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19/01/2023 | FRANCE | N°21/01643

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 19 janvier 2023, 21/01643


N° RG 21/01643 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K2D6



C8



Minute :









































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



la SELARL COOK - QUENARD



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE

GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 2019J294)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 03 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 08 avril 2021



APPELANTE :



S.A.R.L. MV FINANCES immatriculée au RCS de ROMANS sous le n° 352 817 167, agissant poursuites et diligences d...

N° RG 21/01643 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K2D6

C8

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

la SELARL COOK - QUENARD

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 2019J294)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 03 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 08 avril 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. MV FINANCES immatriculée au RCS de ROMANS sous le n° 352 817 167, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et par Me Jean Louis BARTHELEMY de la SELAS MAZARS SOCIETE D'AVOCAT, avocat au Barreau de la DROME,

INTIMÉE :

S.A. BANQUE POPULAIRE DU SUD à capital variable, régie par les articles L 512-2 et suivants du Code monétaire et financier et l'ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédits, inscrite au RCS de Perpignan sous le n°554 200 808, exploitant également la marque BANQUE MARZE et venant aux droits de celle-ci à compter du 1er juin 2019 suivant fusion absorption approuvée par les Conseils d'Administration des deux établissements les 8 et 15 février 2019 - Intermédiaire d'assurance inscrit à l'ORIAS sous le n° 07 02 3534 - TVA n° FR29 554 200 808

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Nathalie COOK de la SELARL COOK - QUENARD, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me CAMPANA, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 novembre 2022, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assistée de Alice RICHET, Greffière et en présence de Clémence RUILLAT, Greffière stagiaire, a entendu les avocats en leurs conclusions et Me CAMPANA en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

Exposé du litige

La société Sas Robert Beranger a ouvert un compte bancaire auprès de la banque Marze selon convention en date du 8 juillet 2015.

Par acte du 7 février 2018, la Sarl MV Finances s'est portée caution de tous engagements de la société Sas Robert Beranger au bénéfice de la banque Marze à hauteur d'un montant de 150.000 euros.

La société Sas Robert Beranger a émis un billet à ordre d'un montant de 100.000 euros le 4 juillet 2018 avec une date d'échéance au 6 août 2018.

Par jugement du 11 juillet 2018,le tribunal de commerce de Romans sur Isère a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Sas Robert Beranger.

La banque a déclaré ses créances le 7 septembre 2018 entre les mains du mandataire judiciaire à hauteur de la somme de 48.333,54 euros au titre du solde débiteur du compte et de la somme de 100.000 euros au titre du billet à ordre.

Par jugement du 10 juillet 2019, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire.

Par courrier du 30 septembre 2019, la banque Marze a mis en demeure la société MV Finances de lui payer la somme de 148.333,54 euros au titre de son engagement de caution.

Par acte du 16 novembre 2019, la société Banque Populaire du Sud venant aux droits de la banque Marze a assigné la société MV Finances en paiement.

Par jugement du 3 mars 2021, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :

- condamné la société MV Finances à payer à la société Banque Populaire du Sud la somme de 148.333,54 euros outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts de retard dans les conditions de l'article1343-2 du code civil à compter du 7 novembre 2019,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement,

- rejeté toutes autres demandes,

- liquidé les dépens.

Par déclaration du 8 avril 2001, la société MV Finances a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a condamné la société MV Finances à payer à la société Banque Populaire du Sud la somme de 148.333,54 euros outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019, ordonné la capitalisation annuelle des intérêts de retard dans les conditions de l'article1343-2 du code civil à compter du 7 novembre 2019 et rejeté la demande de la société MV Finances au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Prétentions et moyens de la société MV Finances

Dans ses conclusions remises le 17 janvier 2022, elle demande à la cour de:

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant de nouveau,

A titre principal,

- juger que la société Banque Populaire du Sud ne démontre pas la réalité de sa créance ni qu'elle a valablement déclaré sa créance et que celle-ci a été admise au passif de la Sas Robert Beranger,

