La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2023 | FRANCE | N°21/01280

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 19 janvier 2023, 21/01280


C 9



N° RG 21/01280



N° Portalis DBVM-V-B7F-KZF7



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL CABINET LAURENT FAVET



la SELARL ALTER AVOCAT

AU NOM

DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/00451)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 16 février 2021

suivant déclaration d'appel du 15 mars 2021





APPELANTES :



S.A. SNCF VOYAGEURS, prise en la personne de son représentant légal en exer...

C 9

N° RG 21/01280

N° Portalis DBVM-V-B7F-KZF7

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL CABINET LAURENT FAVET

la SELARL ALTER AVOCAT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/00451)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 16 février 2021

suivant déclaration d'appel du 15 mars 2021

APPELANTES :

S.A. SNCF VOYAGEURS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 16]

S.A. SNCF RESEAU, représentée par son directeur général en exercice, demeurant en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 17]

S.A.S. FRET SNCF, pris en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 15]

représentées par Me Laurent FAVET de la SELARL CABINET LAURENT FAVET, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Antoine GIRARD-MADOUX, avocat plaidant au barreau de CHAMBERY

INTIMES :

Monsieur [F] [P]

né le 17 Mai 1973 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]

Monsieur [F] [B]

né le 20 Août 1975 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 10]

Monsieur [V] [U]

né le 28 Août 1961 à [Localité 19]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 11]

Monsieur [C] [L]

né le 23 Juillet 1972 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 20]

[Localité 9]

Monsieur [W] [H]

né le 29 Décembre 1978 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 8]

Monsieur [Y] [N]

né le 02 Octobre 1986 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 7]

Monsieur [M] [O]

né le 17 Juillet 1958 à [Localité 23]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 10]

tous représentés par Me Pierre JANOT de la SELARL ALTER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE

Syndicat LE SYNDICAT DES TRAVAILLEURS/SES DU RAIL, SOLIDAIRES, UNITAIRES ET DEMOCRATIQUES DE LA REGION ALPES

[Adresse 13]

[Localité 18]

représentée par Me Pierre JANOT de la SELARL ALTER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 novembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 19 janvier 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

Le 18 juin 2018, un rassemblement dénommé «'grève party'» a été organisé sur le quai A de la gare de [Localité 7], à partir de 20 heures, par le syndicat des travailleurs(es) du rail, solidaires, unitaires et démocratiques de la région Rhône-Alpes (Sud-Rail), avec l'annonce d'un «'barbecue festif'» et «'des actions surprises'».

Cet évènement s'est inscrit dans un contexte d'appel à la grève par une intersyndicale visant à s'opposer à la réforme ferroviaire initiée par le gouvernement, les jours de grèves ayant été programmés sur une durée de 36 jours s'étalant sur 3 mois du 3 avril au 28 juin 2018.

M. [C] [L] est agent de la Société nationale des chemins de fer (SNCF) depuis le 11 septembre 1995. Il a été embauché en tant qu'agent du cadre permanent le 19 février 1996 et occupe les fonctions de chef de bord au sein de la société SNCF Voyageurs.

Par courrier en date du 02 août 2018, son employeur lui a adressé une demande d'explications écrites pour des faits reprochés en date du 18 juin 2018.

Par courrier en date du 14 août 2018, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien qui s'est tenu le 14 septembre 2018.

Par lettre du 11 octobre 2018, l'employeur a notifié à M. [L] une mise à pied disciplinaire de 4 jours ouvrés.

Par courrier du 12 octobre 2018, M. [L] a demandé un réexamen de sa situation, la sanction a été maintenue par décision du directeur régional AURA du 11 janvier 2019.

M. [F] [B] a été embauché en tant qu'agent du cadre permanent de la SNCF le 2 juin 1998.

Il exerce les fonctions de chef d'escale au sein de la société SNCF Voyageurs.

Par courrier en date du 2 août 2018, M. [B] s'est vu demander des explications écrites pour des faits du 18 juin 2018.

Par courrier du 09 août 2018, l'employeur a convoqué M. [B] à un entretien fixé au 10 septembre 2018.

Par lettre du 8 octobre 2018, l'employeur lui a notifié une mise à pied disciplinaire de 4 jours ouvrés.

Par courrier du 11 octobre 2018, M. [B] a contesté cette décision qui a été maintenue par lettre du 11 janvier 2019.

M. [F] [P] a été embauché en tant qu'agent du cadre permanent de la SNCF le 19 février 1996 et occupe les fonctions de chef de bord principal au sein de la société SNCF Voyageurs.

Par courrier en date du 06 août 2018, l'employeur lui a demandé des explications pour des faits 18 juin 2018.

Par lettre du 16 août 2018, il a été convoqué à un entretien fixé au 14 septembre 2018.

