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19/01/2023 | FRANCE | N°21/01152

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 19 janvier 2023, 21/01152


C 9



N° RG 21/01152



N° Portalis DBVM-V-B7F-KY5M



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER



la SELARL CHASTEAU AVOCA

TS & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG F 20/00248)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 23 février 2021

suivant déclaration d'appel du 05 mars 2021





APPELANT :



Monsieur [L] [D]

né le 04 Avril 1984 à...

C 9

N° RG 21/01152

N° Portalis DBVM-V-B7F-KY5M

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

la SELARL CHASTEAU AVOCATS & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG F 20/00248)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 23 février 2021

suivant déclaration d'appel du 05 mars 2021

APPELANT :

Monsieur [L] [D]

né le 04 Avril 1984 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Charlotte DESCHEEMAKER de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Laurent CHABRY, avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMEE :

S.A.S.U. JCS WOOD, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe CHASTEAU de la SELARL CHASTEAU AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 novembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 19 janvier 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

Le 5 avril 2019, M. [L] [D] a été embauché par la SAS Brömprod aux droits de laquelle est venue la société JSC Wood en qualité d'ouvrier qualifié, échelon 150 de la convention collective du bâtiment. A ce titre, les parties ont conclu deux contrats': un contrat de travail à durée indéterminée moyennant une rémunération mensuelle nette de 1'227 euros pour 35 heures par semaine, ainsi qu'un contrat cadre pro, moyennant une rémunération mensuelle nette de 1'630 euros, sans référence horaire.

M. [L] [D] était le représentant de la société SL Bois concept qui effectuait des prestations pour la société JSC Wood.

La prise de poste de M. [L] [D] a été fixée au lundi 6 mai 2019.

Le contrat de travail à durée indéterminée faisait l'objet de bulletins de salaire chaque mois. La société JSC Wood a également remboursé des factures établies au nom de la société SL Bois Concept émises par M. [L] [D].

Le 2 juin 2020, M. [L] [D] a fait part de son départ de la société JSC Wood et ne s'est plus présenté depuis au sein de l'entreprise. La nature de la rupture de la relation travail reste discutée entre les parties.

Par courrier recommandé du même jour, selon les conclusions de l'employeur, ce dernier a précisé à M. [L] [D] l'attente d'un courrier de démission.

Le 5 juin 2020, M. [L] [D] a adressé un courriel au dirigeant de la société JSC Wood lui détaillant ses nouveaux projets professionnels et lui proposant de convenir d'une rupture conventionnelle.

Par courrier recommandé en date du 15 juin 2020, la société JSC Wood a signifié à M. [L] [D] qu'elle prenait acte de sa démission à effet du 2 juin 2020.

Le 3 juillet 2020, la société JSC Wood a établi l'ensemble des documents liés à la sortie de M. [L] [D] et les lui a adressés.

Par lettre du 7 juillet 2020, M. [L] [D] a contesté la démission que lui imputait la société JSC Wood et a réclamé une régularisation des rémunérations perçues depuis son embauche. La société JSC Wood n'a pas donné suite à ce courrier.

Par requête en date du 4 août 2020, M. [L] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu notamment aux fins de faire réévaluer son salaire de référence, requalifier sa démission alléguée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de sommes salariales et indemnitaires résultant d'un licenciement injustifié.

La société JSC Wood s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 23 février 2021, le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu a':

- dit qu'il n'y a pas lieu à requalifier la démission de M. [L] [D]';

- dit que l'exécution déloyale du contrat de travail n'est pas démontrée';

En conséquence,

- débouté M. [L] [D] de l'ensemble de ses demandes';

- débouté la société JSC Wood de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- ordonné la transmission du présent jugement aux services du procureur de la République de Bougoin-Jallieu.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 01 mars 2021 par M. [L] [D] et le 02 mars 2021 par la société JSC Wood.

Par déclaration en date du 5 mars 2021, M. [L] [D] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2021, M. [L] [D] sollicite de la cour de':

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu et statuant à nouveau':

- Juger que le salaire de référence de M. [L] [D] doit être de 2'857 euros nets, soit la somme de 3'514.11 euros bruts,

- Condamner la société JSC Wood à remettre à M. [L] [D] des bulletins de salaire rectifiés pour les mois de mai 2019 à juillet 2020 conformes aux condamnations qui seront prononcées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

- Condamner la société JSC Wood à payer à M. [L] [D] un rappel de congés payés à hauteur d'une somme nette de 2'282.00 euros,

- Requalifier la prétendue démission de M. [L] [D] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- Condamner la société JSC Wood à payer à M. [L] [D] les sommes suivantes, outre intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu':