- débouter la société Banque Populaire du Sud de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- déclarer nul l'article IV du contrat de cautionnement du 7 février 2018 comme étant une obligation à terme dont le caractère certain n'est pas établi,

- à défaut de prononcer la nullité, juger que la société MV Finances n'a pas agréé l'absorption de la société créancière et n'a pas entendu maintenir son engagement envers la société Banque Populaire du Sud,

- constater l'extinction du cautionnement donné par la société MV Finances à la banque Marze en application de l'article 2311 du code civil,

- constater que du fait de la novation par changement du créancier et en application de l'article 1334 du code civil, l'engagement de cautionnement donné par la société MV Finances au profit de la Banque Marze est devenu caduc faute pour la société Banque Populaire du Sud d'avoir sollicité de la caution son consentement,

- juger qu'en application de l'article 2292 du code civil le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté,

- débouter en conséquence la société Banque Populaire du Sud de l'ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que la banque a manqué à son obligation d'information et de conseil en sa qualité de professionnel de la finance,

- condamner la banque à verser la somme de 148.333,54 euros à la société MV Finances au titre du préjudice subi,

- juger que la banque engage sa responsabilité compte tenu de la disproportion manifeste des garanties obtenus à l'égard des concours consentis,

- annuler purement et simplement l'ensemble des actes de cautionnements et en particulier l'acte de cautionnement établi au mois de février 2018 pour un montant de 150.000 euros,

- débouter en conséquence la société Banque Populaire du Sud de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner la société Banque Populaire du Sud à payer à la société MV Finances la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elle fait valoir que la banque ne rapporte pas la moindre preuve démontrant l'existence de sa créance sur la société Sas Robert Beranger se contentant de produire un billet à ordre et une convention de compte, que le relevé de compte émis par la banque le 27 août 2019 fait apparaître un solde créditeur, que la banque ne justifie pas de la clôture du compte bancaire et de son exigibilité, qu'elle ne justifie ni d'une déclaration dans le délai, ni du pouvoir du signataire de la déclaration de créance, qu'elle ne justifie pas de l'admission de sa créance au passif.

Subsidiairement, elle soutient que le raisonnement de la banque selon laquelle aux termes de l'article IV du contrat de cautionnement, la société MV Finances a accepté par avance le transfert du bénéfice de la garantie à une société absorbante n'est pas pertinent dès lors que cette obligation ne peut constituer une obligation à terme en l'absence de certitude de l'absorption, que cette obligation est nulle et ne peut servir de fondement à une condamnation.

Elle expose ensuite que par l'effet de la novation par changement de créancier, l'obligation ancienne s'est trouvée éteinte, que le maintien de l'engagement de caution envers une société absorbante ne peut résulter que d'un accord express contemporain de la fusion et de l'absorption, que d'ailleurs le traité de fusion prévoit que la société absorbante fera son affaire personnelle de l'obtention de l'agrément par tout tiers à la subrogation, que la société Banque Populaire du Sud n'a pas entrepris de démarche auprès de la société MV Finances en vue de l'agrément de la société absorbante et du transfert de la caution à son profit, que la garantie n'est donc pas acquise.

Sur la responsabilité de la banque, elle relève que la banque a fourni ou maintenu des concours financiers à la société Sas Robert Beranger alors qu'elle avait connaissance des graves difficultés de la société, qu'elle a manqué à son obligation d'information à l'égard de la société MV Finances qui a subi un préjudice de 148.333,54 euros, que la banque a exigé des garanties manifestement disproportionnées, le montant total cautionné par la société MV Finances étant de 565.000 euros. En réponse à la banque qui indique que les concours ont été consentis par des entités distinctes, elle indique l'existence d'une stratégie délibérément mise en oeuvre au niveau du groupe BPCE. Elle en déduit que les garanties doivent nécessairement être annulées.