Par lettre du 11 octobre 2018, M. [P] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire de 5 jours ouvrés.

Par courrier du 15 octobre 2018, M. [P] a contesté ladite sanction disciplinaire.

Par lettre du 11 janvier 2019, son employeur a maintenu la sanction.

M. [M] [O] est un ancien agent de l'établissement public SNCF aux droits duquel est venue la société SNCF Voyageurs à la retraite depuis le 11 juin 2015, étant précisé qu'il avait été embauché par la SNCF le 4 janvier 1982.

Par courrier du 9 novembre 2018, il s'est vu reprocher des faits s'étant produits le 18 juin 2018.

Par lettre du 27 novembre 2018, M. [O] a contesté les faits reprochés.

Par correspondance du 18 décembre 2018, il lui a été notifié une suspension de ses facilités de circulation pour une durée de 12 mois.

M. [V] [U] a été embauché en tant qu'agent du cadre permanent de la SNCF le 19 avril 1982 et occupait au sein de la société par actions simplifiée Fret SNCF les fonctions de conducteur de locotracteur au moment des faits. Il est retraité depuis le 3 septembre 2019.

Par courrier en date du 3 août 2018, il lui a été notifié par son employeur une demande d'explications écrites pour des faits du 18 juin 2018.

Par courrier du 14 août 2018, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien fixé au 26 septembre 2018.

Par lettre du 17 octobre 2018, le salarié a été convoqué devant le conseil de discipline pour une proposition de sanction de 12 jours de mise à pied.

La réunion du conseil de discipline prévue le 31 janvier a été reportée au 25 février 2019.

Par lettre du 5 mars 2019, l'employeur a adressé au salarié une mise à pied disciplinaire de 2 jours ouvrés.

M. [W] [H] a été embauché en tant qu'agent du cadre permanent de la SNCF le 20 août 2001. Il est employé par la société anonyme SNCF Réseau. Il est chef de secteur mouvement hors classe et occupe un poste d'agent de circulation à la réserve.

Par courrier du 6 août 2018, M. [H] s'est vu adresser une demande d'explications écrites pour des faits du 18 juin 2018.

Par lettre du 16 août 2018, il a été convoqué à un entretien fixé au 18 septembre 2018.

Par courrier du 09 octobre 2018, il s'est vu notifier sa mise à pied disciplinaire de 4 jours.

Par lettre du 11 octobre 2018, il a formulé une demande de réexamen de sa sanction.

L'employeur a confirmé la sanction par décision du 20 novembre 2018.

M. [Y] [N] a été embauché en tant qu'agent du cadre permanent de la SNCF le 1er mars 2012.

Il est employé par la société anonyme SA SNCF Réseau et occupe les fonctions de chefs de secteur mouvement.

Par courrier du 06 août 2018, il a été destinataire d'une demande d'explications écrites pour des faits du 18 juin 2018.

Par lettre du 16 août 2018, il a été convoqué à un entretien fixé au 17 septembre 2018.

Par courrier du 10 octobre 2018, M. [N] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire de 4 jours.

Par courrier du 13 octobre 2018, il a formulé une demande de réexamen de la sanction.

Par correspondance du 20 novembre 2018, l'employeur a maintenu la sanction.

MM. [C] [L], [F] [P], [V] [U] et [Y] [N] n'étaient pas grévistes ce jour-là. MM. [F] [B] et [W] [H] s'étaient signalés comme grévistes au préalable.

Le 28 décembre 2018, l'inspecteur du travail a adressé à la SNCF un courrier relatif aux problèmes de procédure et à une différence de traitement entre les grévistes de [Localité 18] et de [Localité 7].

Par courrier du 12 février 2019, l'établissement public industriel et commercial SNCF mobilités, aux droits de laquelle est venue la société SNCF Voyageurs, a répondu à l'inspecteur du travail à l'égard de ses trois salariés, MM. [B], [L] et [P], en contestant toute discrimination syndicale.

Par requêtes en date du 24 mai 2019, MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N], [M] [O] et [W] [H] ont saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble à l'encontre de leur employeur respectif, SNCF Voyageurs, SNCF Fret et SNCF Réseau, aux fins de faire annuler les sanctions respectivement retenues à leurs égards et voir reconnaître l'existence d'une discrimination syndicale pour les six salariés encore en activité et obtenir l'indemnisation des préjudices subis.

Le syndicat Sud-Rail s'est joint à l'instance volontairement afin de demander des dommages et intérêts au titre du préjudice direct à l'intérêt de la profession.

