la faiblesse et l'incapacité de tenue du revêtement qui ont provoqué le processus des délitements, désagrégation ;

- le maître d'ouvrage ne peut être tenu responsable de la mauvaise qualité de l'enduit qui est avérée, indépendamment du traitement de l'eau et du nettoyage des plages ;

- les erreurs de conception et la mise en oeuvre défectueuse des plages et terrasses autour du bassin n'ont pas engendré de désordres affectant ces ouvrages eux-mêmes ;

- toutefois, les défaillances et manquements imputables à la SARL Fernandes sont à l'origine des désordres de nature décennale affectant le bassin ;

- les photographies produites montrent l'ancrage des armatures de la dalle dans le mur au travers des agglos creux et l'absence d'enduit d'imperméabilisation ; 

- ces défauts présentés par le mur de soutènement et les parois de la cave n'étaient décelables en cours de chantier que par un professionnel du bâtiment ;

- tel n'est pas le cas des époux [G] de sorte qu'il n'est pas établi que les désordres étaient apparents pour eux à la réception de l'ouvrage ;

- au vu de l'ensemble de ces éléments, la SARL Fernandes et la SA l'Auxiliaire seront condamnées in solidum, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, à verser aux époux [G] les sommes de 16 970 euros HT au titre de la réfection de la piscine, de 16 281,24 euros HT au titre du local technique, escalier et portique, de 880 euros TTC au titre de l'installation de chantier et nettoyage et de 2 160 euros TTC au titre de l'étude d'exécution structures, soit 39 616,36 euros TTC au total ;

- la SARL Fernandes devra verser, en application de l'article 1147 ancien du code civil, les sommes de 10 095,20 et de 5 798,80 euros HT au titre des travaux de reprise des murs côté escalier et derrière la piscine, soit au total 17 483,40 euros TTC ;

- les époux [G] ne justifient pas que le remplacement du robot de piscine constitue un préjudice en lien avec les fautes reprochées à la SARL Fernandes ;

-en revanche, leur préjudice de jouissance est bien caractérisé dès lors que le décollement par plaques de l'enduit de la piscine les prive, depuis plusieurs années, de l'agrément qui est normalement attendu de son usage ;

- il leur sera, par conséquent, alloué la somme de 3 000 euros, à ce titre ;

- conformément aux dispositions de l'article 1231-7- du code civil, les condamnations prononcées emporteront intérêts au taux légal à compter de la date de la décision de première instance ;

- la SARL Fernandes est bien fondée à se voir relever et garantir par la SA l'Auxiliaire pour les condamnations prononcées à son encontre au titre de la réparation des désordres de nature décennale et des préjudices immatériels consécutifs ;

-la SARL Fernandes se verra également relevée et garantie par son assureur des condamnations prononcées à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, dans la limite de 70 %.

S'agissant donc de la responsabilité, des désordres, des reprises et de la demande de garantie, en l'absence de nouveaux moyens présentés par les parties, c'est par des motifs pertinents au vu des justificatifs qui lui étaient soumis, que le tribunal s'est livré à une exacte analyse des faits et à une juste application des règles de droit (articles 1792 et suivant du code civil).

La cour, adoptant cette motivation, confirmera la responsabilité, les désordres, les reprises et la demande de garantie.

Le jugement entrepris sera confirmé par adoption de motifs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [C] [G] et Mme [T] [G], dont l'appel est rejeté, supporteront in solidum les dépens d'appel, ceux de première instance étant confirmés.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA l'Auxiliaire les frais engagés pour la défense de leurs intérêts en cause d'appel. M. [C] [G] et Mme [T] [G] seront condamnés in solidum à lui payer à chacune la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL Fernandes les frais engagés pour la défense de leurs intérêts en cause d'appel. M. [C] [G] et Mme [T] [G] seront condamnés in solidum à lui payer à chacune la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Rejette l'exception de prescription concernant la demande d'expertise ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau en cause d'appel de la demande d'expertise ;

Déboute M. [C] [G] et Mme [T] [G] de leur demande d'expertise ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [C] [G] et Mme [T] [G] à payer à la SA l'Auxiliaire la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne in solidum M. [C] [G] et Mme [T] [G] à payer à la SARL Fernandes la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne in solidum M. [C] [G] et Mme [T] [G] aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/02450
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;20.02450 ?
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