Prétentions et moyens de la société Banque Populaire du Sud

Dans ses conclusions remises le 11 mai 2022, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance sauf en ce qu'il a débouté la banque de sa demande de paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- juger que la créance de la banque est certaine, liquide et exigible,

- juger que la société MV Finances est tenue de son obligation de couverture des dettes nées antérieurement à l'opération de fusion-absorption,

- dire et juger que la société MV Finances a consenti expressément au maintien de son engagement de caution en cas de fusion-absorption de la banque,

- débouter la société MV Finances de toutes ses demandes,

- condamner la société MV Finances au paiement de la somme de 148.333,54 euros outre intérêts au taux légal à compter du 30/09/2019 jusqu'à parfait paiement

Y ajoutant,

- condamner la société MV Finances au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel.

- débouter la société MV Finances de sa demande reconventionnelle,

- juger que la société MV Finances n'a pas fait de la situation financière du cautionné, une condition déterminante de son engagement de caution,

- juger que la société MV Finances échoue à rapporter la preuve de garanties disproportionnées face aux concours consenties à la société Robert Beranger,

- débouter la société MV Finances de toutes ses demandes,

- condamner aux dépens conformément aux articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Elle indique que sa créance résulte du relevé de compte qui fixe le solde débiteur à la somme de 48.333,54 euros, que cette créance déclarée à la procédure collective n'a fait l'objet d'aucune contestation, que l'exigibilité du solde débiteur du compte résulte de l'ouverture de la procédure de

liquidation judiciaire en application de l'article L643-1 du code de commerce, qu'elle justifie du caractère certain, liquide et exigible de sa créance au titre du compte bancaire.

Elle souligne que le billet à ordre émis le 4 juillet 2018 avec une date d'exigibilité le 6 août 2018 n'a pû être réglé en raison du redressement judiciaire survenu le 11 juillet 2018 converti en liquidation judiciaire le 10 juillet 2019, que sa créance est liquide et exigible.

Sur l'engagement de caution, elle fait remarquer qu'il résulte de l'article IV de l'engagement de caution que celle-ci a validé expressément le maintien de son engagement lors d'une opération de fusion de la société créancière, qu'aux termes de l'article L 236-3 du code de commerce la banque Marze a transmis l'intégralité de son patrimoine à la société Banque Populaire du Sud dont la créance sur la société Robert Beranger et les garanties y attachées, que l'article du traité de fusion-absorption mentionné par la société MV Finances sur la nécessité d'un agrément du tiers ne concerne que les contrats nécessaires à l'exploitation de l'activité ce qui n'est pas le cas de l'engagement de caution qui ne peut être considéré comme une charge d'exploitation, que selon la jurisprudence, l'obligation de paiement attachée à l'engagement de caution se poursuit après la fusion dans la mesure où la caution est tenue à une obligation de couverture antérieurement à l'opération de fusion-absorption, que la société MV Finances avait manifesté de manière expresse sa volonté de voir se poursuivre son engagement de caution en cas de fusion de la banque, que la caution demeure tenue à raison des dettes nées antérieurement à la fusion, ce qui est le cas en l'espèce.

Sur la responsabilité de la banque sur le fondement de l'article 1112-1 du code civil, elle relève qu'il résulte de l'acte que la société MV Finances n'a pas fait de la situation financière du cautionné un caractère déterminant de son engagement, qu'elle ne peut venir prétendre le contraire 4 ans après, qu'en outre actionnaire principale de la société Robert Béranger elle était la plus à même de connaître la situation du débiteur, qu'elle était parfaitement au courant de cette situation ayant été associée aux travaux du cabinet Mazars en vue d'établir un prévisionnel.

