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24/01/2023 | FRANCE | N°20/00672

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 24 janvier 2023, 20/00672


C1



N° RG 20/00672



N° Portalis DBVM-V-B7E-KLDE



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Amélie CHAUVIN



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NO

M DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 24 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 18/00360)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 15 janvier 2020

suivant déclaration d'appel du 06 février 2020





APPELANT :



Monsieur [M] [B]

né le 16 Janvier 1960 à [Localité 6] ([Localité 2])

de ...

C1

N° RG 20/00672

N° Portalis DBVM-V-B7E-KLDE

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Amélie CHAUVIN

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 24 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 18/00360)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 15 janvier 2020

suivant déclaration d'appel du 06 février 2020

APPELANT :

Monsieur [M] [B]

né le 16 Janvier 1960 à [Localité 6] ([Localité 2])

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Amélie CHAUVIN, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Hugo Tahar JALAIN, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Pierre JANOT, avocat au barreau de GRENOBLE,

INTIMEES :

ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (nouvelle dénomination sociale, anciennement dénommée SOCIÉTÉ VALENTINOISE DE COMMERCE AUTOMOBILE - SOVAC A -, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 7]

[Adresse 9]

[Localité 8]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Sandrine DEROUBAIX, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS,

SAS EMIL FREY MOTORS FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Sandrine DEROUBAIX, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 novembre 2022,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 24 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 24 janvier 2023.

Exposé du litige :

M. [B] a été embauché en qualité de directeur de pôle, cadre dirigeant, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 octobre 2013, par la SAS Société Valentinoise de Commerce Automobile (ci-après SAS SOVACA), aujourd'hui dénommée ABCIS DRÔME ARDECHE BY AUTOSPHERE.

Par avenant du 1er septembre 2016, M. [B] a été affecté aux fonctions de directeur de site, sur le périmètre de son ancien pôle.

M. [B] a conclu deux contrats de vente à réméré d'actions en date du 1er juin 2015 et du 12 mai 2016 avec la société mère de la SAS SOVACA, la SAS EMIL FREY MOTORS (anciennement dénommée PGA MOTORS).

M. [B] a fait l'objet d'un arrêt de travail du 20 octobre 2017 jusqu'au 21 janvier 2018.

Le 5 janvier 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 janvier 2018.

Le 29 janvier 2018, M. [B] s'est vu notifier son licenciement aux motifs, d'une part, d'une dégradation des résultats économiques et des performances commerciales au sein des pôles dont il assurait la direction, d'autre part, d'une dégradation des conditions de travail au sein des pôles, enfin, des difficultés entraînées par son absence à son poste de travail depuis le début de son arrêt de travail, qui ont contraint la SAS SOVACA à procéder à son remplacement.

A l'issue du licenciement, la SAS EMIL FREY MOTORS a exercé son option de rachats des actions cédées dans le cadre des contrats de vente à réméré d'actions.

Le 25 mai 2018, M. [B] a saisi le Conseil de prud'hommes de Valence de demandes de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de dommages et intérêts dus au titre de la perte de chance d'acquérir des actions de la société EMIL FREY MOTORS (anciennement dénommée PGA MOTORS), et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 15 janvier 2020, le Conseil de prud'hommes de Valence a :

Mis hors de cause la société PGA MOTORS (SAS),

Dit que la garantie d'emploi en cas de maladie prévue par la convention collective ne s'applique pas au contexte de licenciement faisant l'objet du litige et que la garantie d'emploi n'a pas été enfreinte,

Dit que le remplacement dans ses fonctions en l'absence de M. [M] [B] ne constitue pas une irrégularité entraînant la nullité de la procédure de licenciement,

Dit que le licenciement de M. [M] [B] est fondé sur un motif réel et sérieux,

Débouté M. [M] [B] de l'ensemble de ses demandes,

Débouté la société SOVACA (SAS) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [B] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 6 février 2020.

Par ordonnance juridictionnelle du 5 avril 2022, la Cour d'appel de Grenoble a déclaré irrecevable la demande de M. [B] de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'acquisition d'actions de la SAS EMIL FREY MOTORS dirigée contre la SAS SOCAVA comme ne respectant pas les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Par arrêt du 7 juillet 2022, la Cour d'appel de Grenoble a confirmé l'ordonnance du 5 avril 2022 en toutes ses dispositions, sauf en celle ayant débouté M. [B] de sa demande indemnitaire au titre du caractère dilatoire de l'incident.

