C 2
N° RG 21/01376
N° Portalis DBVM-V-B7F-KZMY
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
la SCP MBC AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 23 FEVRIER 2023
Appel d'une décision (N° RG F 20/00004)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 05 mars 2021
suivant déclaration d'appel du 22 mars 2021
APPELANTE :
S.A.S. FRAMATOME GRENOBLE anciennement dénommée ROLLS-ROYCE CIVIL NUCLEAR, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Déborah ATTALI du PARTNERSHIPS EVERSHEDS Sutherland (France) LLP, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Margaux CHAVANE, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur [A] [E]
né le 27 Mars 1965
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Isabelle KESTENES-PSILA de la SCP MBC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Christelle CERUTTI de la SCP MAZZIERI BELLON CABANNE, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 janvier 2023,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 23 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 23 février 2023.
EXPOSE DU LITIGE
M. [A] [E], né le 27 mars 1975, a été embauché le 28 juin 2010 par la société par actions simplifiée (SAS) Rolls-Royce Civil Nuclear suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de «'technicien électronicien de contrôle et mise au point'», catégorie administratifs et techniciens, niveau V, échelon 1, coefficient 305 de la convention collective des mensuels des industries des métaux de l'Isère et des Hautes-Alpes .
A compter du 1er juillet 2013, M. [A] [E] a occupé le poste de technicien de vérification de moyens d'essai.
En dernier lieu, M. [A] [E] percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de'3.650,81 euros sur les trois derniers mois de travail, prime d'ancienneté comprise.
Le 12 juin 2018, M. [A] [E] a été reçu à un entretien professionnel organisé par ses supérieurs hiérarchiques.
M. [A] [E] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 12 au 24 juin 2018.
Le 11 janvier 2019 et le 17 janvier 2019, M. [A] [E] a été reçu en entretiens organisés respectivement par son supérieur hiérarchique et la responsable des ressources humaines.
Le 6 février 2019, il s'est vu remettre un courrier d'observations concernant les règles de l'entreprise et de sécurité des équipements.
Par courrier remis le 25 septembre 2019, M.'[A] [E] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le'7'octobre 2019, avec mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée en date du 10 octobre 2019, la société Rolls Royce Civil Nuclear a notifié à M. [A] [E] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par requête en date du 3 janvier 2020, M. [A] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble afin de faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de faire constater le caractère particulièrement vexatoire de la procédure de licenciement et de faire établir les manquements de son employeur dans l'exécution du contrat de travail.
La société Rolls-Royce Civil Nuclear s'est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 5 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':
Dit et jugé que le licenciement de M. [A] [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Constaté que la procédure de licenciement de M. [A] [E] ne s'est pas déroulée dans des conditions vexatoires,
Constaté que la SAS Rolls-Royce Civil Nuclear n'a pas manqué à ses obligations en matière d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail,
Condamné la SAS Rolls-Royce Civil Nuclear à payer à M. [A] [E] les sommes de':
- 25 556 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Débouté M. [A] [E] de ses autres demandes.
Débouté la SAS Rolls-Royce Civil Nuclear de sa demande reconventionnelle.
Mis les dépens à la charge de la SAS Rolls-Royce Civil Nuclear.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 10 mars 2021 par M. [A] [E] et par la société Rolls Royce Civil Nuclear.
Par déclaration en date du 22 mars 2021, la SAS Rolls-Royce Civil Nuclear a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société'Framatome Grenoble venant aux droits de la société Rolls-Royce Civil Nuclear, sollicite de la cour de':
Infirmer le jugement du 5 mars 2021 en ce qu'il a :
Dit et jugé que le licenciement de M. [A] [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse';
Condamné la société au paiement des sommes suivantes :
- 25.556 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif ;
- 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté la société de sa demande reconventionnelle ;
Condamné la Société aux dépens.
Confirmer le jugement du 5 mars 2021 en ce qu'il a :
Constaté que la procédure de licenciement de M. [A] [E] ne s'est pas déroulée dans des conditions vexatoires ;
Constaté que la société n'a pas manqué à ses obligations en matière d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail ;
Débouté M. [A] [E] de ses autres demandes.