Par jugement en date du 16 février 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a :

- prononcé la jonction des sept dossiers sous le seul n° RG 19/00451

- annulé la mise à pied disciplinaire infondée de MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N], [W] [H] ;

- annulé la suspension d'un an des facilités de circulation de M. [M] [O]

- dit que MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N], [W] [H] ont été victimes de discrimination syndicale,

- condamné la SA SNCF Voyageurs à payer les sommes suivantes à :

M. [C] [L]

- 2 500,00 € (deux mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale ;

- 5 000,00 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

- 1 200.00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

M. [F] [B]

- 2 500,00 € (deux mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

- 5 000,00 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

- 1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

M. [F] [P]

- 309,43 € (trois cent neuf euros et quarante-trois cts) à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire

- 30,94 € (trente euros et quatre-vingt-quatorze cts) à titre de congés payés afférents

- 2 500.00 € (deux mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale;

- 5 000,00 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale;

- 1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

M. [V] [U]

- 2 500.00 € (deux mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

-5 000.00 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

-1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

M. [Y] [N]

-199,01 € (cent quatre-vingt-dix-neuf euros et un centime) à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire

-19,90 € (dix-neuf euros et quatre-vingt-dix cts) à titre de congés payés afférents

- 2 500,00 € (deux mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale ;

- 5 000,00 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

-1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

M. [M] [O]

- 2 500,00 € (deux mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale ;

-1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

M. [W] [H]

-254,44 € (deux cent cinquante-quatre euros et quarante-quatre cts) à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire

-25,44 € (vingt-cinq euros et quarante-quatre cts) à titre de congés payés afférents

-2 500,00 € (deux mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale

-5 000,00 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

-1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

- condamné la SA SNCF Voyageurs à payer au Syndicat des travailleurs/ses du rail solidaires, unitaires et démocratiques de la région Alpes (Sud-Rail) pour chacun des sept salariés les sommes suivantes :

- 4 000,00 € (quatre mille euros) à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice direct à l'intérêt de la profession soit 28 000,00 € (vingt-huit mille euros) au total ,

- 1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile soit 8 400,00 € (huit mille quatre cents euros) au total

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

- condamné la SA SNCF Voyageurs aux dépens.

Par déclaration en date du 15 mars 2021, les sociétés SNCF Voyageurs, SNCF Réseau et Fret SNCF ont interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes des conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2021, les sociétés SNCF Voyageurs, SNCF Réseau et Fret SNCF sollicitent de la cour de :

Vu le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 16 février 2021,

Vu le statut,

-Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 16 février 2021 en toutes ses dispositions,

En conséquence et statuant à nouveau,

- débouter M. [F] [P] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter M. [F] [B] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter M. [C] [L] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter M. [V] [U] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter M. [Y] [N] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter M. [M] [O] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter M. [W] [H] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter le syndicat Sud-Rail de la région Alpes de l'ensemble de ses demandes,

- les condamner aux dépens.

Aux termes des conclusions notifiées par voie électronique le 30 juillet 2021, MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N], [M] [O], [W] [H] et le syndicat Sud-Rail sollicitent de la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 16 février 2021 en ce qu'il a annulé les mises à pied disciplinaires des demandeurs, et la suspension des facilités de circulation de M. [M] [O], en ce qu'il a dit que les demandeurs étaient victimes de discriminations syndicales et qu'il a condamné la SNCF à verser différentes sommes à caractères salariales et indemnitaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux demandeurs et au syndical Sud-Rail,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a minoré les demandes indemnitaires formulées par les requérants ;

En conséquence :

Annuler les mises à pied disciplinaires de MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N] et [W] [H]

Annuler la suspension d'un an des facilités de circulation notifiée à M. [M] [O] ;

Dire et juger que les requérants ont été victimes de discrimination syndicale,

Dire et juger que le syndicat Sud-Rail est victime d'un préjudice direct à l'intérêt de la profession ;

En conséquence,

Condamner la SNCF Voyageurs à verser à :

-M. [C] [L] :

- Dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale : 5.000€

- Dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale : 10.000€

- Article 700 du code de procédure civile : 2.000€

-M. [F] [B] :

- Dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale : 5.000€

- Dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale : 10.000€

- Article 700 du code de procédure civile : 2.000€

-M. [F] [P] :

- Rappel de salaire : 309.43€

- Congés payés afférents : 30.94€

- Dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale : 5.000€

- Dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale : 10.000€

- Article 700 du code de procédure civile : 2.000€

-M. [M] [O] :

- Dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale : 5.000€

- Article 700 du code de procédure civile : 2.000€

-Au syndicat Sud-Rail les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts au titre du préjudice direct à l'intérêt de la profession dans chacun des dossiers : 10.000€

- Article 700 : 2.000€

Condamner la SNCF Réseau à verser à :

-M. [Y] [N] :

- Rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire : 199.01€

- Congés payés afférents : 19.90€

- Dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale : 5.000€

- Dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale : 10.000€

- Article 700 du code de procédure civile : 2.000€

-M. [W] [H] :

- Rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire : 255.44€

- Congés payés afférents : 25.44€

- Dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale : 5.000€

- Dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale : 10.000€

- Article 700 du code de procédure civile : 2.000€

-Au syndicat Sud-Rail les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts au titre du préjudice direct à l'intérêt de la profession dans chacun des dossiers : 10.000€

- Article 700 : 2.000€

Condamner la Fret SNCF à verser à :

-M. [V] [U] :

- Rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire : à chiffrer

- Congés payés afférents : à chiffrer

- Dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale : 5.000€

- Dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale : 10.000€

- Article 700 du code de procédure civile : 2.000€

-Au syndicat Sud-Rail les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts au titre du préjudice direct à l'intérêt de la profession dans chacun des dossiers : 10.000€

- Article 700 : 2.000€

Condamner la SNCF Voyageurs, Réseau et Fret SNCF aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 septembre 2022.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 9 novembre 2022.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur la discrimination syndicale prohibée':

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales ou mutualistes.

L'article L 2141-5 du code du travail prévoit que':

Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L'article L 1134-1 du même code prévoit que':

Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, MM. [L], [B], [P], [U], [N], et [H] objectivent matériellement les éléments de fait suivants':

- alors qu'ils ont tous fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des faits s'étant déroulés lors du rassemblement du 18 juin 2018 à l'appel du syndicat Sud-rail sous la forme de mises à pied à titre disciplinaire, l'inspecteur du travail a écrit au directeur de la SNCF ESV Alpes, par courrier du 28 décembre 2018, pour lui indiquer que son attention avait été attirée par le syndicat Sud-rail sur le fait que six salariés, affectés à des postes de travail à [Localité 7], avaient fait l'objet de sanctions à la suite de leur participation à un rassemblement en gare de [Localité 7] le 18 juin 2018, dans le cadre d'un mouvement de grève, que les agents contestaient les faits et selon l'inspecteur du travail que «'par le choix des sanctions, par le choix des salariés sanctionnés, alors que le rassemblement concernait plusieurs dizaines de salariés, qu'un rassemblement identique s'est tenu le 20 juin à [Localité 18] sans procédure disciplinaire engagée et du fait du contexte de grève longue, vous semblez avoir choisi de sanctionner des militants grévistes dans le cadre de leur action syndicale'». L'inspecteur du travail a également observé que l'employeur avait fait le choix de faire durer au maximum la procédure avec des conséquences sur la santé des salariés concernés, dont plusieurs ont dû subir un arrêt de travail du fait de pathologies liées au stress et terminé en informant l'employeur qu'il procédait à une enquête afin de déterminer s'il existait un caractère discriminatoire en raison de l'activité syndicale à ce choix de sanction et d'agents sanctionnés

- par un courrier de réponse adressé le 12 février 2019, le directeur des ressources humaines de l'établissement public industriel et commercial SNCF Mobilités, aux droits duquel est venue la société SNCF Voyageurs, a expliqué qu'il ne s'exprimait qu'à l'égard de ses trois salariés, MM. [B], [L] et [P], les autres salariés relevant des sociétés SNCF Réseau ou de la direction Fret, a confirmé l'engagement des procédures disciplinaires pour des faits correspondant à des propos outrageants à l'égard de personnes chargées d'une mission de service public et à une mise en danger d'autrui pour avoir allumé un barbecue dans un lieu ouvert au public et traversé des voies ferrées en dehors des règles de sécurité, a précisé que seuls les personnels ayant commis les actes répréhensibles les plus lourds ou ceux pour lesquels les éléments de preuve étaient rapportés ont fait l'objet de procédures disciplinaires, les autres salariés s'étant vu adresser un courrier de lettre de rappel dont une copie anonymisée est jointe, précisant que certains salariés n'étaient pas grévistes au moment des faits mais en congés ou en repos et que les sanctions étaient proportionnées. L'employeur des trois salariés a contesté tout caractère discriminatoire au motif que tous les salariés n'avaient pas un mandat de représentant du personnel ou syndical. Par ailleurs, le directeur des ressources humaines a confirmé qu'un rassemblement identique a eu lieu à [Localité 18] mais qu'il n'avait pas donné lieu à l'engagement de procédures disciplinaires alors que les comportements rapportés étaient également fautifs au motif que les éléments de preuve n'ont pas été jugés suffisants pour imputer ces agissements à des agents.

Les employeurs respectifs des salariés n'apportent pas les justifications étrangères à toute discrimination syndicale prohibée permettant d'expliquer que seuls les six salariés requérants ont fait l'objet de sanctions disciplinaires avec une incidence financière.