- Indemnité compensatrice de préavis, la somme nette de 2'857.00 euros

- Congés payés afférents, la somme nette de 285.70 euros

- Indemnité conventionnelle de licenciement, la somme nette de 1'024.94 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme nette de toutes charges de 10'000.00 euros

-Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, la somme nette de toutes charges de 8'000.00 euros

- Condamner la société JSC Wood à remettre à M. [L] [D] une attestation Pôle emploi conforme aux condamnations qui seront prononcées, le tout sous astreinte de 100€ par jour de retard passé un délai de 10 jours suivant la notification du jugement devant intervenir,

- Condamner la société JSC Wood à payer à M. [L] [D] une somme de 1'500 euros au titre des frais engagés en première instance devant le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu et une somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en appel,

- Condamner la société JSC Wood aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2021, la société JSC Wood sollicite de la cour de':

Vu la jurisprudence,

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu le 23 février 2021 en tout point';

Débouter M. [L] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins ou moyens contraires';

Condamner M. [L] [D] au paiement de la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 septembre 2022.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 9 novembre 2022.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur les relations contractuelles entre les parties':

D'une première part, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

D'une seconde part, le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

D'une troisième part, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, les parties sont en accord sur le fait qu'elles ont régularisé un contrat de travail à durée indéterminée le 5 avril 2019, produit aux débats mais non signé, par lequel M. [D] a été embauché par la société Brömprod, aux droits de laquelle est venue la société JSC Wood, en qualité d'ouvrier qualifié échelon 150 moyennant une rémunération de 1227 euros nets mensuels.

Il est également versé aux débats une convention dénommée «'contrat pro'» en date du 05 avril 2019, dont l'exemplaire produit est signé des deux parties, par lequel M. [L] [D] s'est engagé à travailler exclusivement pour le compte de la société Brömprod pour une durée indéterminée et a déclaré n'être lié à aucune entreprise le jour de son embauche. Les parties ont convenu que M. [D] est employé en qualité d'ouvrier qualifié échelon 150 avec une rémunération de 1630 euros nets mensuels et ce, sans période d'essai.

Alors que le salarié conclut au fait que cette dualité de convention avait pour but pour l'entreprise d'éluder le paiement de partie des cotisations sociales par la société JSC Wood dans la mesure où il lui était demandé d'établir des factures en qualité d'auto-entrepreneur pour les missions réalisées dans le cadre du «'contrat pro'», la société JSC Wood ne prétend pas que cette seconde convention aurait pu se substituer à la première mais considère au contraire qu'il existait deux relations contractuelles, l'une dans le cadre d'un contrat de travail et la seconde dans le cadre d'un contrat d'entreprise et offre de démontrer qu'il n'existait pas de lien de subordination dans le cadre du contrat cadre pro.

S'agissant de la nature juridique de la convention «'contrat cadre pro'», la référence à la qualification d'ouvrier, à un coefficient, à une absence de stipulation de période d'essai et à l'engagement exclusif de M. [D] de travailler exclusivement pour le compte de la société Brömpod, à être libre de tout engagement à l'égard de son ancien employeur, mais encore la mention d'une rémunération d'un montant non pas hors taxes ou toutes taxes comprises mais net impliquant l'assujettissement de celle-ci à des cotisations sociales, ne peuvent que conduire à considérer qu'il s'agit d'un contrat de travail apparent et non d'un contrat d'entreprise.

Les mentions combinées sur la qualification, le coefficient par référence implicite à une convention collective, la stipulation expresse d'une absence de période d'essai, la précision sur la rémunération quant à son assujettissement ou non à des cotisations sociales, l'ancien employeur et la clause d'exclusivité, sont des caractéristiques intrinsèques d'un contrat de travail, qui ne peuvent se retrouver dans une convention d'entreprise procédant d'une activité indépendante moyennant un prix convenu entre les parties.

La société JSC Wood offre d'ailleurs de démontrer l'absence de lien de subordination entre elle et M. [D] dans le cadre de cette convention, la charge de la preuve lui incombant effectivement en présence d'un contrat de travail apparent.

Cette preuve n'est pas suffisamment rapportée d'une part par le fait que M. [D] lui a adressé des factures établies par la société SL bois concept et par le courriel du 29 septembre 2020 de l'expert-comptable de la société JSC Wood confirmant que sont enregistrées en comptabilité à la fois des fiches de paie et des facturations correspondant à des prestations complémentaires effectuées par l'auto-entreprise de M. [D] dès lors que la nature exacte et précise des missions réalisées par M. [D] ne ressort pas suffisamment de ces éléments et surtout, que la juridiction est laissée dans l'ignorance des conditions dans lesquelles celles-ci ont été exécutées, et notamment le fait de savoir si M. [D] travaillait en toute autonomie ou recevait des instructions, faisait l'objet d'un contrôle de son activité et était susceptible d'être sanctionné en cas de manquements.