Par conclusions du 26 septembre 2022, M. [B] demande de :

Infirmer le jugement attaqué en ce que le premier juge n'a pas fait application de la garantie d'emploi conventionnelle interdisant le licenciement du salarié malade pendant une période de 180 jours continus alors que la société SOVACA a licencié le salarié, finalement déclaré apte à la reprise de son poste, après seulement 98 jours,

Infirmer le jugement attaqué en ce que le premier juge n'a pas tiré les conséquences de droit liées au remplacement définitif du salarié par M. [S], nouveau Directeur de site, alors que M. [B] se trouvait en arrêt maladie, puis de retour à son poste le 22 janvier 2018,

Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas tiré les conséquences de droit liées aux conditions particulièrement déloyales et vexatoires entourant le licenciement du salarié qui découvrait le jour de son retour au poste son remplacement définitif par M. [S] désigné en qualité de nouveau Directeur de site de la société SOVOCA,

Infirmer le jugement en ce que le licenciement prononcé par la société SOVOCA est jugé justifié par un motif réel et sérieux,

Infirmer le jugement en ce qu'il met hors de cause société PGA MOTORS devenue SAS EMIL FREY MOTORS et déboute M. [B] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'acquisition d'actions conformément à leur valeur à la date du licenciement,

Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [B] de l'ensemble de ses demandes,

Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. [B] aux dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

Dire et juger que la société SOVACA n'a pas respecté la clause de garantie d'emploi conventionnelle prévue pendant une période de 180 jours continus pour un salarié-cadre malade en mettant fin au contrat au bout de 98 jours d'arrêt de travail,

Requalifier le licenciement en date du 29 janvier 2018 en lien avec l'arrêt de travail pour maladie du salarié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dire et juger que les conditions du licenciement du salarié remplacé pendant son arrêt maladie par un nouveau directeur sont particulièrement déloyales et vexatoires, le salarié découvrant, le jour de sa reprise, son remplacement définitif,

Dire et juger que compte tenu du licenciement abusif intervenu, le salarié doit être indemnisé pour la perte de chance de voir valoriser ses actions à leur valeur au jour du licenciement, soit 3,08 euros par action,

A titre subsidiaire et en cas d'étude des motifs contestés de la lettre de licenciement :

Dire et juger les motifs du licenciement inopérants,

Le requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamner la SOCIETE VALENTINOISE DE COMMERCE AUTOMOBILE ' SOVACA à lui verser les sommes suivantes :

55 377,05 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

50 000 euros à titre de dommages et intérêts à titre de préjudice moral pour exécution déloyale du contrat de travail et conditions vexatoires du licenciement en application de l'article 1240 du Code civil et de l'article L. 1222-1 du Code du travail,

Condamner la SAS EMIL FREY MOTORS anciennement PGA MOTORS à lui verser :

58 698,40 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'acquisition d'actions conformément à leur valeur à la date du licenciement,

A titre subsidiaire :

Acter l'évaluation du montant des actions proposées par les intimées à hauteur de 42 337,61 euros quant au paiement de cette somme titre de dommages et intérêts liés à la perte de chance d'acquisition d'actions,

En toute hypothèse :

Dire et juger que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice,

Condamner la SAS SOVACA à une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

A l'issue de ses conclusions du 10 octobre 2022, la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) demande de :

Déclarer la Société ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE recevable et bien fondée en ses écritures,

Y faisant droit,

Sur le fond,

Confirmer en tous points le jugement rendu le 15 janvier 2020 par le Conseil de prud'hommes de Valence :

Sur la rupture du contrat de travail

A titre principal,

Dire que le licenciement de M. [B] est bien fondé,

Débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

Fixer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicités, compte tenu de l'absence de démonstration suffisante d'un préjudice, à la somme de 33 226,23 euros,

Sur le dispositif d'acquisition d'actions

Prendre acte de l'ordonnance du 5 avril 2022, rendue par Monsieur le Conseiller de la mise en état, qui a déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts formulée par M. [B] à l'encontre de la société ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE, en réparation de la perte de chance liée à l'acquisition d'actions, et de sa confirmation par décision de la cour en date du 7 juillet 2022,

En tout état de cause

Débouter M. [B] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [B] à verser à la société ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [B] aux entiers dépens.

A l'issue de ses conclusions du 10 octobre 2022, la SAS EMIL FREY MOTORS (anciennement SAS PGA MOTORS) demande de :

La déclarer recevable et bien fondée en ses écritures,

Y faisant droit,

- Confirmer purement et simplement le jugement rendu le 15 janvier 2020 par le Conseil de prud'hommes de Valence, en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la concluante et le rejet de toute demande de dommages et intérêts pour perte de chance d'acquisition d'actions,

- Débouter en conséquence M. [B] de ses demandes, fins et conclusions :

A titre principal :

- Constater que le licenciement, fait générateur du rachat d'actions, n'a pas été déclenché par la SAS EMIL FREY MOTORS France,

- Constater qu'elle ne peut être appelée en responsabilité pour l'exécution d'une clause contractuelle parfaitement licite, dont le fait générateur lui est extérieur,

- Prononcer sa mise hors de cause,

En tout état de cause, débouter M. [B] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur une perte de chance de plus-value sur actions,

A titre subsidiaire :

- Constater que sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée, dès lors qu'elle a strictement respecté les clauses du contrat la liant à M. [B],

A titre très subsidiaire :