En effet, si les éléments produits ne permettent pas de contredire le fait que tous les salariés n'étaient alors pas représentants du personnel ou investis d'un mandat syndical puisqu'il est fait état à ce titre uniquement de la situation de M. [U] qui a exercé pendant 12 ans des mandats représentatifs et de celle de M. [P], secrétaire du CHSCT de [Localité 7], il n'en demeure pas moins que tous les requérants à l'instance ont participé à un rassemblement à l'appel du syndicat Sud-rail au vu du tract qu'ils ont produit en pièce n°1 et que les employeurs visent d'ailleurs explicitement dans leurs conclusions d'appel cette organisation syndicale comme étant l'organisatrice de l'évènement, produisant de surcroît dans le cadre des présents litiges joints un constat d'huissier qu'a fait dresser M. [R], directeur d'établissement adjoint pour le compte de l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF Mobilités le 11 juillet 2018 dans le cadre d'un conflit social en cours portant sur diverses publications effectuées sur les réseaux sociaux par le syndicat Sud-rail.

Il s'ensuit que les employeurs se prévalent à tort du fait que les requérants se contentent de faire état de leur investissement auprès du syndicat Sud-rail alors même qu'il ressort des propres explications et pièces de l'employeur que les faits reprochés aux salariés se sont déroulés à l'occasion d'un rassemblement à l'initiative du syndicat Sud-rail dans un contexte d'appel à la grève pendant 3 mois correspondant à la période d'examen d'un projet de réforme gouvernementale de l'organisation du transport ferroviaire.

Le fait que certains des requérants aient pu n'avoir aucun mandat est, dès lors, un moyen inopérant puisque le critère pertinent est plus large et embrasse toute activité syndicale.

Alors que la société SNCF Voyageurs, venant aux droits de l'établissement public SNCF Mobilités, a admis dans son courrier de réponse à l'inspecteur du travail, que des faits fautifs avaient été commis par d'autres salariés ce jour-là à [Localité 7], mais également lors d'un autre rassemblement identique à [Localité 18], les trois employeurs respectifs qui se prévalent, dans leurs conclusions d'appel, de ce seul courrier de réponse à l'inspecteur du travail n'établissent aucunement de manière suffisante que la différence de traitement, dont les requérants ont fait l'objet ayant consisté à leur notifier des sanctions avec une incidence financière alors que les autres salariés ayant participé au rassemblement à [Localité 7] n'ont été destinataires que d'une lettre d'observations et qu'aucun salarié présent à l'évènement identique organisé en gare de [Localité 18] n'a été sanctionné, est justifiée par des motifs objectifs et légitimes étrangers à toute discrimination syndicale.

Les pièces produites par les employeurs respectifs ne permettent, en effet, aucunement d'établir les affirmations suivantes contenues dans le courrier de réponse de l'établissement public SNCF Mobilités dont ils se prévalent':

«'seuls les personnels ayant commis les actes répréhensibles les plus lourds ou ceux pour lesquels les éléments de preuve étaient rapportés ont été concernés par les procédures disciplinaires. Les autres salariés présents se sont vu remettre une lettre de rappel, dont vous trouverez une copie ci-joint.

Les procédures disciplinaires engagées l'ont été à la suite d'une enquête sur la base de nombreux témoignages de représentants de l'entreprise ou de personnels non-grévistes présents sur le site de [Localité 7], lors de l'évènement concerné, et ayant constaté les faits reprochés aux différents individus. Les procédures disciplinaires ont ensuite été engagés dans les délais légaux'».

«'Pour finir, je vous confirme qu'un rassemblement identique a eu lieu à [Localité 18]. S'il n'a pas donné lieu à l'engagement de procédures disciplinaires alors que les comportements rapportés étaient également fautifs, c'est uniquement parce que les éléments de preuve n'ont pas été jugés suffisants pour imputer ces agissements à des agents'».

En effet, les employeurs respectifs ne produisent aucune pièce au titre «'des comportements rapportés'» et des preuves rassemblées qui ont été jugées insuffisantes s'agissant du rassemblement qualifié «'d'identique'», à la même période, en gare de [Localité 18], les trois sociétés appelantes, qui ne prétendent pas avoir ignoré ce rassemblement et admettent, au contraire, à la suite de la direction de l'établissement public SNCF mobilités, qu'il a bien eu lieu et a été l'occasion de la commission de faits fautifs, ont dès lors nécessairement des éléments à ce titre qu'elles ont choisi de ne pas produire, empêchant à la juridiction d'apprécier le caractère insuffisant des éléments de preuve dont il est fait état dans le courrier.