Et statuant à nouveau, de :
- A titre principal :
Dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [A] [E] est bien fondé;
Constater qu'il n'y a aucun manquement caractérisé par la société à son obligation d'hygiène et de sécurité, ni de dégradation des conditions de travail caractérisée ;
Dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. [A] [E] n'était pas vexatoire';
Et en conséquence, de :
Débouter M. [A] [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- A titre subsidiaire :
Réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires de M. [A] [E];
- En tout état de cause :
Débouter M. [A] [E] du surplus de ses demandes ;
Condamner M. [A] [E] à payer à titre reconventionnel à la Société la somme de'2.000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [A] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, M.'[A] [E] sollicite de la cour de':
Constater que le licenciement de M. [A] [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 5 mars 2021 en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de M. [A] [E] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 5 mars 2021 en ce qu'il a condamné la SAS Framatome Grenoble (anciennement Rollsroyce Civil Nuclear) à payer M.'[A] [E] la somme de 25 556 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Constater que la procédure de licenciement de M. [A] [E] s'est déroulée dans des conditions vexatoires.
En conséquence,
Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 5 mars 2021 sur ce point,
Condamner la société Framatome Grenoble (anciennement Rolls Royce Civil Nuclear) à payer à M. [A] [E] la somme de dix mille (10 000) euros de dommages et intérêts au titre du caractère particulièrement brutal et vexatoire de la procédure de licenciement
Constater que la société Framatome Grenoble (anciennement Rolls Royce Civil Nuclear) n'a pas respecté les règles d'hygiène et sécurité ce qui a entraîné la dégradation des conditions de travail de M. [A] [E].
En conséquence,
Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 5 mars 2021 sur ce point,
Condamner la société Framatome Grenoble (anciennement Rolls Royce Civil Nuclear) à payer à M. [A] [E] la somme de dix-huit mille (18 000) euros de dommages et intérêts pour non-respect des règles d'hygiène et sécurité et dégradation des conditions de travail.
Condamner la société Framatome Grenoble (anciennement Rolls Royce Civil Nuclear) à payer à M. [A] [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ailleurs, par conclusions aux fins de rejet des dernières conclusions adverses en date du'1er'décembre 2022, la société Framatome Grenoble sollicite l'irrecevabilité des conclusions d'intimé récapitulatives n°2 de Monsieur [E] transmises le 29 novembre 2022.
Par conclusions d'incident en réponse en date du 6 décembre 2022, M. [A] [E] sollicite de déclarer parfaitement recevables ses conclusions d'intimé récapitulatives n°2 signifiées le 29 novembre 2022 et de rejeter toutes prétentions adverses visant à les voir rejetées.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 1er décembre 2022. L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 4 janvier 2023, a été mise en délibérée au 23 février 2022.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1 - Sur les conclusions notifiées le 29 novembre 2022
L'article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
Aux termes de l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
En l'espèce, les parties ont déposé des conclusions le 20 octobre 2022 pour la société et le 15'novembre 2022 pour le salarié afin de régulariser la dénomination de la société, Rolls Royce Civil Nuclear étant devenue Framatome Grenoble.
La clôture initialement fixée au 17 novembre 2022 a alors été reportée au 24 novembre 2022.
Le 23 novembre 2022, la société Framatome Grenoble a déposé de nouvelles conclusions en produisant une nouvelle pièce n°23, intitulée selon le bordereau de pièces «'Email expliquant l'erreur de Monsieur [E] le 29 août 2019 ayant entrainé 2 jours de blocage de production, capture d'écran du logiciel de traçage des interventions et rapport signé de Monsieur [E] qui trace l'intervention'», et contenant de nouveaux développements en rapport avec cette pièce.
Afin de permettre au salarié d'y répondre, la clôture a, de nouveau, été reportée au 1er décembre, M. [A] [E] ayant ainsi pu déposer des conclusions récapitulatives n°2 le'29'novembre'2022.
La demande de report de clôture, faite par la société Framatome Grenoble le 29 novembre 2022, a été rejetée le 30 novembre, au motif que le dernier report de clôture avait pour unique objet de permettre à M. [E] de répondre aux dernières conclusions déposées par la société, les parties ayant pu échanger divers jeux de conclusions au cours du mois précédent, la clôture ayant été reportée à plusieurs reprises.