- Constater le caractère exorbitant de l'évaluation de la « perte de chance »,

- Limiter les éventuels dommages et intérêts à la somme de 29 349,20 euros,

A titre infiniment subsidiaire :

- Limiter les éventuels dommages et intérêts à la somme de 42 337,61 euros,

En tout état de cause

- Condamner M. [B] à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [B] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le bien-fondé du licenciement :

Moyens des parties,

M. [B] fait valoir que des difficultés sont intervenues dans la relation de travail à compter du mois de septembre 2016 avec un changement dans l'organisation de la société. Il expose que la réorganisation a créé des tensions dans les équipes dans la mesure où la société SOVACA a souhaité se séparer de plusieurs de ses collaborateurs alors qu'ils étaient parfaitement compétents et que l'activité des sites gérés par lui et ses collaborateurs fonctionnait de façon opérationnelle.

Il expose que ces tensions l'ont épuisé avec de graves répercussions sur son état de santé (perte de poids, insomnies), et qu'il a fait l'objet d'un arrêt de travail initial le 20 octobre 2017 au motif suivant : « Syndrome anxiodépressif réactionnel sévère ». Il indique que lors de la reprise de son poste le 22 janvier 2018, Mme [G], Directrice financière l'a informé de la présence en ses lieux et place d'un nouveau Directeur de Site en la personne de M. [S], qui avait déjà pris ses fonctions. Il lui a ainsi été demandé de quitter son bureau.

A titre principal, M. [B] soutient que le véritable motif de son licenciement est son absence durant son arrêt de travail, et que la SAS SOVACA, sachant pertinemment que ce grief était insusceptible de constituer un motif valable de licenciement, a cherché d'autres motifs pour le licencier. Ainsi, la SAS SOVACA lui a clairement reproché dans la lettre de licenciement du 29 janvier 2018, les perturbations engendrées par son arrêt maladie qui l'ont contrainte à procéder à son remplacement. (L'employeur indique ainsi que l'absence du salarié a causé 65 % des pertes enregistrées au cours de l'année).

M. [B] fait valoir qu'il bénéficiait de la garantie emploi durant la période de 180 jours suivant le début de son premier arrêt maladie (article 4.08 de la convention collective de commerce et de la réparation de l'automobile), et qu'il ne pouvait pas être licencié durant cette période sauf en cas de faute lourde ou grave, ou de l'impossibilité de maintenir le contrat, motifs qui ne sont pas caractérisés en l'espèce dans la lettre de licenciement. Il soutient que la convention collective a aligné le régime de protection du salarié malade sur celui applicable au salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Or, la nécessité de respecter les règles du licenciement consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle interdisait à l'employeur d'invoquer un motif renvoyant au comportement du salarié.

A titre subsidiaire, M. [B] conteste les griefs invoqués dans la lettre de licenciement, à savoir :

- Une dégradation des résultats économiques et commerciaux sur le dernier trimestre,

- Un « manque total d'investissement dans la gestion quotidienne » de l'entreprise « et ce depuis plusieurs mois »,

- Le refus d'acheter une table pour le déjeuner de ses collaborateurs,

- L'absence de commande d'équipements de sécurité, preuve d'un « laxisme intolérable »,

- Des absences récurrentes aux réunions organisées par la Direction.

Il allègue notamment que la baisse du chiffre d'affaires et le résultat négatif en 2017 relevés à son encontre sont en réalité intervenus sur le quatrième trimestre alors qu'il était en arrêt de travail en lien avec ses conditions de travail. De même, il soutient que le prétendu « flottement au niveau des équipes » n'est lié en fait qu'à son absence à son poste de travail sur les derniers mois de 2017.

Il soutient que la SAS SOVACA ne démontre aucun des autres griefs qu'elle invoque dans la lettre de licenciement.

La SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) fait valoir pour sa part, que les termes de la lettre de licenciement démontrent que le motif du licenciement de M. [B] est avant tout son incapacité à assurer sa mission contractuelle de Directeur de site. Elle reproche ainsi au salarié son inertie, son absence totale d'initiatives, qui sont à l'origine d'une chute très importante des résultats de la société SOVACA, la plaçant en délicatesse vis-à-vis du constructeur Peugeot, et de conditions de travail très dégradées, présentant un risque pour la santé et la sécurité du personnel. Enfin, l'absence du salarié pendant plus de trois mois, a accentué les difficultés sur des sites déjà laissés en déshérence par M. [B] avant sa maladie.

La SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) soutient que l'invocation par le salarié d'une garantie conventionnelle d'emploi ne rendait pas automatiquement le licenciement abusif, puisque la juridiction prud'homale avait l'obligation d'étudier chacun des motifs de licenciement invoqués dans la notification du 29 janvier 2018. Elle allègue qu'il est de jurisprudence constante que la dégradation de la situation économique d'une entreprise en raison des carences d'un cadre dirigeant, justifie pleinement son licenciement pour cause réelle et sérieuse, et que des négligences professionnelles répétées justifient un licenciement pour faute.