En outre, alors que s'agissant des faits s'étant déroulés à [Localité 7], l'employeur se prévaut d'une enquête sur la base de nombreux témoignages de représentants de l'entreprise ou de personnels non-grévistes présents sur le site de [Localité 7], il n'est versé aux débats aucun compte-rendu, document, échanges ou autre élément matérialisant la réalité de cette enquête interne mais uniquement des attestations en justice de MM. [G], responsable équipe Trains ESV TGV RA, [D] [BV], responsable d'équipe trains UO ESV TGV RA, Richard Albin, remplaçant du dirigeant unité opérationnelle, [X] [R], directeur adjoint établissement services voyageurs Alpes SCNF et de Mme [ZX] [Z], adjointe directrice unité opérationnelle trains alpes ESV TGV RA, l'ensemble de ces témoignages émanant des «'représentants de l'entreprise'» visés par le courrier de réponse ou, à tout le moins, du personnel d'encadrement, la cour observant que M. [R] a été à l'origine de la demande de constat d'huissier précité du 11 juillet 2018, à l'exclusion des témoignages des personnels présents non-grévistes évoqués dans le courrier de réponse à l'inspecteur du travail.

Ces seules attestations, produites en justice, du personnel d'encadrement, dont certains de direction, qui visent par ailleurs nommément d'autres salariés des entreprises appelantes, les dénommés [K], [E], [S], [CN], [A], [I], [T] et [DZ], ainsi que la lettre anonymisée en annexe du courrier de réponse à l'inspection du travail ne permettent aucunement à la cour d'apprécier la légitimité de la différence de traitement admise et effectuée par les employeurs respectifs entre les différentes personnes identifiées ayant participé au rassemblement à l'appel d'une organisation syndicale.

En effet, il n'est pas même justifié du nombre et de l'identité des personnes n'ayant fait l'objet que de la notification d'un rappel à l'ordre, seules Mmes [E] et [K], dont les attestations sont produites par les requérants, confirmant avoir été destinataires de lettres d'observations, Mme [E] témoignant d'ailleurs de son incompréhension tenant au fait que seuls les agents syndiqués ont fait l'objet de sanctions alors que les agents non syndiqués n'ont, selon elle, pas été inquiétés.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N] et [W] [H] ont été victimes de discrimination syndicale.

Les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi tant moral que financier pour certains en condamnant leur employeur à payer à MM. [L], [B] et [P] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Le jugement est infirmé concernant MM. [U], [N] et [H] dès lors que les premiers juges ont condamné une entreprise qui n'était pas leur employeur respectif si bien qu'il convient de condamner la société Fret SNCF à payer à M. [U] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts et la société SNCF Réseau à payer à MM. [H] et [N] à chacun la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le surplus des prétentions des parties au titre de la discrimination syndicale est rejeté.

Sur l'annulation des sanctions disciplinaires à l'égard de MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N] et [W] [H]':

Dès lors que les mises à pied disciplinaires notifiées à MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N] et [W] [H] procèdent d'une discrimination syndicale prohibée, les salariés se prévalant dans leurs conclusions au titre du caractère disproportionné de la sanction du fait que d'autres agents étaient présents lors de la manifestation ayant donné lieu aux sanctions et qu'eux-seuls ont été concernés par celles-ci, soit de la différence de traitement mise en avant dans le cadre de la discrimination syndicale, ces mesures sont nécessaires injustifiées et doivent faire l'objet d'une annulation, le jugement étant confirmé par substitution de motifs, sans qu'il soit nécessaire de répondre aux moyens développés par les parties sur la liberté de réunion et de manifestation, l'absence soutenue de faute lourde à l'occasion d'un fait de grève pour ceux s'étant déclarés grévistes et la réalité ou non des faits reprochés.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société SNCF Voyageurs à payer à M. [P] la somme de 309,43 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, outre 30,94 euros bruts au titre des congés payés afférents.

La décision est en revanche infirmée pour MM. [N] et [H] dès lors que les condamnations de nature salariale ont été prononcées à l'égard d'une entreprise qui n'était pas leur employeur respectif.

Statuant à nouveau, il convient de condamner la société SNCF Réseau à payer à M. [N] la somme de 199,01 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, outre 19,90 euros bruts au titre des congés payés afférents et à M. [H] la somme de 254,44 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, outre 25,44 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur l'exécution déloyale des contrats de travail de MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N] et [W] [H]':

Outre que les requérants sollicitent en réalité l'indemnisation du même préjudice sous couvert de deux fondements juridiques différents en visant pour les mêmes faits résultant de sanctions disciplinaires injustifiées deux fondements juridiques distincts tenant à l'exécution fautive du contrat de travail et à la discrimination syndicale prohibée, ils ne rapportent pas la preuve qui leur incombe que les employeurs respectifs ont sciemment et volontairement retardé l'issue des procédures disciplinaires au motif avancé que «'la SNCF flirtant avec les délais de prescription à chaque étape de la procédure, a immanquablement plongé les salariés concernés par ces sanctions dans une situation de souffrance qui était soulignée par l'inspection du travail'» (conclusions d'appel).

