N° RG 22/00006 -
N° Portalis DBVM-V-B7G-LIWB
C1
N° Minute : 19
Notifications faites le
22 NOVEMBRE 2022
copie exécutoire délivrée
le 22 NOVEMBRE 2022 à :
Me CHAUDON
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
DÉCISION DU 22 NOVEMBRE 2022
ENTRE :
DEMANDEUR suivant requête du 11 Mars 2022
E
Mme [E] [Z]
née le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 3] (ITALIE)
[Adresse 4]
[Localité 7]
[Localité 7] ITALIE
représentée par Me Philippe CHAUDON, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Vincent BRENGARTH, avocat au barreau de PARIS
ET :
DEFENDEUR
M. L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
représenté par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocats au barreau de GRENOBLE substituée par Me Floris RAHIN, avocat au barreau de GRENOBLE
EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC
pris en la personne de M MULLER, avocat général
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Octobre 2022,
Nous, Patrick BEGHIN, conseiller délégué par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble par ordonnance du 13 septembre 2021, assisté de Valérie RENOUF, greffier, les formalités prévues par l'article R 37 du code de procédure pénale ayant été respectées,
Avons mis l'affaire en délibéré et renvoyé le prononcé de la décision à la date du 22 novembre 2022, ce dont les parties présentes ou représentées ont été avisées.
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Mme [Z], née le [Date naissance 1] 1991, poursuivie selon la procédure de comparution immédiate du chef d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France, a été placée en détention provisoire le 24 avril 2018 et écrouée à la maison d'arrêt de [5].
Elle a été remise en liberté et placée sous contrôle judiciaire par jugement du tribunal correctionnel de Gap du 3 mai 2018.
Par arrêt du 9 septembre 2021, devenu définitif (certificat de non-pourvoi du 11 mars 2022), la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Grenoble, infirmant le jugement de condamnation du 13 décembre 2018, a relaxé la prévenue.
Par requête reçue au greffe de la cour d'appel le 11 mars 2022, Mme [Z] a sollicité la réparation du préjudice que lui a causé sa détention, d'une durée de neuf jours, et demandé :
- 5 000 euros au titre de son préjudice moral,
- 2 400 euros au titre de ses frais d'avocat.
Elle fait valoir qu'elle a souffert à l'âge de 26 ans d'une première détention survenue en France alors qu'elle était dans l'incompréhension de la procédure française et des raisons de son incarcération et qu'elle ne parlait pas le français. Elle ajoute que sa détention l'a éloignée de sa famille résidant en Italie et l'a empêchée de suivre ses cours et les examens auxquels elle devait se présenter.
Au soutien de sa demande au titre de ses frais d'avocat, elle produit une facture d'honoraires du 27 avril 2018.
Par conclusions déposées le 30 mai 2022, l'agent judiciaire de l'Etat offre la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral de Mme [Z], et celle de 2 400 euros en réparation du préjudice matériel.
S'agissant du préjudice moral, il observe que la détention de Mme [Z], subie à l'âge de 26 ans, alors qu'elle était célibataire et sans enfant et qu'elle n'avait jamais été incarcérée, a duré neuf jours, et que la requérante ne justifie pas de conditions de détention anormales.
Par conclusions déposées le 21 juin 2022, le parquet général propose d'indemniser le préjudice moral de Mme [Z] à hauteur de 2 500 euros et de lui voir allouer la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur le préjudice moral, il fait valoir qu'il s'est agi pour Mme [Z] d'une première incarcération, à l'âge de 26 ans, qui l'a éloignée de sa famille vivant en Italie.
SUR CE,
Il résulte des articles 149 à 150 du code de procédure pénale qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive. Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté.
Par ces textes, le législateur a instauré le droit pour toute personne d'obtenir de l'État réparation du préjudice subi à raison d'une détention provisoire fondée sur des charges entièrement et définitivement écartées.
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Sur la recevabilité de la requête
La requête en réparation a été formée dans les conditions de temps et de forme prescrites par les articles 149-2 et R. 26 du code de procédure pénale et est ainsi recevable.
Sur la liquidation des préjudices
Sur la durée de la détention indemnisable
Mme [Z] a été détenue du 24 avril au 3 mai 2018, soit pendant une durée fixée par l'ensemble des parties à neuf jours.
Sur l'indemnisation du préjudice moral
Mme [Z], de nationalité italienne, a subi à l'âge de 26 ans une première détention en France alors qu'elle était domiciliée en Italie, où elle avait toute sa famille et ses proches et où elle suivait des études universitaires, et qu'elle ne parlait pas le français.
Mme [Z] n'invoque pas de conditions matérielles de détention dégradées, mais le fait qu'elle ait été détenue dans un pays qui n'était pas le sien et dont elle ne parlait pas la langue, et séparée de ses proches, constitue un facteur d'aggravation du préjudice.
Par ailleurs, sa détention a nécessairement généré une inquiétude spécifique liée au fait qu'elle était étudiante et devait passer des examens en juin 2018. Cette inquiétude a ainsi accru la pénibilité de la détention.
En cet état, il convient de réparer le préjudice moral subi par Mme [Z] en lui allouant la somme de 3 200 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur l'indemnisation du préjudice matériel
Mme [Z] justifie sa demande par la production d'une note d'honoraires de son avocat du 27 avril 2018, d'un montant de 2 400 euros. En effet, il résulte des mentions de cette note que les honoraires ont porté sur le contentieux de la liberté.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de constater qu'aucune demande n'a été formée sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
Allouons à Mme [E] [Z] la somme de 3 200 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 2 400 euros en réparation de son préjudice matériel,
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Laissons les dépens à la charge du Trésor public.
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Patrick BEGHIN, conseiller délégué par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble et par Valérie RENOUF, greffier.
Le greffier Le conseiller délégué