N° RG 19/04874 - N° Portalis DBVM-V-B7D-KION
N° Minute :
C4
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la S.C.P. CONSOM'ACTES
Me Claire PEROTTINO
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 07 FEVRIER 2023
Appel d'un Jugement (N° R.G. 11-18-1924) rendu par le Tribunal d'Instance de GRENOBLE en date du 17 octobre 2019, suivant déclaration d'appel du 05 Décembre 2019
APPELANT :
M. [L] [V]
né le 30 Septembre 1962 à [Localité 14] (ALGERIE)
[Adresse 11]
[Adresse 11]
Représenté par Me Régine PAYET de la S.C.P. CONSOM'ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/012259 du 03/12/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
INTIMÉS :
M. [T] [Y], décédé
né le 22 Mai 1958 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 9]
Représenté par Me Claire PEROTTINO, avocat au barreau de GRENOBLE
Mme [K] [Y], décédée
née le 27 Juin 1933 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Claire PEROTTINO, avocat au barreau de GRENOBLE
INTERVENANT VOLONTAIRE :
M. [B] [Y]
en sa qualité d'héritier de [T] [Y] et [K] [Y]
né le 09 Avril 1982 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Représenté par Me Claire PEROTTINO, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente,
M. Frédéric Dumas, vice-président placé, en vertu d'une ordonnance en date du 29 juin 2022 rendue par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 novembre 2022, Frédéric Dumas, vice-président placé, qui a fait son rapport, assisté de Caroline Bertolo, greffière, en présence de Catherine Silvan, greffière stagiaire, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par contrat du 6 août 2010 M. [O] [Y] a consenti à MM. [I] [V] et [L] [V] un bail d'habitation sur un logement situé au [Adresse 7] (38), moyennant un loyer mensuel de 460 euros outre une provision sur charge de 30 euros, soit un total de 490 euros par mois.
M. [O] [Y] étant décédé le 21 mai 2016, Mme [K] [J] épouse [Y] a reçu l'usufruit du bien immobilier loué et M. [T] [Y] la nue-propriété.
Par exploit du 27 août 2018 Mme [K] [Y] et M. [T] [Y] ont fait assigner MM. [I] et [L] [V] devant le tribunal d'instance de Grenoble aux fins notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail, expulser les défendeurs et les entendre condamner à leur payer un arriéré locatif outre une indemnité d'occupation.
A l'audience du 10 septembre 2019 M. et Mme [Y] se sont désistés de leur prétention aux fins d'expulsion en raison de la libération volontaire des lieux le 17 février 2019.
Suivant jugement du 17 octobre 2019, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :
- constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties à la date du 8 août 2018,
- constaté la restitution du logement loué au bailleur a la date du 17 février 2019,
- constaté le désistement de M. et Mme [Y] de leur demande aux fins d'expulsion,
- fixé une indemnité d'occupation mensuelle due à compter du 8 août 2018 égale au montant du loyer et des charges qui auraient été exigibles si le bail n'avait pas été résilié, et qui sera indexée selon les mêmes modalités que celles prévues pour le loyer au contrat de bail,
- condamné MM. [V] a payer à M. et Mme [Y] l'indemnité d'occupation comme fixée ci-avant et ce jusqu'à libération effective des lieux le 17 février 2019,
- condamné MM. [V] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 15 404,89 euros correspondant au montant des loyers, charges et indemnité d'occupation impayés au 17 février 2019 outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- débouté M. et Mme [Y] de leur demande de condamnation avec solidarité,
- débouté M. [L] [V] de ses demandes reconventionnelles,
- condamné MM. [V] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum MM. [V] à supporter les dépens de l'instance.
Le 5 décembre 2019 M. [L] [V] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- condamné MM. [V] à payer à M. et Mme [Y], la somme de 15 404,89 euros correspondant au montant des loyers, charges et indemnité d'occupation impayés au 17 février 2019 outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- débouté M. [L] [V] de ses demandes reconventionnelles,
- condamné MM. [V] à payer a M. et Mme [Y] la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum MM. [V] à supporter les dépens.