En tant que cadre dirigeant, M. [B] avait pour mission contractuelle le développement de la performance des sites. Il disposait de toute autorité sur le personnel des sites dont il assurait la direction, et agissait au quotidien avec la plus grande autonomie, les responsabilités lui étant confiées étant les plus larges. Pour atteindre les objectifs budgétaires de son périmètre, M. [B] devait mettre en place les actions adéquates.

La SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) soutient que M. [B] disposait de tous les moyens pour exercer ses missions de direction dans les meilleures conditions, notamment après la réorganisation intervenue le 1er septembre 2016, qui a permis un ajustement de son périmètre d'intervention à ses capacités.

Malgré cette réorganisation, M. [B] a fait preuve d'une inertie et d'un désengagement croissants au cours de l'année 2017, conduisant à des résultats économiques catastrophiques.

Ainsi, il n'a engagé aucune action pour enrayer la chute des résultats des sites qu'il dirigeait.

Il a notamment fait preuve d'une désinvolture manifeste en refusant de participer à certaines réunions, ce qui est à la fois une expression de son rejet de l'organisation du groupe, et une preuve de son désintérêt pour les résultats économiques et commerciaux de son propre périmètre.

En outre, il a accordé des plans de rémunération variable (« Pay Plans ») à ses cadres-clés totalement déconnectés de la situation économique difficile de SOVACA. Il a fait preuve d'une désinvolture caractérisée dans la gestion des ressources humaines en omettant de contrôler la prise de leurs congés par les collaborateurs de son périmètre (volume très important de congés payés non pris), malgré des directives claires émises début 2017. Il existait des écarts très importants entre les budgets prévisionnels validés par M. [B] et les résultats économiques et commerciaux des sites qu'il dirigeait.

L'employeur affirme démontrer que les difficultés de la société ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE ne sont absolument pas liées à une problématique de marché automobile mais bien à l'inertie de son dirigeant. La SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) reproche également à M. [B] des carences dans la gestion quotidienne des sites qu'il dirigeait. Ainsi, il s'est livré à du harcèlement sexuel envers la Directrice Administrative et Financière. Il n'a jamais réalisé d'investissements dans l'entretien, la réparation ou l'aménagement des locaux. Il a manqué à son obligation de prévention et de sécurité à l'égard du personnel sous sa direction. Il a fait preuve d'une totale désorganisation administrative et d'un manque de transparence à l'égard de la Directrice Administrative et Financière.

Réponse de la cour,

Selon les dispositions de l'article 4.08 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981, dans sa version en vigueur applicable à la relation de travail :

c) Suspension du contrat de travail

La maladie ou l'accident de la vie courante ou de trajet ne constituent pas en soi une cause de rupture du contrat de travail. L'employeur ne peut résilier le contrat à durée indéterminée que s'il justifie d'une faute grave ou lourde ou de l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, ou bien s'il se trouve dans l'un des cas visés aux paragraphes d) et e) ci-après.

En cas d'absence pour accident du travail, maladie professionnelle ou maternité, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée qu'en dehors des périodes pendant lesquelles l'emploi de l'intéressé est protégé et que dans les conditions strictement définies par la loi.

d) Nécessité de remplacement

Lorsque le bon fonctionnement de l'entreprise est perturbé par l'absence temporaire d'un salarié, l'employeur recherche les mesures internes ou les solutions externes adaptées pour assurer la continuité du service. S'il apparaît que la continuité du service ne peut être assurée malgré la mise en 'uvre de ces mesures, ou s'il n'existe aucune possibilité de remplacement temporaire, l'employeur peut être conduit à envisager le remplacement définitif du salarié absent. En tout état de cause, il ne pourra être procédé au licenciement de ce salarié que lorsque son indisponibilité persiste au-delà de 180 jours continus, et dans le respect de la procédure légale de licenciement. Si l'état de santé du salarié ne lui permet pas de se rendre en personne à l'entretien auquel il doit être préalablement convoqué, il aura la faculté de se faire représenter par un membre du personnel de l'entreprise. Le salarié ainsi privé de son emploi bénéficiera pendant 1 an d'une priorité de réembauchage, s'il en fait la demande.

Le salarié percevra l'indemnité de licenciement dans les conditions prévues par la présente convention collective. Il percevra également une indemnité compensatrice de préavis sous déduction des indemnités versées par la sécurité sociale et l'institution de prévoyance pendant la période correspondant au préavis non effectué. D'autre part, les prestations de prévoyance à paiement échelonné dont le salarié bénéficiait avant le licenciement continueront de lui être versées dans les conditions précisées par le règlement de prévoyance visé à l'article 1.26.

En application de ces dispositions conventionnelles, les conditions de licenciement d'un salarié qui fait l'objet d'un arrêt de travail de droit commun sont alignées sur celles légales du licenciement d'un salarié qui fait l'objet d'un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle aux termes des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail.

