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19/01/2023 | FRANCE | N°21/01087

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 19 janvier 2023, 21/01087


C 2



N° RG 21/01087



N° Portalis DBVM-V-B7F-KYYZ



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SELARL CDMF AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG F19/00684)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 16 février 2021

suivant déclaration d'appel du 01 mars 2021





APPELANTE :



S.A.S. ATALIAN PROPRETE RHONE-ALPES SASU, agissant poursuites et dil...

C 2

N° RG 21/01087

N° Portalis DBVM-V-B7F-KYYZ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SELARL CDMF AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG F19/00684)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 16 février 2021

suivant déclaration d'appel du 01 mars 2021

APPELANTE :

S.A.S. ATALIAN PROPRETE RHONE-ALPES SASU, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

9, rue du 19 mars 1962

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Daniel SAADAT de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [X] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 novembre 2022,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 19 janvier 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

Mme [X] [R] a été embauchée le 9 mars 1989 par la société Isor en qualité d'agent de service.

Le contrat de travail est soumis à la convention collective nationale des entreprises de propreté.

Mme [X] [R] a été affectée sur le site de la société Gaz et Electricité de Grenoble.

Le 31 août 2015, Mme [X] [R] a été victime d'un accident du travail.

Le 13 mai 2016, Mme [X] [R] a été victime d'une rechute de cet accident de travail et placée en arrêt maladie jusqu'au'14'novembre'2016.

Le 14 novembre 2016, le médecin du travail l'a déclarée apte à reprendre son poste.

L'employeur ayant perdu le marché de nettoyage à l'exécution duquel Mme [X] [R] était affectée, son contrat de travail a été transféré, à compter du 1er décembre 2016, à la société TFN Propreté Rhône Alpes, devenue la société Atalian Propreté Rhône Alpes, nouvel attributaire du marché, par application de l'accord étendu du 29 mars 1990 annexé à la convention collective nationale du personnel des entreprises de propreté.

Un avenant au contrat de travail a été régularisé le 1er décembre 2016.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [X] [R] percevait un salaire moyen brut mensuel de 1'850,35 euros.

Le 20 décembre 2016, Mme [X] [R] a été placée en arrêt de travail pour maladie en raison de « douleurs à la cheville gauche en lien avec son accident de travail du 31 août 2015'».

L'arrêt de travail était renouvelé sans discontinuer jusqu'au 5 octobre 2018.

Le 8 octobre 2018, à l'issue de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Mme [X]'[R] inapte à son poste dans les termes suivants': «'Inapte à son poste d'agent d'entretien. Serait apte à un poste de type accueil ou administratif sans déambulations répétées et sans position débout prolongée'».

Par courrier en date du 7 février 2019, Mme [X] [R] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 18 février 2019.

Par lettre en date du 22 février 2019, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes a notifié à Mme'[X] [R] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête en date du 2 août 2019, Mme [X] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins notamment de voir reconnaître l'origine professionnelle de son inaptitude et obtenir le paiement de sommes indemnitaires liées à l'origine professionnelle de l'inaptitude ayant entraîné un licenciement.

La société Atalian Propreté Rhône-Alpes s'est opposée aux prétentions adverses.

Par ordonnance du 11 octobre 2019, le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Grenoble a condamné la société Atalian Propreté Rhône-Alpes à remettre à Mme [X] [R] «'l'attestation Pôle emploi portant mention des douze derniers mois travaillés antérieurs au 19 décembre 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de ladite ordonnance'».

Par courrier du 17 octobre 2019, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes a transmis à Mme'[X] [R] une attestation Pôle emploi.

Mme [X] [R] a sollicité la liquidation de cette astreinte dans le cadre de la procédure prud'homale.

Par jugement en date du 16 février 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- dit que le licenciement pour impossibilité de reclassement suite à l'inaptitude de Mme'[X]'[R] fait suite à un accident du travail';

- condamné la SASU Atalian propreté Rhône-Alpes à payer à Mme [X] [R] les sommes suivantes':

- 18'198,37 € net (dix-huit mille cent quatre-vingt-dix-huit euros et trente-sept cts) à titre d'indemnité spéciale de licenciement)';

- 3'700,70 € (trois mille sept cent euros et soixante-dix cts) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 11 octobre 2019

- 8'000 € (huit mille euros) à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif';

- 12'800,00 € (douze mille huit cent euros) à titre de liquidation de l'astreinte';

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

- rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution en application de l'article R. 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire, la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de salaire étant de 1'850,35€';

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire au-delà de l'exécution provisoire de droit';

- débouté la SASU Atalian propreté Rhône-Alpes de sa demande reconventionnelle';

- condamné la SASU Atalian Propreté Rhône-Alpes aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 17 février 2021 par la société Atalian Propreté Rhône-Alpes et par Mme'[X]'[R].