L'indépendance et l'autonomie de M. [D] sont d'autant moins démontrées que la société JSC Wood prétend qu'il s'agissait de missions différentes des attributions qu'il avait dans un contrat de travail d'ouvrier, à savoir de la gestion de chantier, mais qu'il existe à ce titre une discordance entre les prestations énumérées de manière succincte dans les factures adressées par l'entreprise SL Bois concept avec l'emploi d'ouvrier qualifié échelon 150 visé dans le contrat cadre pro.

Au demeurant, la finalité annoncée par la société JSC Wood de la dualité de conventions conclues entre les parties dans ses conclusions d'appel dans le premier paragraphe de sa partie «'faits et procédure'», ne fait que conforter le fait que les parties étaient, en réalité, liées par un seul et unique contrat de travail avec deux instrumentum :

« Dans l'optique de permettre à Monsieur [D] [L] d'évoluer vers le poste de chef de chantier, deux contrats de travail ont été établi (s)avec la société BROMPROD, aux droits de laquelle vient la société JSC WOOD :

- Un contrat de cadre professionnel moyennant la rémunération de 1 630 Euros net mensuel en tant qu'ouvrier qualifié échelon 150

- Un contrat de travail à durée indéterminée moyennant la rémunération mensuelle nette de 1 227 Euros, pour 35H par semaine en tant qu'ouvrier qualifié échelon 150'».

Infirmant le jugement entrepris, il convient en conséquence de dire que la société JSC Wood et M. [D] sont contractuellement liés par un seul et unique contrat de travail, nonobstant le fait qu'il existe deux instrumentum, aux termes duquel la société JSC Wood s'est engagée à verser une rémunération globale de 2857 euros nets.

Il y a lieu d'ordonner à la société JSC Wood de remettre à M. [D] des bulletins de salaire rectifiés pour la période de mai 2019 à juillet 2020 conformes au présent arrêt, dans le délai de 2 mois à compter de la signification ou de l'éventuel acquiescement au présent arrêt, et passé ce délai sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant 4 mois, le conseil de prud'hommes ayant compétence réservée pour le contentieux de la liquidation de l'astreinte.

M. [D] est également fondé en sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés sur la période de mai 2019 à mai 2020 pour la partie de salaire pour laquelle ce droit ne lui pas été ouvert à tort à hauteur de 2119 euros nets, la société JSC Wood devant calculer et effectuer le pré-compte en sus des cotisations sociales afférentes, la demande d'indemnité au titre du mois de juin 2020 étant en revanche rejetée dans la mesure où preuve suffisante est rapportée par les attestations de MM. [W], [Z] et [M] que M. [D] a décidé de ne plus se présenter à son poste à compter du 2 juin 2020, situation qui s'analyse en une absence injustifiée dès lors que la réalité d'une démission du salarié à la date du 02 juin 2020 n'est pas retenue par ailleurs par le présent arrêt et qu'il a certes demandé à poser 30 jours de congés payés par courriel du 05 juin 2020 mais ne justifie d'aucun accord à ce titre de l'entreprise.

Il convient, en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de condamner la société JSC Wood à payer à M. [D] la somme de 2119 euros nets à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période de mai 2019 à mai 2020, à charge pour l'employeur d'effectuer en sus le pré-compte des cotisations sociales, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Le fait, pour la société JSC Wood, de dissimuler partie de la rémunération du salarié en éludant des règles d'ordre public a incontestablement causé un préjudice au salarié, à tout le moins moral puisque M. [D], qui ne revendique pas une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, sollicite la régularisation de ses bulletins de paie et partant du pré-compte de cotisations sociales.

Par infirmation du jugement entrepris, il lui est alloué la somme de 5000 euros nets à titre de dommages et intérêts le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Sur la rupture du contrat de travail':

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Il appartient à celui qui se prévaut de la rupture du contrat de travail d'en rapporter la preuve.

Au cas d'espèce, par les attestations de MM. [W], [Z] et [M], l'employeur ne rapporte pas la preuve suffisante qui lui incombe que M. [D] a entendu démissionner de manière claire et non équivoque le 2 juin 2020 lors d'une réunion.

Si ces salariés présents lors d'une réunion organisée par le chef d'entreprise après la période de confinement national ont témoigné du fait que M. [D] a alors annoncé son départ de l'entreprise, a posé les clés et son portable sur la table et a quitté l'entreprise, force est de constater que par courrier daté du 2 juin sur l'exemplaire produit par l'employeur mais dont la date d'envoi en recommandé est inconnue, la réception ayant eu lieu le 08 juin 2020, l'employeur n'a alors manifestement pas lui-même considéré que le comportement de M. [D] caractérisait à lui seul une démission claire et non équivoque puisqu'il a indiqué «'nous avons acté votre départ et attendons par retour votre lettre de démission'», exigeant ainsi que M. [D] formalise par écrit sa volonté de démissionner.