Elle fait observer que l'article L650-1 du code de commerce pose un principe d'irrecevabilité des actions en responsabilité contre les créanciers des entreprises sauf en cas de fraude, de cas d'immixtion caractérisée dans les affaires du client et d'accumulation de garanties disproportionnées au concours, que la société MV Finances fait état de deux engagements de caution qui ne concernent pas la banque Marze mais la Banque Populaire Auvergne Rhônes Alpes qui est une entité différente de la Banque Populaire du Sud qui a absorbé la banque Marze, que par ailleurs, la société MV Finances ne justifie pas du maintien de ses engagements des 28 juillet 2015 et 16 août 2016 lors de la régularisation de l'engagement du 7 février 2018, que les cautionnements étaient accordés dans le cadre de crédit à court terme se substituant les uns aux autres ainsi qu'il en résulte du procès-verbal d'assemblée générale du 22 janvier 2018, que la société Banque Populaire du Sud ne peut pas être reconnue coupable pour une prétendue disproportion des engagements souscrits sur divers établissements bancaires indépendants les uns des autres, que la disproportion n'est pas établie.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue le 20 octobre 2012.

Motifs de la décision

1) Sur les créances

A - Sur le solde débiteur du compte courant

En application de l'article L 641-10 applicable à la liquidation judiciaire, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution de contrat ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle.

Le compte courant est un contrat en cours.

L'article L 643-1 du code de commerce invoquée par la société Banque Populaire du Sud et disposant que la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues est inopérant en présence d'un contrat en cours.

La continuation d'un contrat en cours, dont la résiliation ne peut résulter de l'ouverture de la liquidation judiciaire, n'est pas subordonnée à une demande en ce sens émanant des organes de la procédure collective (Com, 25 octobre 2017, pourvoi n°15-24.060). Le contrat reste donc en cours tant que le liquidateur n'a pas décidé de ne pas le poursuivre.

En l'espèce, la société Banque Populaire du Sud ne justifie pas d'une résiliation par le liquidateur.

Le solde du compte courant n'est exigible qu'à sa clôture. Il ne peut donc l'être tant que la convention de compte courant est en cours.

Par ailleurs, si la société Banque Populaire du Sud justifie avoir déclaré sa créance au titre du solde débiteur du compte courant , elle ne démontre pas de son admission au passif de la société Robert Beranger, le seul relevé infogreffe des ordonnances déposées ne permettant pas de constater cette admission.

Dès lors, la société Banque Populaire du Sud ne peut se prévaloir utilement de l'impossibilité pour la caution de contester la créance admise au passif de la société cautionnée.

En conséquence, en l'absence d'exigibilité du solde du compte courant, la société Banque Populaire du Sud ne peut en réclamer le paiement à la caution.

B - Sur le billet à ordre

Il est produit la copie du billet à ordre d'un montant de 100.000 euros émis le 4 juillet 2018 et exigible le 6 août 2018.

Du fait du redressement judiciaire survenu le 11 juillet 2028, ce billet n'a donc pas été réglé.

Dès lors, la société Banque Populaire du Sud justifie bien de sa créance au titre du billet à ordre.

Le fait qu'il ne soit pas justifié de l'admission au passif de cette créance ne prive pas le créancier d'agir contre la caution. Il lui appartient seulement d'en démontrer l'existence ne pouvant se prévaloir de l'autorité de la chose jugée de la décision d'admission.

Par ailleurs, il n'appartient pas à la cour dans le cadre de cette instance de se prononcer sur la régularité de la déclaration de créance, pouvoir qui relève du seul juge commissaire, étant au surplus relevé que la société MV Finances se contente de dire que la société Banque Populaire du Sud ne démontre pas la régularité de sa déclaration de créance.

2) Sur l'engagement envers la société absorbante

Aux termes de l'article L 236-3 du code de commerce, la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération.

Il est constant qu'en cas de fusion absorption, la caution demeure tenue des dettes antérieures à l'opération.

Par ailleurs, elle demeure tenue de garantir les dettes postérieures à la fusion lorsqu'elle a manifesté expressément son intention de s'engager envers la nouvelle personne morale (Com, 30 juin 2009 n°08-10.719).

Le traité de fusion entre la société Banque Populaire du Sud (absorbante) et la société Marze (absorbée) a été déposé au greffe du tribunal de commerce d'Aubenas le 1er avril 2019.