D'une première part, la cour constate que le fait que les conclusions aux fins de rejet des dernières conclusions adverses du 1er décembre 2022, déposées par la société Framatome Grenoble, soient adressées à «'Madame, Monsieur le Président de la Cour d'appel'» constitue une erreur matérielle, dès lors que les conclusions indiquent «'Plaise à la Cour'» et que le dispositif précise «'Il est demandé à la Cour de'».
D'une deuxième part, la cour constate que la société produit tardivement la nouvelle pièce n°23, alors qu'elle aurait pu être produite en temps utile avant le 23 novembre 2022.
Dès lors, le conseiller de la mise, en état en permettant au salarié de répondre aux conclusions du 23 novembre et, en particulier, aux développements concernant la nouvelle pièce n°23, ce qu'il a fait par conclusions en date du 29 novembre, a uniquement entendu faire observer le principe de la contradiction.
Par conséquent, la demande d'irrecevabilité des conclusions faite par la société Framatome Grenoble doit être rejetée.
2 - Sur l'obligation de sécurité
Aux termes de l'article L.'4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés'; l'employeur doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Il appartient à l'employeur dont le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de l'accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité.
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir, d'une part, la réalité du manquement et, d'autre part, l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
En l'espèce, M. [A] [E] reproche à son employeur la dégradation de ses conditions de travail depuis 2014 et l'absence de réponse de l'employeur suite à une alerte du salarié en juin'2018 sur ses difficultés rencontrées au travail.
D'une première part, il ressort d'un rapport de consolidation de juillet et août 2014, en lien avec une démarche relative aux risques psychosociaux, que des incohérences et des observations ont été soulevées sur la stratégie initiée, sur le circuit de décisions, et sur l'appréciation des performances des salariés.
L'employeur ne produit aucun élément quant à la prise en compte des risques psychosociaux au sein de l'entreprise, ni ne démontre qu'il aurait intégré les critiques précitées dans sa politique de prévention des risques.
D'une deuxième part, la revue de développement de la performance pour l'année 2013, effectuée le 29 avril 2014, précise concernant l'objectif n°5, intitulé «'Optimiser le fonctionnement de la vérification des moyens d'essais'» que «'Résultats finaux': Sujet non traité en raison de la surcharge d'activité à laquelle [A] a du faire face, sur les périmètres de support à la production et satisfaction du contrat MML, et ceci malgré le renfort ponctuel des équipes EIS (insuffisant et manque d'efficacité dans le mode de fonctionnement car trop de volatilité'».
Pour autant, l'employeur, qui avait donc connaissance de la surcharge de travail du salarié depuis 2014, ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il a adopté les mesures nécessaires pour y remédier.
D'une troisième part, il ressort d'un mail de la responsable des ressources humaines en date du'4 juillet 2018 qu'au cours de l'entretien du 12 juin 2018, M. [A] [E] a «'exprimé à plusieurs reprises un déséquilibre flagrant dans la répartition de la charge de travail. Tu as signalé que ton planning d'interventions était beaucoup plus chargé que celui du second technicien de l'équipe, tes interventions étaient beaucoup plus compliquées et nécessitaient une analyse et un traitement techniques plus chronophages et poussés que les autres interventions. Ceci expliquait qu'il traite 45'% de tickets en plus, et réalisé 183 heures de plus en interventions sur les moyens d'essai sur la période janvier-mai 2018'».
L'employeur n'apporte aucun élément probant et ne développe aucun moyen pertinent permettant d'établir qu'il aurait pris en compte cette alerte de surcharge de travail du salarié, ni qu'il aurait refait «'la répartition des tickets et des plannings en intégrant un niveau de complexité équivalent sur les moyens que vous traitez tous les 2, pour que nous soyons à même d'effectuer une évaluation juste sur des bases équivalentes avec une charge de travail équitablement répartie entre vous.'» comme précisé dans le mail du 4 juillet 2018.
Or, la surcharge de travail subie par M. [A] [E] est corroborée par les attestations de M. [J] [G], ingénieur consultant, de M. [C] [K], technicien de maintenance, de M. [V] [F], ingénieur en électronique, et de M. [O] [H], électronicien, produites par le salarié.