En effet, si l'inspecteur a considéré que l'employeur, en réalité au nombre de trois, aurait fait le choix de faire durer au maximum les procédures, il y a lieu de relever que cette affirmation quant au caractère intentionnel du procédé n'est démontrée par aucune pièce produite alors même que les sociétés appelantes ont respecté les délais et la procédure conventionnelle et que les salariés ont eux-mêmes exercé des voies de recours et de ce fait, ont également contribué à l'allongement des procédures disciplinaires.

Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris et de débouter MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N] et [W] [H] de leurs prétentions indemnitaires au titre de l'exécution fautive du contrat de travail.

Sur les prétentions de M. [O]':

La société SNCF Voyageurs, qui vient aux droits de l'ancien employeur de M. [O], invoque à tort les articles 1.3 à 1.5 de la «'RH00246 facilités de circulation des pensionnés retraités sur le réseau SNCF'» pour justifier sa décision du 18 décembre 2018 de lui retirer, ainsi qu'à son partenaire de couple, ses facilités de circulation pour une durée de 12 mois dans la mesure où, au regard des articles 9 et 11 de la convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'Homme garantissant la liberté de manifester ses convictions et celle de réunion pacifique, invoqués par M. [O], ce règlement ne saurait régir que les situations dans lesquelles l'intéressé est un usager ou un client du service pour lesquels il bénéfice d'un avantage et non, comme en l'espèce, d'un comportement et de faits qui lui sont prêtés à l'occasion de la participation à un rassemblement à l'appel d'une organisation syndicale ouvert à d'autres personnes qu'aux seuls salariés des entreprises concernées d'après l'attestation de Mme [J], conseillère régionale Auvergne Rhône-Alpes, peu important que la manifestation se soit tenue sur un quai de gare, la société SNCF Voyageurs, qui n'avait alors plusla qualité d'employeur de M. [O] et ne pouvant se prévaloir d'un fait de la vie personnelle se rattachant au contrat de travail, ne prétendant pas et encore moins ne prouvant qu'elle remplissait les conditions énoncées à ces deux articles pour apporter des restrictions, strictement encadrées, à ces libertés de manifester ses convictions et au droit de réunion pacifique.

Il convient, en conséquence, par substitution de motifs, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la suspension d'un an des facilités de circulation de M. [M] [O].

M. [O], qui était certes retraité lors de la suppression de son avantage lié à son ancien emploi, invoque de manière justifiée, comme fondement de sa demande indemnitaire, les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail prévoyant que le contrat de travail est exécuté de bonne foi dès lors que les facilités de circulations dont il bénéficie procèdent directement du contrat de travail qui le liait à l'établissement public industriel et commercial SNCF, sans préjudice de la possibilité pour lui de se prévaloir au surplus ou de manière alternative d'un manquement contractuel de l'établissement SNCF Voyageurs en sa qualité d'usager d'un service public industriel et commercial bénéficiant de facilités de circulation, étant rappelé que la cour d'appel a plénitude de juridiction.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué, par une juste appréciation du préjudice subi, la somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts à M. [O].

Sur l'intervention volontaire du syndicat Sud-rail':

Au visa de l'article L 2132-3 du code du travail, le syndicat Sud-rail est recevable et bien fondé en son intervention volontaire au titre du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession dès lors que six salariés, militants sous sa bannière syndicale, ont fait l'objet de sanctions disciplinaires injustifiées et partant ont été victimes d'une discrimination syndicale prohibée à l'occasion d'un rassemblement dont il était à l'initiative dans le cadre de l'exercice du droit de grève pour certains des salariés, étant relevé que l'inspecteur du travail avait vainement attiré l'attention d'au moins un des employeurs à ce titre et que les trois sociétés appelantes font assomption de cause en invoquant la réponse apportée par l'établissement public SNCF mobilités.

Tenant compte du fait que six salariés sont concernés mais qu'il ne s'est agi que d'un fait discriminatoire unique, il convient en conséquence par infirmation du jugement entrepris de condamner la société SNCF Voyageurs à payer la somme de 3000 euros à titre de dommages, la société SNCF Réseau la somme de 2000 euros et la société Fret SNCF la somme de 1000 euros au syndicat Sud-rail en réparation du préjudice subi à l'intérêt collectif.

Le surplus des demandes de ce chef est rejeté.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de confirmer les indemnités de procédure de 1200 euros allouées à MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], et [M] [O].

Par infirmation du jugement entrepris, MM [Y] [N], [V] [U] [W] [H]'se voient accorder une indemnité de procédure de 1200 euros chacun à la charge de leur employeur respectif .