Suivant ordonnance de référé du 3 juin 2020 la première présidente de la cour d'appel de Grenoble a débouté M. [L] [V] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire et l'a condamné à verser à M. et Mme [Y] une indemnité de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :
- le décharger des condamnations prononcées contre lui en principal, intérêts, frais et accessoires,
- à titre infiniment subsidiaire juger qu'aucun arriéré de loyer n'est dû antérieurement à août 2015 compte tenu de la prescription triennale,
- condamner M. [Y] à lui payer la somme 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, M. [L] [V] s'engageant à exercer l'option prévue à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à renoncer à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle,
- condamner M. [Y] aux dépens,
- en tout état de cause débouter M. [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions M. [L] [V] fait valoir que :
- le logement loué inoccupé depuis longtemps n'était pas en état, mais il était convenu entre les parties que M. [V] effectuerait les travaux en contrepartie d'une remise du résiduel du loyer dû (190 euros) après déduction de l'allocation logement (270 euros), le bail du 6 août 2010 ne mentionnant pas les travaux à réaliser ni état des lieux d'entrée,
- en 2013 un nouvel accord était passé entre M. [Y] et M. [V] pour la réalisation de travaux de remise en état de trois autres appartements lui appartenant, dans les mêmes conditions de rémunération (dispense de paiement du résiduel de loyer dû en complément de l'allocation logement versée par la caisse d'allocation familiale),
- il a signalé le 15 mars 2018 aux bailleurs l'état d'insalubrité du logement, notamment en ce qui concerne les problèmes d'humidité et moisissures, le défaut d'isolation thermique et les dysfonctionnements de l'électricité,
- le service communal d'hygiène et de santé, qui a visité les lieux le 6 septembre 2018, a constaté que le logement ne présentait pas les caractéristiques d'un logement décent en raison notamment de l'absence de moyen de chauffage, à l'origine d'une humidité importante dans les pièces de la maison,
- le propriétaire s'étant engagé à faire les travaux une seconde visite, le 14 novembre 2018, a permis au service communal de relever une réalisation partielle de la mise en conformité de sorte qu'un nouveau délai de deux mois a été accordé au bailleur,
- sur l'arriéré locatif il justifie d'un commencement de preuve de l'accord de compensation entre les loyers dus et les travaux exécutés, constitué de l'absence de contestation du bailleur pendant cinq ans, de la reconnaissance du loueur qui n'a jamais informé pendant cinq ans la caisse d'allocation familiale d'un quelconque impayé, et des travaux accomplis dont il rapporte la preuve,
- contrairement aux affirmations adverses, selon lesquelles M. [T] [Y] aurait pris connaissance de l'impayé au décès de son père, il s'occupait déjà de la gestion de l'appartement avant sa disparition,
- en tout état de cause toutes les sommes réclamées correspondant à un arriéré antérieur de plus de trois ans à la date de l'assignation sont couvertes par la prescription en application de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et ce peu important la date de signature du contrat de location puisque la réduction du délai de prescription à trois ans par la loi du 24 mars 2014 est applicable aux baux en cours,
- dès lors que les consorts [Y] ont décidé de remettre en cause leur accord et de solliciter le règlement d'un arriéré locatif il est fondé à faire valoir l'exception d'inexécution de ses obligations par le bailleur,
- il ne s'agit donc pas d'une demande d'exonération totale de paiement du loyer mais uniquement du loyer résiduel après déduction de la part versée par la caisse d'allocation familiale.