Ainsi, M. [O] [H] indique que le salarié avait «'de nombreux dossiers et tickets à traiter et cela dans des temps très restreints, du fait du caractère urgent des demandes'» et que «'M.'[E] devait constamment se rendre disponible auprès des autres services en plus de son travail. Lorsqu'un ME était emprunté (hors stocker), il devait en être informé pour renseigner la base de donnée. Lorsqu'un dépannage urgent était nécessaire, il suspendait son travail pour débloquer la situation et ainsi ne pas retarder les autres équipes.'».
M. [V] [F] précise que «'il n'y avait pas seulement des interruptions pour répondre aux questions des personnes qui venaient le voir, mais aussi des interruptions dues à des urgences sur la plateforme de formation ou sur les ateliers de réparation ou de contrôle des cartes électroniques ou sur des moyens essais. [...] [A] [E] avait un planning millimétré et ces aléas faisaient partie de son travail mais devaient être pris en considération pour qu'il remplisse ses heures dans l'outil de gestion. Il devait par conséquent chronométrer toutes ses tâches pour bien prendre en compte ces urgences, en faire part à son supérieur hiérarchique pour qu'il l'autorise à pointer ces tâches dans l'outil de gestion des heures et cela quasi quotidiennement.'».
M. [C] [K] met également en avant que «'Malgré une charge de travail facilement planifiable, M. [E] devait souvent changer son planning pour traiter des urgences ou changement de priorité. La mauvaise anticipation des besoins utilisateurs et un problème de communication du pilote fonctionnel ont créés des tensions entre eux.'».
Finalement, M. [J] [G] ajoute que, dans le cadre de la gestion des priorités, «'Monsieur [D] ne voulait laisser que très peu d'autonomie à M. [E] pour la gestion de ces activités. Ce dernier devait suivre rigoureusement un planning hebdomadaire d'entretien annuel. Or, celui-ci devait dans le même temps répondre aux sollicitations de l'équipe SSC et aux urgences de réparation de la production. La consigne donnée à M. [E] était de demander à chaque fois l'accord de M. [D] avant de réaliser des tâches autres que son planning initial. Cependant M. [D] [était souvent] peu disponible ou absent pour donner son accord à ces changements de planning.'».
Dès lors, il résulte des énonciations précédentes que l'employeur ne démontre pas avoir pris en compte les risques psycho-sociaux dans sa politique de prévention des risques depuis 2014 et n'établit pas avoir répondu à l'alerte, relative à une surcharge de travail, émise par le salarié en 2014, puis réitérée auprès de la responsable des ressources humaines et de son supérieur hiérarchique lors d'un entretien le 12 juin 2018.
D'une quatrième part, il ressort d'un courriel en date du 14 juin 2018 que M. [Y] [I], représentant du personnel, a informé la direction des ressources humaines d'un incident survenu le 12 juin 2018 au cours duquel M. [A] [E] a été retrouvé «'en pleurs dans l'usine en train de raconter à tous qu'il croisait la réunion à laquelle il avait été convié'» et au cours de laquelle':
«'Il s'agissait d'une réunion avec [A] [X] et [S] [N]. [...] D'après les explications de [A] [E], cet «'entretien'» auquel il a été convoqué s'est avéré être un tribunal. Sauf que dans un vrai tribunal on cherche à comprendre le contexte des situations qui ont menés à des résultats indésirables. Cela lui a été interdit'; il lui a été reproché de se défendre au lieu d'admettre les faits. Les initiateurs de la réunion ont même mis en doute sa santé mentale'! Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que des responsables RH donnent des avis médicaux aux salariés. Ensuite, il a été question d'une «'mise sous surveillance'» de [A] [E]. On peut de nouveau constater une dérive par rapport à l'objet initial de la réunion. Nous nous demandons d'ailleurs, qu'est-ce qu'une mise sous surveillance'''».
Un courriel confirme que le salarié a été reçu le 12 juin 2018 au local du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et qu'il a été emmené à l'infirmerie de l'usine en raison de son état, ayant conduit ensuite à l'arrêt maladie du salarié jusqu'au 24 juin 2018.
Dès lors, l'employeur ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il aurait tenu compte de cet incident, le courriel du 4 juillet 2018 de Mme [N], responsable des ressources humaines, ne faisant que relater l'entretien et ne mentionnant pas l'état de M. [A] à la suite de celui-ci.
En outre, l'employeur ne développe aucun moyen quant à cet incident.