Par déclaration en date du 1er mars 2021, la société Atalian propreté Rhône-Alpes a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2021, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes sollicite de la cour de':

Vu l'article L. 1226-6 du code du travail et la jurisprudence afférente,

Vu l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté,

Vu les autres textes et jurisprudences cités,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 16 février 2021 (n°19/00684)';

Sur ce, la cour, statuant à nouveau,

- Déclarer l'article L. 1226-6 du code du travail relatif au statut protecteur des victimes d'accident de travail inapplicable à Mme [X] [R]';

- Déclarer Mme [X] [R] irrecevable et mal fondée à solliciter l'insertion dans l'attestation Pôle emploi établie par la société Atalian propreté Rhône-Alpes des douze derniers mois de salaires effectués au service d'un autre employeur';

Subsidiairement et en tout état de cause, juger que le retard dans l'exécution résulte d'une cause étrangère (à savoir l'impossibilité matérielle de modifier l'attestation Pôle emploi litigieuse jusqu'à la communication par la salariée des bulletins de salaires établis par son précédent employeur)

En conséquence,

- Dire n'y avoir lieu à la liquidation de l'astreinte.

- Débouter Mme [X] [R] de l'intégralité de ses demandes

- Condamner Mme [X] [R] à verser à la société Atalian propreté Rhône-Alpes la somme de 1'500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société appelante soutient notamment que le régime de l'inaptitude d'origine professionnelle est inapplicable au nouvel employeur lorsque l'accident de travail initial est intervenu alors que le salarié travaillait pour une autre société.

Aussi, elle fait valoir qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'établir une attestation Pôle'Emploi mentionnant des salaires payés les 12 derniers mois avant d'avoir réceptionné la communication des bulletins de paie par le précédent employeur.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2021, Mme'[X]'Di Natale sollicite de la cour de':

Confirmer le jugement de la section commerce du conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 16 février 2021 (RG': F19/00684), en toutes ses dispositions';

En conséquence':

Dire et juger que le licenciement pour impossibilité de reclassement suite à l'inaptitude de Mme'[X] [R] fait suite à un accident du travail';

Ainsi':

Condamner la société Atalian Propreté Rhône-Alpes au paiement de la somme de'18'198,37'€'nets au titre de l'indemnité spéciale de licenciement';

Condamner la société Atalian Propreté Rhône-Alpes au paiement de la somme de'3'700,70'€'bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis';

Condamner la société Atalian Propreté Rhône-Alpes au paiement de la somme de 8'000 € nets à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif';

Fixer le montant de l'astreinte à la somme de 12'800 €';

Condamner la société Atalian Propreté Rhône-Alpes au paiement de la somme de 12'800 € nets au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 11 octobre 2018';

En tout état de cause':

Condamner la société Atalian propreté Rhône-Alpes au paiement de la somme de 2'500 € nets sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de la procédure d'appel';

Condamner la société Atalian Propreté Rhône-Alpes aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 septembre 2022.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 9 novembre 2022, a été mise en délibérée au'19 janvier 2023.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire la cour dit que les conclusions déposées par la partie appelante le'19'octobre 2022, après la clôture de l'instruction, doivent être écartées des débats.

1 ' Sur les prétentions relatives à la réglementation protectrice relative aux accidents de travail d'origine professionnelle

1.1 ' Sur l'origine professionnelle de l'arrêt de travail

Dans le cadre de la réglementation protectrice relative aux accidents de travail d'origine professionnelle, l'article L. 1226-14 du code du travail prévoit que le salarié licencié pour inaptitude a droit à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité légale minimale de licenciement ainsi qu'à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5.

Aux termes de l'article L. 1226-6 du code du travail, la protection particulière instituée pour les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dans leurs rapports avec l'employeur au service duquel est survenu l'accident ou a été contractée la maladie, ne s'applique pas lorsque l'accident est survenu ou la maladie contractée au service d'un autre employeur.