Surtout, l'équivoque de la situation et l'absence de volonté claire de M. [D] de démissionner ressortent incontestablement d'un courriel du 05 juin 2020 de M. [D] à son employeur puisque revenant sur la conversation du 02 juin 2020, ce dernier a certes précisé qu'il allait créer une structure et n'avait «'plus la force et la motivation de continuer dans la menuiserie'» mais a ajouté ensuite souhaiter une rupture conventionnelle sans indemnisation de la part de l'entreprise, et proposé, dans l'intervalle, de prendre 30 jours de congés payés, de sorte que le salarié se situait dans la perspective d'une poursuite du contrat de travail et d'une rupture ultérieure d'un commun accord de celui-ci.

Dans de telles circonstances, la société JCC Wood ne pouvait aucunement dans un courrier du 15 juin 2020 faisant expressément référence à ce courriel du salarié, qui n'avait pas déféré à sa demande de lui adresser un courrier écrit de démission, prendre acte de sa démission sans respect du préavis à compter du 2 juin 2020 alors même que le salarié considérait que le contrat était toujours en cours et sollicitait la prise d'un reliquat allégué de congés payés, aucune indemnité compensatrice à ce titre ne figurant sur les documents de rupture mais le bulletin de paie de mai 2020 mentionne 28 + 5 jours de congés payés non pris, le bulletin de juin 2020 avec une sortie le 02 juin étant à 0, la cour étant en définitive laissée dans l'ignorance de savoir si une indemnité a été payée par la caisse des congés payés du bâtiment.

Il s'ensuit qu'en prenant acte à tort de la démission et en établissant des documents de rupture datés du 03 juillet 2020, la société JSC Wood a rompu, sans respecter la moindre procédure de licenciement ni énoncer un motif réel et sérieux de licenciement, le contrat de travail liant les parties.

Il convient en conséquence de qualifier la rupture du contrat de travail de licenciement sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement entrepris.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

Dès lors que le licenciement de M. [D] est sans cause réelle et sérieuse, il a droit à une indemnité compensatrice de préavis de 2857 euros nets, outre 285,70 euros nets à titre de congés payés afférents, à charge pour la société JSC Wood de procéder en sus au précompte de cotisations sociales.

Il est également fondé en sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 1024,94 euros dont le montant ne fait l'objet d'aucun moyen critique par la société JSC Wood.

Au visa de l'article L 1235-3 du code du travail, au jour de la rupture injustifiée de son contrat de travail, M. [D], qui ne justifie pas de sa situation actuelle au regard de l'emploi, avait un peu plus d'un an d'ancienneté de sorte qu'il lui est alloué la somme de 2857 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse le surplus de la demande étant rejeté.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de condamner la société JSC Wood à payer à M. [D] la somme de 2000 euros à titre d'indemnité de procédure.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société JSC Wood, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

DIT que la société JSC Wood et M. [D] sont contractuellement liés par un seul et unique contrat de travail, aux termes duquel la société JSC Wood s'est engagée à verser une rémunération globale de 2857 euros nets

ORDONNE à la société JSC Wood de remettre à M. [D] des bulletins de salaire rectifiés pour la période de mai 2019 à juillet 2020 conformes au présent arrêt, dans le délai de 2 mois à compter de la signification ou de l'éventuel acquiescement au présent arrêt, et passé ce délai sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant 4 mois, le conseil de prud'hommes ayant compétence réservée pour le contentieux de la liquidation de l'astreinte

DÉCLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement à l'initiative de la société JSC Wood en l'absence de démission de M. [D]

CONDAMNE la société JSC Wood à payer à M. [D] les sommes suivantes':

- deux mille cent dix-neuf euros (2119 euros) nets à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période de mai 2019 à mai 2020

- deux mille huit cent cinquante-sept euros (2857 euros) nets d'indemnité compensatrice de préavis,

- deux cent quatre-vingt-cinq euros et soixante-dix centimes (285,70 euros) nets à titre de congés payés afférents

- mille vingt-quatre euros et quatre-vingt-quatorze centimes (1024,94 euros) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- cinq mille euros (5000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- deux mille huit cent cinquante-sept euros (2857 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DIT que la société JSC Wood est tenue d'effectuer sur les créances assujetties le précompte des cotisations sociales

RAPPELLE que les intérêts au taux légal sur ces sommes courent à compter du 05 août 2020, sauf pour les créances de dommages et intérêts pour lesquelles le point de départ est au jour du prononcé de l'arrêt

DÉBOUTE M. [D] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE la société JSC Wood à verser à M. [D] une indemnité de procédure de 2000 euros

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société JSC Wood aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/01152
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;21.01152 ?
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