D'une cinquième part, M. [A] [E] établit avoir subi une dégradation de son état de santé, étant donné son arrêt maladie du 12 au 24 juin 2018, ainsi que par la production de son dossier médical et d'une attestation d'une psychologue indiquant que le salarié a bénéficié d'un suivi entre le 5 juillet 2018 et le 11 juillet 2019 en raison d'une anxiété importante en lien avec sa situation professionnelle.
Dès lors, il ressort des énonciations précédentes que l'employeur échoue à établir qu'il a respecté son obligation de sécurité quant aux alertes du salarié concernant une surcharge de travail, ayant entraîné une dégradation de son état de santé.
Par conséquent, tenant compte de l'intensité de la surcharge de travail supportée par le salarié pendant plusieurs années sans réaction de l'employeur en dépit des signalements faits, il convient de condamner la société Framatome Grenoble à payer à M. [A] [E] la somme de 15'000'euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
3 - Sur la rupture du contrat de travail
L'article L.'1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
L'article L.'1235-1 du même code prévoit notamment que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixe les termes du litige.
Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, matériellement vérifiables, cette exigence est satisfaite lorsque la lettre de licenciement mentionne l'insuffisance professionnelle.
Pour constituer une cause réelle et sérieuse de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments précis, objectifs ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations caractérisée, notamment, par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant.
L'insuffisance professionnelle d'un salarié ne peut être retenue si un employeur n'a pas adapté le salarié à l'évolution de son poste et/ou n'a pas mis à sa disposition les moyens nécessaires à la réalisation de ses missions.
Le salarié ne répondant pas aux attentes de son employeur doit en principe faire l'objet d'une mise en garde préalable.
En l'espèce, il est reproché à M. [A] [E], dans la lettre de licenciement notifiée le'10'octobre 2019, une insuffisance professionnelle résultant de son incapacité à assurer ses attributions et de son travail de technicien validation maintenance, avec les éléments suivants':
- Un manque de rigueur, de méthode et de concentration dans la réalisation de ses tâches,
- Un manque d'autonomie technique, conduisant le salarié à faire appel à ses collègues pour se faire aider ou à réaffecter les tickets aux autres membres de l'équipe
- Un manque d'organisation et de priorisation des tâches
- Un manque de connaissances et de compétences en électronique et technique de mesures,
- Malgré des formations relatives au testeur Synor, plusieurs dysfonctionnements dans les déclarations de conformité du testeur,
- Des erreurs en matière électronique lors du remontage de capots des connecteurs moyens d'essai ayant conduit au blocage de la production pendant deux jours.
D'une première part, il ressort du courriel de Mme [N], responsable des ressources humaines, qu'il a été demandé à M. [A] [E] de participer à la création d'une version unique et graphique de la définition de son poste afin «'d'enrichir concrètement avec des missions traduites en verbes d'action, et des savoirs-êtres découlant de ces actions, puis de co-construire avec moi ton parcours de formations techniques à prévoir au plan de formation 2019'».
L'employeur produit ainsi un échange de courriels entre le salarié et son supérieur hiérarchique, M. [X], en date du 3 mai 2018, par lequel ce dernier indique au salarié de préciser «'le contenu des missions afin de voir complètement le besoin de connaissances'», missions qui sont considérés comme «'les piliers de la mission de technicien au sein de SSC'», ainsi qu'une fiche de poste datée du 2 janvier 2019.
Il découle de ces éléments que, jusqu'en 2018, le contour des missions et des fonctions du salarié était confus, de sorte qu'il ne peut pas être reproché au salarié un manque d'organisation et de priorisation de ses tâches, ni un manque de méthode dans la réalisation de ses tâches.
D'une deuxième part, l'employeur verse aux débats les revues de performance de M. [A] [E] pour les années 2016, 2017 et 2018 qui font état d'une «'performance attendue partiellement atteinte'» et qui recensent les difficultés suivantes':
- En 2016': «'[A] doit démontrer plus de rigueur, de méthode et plus de concentration dans les tâches, notamment les plus techniques [qui]l lui sont confiés'» et «'un axe d'amélioration est de veiller à ce que son attention soit bien focaliser sur les activités programmées et à démontrer une prise de responsabilité personnelle plus importante pour évoluer'»';
- En 2017': «'Son autonomie reste limitée aux moyens simples et quelques fois moyennement complexes. Sur les moyens compliqués, il fait largement appel à ses collègues pour le débloquer, voire prendre ne charge une partie des travaux à sa charge.'» et «'[A] rencontre des difficultés dans le reporting de ces actions. Les informations ne sont pas toujours complétement exactes et peuvent amener à des situations difficiles'».