En cas de transfert du contrat de travail, si le salarié victime d'un accident au service du premier'employeur'peut revendiquer les droits qu'il tient des dispositions protectrices légales, lorsque son contrat se poursuit avec le second'employeur'par l'effet de l'article L. 1224-1 du code du travail, il ne peut revendiquer cette protection en cas de transfert opéré dans le cadre d'un accord collectif dès lors que l'accord de transfert ne peut, sauf clause contraire le prévoyant, faire échec aux dispositions de l'article L.'1226-6'du code du travail.

Et le salarié peut prétendre au bénéfice de la protection légale lorsqu'il existe un lien de causalité entre la rechute de l'accident initial survenu chez un précédent employeur et les conditions de travail du salarié ou tout autre événement inhérent à ses fonctions au service du nouvel employeur.

Au cas particulier, le contrat de travail de Mme [R] a été transféré à son nouvel employeur le 1er décembre 2016, dans le cadre de l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté, de sorte que les droits tirés des dispositions protectrices légales ne peuvent être revendiqués à l'encontre du nouvel employeur sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Cependant, la salariée doit bénéficier de la protection dès lors que l'aggravation des séquelles de l'accident est due, non à l'évolution spontanée de son état pathologique, mais à ses conditions de travail auprès du nouvel employeur.

En effet, d'une première part il est acquis que Mme [X] [R] a été victime d'un accident de travail le'31'août'2015, puis qu'elle a été victime d'une rechute de cet accident de travail le'13 mai'2016 et placée en arrêt maladie jusqu'au'14'novembre'2016.

D'une seconde part, il résulte de la chronologie des faits qu'entre la date de sa reprise, en novembre 2016, et la rechute survenue le 20 décembre 2016, Mme [X] [R] a travaillé pour son nouvel employeur par l'effet du transfert de contrat opéré le 1er décembre 2016.

D'une troisième part, il est établi que Mme [X] [R] a travaillé avec son nouvel employeur dans les mêmes conditions d'emploi que précédemment, l'avenant signé entre les parties le'1er décembre 2016 définissant les mêmes conditions pour le même poste, sur le même site, avec les mêmes horaires, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes n'alléguant pas , ni n'établissant, avoir pris des mesures pour modifier les conditions de travail de sa salariée.

D'une quatrième part, Mme [X] [R] produit un certificat médical du docteur [K] [O] qui certifie que «'l'arrêt de travail du 20 12 2016 concernant Mme [X] [R] était bien en rapport avec l'accident de travail du 31 08 2015'».

Il s'en déduit que l'arrêt de travail du 20 décembre 2016, qui s'analyse en une rechute de l'accident de travail initial du 31 août 2015, est intervenu alors que la salariée avait repris son emploi depuis plusieurs semaines, après un période d'arrêt de travail pour maladie de six mois.

Ces circonstances démontrent qu'il existe un lien de causalité entre la rechute de l'accident du travail initial et les conditions de travail de Mme [X] [R] conservées à l'identique avec son nouvel employeur à compter du 1er décembre 2016.

Partant, l'avis d'inaptitude émis le 8 octobre 2018 fait suite aux renouvellements ininterrompus de l'arrêt de travail du 20 décembre 2016 d'origine professionnelle, de sorte que Mme [X] [R] est fondée à obtenir le bénéfice des dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail précitées.

1.2 ' Sur l'indemnité spéciale de licenciement

Il ressort du dernier bulletin de salaire de février 2019 que la salariée n'a pas bénéficié de l'indemnité spéciale de licenciement correspondant au double de l'indemnité de licenciement, mais qu'elle a perçu un montant de 18'197,37 euros d'indemnité de licenciement pour lequel la société appelante soutient avoir commis une erreur de calcul.

Justifiant d'une ancienneté de 30 années au jour de son licenciement, et d'un salaire brut mensuel moyen de 1'850,35 euros, l'indemnité spéciale de licenciement s'établit à la somme de 33'923,08 euros (2 x [(1'850,35/4 x 10 ans) + (1'850,25/3 x 20 ans)]).

Déduction faite du montant versé au titre de l'indemnité de licenciement, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes est condamnée à verser à Mme [X] [R] la somme de 15'724,71 euros (33'923,08 - 18'198,37) à titre de rappel sur l'indemnité spéciale de licenciement. Le jugement déféré est donc infirmé de ce chef.

1.3 ' Sur l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis

En application de l'article 4.11.2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, la durée du préavis était de deux mois compte tenu de l'ancienneté de la salariée.

Confirmant le jugement déféré, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes est donc condamnée à verser à Mme [X] [R] la somme de 3'700,70 euros bruts (2 x 1850,35) à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis.