En réplique, selon ses dernières écritures, M. [B] [Y] venant aux droits en tant qu'héritier de Mme [K] [J] veuve [Y] et M. [T] [Y], décédés respectivement les 24 août et 7 décembre 2021, conclut à ce que la cour juge recevable son intervention volontaire, confirme en toutes ses dispositions le jugement dont appel sauf à maintenir l'ensemble des condamnations prononcées à son profit, condamne M. [L] [V] à lui payer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de maître Perottino, avocate, et juge mal fondé l'appelant en sa demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
L'intimé expose que :
- l'appelant ne démontre toujours pas le bien fondé de ses allégations concernant le paiement en nature des loyers par l'exécution de travaux dans des logements appartenant au bailleur,
- les seules remises de loyers consenties au titre de quelques travaux effectués concernent les seuls mois d'août, septembre et octobre 2013, le loyer devant être réglé pour le surplus,
- M. [L] [V] ne justifie de plus aucunement des travaux accomplis, les attestations versées au formalisme contestable et concernant de surcroît un logement dont M. [Y] n'a jamais été propriétaire n'étant pas de nature à démontrer ses affirmations,
- depuis le décès de M. [O] [Y], qui signait les attestations de la caisse d'allocation familiale, son fils, M. [T] [Y] a repris la gestion du logement des consorts [V] et a exigé le règlement de l'impayé après en avoir pris connaissance sans qu'il n'ait jamais été question d'une compensation,
- la fin de non-recevoir invoquée, tirée de la prescription pour la dette antérieure de plus de trois ans à l'assignation, ne saurait prospérer s'agissant d'un bail conclu en 2010 avant la réduction de la prescription de cinq à trois ans en 2014, alors de surcroît que M. [T] [Y] ne pouvait agit avant d'avoir mis en ordre les papiers de son père et pris connaissance de la situation,
- le locataire ne peut, sans autorisation judiciaire, s'exonérer du paiement du loyer en arguant de l'inexécution des travaux incombant au bailleur dès lors que le logement n'est pas inhabitable,
- en l'occurrence le service communal d'hygiène et de santé a été saisi le 16 juillet 2018, soit postérieurement à la délivrance du commandement de payer le 7 juin 2018 et huit ans après l'entrée dans les lieux, après une première réclamation du locataire par un courrier du 13 mars 2018 alors que le bailleur lui a répondu par courrier du 23 mars 2018,
- s'agissant de l'humidité l'appartement a subi en 2017 un dégât des eaux que le bailleur a pris en charge alors que le problème des ouvrants et du défaut d'isolation thermique relève de la compétence de la copropriété et qu'il est nécessaire d'attendre la renovation de l'immeuble,
- les prétendus dysfonctionnements de l'électricité sont inhérents à un défaut d'entretien courant à la charge du locataire et il en est de même de la vétusté alléguée des robinetteries, portes intérieures et ouvrants,
- l'absence de chauffage qu'aurait relevé le service communal est enfin contredite par le preneur qui se plaignait de factures de chauffage trop élevées,
- l'appelant ne justifie ainsi aucunement de l'absence de décence du logement.
L'instruction a été clôturée suivant ordonnance du 2 novembre 2022.
MOTIFS
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
A titre liminaire il convient de rappeler que les dispositions du jugement déféré concernant M. [I] [V], qui n'a pas interjeté appel, sont désormais définitives.
L'intervention volontaire, dont la régularité n'est au surplus nullement contestée, de M. [B] [Y] venant aux droits de Mme [K] [J] veuve [Y] et de M. [T] [Y], décédés les 24 août et 7 décembre 2021, sera déclarée recevable.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des créances de loyers
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En application de l'article 7-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, dans sa rédaction issue de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, la prescription des actions dérivant d'un contrat de bail est réduite de cinq à trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.
L'article 14 de la loi du 24 mars 2014 précise que les contrats de location en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi demeurent soumis aux dispositions qui leur étaient applicables, sauf ceux notamment régis par la loi du 6 juillet 1989 auxquels s'appliquent les articles 7, 17-1, 20-1, 21 et 23 de ce texte dans leur rédaction résultant de la loi du 24 mars 2014.
En conséquence l'action du bailleur en paiement des loyers dus en vertu d'un contrat de location conclu antérieurement à l'entrée vigueur de la loi du 24 mars 2014 demeure soumise à la prescription quinquennale de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, lequel n'est pas visé par l'application immédiate des nouvelles dispositions aux contrats en cours d'exécution.