- En 2018': «'je confirme la nécessite pour [A] d'une montée en compétence concernant l'électronique et les techniques de mesure'», «'La problématique relevée depuis 3 ans concernant les connaissances et les compétences en électronique et en technique de mesures pour l'exécution de tâches liées à sa fonction demeure et s'est à nouveau illustrée en 2018 à travers plusieurs situations comme le dépannage des moyens d'essais'» et «'[A] réaffecte le travail qui lui est donnée à d'autres personnes, comme le ticket 1653 ou bien de devoir consulter ses pairs régulièrement pour avoir les éléments nécessaires à son travail'».
À l'appui de ces griefs, l'employeur produit deux échanges de courriels du 17 septembre 2019 entre le salarié et son supérieur hiérarchique, M. [R] [D].
Dans le premier échange, M. [D] a listé les activités à effectuer par le salarié, en précisant que «'Si MRU viens te voir cela n'est pas une raison pour tou[t] lâcher et traiter leur demande même si cela part d'un bon sentiment'».
Pour autant, il ressort de cette liste que pour deux activités, le salarié, en attente de pièces, se trouvait dans l'incapacité matérielle de finir les tâches en question, qu'une nouvelle tâche lui a été attribuée de sorte qu'il devait achever une autre tâche précédemment commencée.
De plus, un second échange survenu le même jour fait état d'un oubli de passer une commande «'car elle était restée dans le panier'». Ce simple oubli demeure toutefois insuffisant, en l'absence d'autres éléments pertinents établissant une répétition de ce genre de carences, pour établir un manque de rigueur ou un manque d'organisation.
En outre, la cour constate que l'employeur ne produit aucune pièce pertinente permettant d'établir la réaffectation par le salarié de tickets à d'autres collaborateurs de la société.
Au surplus, l'employeur verse un mail du 28 juin 2018 par lequel M. [D] précise aux responsables des ressources humaines que le salarié n'était pas présent à son poste, mais qu'il était, a priori, en formation sans que celle-ci n'ait été validée par les responsables de M. [E].
Néanmoins, outre que l'employeur ne produit aucune autre pièce relative à l'absence régulière du salarié à son poste en raison de l'aide qu'il apportait à ses collègues, cette seule absence ne peut suffire à reprocher au salarié un manque d'autonomie et d'organisation.
Dès lors, l'employeur ne peut se baser, en l'absence d'autres éléments corroboratifs, sur les seules revues de performance de 2016, 2017 et 2018 et la lettre d'observation du 6 février 2019 pour reprocher au salarié une insuffisance professionnelle quant à son manque de rigueur, d'organisation et d'autonomie.
D'une troisième part, bien que le mail du 4 juillet 2018 de la responsable des ressources humaines mentionne divers entretiens depuis décembre 2017 et que la lettre de licenciement fasse état de «'plusieurs ateliers [...] organisés avec votre manager et la manager des ressources humaines au cours de l'année 2018 afin de voir quelle compréhension vous aviez de votre poste et de déterminer d'où venaient les difficultés que vous rencontriez dans votre travail'», l'employeur ne produit aucun élément quant à l'existence de ces ateliers hormis la réunion du 12 juin 2018 dont le mail du 4 juillet 2018 constitue le compte-rendu.
De plus, il ressort de ce mail que l'objectif de l'entretien était de pouvoir construire le parcours de formations techniques pour l'année 2019, programme qui apparaît tardivement dès lors que l'employeur soutient que les carences du salarié perdurent depuis 2016.
En outre, l'employeur allègue, dans ses écritures, que «'dès juillet 2018, des plannings individuels ont été mis en place avec pour objectif d'aider Monsieur [E] à avoir une meilleure vision du travail à effectuer'» (page 10 de ses conclusions).