1.4 ' Sur la demande indemnitaire pour paiement tardif

En application de l'article 1231-6 alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

Au cas d'espèce, Mme [X] [R] qui indique s'être rendue à plusieurs reprises au sein de la société Atalian Propreté Rhône-Alpes afin de solliciter une régularisation à l'issue de son licenciement, justifie avoir adressé à son employeur plusieurs courriers recommandés à compter de l'envoi d'un courrier avocat du'28 février 2019'sans que celui-ci ne lui adresse de réponse avant le dépôt de ses conclusions du 3 mars 2020 dans le cadre de la présente instance.

La persistance de la société Atalian Propreté Rhône-Alpes à s'abstenir de répondre aux demandes de la salariée pendant plus d'une année, en dépit de ses demandes motivées et réitérées, caractérise une inertie et une résistance qui relèvent de la mauvaise foi.

Et, Mme [X] [R] justifie d'un préjudice distinct du seul retard de paiement du fait des contrariétés subies à devoir renouveler l'envoi de courriers recommandés dans l'indifférence de son ancien employeur.

La cour évalue la réparation due au titre de ce préjudice à un montant de 2 000 euros. Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

2 ' Sur les prétentions relatives à la remise de l'attestation Pôle Emploi

L'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution énonce que «'tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision ».

L'astreinte, qui, selon l'article L. 131-2 du même code, est indépendante des dommages-intérêts, a pour finalité d'assurer l'exécution de l'injonction donnée par le juge.

Aux termes de l'article L. 131-4 alinéa 1 du même code': «'Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter'».

Et l'article L. 131-4 alinéa 3 dispose':'«'L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.'».

Par décision du bureau de conciliation et d'orientation en date du 11 octobre 2019, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes était condamnée à remettre à Mme [X] [R] «'l'attestation Pôle Emploi portant mention des douze derniers mois travaillés antérieurs au 19 décembre 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de [l'] ordonnance'».

La décision du conseil de prud'hommes de Grenoble a été prise le 11 octobre 2019 et notifiée le 17 octobre 2019, de sorte que l'astreinte provisoire prononcée a commencé à courir à compter du 26 octobre 2019.

Aux termes de'l'article R. 1234-9 du code du travail, à l'expiration du'contrat de travail, l'employeur'doit délivrer au salarié une'attestation'Pôle emploi'qui lui permettra de faire valoir ses droits à l'assurance chômage.

Cette'attestation'doit notamment indiquer la date du dernier jour travaillé et payé, le montant des salaires bruts soumis à cotisations des douze mois précédents et le détail des sommes versées lors de la rupture, ce qui permet de déterminer le salaire de référence pour l'indemnisation du chômage, les allocations étant calculées à partir du salaire brut mentionné.

D'une première part, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes, qui avait établi une première attestation Pôle emploi erronée en ce qu'elle mentionnait la date du'22'février'2019 comme dernier jour travaillé, a adressé une nouvelle attestation à Mme [X] [R], avant que l'astreinte ne commence à courir, par courrier du'17'octobre'2019.

Toutefois, cette nouvelle attestation mentionne la date du 16 décembre 2016 au lieu de celle du'19 décembre 2016.

Et en dépit des courriers recommandés de la salariée en date des 2 décembre 2019, 7 janvier 2020 et 27 janvier 2020, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes ne justifie avoir remis que le'2'mars'2020 une attestation Pôle emploi mentionnant la date du 19 décembre 2016 comme étant celle du dernier jour travaillé payé.

D'une seconde part, alors qu'il était ordonné à la société Atalian Propreté Rhône-Alpes de délivrer à la salariée une'attestation'Pôle emploi'mentionnant les douze derniers mois antérieurs au 19 décembre 2016, force est de constater que la société démontre n'avoir remis à la salariée une attestation portant ces mentions que le 2 mars 2020.

La société Atalian Propreté Rhône-Alpes, qui soutient s'être trouvée dans l'impossibilité matérielle d'exécuter cette obligation au motif qu'elle ne disposait pas des bulletins de salaire émis par le précédent employeur, indique n'avoir pu établir une attestation conforme qu'après réception des bulletins de salaire transmis par la salariée elle-même le 28 février 2020.