Il en résulte que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie, soit d'une faute grave ou lourde de l'intéressé, soit de l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, le licenciement motivé par la perturbation entraînée par la maladie prolongée n'étant pas un motif étranger à la maladie.

Toutefois, s'il apparaît que la continuité du service ne peut être assurée malgré la mise en 'uvre de ces mesures, ou s'il n'existe aucune possibilité de remplacement temporaire, l'employeur peut être conduit à envisager le remplacement définitif du salarié absent, et est autorisé à le licencier à la condition que l'absence du salarié persiste au-delà de 180 jours continus, ce délai devant nécessairement s'apprécier à la date d'engagement de la procédure disciplinaire.

Il ressort de la lettre de licenciement du 29 janvier 2018 que M. [B] a été licencié en raison :

D'une dégradation des résultats économiques et des performances commerciales au sein des pôles dont le salarié assurait la direction,

D'une dégradation des conditions de travail au sein des pôles,

De difficultés entraînées par l'absence du salarié qui ont contraint l'employeur à procéder au remplacement du salarié.

La cour d'appel relève que l'employeur n'a pas qualifié les motifs invoqués pour licencier le salarié, la lettre de licenciement précisant seulement que M. [B] est licencié « pour cause réelle et sérieuse ».

Cependant, il ressort des termes de la lettre, s'agissant de la dégradation des résultats économiques, des performances commerciales et des conditions de travail, imputées au salarié, que l'employeur reproche au salarié, une obstination à refuser de mettre en place des plans d'action qui lui ont été soumis par son directeur, et son manque d'investissement dans les fonctions qui lui incombent.

Ces comportements étant de nature fautive, il y a lieu de qualifier le licenciement, s'agissant de ces griefs, de licenciement pour faute.

Il ressort par ailleurs des termes de la lettre de licenciement que l'employeur a également licencié le salarié en raison de son absence prolongée ayant entraîné une perturbation dans le fonctionnement normal de l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Il n'est pas contestable que, le salarié ayant été placé en arrêt de travail à compter du 20 octobre 2017, un délai de 180 jours ne s'était pas écoulé au moment de l'engagement de la procédure de licenciement, soit lors de sa convocation le 5 janvier 2018 à un entretien préalable.

Il résulte de ces constatations que les conditions pour licencier le salarié au motif de son absence entraînant une désorganisation de l'entreprise et de la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif, telles que définies par les dispositions susvisées de l'article 4.08 de la convention collective applicable à la relation de travail susvisée, n'étaient pas remplies, et que l'employeur ne pouvait en conséquence invoquer ce motif pour justifier le licenciement de M. [B].

Dès lors que la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) n'invoque aucun comportement qualifié de faute grave dans la lettre de licenciement, il y a lieu, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les comportements fautifs invoqués par l'employeur dans ladite lettre, lesquels ne constituent pas, selon les dispositions susvisées de la convention collective, une cause réelle et sérieuse de licenciement compte tenu de l'absence du salarié pour maladie au moment de l'engagement de la procédure de licenciement, de juger que le licenciement de M. [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

Eu égard à son ancienneté dans l'entreprise au moment de son licenciement, soit quatre ans, M. [B] peut prétendre à une indemnisation de son préjudice résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, comprise entre 3 et 5 mois de salaire.

Le salarié justifie de sa situation professionnelle par la production de plusieurs courriers de Pôle Emploi, démontrant qu'il a été admis au bénéfice de l'Allocation de Retour à l'Emploi à l'issue de son licenciement, et qu'il est toujours sans emploi en octobre 2021.

Compte tenu de ces éléments, de son âge au moment du licenciement, de la rémunération qu'il percevait à cette date, et de son ancienneté, il apparaît que la condamnation de la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) à payer à M. [B], la somme de 45 000 euros constitue une réparation adéquate de son préjudice, et appropriée à la situation d'espèce telle qu'elle ressort des pièces produites aux débats par l'appelant.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre de la rupture déloyale du contrat de travail et le préjudice moral résultant des circonstances entourant le licenciement :

Moyens des parties :

M. [B] allègue avoir subi un préjudice moral résultant des circonstances entourant le licenciement. Il expose qu'à la suite de son arrêt de travail de trois mois en lien avec la dégradation de ses conditions de travail, il a été jugé apte à la reprise à son poste le 22 janvier 2018. Or, lors de la reprise de son poste, Mme [G], Directrice financière l'a informé de la présence en ses lieux et place d'un nouveau Directeur de Site en la personne de M. [S].

Mme [G] arrivée sur les lieux lui a demandé de quitter son bureau sur le champ. Il a immédiatement adressé un mail à M. [D], Directeur Général Adjoint, lui demandant s'il s'agissait d'une mesure définitive pour le remplacer et s'il devait bien quitter son poste. En retour, il lui a été répondu qu'il était attendu le surlendemain à son entretien préalable au licenciement du 24 janvier 2018. Ces faits dénotent des conditions vexatoires entourant le licenciement au sens de la jurisprudence.

La SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) fait valoir pour sa part, que le salarié tente purement et simplement de contourner les dispositions de l'article

L. 1235-3 du code du travail alors que le fondement de sa demande de dommages et intérêts réside bien dans la rupture. Elle soutient par ailleurs qu'il ne peut lui être reproché d'avoir pallié l'absence maladie de longue durée de son directeur en s'organisant pour assurer la continuité de son activité.

Réponse de la cour,

Selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.

Il est de principe que le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi à la condition de justifier d'une faute de l'employeur de nature brutale ou vexatoire dans les circonstances entourant le licenciement et de justifier de l'existence de ce préjudice et que le licenciement soit ou non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le salarié, qui demande la condamnation de son ancien employeur à lui payer des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, ne démontre pas que la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) aurait, de mauvaise foi, invoqué des motifs injustifiés, afin de le licencier, le salarié échouant par ailleurs à établir que le préjudice résultant de l'attitude alléguée de son employeur serait distinct du préjudice résultant de la perte de son emploi.

En l'espèce, s'agissant du préjudice moral résultant des circonstances entourant le licenciement, il n'est pas contesté par la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) qu'elle a procédé au remplacement du salarié à son poste au cours de son arrêt de travail, le salarié produisant par ailleurs un courrier d'engagement à l'entête de la SAS SOVACA daté du 17 janvier 2018 signé par M. [S] avec la mention « directeur ».

Il ressort d'un certificat médical d'aptitude de reprise du travail du 17 janvier 2018 que le médecin traitant de M. [B] l'a jugé apte à la reprise à compter du 22 janvier 2018, et que son arrêt de travail a en conséquence pris fin à compter de cette date.

Il ressort par ailleurs d'un échange de courriels du 22 janvier 2018 entre M. [B] et M. [D], directeur général adjoint de la société mère de la SAS SOVACA, la société PGA MOTORS, et président de la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA), produit par le salarié, que celui-ci s'est présenté sur son lieu de travail à cette date, et que la directrice financière de la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) s'est présentée dans son bureau lui indiquant qu'elle venait d'avoir au téléphone le nouveau directeur de la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA), M. [S], et que celui-ci lui demandait de quitter immédiatement son bureau. A cette occasion, le salarié a exprimé ses difficultés à diriger ses équipes, l'inconfort de cette situation, et lui a demandé s'il devait demeurer à son poste de travail jusqu'à l'entretien préalable fixé au 25 janvier 2018.

Le salarié produit également un courrier de M. [D] du 24 janvier 2018 dispensant M. [B] d'activité de façon provisoire jusqu'à la fin de la procédure en cours, en raison de « l'inconfort de cette situation d'attente ».

Il résulte de ces constatations que la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA), qui avait procédé au remplacement du salarié pendant son absence, n'a pris aucune mesure visant à fournir du travail à M . [B] correspondant à son emploi à l'issue de son arrêt de travail, et a placé ce dernier dans une situation humiliante en le confrontant à la présence du nouveau directeur de site lors de sa reprise du travail, celui-ci ayant notamment fait usage du bureau du salarié en son absence.

Il est ainsi établi que M. [B] s'est trouvé, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, dépourvu de toute légitimité face à ses équipes, le caractère problématique de la situation, entièrement imputable à l'employeur, étant par ailleurs reconnu par la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) elle-même dans son courrier susvisé du 24 janvier 2018 par lequel elle a dispensé le salarié d'activité jusqu'à la tenue de son entretien préalable, cette dispense caractérisant également, de ce fait, une attitude vexatoire de l'employeur à l'encontre de M. [B].

M. [B] fait la démonstration d'une faute de la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) dans les circonstances entourant son licenciement, à l'origine d'une situation professionnelle lors de sa reprise à l'issue de son arrêt de travail particulièrement vexatoire, dont il est résulté un préjudice moral, distinct de celui résultant de la perte de son emploi, et dont il apparaît, eu égard à l'ensemble de ces éléments, que la condamnation de la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts constitue une réparation adéquate.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de chance d'acquisition d'actions dirigée contre la SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) :

Moyens des parties :

M. [B] formule une demande de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'acquisition d'actions conformément à leur valeur à la date du licenciement, dirigée contre la SAS EMIL FREY MOTORS anciennement PGA MOTORS.