Cependant, ces plannings individuels ne sont pas versés aux débats, les seuls éléments produits manquants de pertinence et de valeur probante'en ce que :
- Le bilan d'activité pour le mois de juillet 2018 entre le salarié et son collègue de travail ne permet pas d'établir l'existence des plannings individuels allégués depuis juillet'2018,
- L'attestation de M. [W] [B] demeure insuffisante en ce qu'il atteste uniquement de la mise à disposition d'un listing des moyens d'essai à vérifier dans le mois, affiché dans le couloir, sans que ce listing mensuel soit produit, ne permettant donc pas la vérification des tâches attribuées au salarié.
Dès lors, l'employeur échoue à démontrer avoir correctement accompagné le salarié dans l'amélioration de son cadre de travail suite à l'entretien du 12 juin 2018.
D'une quatrième part, l'employeur reproche plus précisément à M. [A] [E] des dysfonctionnements dans son travail sur le secteur SYNOR': «'Vous avez effectué une déclaration de conformité du testeur, et ce alors que vous avez-vous-même indiqué un écart dans un ticket et identifié deux problématiques nécessitant des réparations. Vous n'êtes pourtant pas sans savoir que, lorsqu'un écart est constaté, les réparations sont à prendre en charge avant de déclarer un moyen d'essai conforme et de le livrer à la production.'».
Ainsi, par courriel du 14 janvier 2019 et dans la lettre d'observations du 6 février 2019, il est précisé que «'2 points d'alerte ont été remontés par votre management concernant le testeur SYNOR':
Une déclaration de conformité du testeur faite malgré un écarté tracé par vous-même dans le ticket ME #7894 indiquant 2 problématiques matérielles, qui n'ont pas fait l'objet des réparations nécessaires pour une livraison conforme de ce même moyen d'essai à la production MRU
L'ouverture d'un ticket #7907 par la production concernant l'incohérence des informations dans nos outils définissant le référentiel de production (OGEPAME'; TEAM CENTER, HASTING et étiquetage d'identification) qui a mis en évidence l'absence de l'évolution des indices sur l'ensemble des outils impliqués.'».
La cour constate, comme l'allègue le salarié, qu'aucun autre incident sur le testeur Synor n'est reproché au salarié par l'employeur, ultérieurement aux deux suscités en janvier 2019.
En outre, l'employeur produit un mail de M. [R] [D] en date du 7 octobre 2019 indiquant':
«'De quelle formation synor tu parles'' [A] [E] a du en avoir au moins 3 ou 4. Une par [M] [B] sur l'utilisation des séquences de test des outillages. Une par [J] [G] sur les modifications de sécurité des boucles + entretien périodique. Une par [W] [B] déroulement de l'auto test de la baie. L'assistance de JP D'Ascoli lors des recherches de pannes.'».
Toutefois, l'employeur ne verse aucun autre élément permettent de corroborer que le salarié ait effectué ses formations auprès d'autres collaborateurs de la société, ni qui établit le contenu, le temps et la date desdites formations.
Dès lors, l'employeur échoue à démontrer que M. [A] [E] était correctement formé concernant le testeur Synor, de sorte qu'il ne peut lui être reproché une insuffisance professionnelle à cet égard.
D'une sixième part, l'employeur allègue l'existence d'erreurs en matière électronique, avec un exemple en septembre 2019 dans la lettre de licenciement et un exemple en 2016 dans les conclusions de l'employeur.
Il produit un courriel en date du 25 septembre 2020 de M. [R] [D] qui liste «'l'enchaînement des étapes sur le ME Banc N4'» depuis 2013, avec une déclaration de conformité de M. [A] [E] en date du 29 août 2019 avec les commentaires suivants': «'reprise de position du commutateur du boitier SEAN / nettoyage du commutateur du boitier 32EANA / rouge et jaune de deux boitiers'».
Cependant, la déclaration de conformité, dite fiche de mesure, n'est pas complète en ce que l'employeur ne produit que les pages 6 à 9 et soulève la difficulté alléguée par le salarié quant à l'absence de certains dossiers en version informatique.
Il verse également une capture d'écran d'un Ticket ME #10712 indiquant que «'l'inversion de ces 2 connecteurs provoque un court-circuit 15V.'».
Toutefois, le ticket ME #10712 n'a aucune valeur probante en ce que la seule date indiquée est la date d'échéance du 31 août 2020, soit un an après les faits reprochés en août/septembre 2019, et qu'il n'est donc pas possible de dater précisément l'évènement indiqué dans ledit ticket.