En application de l'article 7.3.1 de la convention collective nationale de la propreté, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes disposait des six derniers bulletins de salaire obligatoirement communiqués par l'ancien employeur dans le cadre d'un transfert conventionnel, soit les bulletins de salaire de mai 2016 à novembre 2016. De surcroît, ceux-ci étaient également communiqués par la salariée en annexe de la requête introductive d'instance.

Pourtant, dans son courrier du 17 octobre 2019, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes a transmis à la salariée une attestation Pôle emploi rectifiée, en précisant n'avoir pu mentionner que les éléments en sa possession, mais ne faisant apparaître aucun salaire pour la période précédant le dernier jour travaillé, pas même ceux de mai 2016 à novembre 2016 qui étaient en sa possession.

Encore, aux termes de ce courrier, elle invitait la salariée à solliciter l'attestation Pôle emploi auprès de son ancien employeur alors que l'obligation d'établir les documents de fin de contrat ne pouvait incomber à la société Isor.

Finalement, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes ne justifie nullement des démarches qu'elle aurait entreprises pour obtenir communication des bulletins de salaire de décembre 2015 à avril'2016 nécessaires à l'établissement de l'attestation de Pôle Emploi dont elle avait la charge. Ainsi, elle ne produit aucun courrier adressé à la société Isor, ni d'éventuels refus de celle-ci. Elle justifie uniquement d'un courrier adressé au conseil de la salariée le 27 février 2020, lequel a abouti à la transmission des bulletins de salaire dès le lendemain.

En conséquence, faute de justifier des démarches entreprises, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes échoue à démontrer que son retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient d'une cause étrangère.

D'une troisième part, au visa de l'article 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, seul le comportement du débiteur et les difficultés qu'il a rencontrées pour exécuter l'injonction qui lui a été adressée peuvent être pris en compte pour limiter le montant de l'astreinte.

Au vu de ce qui précède et notamment de la vacuité de l'attestation transmise le 17 octobre 2019, de l'absence de toute réponse aux courriers de relance de la salariée et de l'absence de preuve des démarches engagées avant le 27 février 2020, la société Atalian Propreté Rhône-Alpes ne justifie aucunement des difficultés alléguées.

En conséquence, il n'y a pas lieu de réduire le montant de l'astreinte fixée à 100 euros par jour.

L'astreinte provisoire fixée par le conseil de prud'hommes est donc liquidée sur la période courue du 29 octobre 2019 au 2 mars 2020, soit pendant 128 jours, à la somme de 12'800 euros. Le jugement déféré, qui a omis de statuer sur ce point, doit être infirmé de ce chef.

Et la société Atalian Propreté Rhône-Alpes est condamnée au paiement de la somme de'12'800'euros par confirmation du jugement dont appel.

3 ' Sur les demandes accessoires

La société Atalian Propreté Rhône-Alpes, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [X] [R] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Atalian Propreté Rhône-Alpes à lui payer la somme de 1 200'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser un montant complémentaire de 1 500'euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

DECLARE irrecevables les conclusions de la société Atalian Propreté Rhône Alpes remises le 19 octobre 2022

CONFIRME Le jugement entrepris en ce qu'il a':

- dit que le licenciement pour impossibilité de reclassement suite à l'inaptitude de Mme'[X]'[R] fait suite à un accident du travail';

- condamné la société Atalian Propreté Rhône-Alpes à payer à Mme [X] [R] les sommes suivantes':

- 3'700,70 euros (trois mille sept cent euros et soixante-dix centimes) sauf à préciser à titre d'idemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis

- 12'800 euros (douze mille huit cents euros) à titre de liquidation de l'astreinte';

- 1 200 euros (mille deux cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SASU Atalian propreté Rhône-Alpes de sa demande reconventionnelle';

- condamné la SASU Atalian Propreté Rhône-Alpes aux dépens.

L'INFIRME pour le surplus

Statuant des chefs du jugement infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la société Atalian Propreté Rhône-Alpes à payer à Mme [X] [R] les sommes suivantes':

- 15'724,71 euros (quinze mille sept cent vingt-quatre euros et soixante et onze centimes) à titre de rappel sur l'indemnité spéciale de licenciement,

- 2 000 euros (deux mille) nets à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif,

LIQUIDE l'astreinte provisoire sur la période courue du 29 octobre 2019 au 2 mars 2020 à la somme de 12'800 euros';

CONDAMNE la société Atalian Propreté Rhône-Alpes à payer à Mme [X] [R] la somme de 1'500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel';

CONDAMNE la société Atalian Propreté Rhône-Alpes aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/01087
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;21.01087 ?
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