Il y a lieu de rejeter le surplus des prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société SNCF Voyageurs à payer la somme de 1200 euros, la société SNCF Réseau la somme de 600 euros et la société Fret SNCF la somme de 300 euros au syndicat Sud-rail à titre d'indemnités de procédure.

Les surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner in solidum les sociétés SNCF Voyageurs, SNCF Réseau et Fret SNCF, parties perdantes, aux dépens de première instance et d'appel, sauf pour ceux spécifiquement afférents aux instances introduites par MM. [L], [B], [P] et [O] restant à la charge de la société SNCF Voyageurs, pour ceux afférents à MM. [N] et [H] restant à la charge de la société SNCF Réseau et pour ceux afférents à M. [U] restant à la charge de la société Fret SNCF.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- annulé la mise à pied disciplinaire infondée de MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N], [W] [H] ;

- annulé la suspension d'un an des facilités de circulation de M. [M] [O]

- dit que MM. [C] [L], [F] [B], [F] [P], [V] [U], [Y] [N], [W] [H] ont été victimes de discrimination syndicale,

- condamné la SA SNCF Voyageurs à payer les sommes suivantes à :

M. [C] [L]

- 5000 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

- 1 200 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

M. [F] [B]

- 5000 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

- 1 200 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

M. [F] [P]

- 309,43 € (trois cent neuf euros et quarante-trois centimes) à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire ;

- 30,94 € (trente euros et quatre-vingt-quatorze centimes) à titre de congés payés afférents ;

Sauf à ajouter lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2019

- 5 000 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

- 1 200 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

M. [O]':

- 2'500 € (deux mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

-1'200 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ladite somme avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société SNCF Réseau à payer'à M. [N]':

- cent quatre-vingt-dix-neuf euros et un centime (199,01 euros) bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire

- dix-neuf euros et quatre-vingt-dix centimes (19,90 euros) bruts au titre des congés payés afférents

Outre intérêts sur ces sommes au taux légal à compter du 29 mai 2019

- cinq mille euros (5000 euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale

-1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt

CONDAMNE la société SNCF Réseau à payer à M. [H]':

- deux cent cinquante-quatre euros et quarante-quatre centimes (254,44 euros) bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire

- vingt-cinq euros et quarante-quatre centimes (25,44 euros) bruts au titre des congés payés afférents

Outre intérêts sur ces sommes au taux légal à compter du 29 mai 2019

-cinq mille euros (5000 euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale

-1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt

CONDAMNE la société Fret SNCF à payer à M. [U] :

-cinq mille euros (5000 euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale

-1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt

DÉCLARE recevable l'intervention volontaire du syndicat des travailleurs(es) du rail, solidaires, unitaires et démocratiques de la région Rhône-Alpes (Sud-Rail)

CONDAMNE la société SNCF Voyageurs à payer au syndicat des travailleurs(es) du rail, solidaires, unitaires et démocratiques de la région Rhône-Alpes (Sud-Rail) la somme de trois mille euros (3000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice collectif

CONDAMNE la société SNCF Réseau à payer syndicat des travailleurs(es) du rail, solidaires, unitaires et démocratiques de la région Rhône-Alpes (Sud-Rail) la somme de deux mille euros (2000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice collectif

CONDAMNE la société Fret SNCF à payer au syndicat des travailleurs(es) du rail, solidaires, unitaires et démocratiques de la région Rhône-Alpes (Sud-Rail) la somme de mille euros (1000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice collectif

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions au principal

CONDAMNE la société SNCF Voyageurs à payer au syndicat des travailleurs(es) du rail, solidaires, unitaires et démocratiques de la région Rhône-Alpes (Sud-Rail) de 1200 euros à titre d'indemnité de procédure

CONDAMNE la société SNCF Réseau à payer syndicat des travailleurs(es) du rail, solidaires, unitaires et démocratiques de la région Rhône-Alpes (Sud-Rail) la somme de 600 euros à titre d'indemnité de procédure

CONDAMNE la société Fret SNCF à payer au syndicat des travailleurs(es) du rail, solidaires, unitaires et démocratiques de la région Rhône-Alpes (Sud-Rail) la somme de 300 euros à titre d'indemnité de procédure

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE in solidum les sociétés SNCF Voyageurs, SNCF Réseau et Fret SNCF aux dépens de première instance et d'appel, sauf pour ceux spécifiquement afférents aux instances introduites par MM. [L], [B], [P] et [O] restant à la charge de la société SNCF Voyageurs, pour ceux afférents à MM. [N] et [H] restant à la charge de la société SNCF Réseau et pour ceux afférents à M. [U] restant à la charge de la société Fret SNCF.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/01280
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;21.01280 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award