En outre, l'employeur ne produit aucun élément pertinent quant à l'arrêt de la production pendant deux jours autre que le courriel de M. [D].
Ainsi, l'employeur échoue à démontrer l'erreur électronique survenue en septembre 2019, de sorte que l'employeur ne peut se baser sur l'incident survenu en 2016 pour imputer une insuffisance professionnelle à M. [A] [E] en raison d'erreurs en matière électronique.
Il résulte des énonciations précédentes que l'insuffisance professionnelle reprochée par la société Framatome Grenoble à M. [A] [E] n'est pas matériellement caractérisée.
Par conséquent, par confirmation du jugement entrepris, il convient de déclarer le licenciement, notifié le 10 octobre 2019, sans cause réelle et sérieuse.
4 - Sur les prétentions afférentes à la rupture':
L'article L.'1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
M. [A] [E] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de neuf ans et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois et neuf mois de salaire.
Dès lors, par confirmation du jugement entrepris, compte tenu de l'âge du salarié, de son ancienneté et de sa capacité à retrouver un emploi, il convient de condamner la société Framatome Grenoble à payer à M. [A] [E] la somme de 25'556,00'euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à préciser qu'il s'agit d'un montant brut.
5 - Sur le caractère vexatoire du licenciement':
Le licenciement prononcé dans des conditions vexatoires peut causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi, justifiant une réparation sur le fondement de l'article'1240'du code civil, dès lors que la faute de l'employeur est démontrée.
En l'espèce, M. [A] [E] reproche à son employeur de lui avoir publiquement remis sa convocation à entretien préalable et de l'avoir obligé à quitter son poste de travail immédiatement et en traversant les locaux de la société «'encadré par le délégué syndical et la responsable des ressources humaines'» (page 20 de ses écritures).
Cependant, M. [A] [E] ne produit aucun élément pertinent à cet égard, le compte-rendu de l'entretien préalable rédigé de M. [C] [K] étant insuffisant en ce qu'il indique simplement que «'M. [A] [E] a reçu une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement remise en main propre par Mme [T], le mercredi 25 septembre suite à une convocation dont l'ordre du jour était': «'Point RH'». Suite à ce point, [E] a été reconduit à la sortie de l'entreprise et est en absence autorisée payée.'».
De plus, il ajoute que «'M. [E] est revenu à l'entreprise le lundi 7 octobre à 15h30 pour l'entretien. Ses accès au site étaient toujours valides.'».
Par ailleurs, M. [E] reproche à son employeur la présence de M. [L] lors de l'entretien préalable, alors que ce dernier l'aurait «'bousculé physiquement au mois de juillet 2019'».
Toutefois, le salarié ne produit aucun élément à cet égard.
Dès lors, M. [A] [E] n'établit pas que des conditions vexatoires ont entouré son licenciement.
Par conséquent, par confirmation du jugement entrepris, il convient de débouter M.'[A]'[E] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
6 - Sur les demandes accessoires
La SAS Framatome Grenoble, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.
Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [A] [E] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Framatome Grenoble à lui payer la somme de 1'200'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 1'800'euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
En conséquence, la demande indemnitaire de la société au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';
REJETTE la demande d'irrecevabilité des conclusions transmises par M. [A] [E] le'29'novembre 2022';
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':
- Dit que le licenciement de M. [A] [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse
- Débouté M. [A] [E] de sa demande de dommages et intérêts au titre des conditions vexatoires entourant son licenciement,
- Condamné la SAS Framatome Grenoble à payer à M. [A] [E] les sommes suivantes':
- 25'556,00'euros (vingt-cinq mille cinq cent cinquante-six euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à préciser qu'il s'agit d'un montant brut,
- 1'200,00'euros (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté la SAS Framatome Grenoble de sa demande reconventionnelle,
- Mis les dépens à la charge de la SAS Framatome Grenoble';
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Framatome Grenoble à payer à M. [A] [E] la somme de'15'000,00'euros nets (quinze mille euros) au titre du manquement à l'obligation de sécurité';
DÉBOUTE la SAS Framatome Grenoble de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la SAS Framatome Grenoble à payer à M. [A] [E] la somme de'1'800,00'euros (mille huit cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la SAS Framatome Grenoble aux entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président