La caution n'est donc pas libérée des dettes qui sont nées pendant la période où le créancier était bien celui au profit duquel elle s'est engagée.

Elle demeure tenue au titre de son obligation de règlement pour les dettes nées d'engagements conclus avant la fusion.

En l'espèce, le billet à ordre d'un montant de 100.000 euros émis le 4 juillet 2018 était exigible le 6 août 2018, soit bien antérieurement au 1er avril 2019. La société MV Finances ne peut donc soutenir que la dette est postérieure à la fusion.

La société MV Finances est donc tenue d'en régler le montant au titre de son engagement de caution.

Les développements de la société MV Finances sur la nullité de l'article IV du contrat de cautionnement stipulant l'exécution du cautionnement y compris pour les dettes nées postérieurement à l'opération de transmission sont inopérants dès lors que la dette est née antérieurement.

De même, les développements sur la nécessité de l'obtention d'un agrément par tous tiers figurant dans le traité de fusion dès lors qu'il concerne les contrats nécessaires pour l'exploitation de l'activité sont dénués de pertinence s'agissant d'un engagement de caution.

3) Sur la responsabilité de la banque

A - Sur le manquement au devoir d'information

En application de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son co-contractant.

En l'espèce, il résulte de l'article VIII de l'acte de cautionnement que la société MV Finances reconnaît disposer d'éléments d'information suffisants pour apprécier la situation du débiteur cautionné préalablement à la souscription de son engagement et qu'elle ne fait pas de la situation du débiteur cautionné ainsi que de l'existence et du maintien d'autres cautions la condition déterminante de son cautionnement.

En outre, il ressort des statuts produits que la société MV Finances est l'actionnaire majoritaire de la société Robert Beranger et qu'elle connaît donc légitimement la situation financière de la société cautionnée d'autant qu'elle a participé activement à l'actualisation des prévisions d'exploitation et de trésorerie réalisée par le cabinet Mazars.

En conséquence, la société MV Finances doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts au titre d'un manquement au devoir d'information.

B - Sur la responsabilité de la banque du fait de la disproportion des garanties aux concours consentis

Aux termes de l'article L 650-1 du code du commerce, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Au soutien de sa demande, la société MV Finances ne peut se prévaloir utilement des engagements de caution pris le 4 juin 2015 pour un montant de 50.000 euros et le 13 juillet 2017 pour un montant de 225.000 euros au bénéfice de la société la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes, personne morale distincte de la banque Marze absorbée par la société Banque Populaire du Sud, étant précisé qu'il n'est pas démontré l'existence d'une stratégie malveillante entre ces deux entités.

S'agissant des autres engagements au profit de la banque Marze, il ressort du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la société MV Finances que l'engagement du 7 février 2018 se substituait au précédent.

Il n'est donc pas établi le caractère disproportionné des garanties prises en contrepartie des concours. La société MV Finances sera donc déboutée de sa demande en annulation de l'acte de cautionnement du 7 février 2018.

4) Sur les mesures accessoires

La société MV Finances qui succombe pour une grande partie dans son appel sera condamnée aux dépens d'appel.

En équité, il n'y a pas lieu d'allouer une somme à la société Banque Populaire du Sud en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement du 3 mars 2021 en ce qu'il a condamné la société MV Finances à payer à la société Banque Populaire du Sud la somme de 148.333,54 euros outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019.

Le confirme en ses autres dispositions soumises à la cour.

Statuant à nouveau,

Condamne la société MV Finances à payer à la société Banque Populaire du Sud la somme de 100.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019.

Déboute la société Banque Populaire du Sud de sa demande au titre du compte courant.

Y ajoutant,

Déboute la société MV Finances de sa demande en dommages et intérêts au titre d'un manquement au devoir d'information.

Déboute la société MV Finances de sa demande en annulation de l'acte de cautionnement du 7 février 2018 pour caractère disproportionné des garanties prises en contrepartie des concours.

Condamne la société MV Finances aux entiers dépens d'appel.

Déboute les parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/01643
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;21.01643 ?
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