Il fait valoir que :

La société VALENTINOISE DE COMMERCE AUTOMOBILE - SOVACA, implantée à [Localité 8] (26 000), est une filiale de l'ancien groupe PGA MOTORS, aujourd'hui EMIL FREY MOTORS, spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de voitures et de véhicules automobiles légers,

Les contrats de Vente à Réméré d'Actions en date du 1er juin 2015 et 12 mai 2016 ont été conclus entre lui-même et la SAS EMIL FREY MOTORS (anciennement SAS PGA MOTORS) groupe dont fait partie la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA),

La Direction de EMIL FREY MOTORS (anciennement PGA MOTORS) a mis en place un dispositif d'incitation financière pour certains cadres et cadres dirigeants afin de les remercier pour les résultats atteints consistants en l'achat à un coût très faible d'actions dans le cadre de contrats de vente à réméré,

Chaque bénéficiaire se voyait attribuer moyennant le prix de à 0,01 euro par action une quantité d'actions représentant 2,4 mois de salaire sur la base d'une valorisation de l'action fixée chaque année par l'entreprise,

Par contrat de vente en date du 1er juin 2015, il a fait l'acquisition de 9 999 actions pour un prix total (modique) de 99,99 euros,

L'option de rachat pouvait être exercée au bout de 5 ans par le vendeur à tout moment jusqu'au 14 décembre 2019, date à laquelle l'acquisition des actions devenait donc définitive pour le salarié,

Par contrat de vente du 12 mai 2016, il a fait également l'acquisition de 9 121 actions pour un prix total (modique) de 91,21 euros,

L'option de rachat pouvait être exercée au bout de 5 ans par le vendeur à tout moment jusqu'au 10 décembre 2020 dans les mêmes conditions que le premier contrat,

La présence dans l'entreprise à l'issue des 5 ans est ainsi prévue au contrat comme condition de rachat des actions à leur valeur financière, au jour du rachat,

À défaut de présence de l'entreprise au bout des 5 ans, « et ce pour quelque raison que ce soit » le salarié perd le droit de faire valoriser ses actions à leur valeur et se les voit racheter à leur prix d'acquisition (soit 0,01 euro),

La jurisprudence a reconnu qu'en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, le salarié est bien fondé à solliciter des dommages et intérêts pour perte de chance de la levée d'option des actions attribuées.

M. [B] fait également valoir qu'en cas d'infirmation du jugement sur la cause du licenciement la Cour aura nécessairement à arbitrer ce préjudice. Le licenciement dont il a fait l'objet, en violation d'une garantie conventionnelle d'emploi et dont la motivation apparait en tout état de cause fantaisiste, sera nécessairement jugé sans cause réelle et sérieuse.

Lui et la société PGA MOTORS devenue EMIL FREY MOTORS sont les seuls signataires du contrat de vente à réméré à l'exclusion de la société employeur qui n'est pas partie au contrat de vente. La société mère EMIL FREY peut ainsi voir sa responsabilité engagée dans le cadre contractuel conformément à l'article 1231-1 du code civil et de l'article 1199 du même code.

En conséquence, il sollicite la réparation de son préjudice lié à la perte de chance d'obtenir le paiement du prix de rachat des actions à leur valeur d'attribution au bout des cinq années.

S'agissant de la valeur des actions au jour de son licenciement, M. [B] estime infondé une minoration du prix de l'action à 2,64 € au lieu de 3,08 € qui était le montant de l'action au jour du licenciement comme le prévoit le contrat de vente PGA MOTORS.

La SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) fait valoir que par une ordonnance du 5 avril 2022, Mme le Conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts formulée par M. [B] à l'encontre de la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA), en réparation de la perte de chance liée à l'acquisition d'actions de la société IMMOCA, au regard du contrat de vente à réméré d'actions signé le 1er juin 2015 entre M. [B] et la SAS EMIL FREY MOTORS France.

Elle expose en outre que cette ordonnance a été confirmée par la cour le 7 juillet 2022.

En conséquence, plus aucune demande n'est dirigée contre la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) à ce titre.

La SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) demande la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il l'a mise hors de cause.

La SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) fait ainsi valoir que :

A la suite du licenciement de M. [B], elle a exercé son option de rachat des 19 120 actions de préférence sans droit de vote de la société IMMOCA détenues par M. [B],

Du fait du rachat des actions de préférence, survenu avant l'expiration du délai de 5 ans, le prix de rachat des actions était aligné sur le prix de cession initial, de sorte que M. [B] a perçu une somme de 191,20 euros au titre de la cession de ses 19 120 actions de préférence,

M. [B] omet de préciser qu'il a perçu une somme de 124 740 euros au titre de la cession de ses 40 500 actions ordinaires,

La mise en 'uvre de ce dispositif et la valorisation des actions cédées ont été réalisées dans le strict respect des engagements des parties, et M. [B] ne saurait réclamer quelque somme que ce soit de ce chef.

Elle soutient que la société SOVACA étant le seul auteur du licenciement, aucune demande indemnitaire ne peut être dirigée contre elle.

En effet, elle n'a fait qu'appliquer le dispositif contractuel qui la liait à M. [B], sans aucunement déclencher le fait générateur, en l'occurrence le licenciement.

Subsidiairement, s'agissant de la perte de chance, la SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) fait valoir que rien ne permet d'affirmer de façon certaine que si M. [B] n'avait pas été licencié le 29 janvier 2018, il serait resté dans les effectifs de la société SOVACA jusqu'au 14 décembre 2019 (deux ans plus tard ' premier contrat de vente à réméré) ou jusqu'au 10 décembre 2020 (trois ans plus tard ' second contrat de vente à réméré). Ainsi, M. [B] ne démontre pas qu'il était certain de demeurer dans les effectifs de la société SOVACA pendant encore trois ans après le 29 janvier 2018, surtout au vu du désengagement total dont il a fait preuve dans les mois précédant son licenciement.

La SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) soutient ainsi que le préjudice revendiqué par M. [B] ne peut pas être identique pour l'ensemble de ses actions de préférence. En effet, plus le délai de l'option de rachat restant à courir est long, plus la « chance » que M. [B] ait encore été dans les effectifs à l'issue de ce délai s'amenuise. Or, la moitié environ des actions de préférence était soumise à une durée sensiblement plus longue, car il restait encore trois ans avant que la faculté de rachat ne prenne fin.

En outre, en réclamant des dommages et intérêts « maximisés » à hauteur de 58 698,40 euros, M. [B] sollicite davantage que ce qu'il aurait réellement perçu, puisque les plus-values sur cession d'actions sont taxées.

Dès lors, compte tenu de tous ces aléas, M. [B] ne peut en aucun cas évaluer le préjudice lié à une perte de chance, au montant maximal de la plus-value qu'il espérait réaliser plusieurs années après son licenciement.

En conséquence, et à titre très subsidiaire, il est demandé à la cour de minorer le quantum des dommages et intérêts sollicités à ce titre.

Réponse de la cour,

Selon l'article 1231 du code civil, à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable.

Selon les dispositions de l'article 1231-1 du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Il est de principe que la perte de chance implique seulement la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain et que lorsque la perte de chance est établie, elle constitue un préjudice indemnisable, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond.

Il ressort du contrat de vente à réméré d'actions du 1er juin 2015 conclu entre M. [B] et la SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) que le vendeur bénéficie, conformément à l'article 1659 du code civil, d'une faculté de rachat des actions, l'option de rachat pouvant être exercée par le vendeur à tout moment, sur l'intégralité des 9 999 actions, jusqu'au 14 décembre 2019, dans l'hypothèse où il serait mis fin aux fonctions de l'acquéreur au sein du groupe PGA MOTORS, et ce pour quelque raison (article 2.1).

En outre, il ressort également du contrat de vente à réméré d'actions du 12 mai 2016 entre M. [B] et la SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) que le vendeur bénéficie, conformément à l'article 1659 du code civil, d'une faculté de rachat des actions, l'option de rachat pouvant être exercée par le vendeur à tout moment, sur l'intégralité des 9 121 actions, jusqu'au 10 décembre 2020, dans l'hypothèse où il serait mis fin aux fonctions de l'acquéreur au sein du groupe PGA MOTORS, et ce pour quelque raison (article 2.1).

Le salarié ne développe aucun moyen dans ses écritures visant à établir que la SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) a manqué à ses obligations contractuelles issues des deux contrats de vente à réméré d'actions des 1er juin 2015 et 12 mai 2016 en exerçant son droit d'option prévu par ces contrats à l'issue du licenciement de M. [B] par la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA).

M. [B] ne caractérise ainsi aucune faute contractuelle de la SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) permettant d'engager sa responsabilité contractuelle.

La SAS EMIL FREY MOTORS n'étant pas à l'origine de l'événement (le licenciement) ayant conduit à la levée de l'option de rachat, il ne peut valablement lui être imputé aucun fait dommageable ayant causé la perte de chance d'acquisition des actions, à laquelle M. [B] aurait pu prétendre en vertu des deux contrats susvisés au terme de l'écoulement d'une durée de cinq ans en tant que salarié de la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA).

Les conditions d'engagement de la responsabilité de la SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) n'étant pas réunies, il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance formulée par le salarié, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement de première instance est infirmé sur les dépens.

La SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA), partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, cette condamnation emportant rejet de la demande faite à ce titre par la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA).

Il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, d'ordonner la capitalisation des intérêts, à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes, cette demande étant formulée dans la requête introductive d'instance du salarié.

Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par la salariée du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.

Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande dirigée à l'encontre de la SAS EMIL FREY MOTORS France (anciennement SAS PGA MOTORS) de dommages et intérêts au titre de la perte de chance, et rejeté la demande d'indemnité de la SAS SOVACA au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [B] du 29 janvier 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) à payer à M. [B] les sommes suivantes :

45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant des circonstances entourant le licenciement,

3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

REJETTE le surplus des demandes des parties,

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

ORDONNE à la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) le remboursement des allocations chômages perçues par M. [B] du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois,

DIT qu'une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction,

CONDAMNE la SAS ABCIS DROME ARDECHE BY AUTOSPHERE (anciennement SAS SOVACA) aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 20/00672
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;20.00672 ?
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