Il s'ensuit que le bail litigieux ayant été consenti à M. [L] [V] le 6 août 2010 les consorts [Y] pouvaient réclamer dans leur assignation délivrée le 28 août 2018 le règlement des loyers échus à compter du 28 août 2013.
Le relevé de compte produit par l'intimé établissant un arriéré locatif depuis le mois d'avril 2013 la demande de M. [Y] sera déclarée irrecevable comme étant prescrite pour les sommes demandées à hauteur de 877,48 euros correspondant au solde des mois d'avril à juillet 2013.
Sur les demandes principales
Sur la créance de loyers de M. [Y]
En vertu des articles 1728 du code civil et 7 a) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs le locataire a l'obligation de payer le prix du bail et les charges récupérables aux termes convenus.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et, selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Par ailleurs en application de l'ancien article 1341 du code civil en vigueur jusqu'au 30 septembre 2016, applicable au présent litige, il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant le montant de 1 500 euros et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. Ces règles reçoivent néanmoins exception, en vertu de l'ancien article 1347 du même code également applicable jusqu'au 30 septembre 2016,lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, soit tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.
Il appartient en outre à celui qui se prévaut d'un commencement de preuve par écrit de le parfaire par d'autres éléments tels que témoignages ou indices dont le juge appréciera la valeur.
En l'espèce il est versé au dossier un contrat de location daté du 6 août 2010 par lequel M. [O] [Y] a donné à bail aux consorts [V] un logement sis [Adresse 7], moyennant un loyer mensuel de 460 euros et une provision sur charge de 30 euros.
Ce bail ne mentionnant aucune compensation du loyer par des travaux à la charge du locataire, M. [L] [V], il incombe à celui-ci, qui invoque une telle compensation, d'en rapporter la preuve écrite ou par un commencement de preuve par écrit qu'il devra compléter.
L'appelant produit ainsi une attestation de loyer (pièce 8) pour le logement de [Adresse 7], signée par M. [O] [Y], indiquant que M. [L] [V] n'est pas à jour du paiement de ses loyers depuis le 10 décembre 2013. Le 2 mars 2016 M. [O] [Y] a complété un formulaire de la caisse d'allocation familiale aux termes duquel il a certifié que M. [L] [V] était à jour de ses loyers (pièce 9). L'appelant produit également deux attestations de loyers des 17 novembre 2016 et 17 novembre 2017 dont les signatures sont indéchiffrables, mais dont l'authenticité n'est pas remise en cause, qui ne précisent pas si le locataire est à jour de ses loyers (pièces 10 et 11).
De plus M. [L] [V] produit trois documents (pièces 19 à 21) intitulés chacun 'témoignage', portant tous la mention dactylographiée 'certifie sur l'honneur avoir assisté et vu M. [V] [L] réalisé des travaux de peinture et de rénovation dans l'appartement situé au et ceci sur une période d'environ 15 jours', signés de leur auteur. Le premier, daté du 16 juillet 2018 et rédigé par M. [Z] [N], dont la copie de la carte d'identité est jointe, atteste que M. [L] [V] a effectué ces travaux au [Adresse 2] et à l'angle du [Adresse 5], au 1er étage. Les deux autres, non datés et non accompagnés de copies de pièces d'identité de deux autres signataires attestent de la réalisation desdits travaux aux [Adresse 6], [Adresse 4] et au [Adresse 1].
Toutefois, si des attestations de paiements des loyers pouvaient être considérées comme des commencements de preuves par écrit, force est de constater que ces attestations ne sont plus produites au-delà du 2 mars 2016, réduisant ainsi la portée de l'argumentation développée au sujet de la prétendue compensation en nature attendue de M. [L] [V]. En tout état de cause les trois 'témoignages' ne sauraient ajouter foi à un quelconque commencement de preuve s'agissant de pièces rédigées au mépris des formes prescrites par l'article 202 du code de procédure civile, dont l'une seulement est accompagnée d'une copie de pièce d'identité pouvant authentifier son auteur et datée et alors que les termes employés, pour imprécis qu'ils soient, ne mentionnent que des travaux ponctuels d'une quinzaine de jours à chaque fois.
Pas davantage le fait que le bailleur n'ait pas réclamé le règlement de l'arriéré locatif pendant cinq ans ne saurait être considéré comme un commencement de preuve par écrit concernant l'existence d'une contrepartie en nature alors qu'en tout état de cause l'appelant n'est pas en mesure d'apporter des compléments de preuve.
Pour autant M. [L] [V] justifie être à jour du paiement des loyers jusqu'au 2 mars 2016 ainsi qu'en a attesté M. [O] [Y] auprès de la caisse d'allocation familiale alors que le relevé de compte produit par l'intimé, qui mentionne un solde débiteur de 15 404,89 euros à la date du 17 février 2019 (pièce 12), indique un arriéré de 6 755,18 euros au mois de février 2016 sans autre explication.
Il conviendra donc de déduire ce solde, censé avoir été payé selon le bailleur, du montant dû à la date de libération des lieux de sorte que la créance de M. [B] [Y] sera arrêtée à la somme de 8 649,71 euros.
Sur l'exception d'inexécution du locataire
Aux termes de l'article 1219 du code civil une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
En contrepartie de l'obligation du locataire de payer le prix du bail et les charges récupérables aux termes convenus le bailleur est tenu, selon l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, de lui remettre un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Le bailleur est obligé de délivrer au locataire un logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés en bon état de fonctionnement, d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle, d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.
Il est ainsi constant que le preneur peut se prévaloir de l'exception d'inexécution pour s'exonérer du paiement du loyer lorsque le bailleur manque à son obligation de délivrance, en mettant à sa disposition un logement qui ne répond pas aux normes de décence dès lors que l'inexécution par le bailleur de son obligation est de nature, par la gravité de ses manquements, à le priver de la possibilité d'utiliser les lieux loués conformément à la destination du bail.
Ainsi que l'a justement souligné l'intimé M. [L] [V] n'a jamais signalé au bailleur, avant le 13 mars 2018, les problèmes allégués du logement, en particulier sa non-conformité aux normes de décence, et l'occupait déjà depuis huit ans.
Les rapports des 17 septembre et 20 novembre 2018 du service communal d'hygiène et de santé relèvent principalement un important problème d'humidité qui serait dû à une fuite à proximité de la salle de bains en provenance de l'étage supérieur.
Les occupants ayant quitté les lieux le 17 février 2019 M. [L] [V] ne démontre pas, au regard de la date de signalement et de la nature des difficultés rencontrées à M. [O] [Y] ainsi que de la notification des rapports du service communal, que le bailleur aurait gravement manqué à ses obligations, privant ainsi le preneur de la jouissance des lieux.
M. [L] [V] ne justifie donc pas être fondé à se prévaloir de l'exception d'inexécution des obligations du bailleur pour ne pas régler son loyer.
Il conviendra en conséquence de réformer le jugement dont appel en condamnant MM. [V] à payer à M. [B] [Y], la somme de 8 649,71 euros correspondant au montant des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 17 février 2019 outre intérêts au taux légal à compter de la signification dudit jugement.
Sur les demandes annexes
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés pour faire valoir leurs droits devant la cour et de laisser à chacune d'elle la charge de leurs dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement du 17 octobre 2019 du tribunal d' instance de Grenoble en toutes les dispositions dont est saisie la cour sauf en ce qui concerne la condamnation de M. [L] [V] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 15 404,89 euros au titre de l'arriéré locatif,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'intervention volontaire de M. [B] [Y] venant aux droits de Mme [K] [J] veuve [Y] et de M. [T] [Y],
Déclare irrecevable comme étant prescrite la demande de M. [B] [Y] en paiement des sommes correspondant au solde des mois d'avril à juillet 2013.
Condamne M. [L] [V] à payer à M. [B] [Y] la somme de 8 649,71 euros (huit mille six cent quarante neuf euros soixante et onze cents) au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 17 février 2019 outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière, Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE