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21/03/2023 | FRANCE | N°20/02442

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 21 mars 2023, 20/02442


C4



N° RG 20/02442 -



N° Portalis DBVM-V-B7E-KQC6



N° Minute :





















































































Copie exécutoire délivrée le :





SELARL AEGIS



la SCP DELACHENAL DELCROIX

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS




COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 21 MARS 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/00294)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 02 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 31 juillet 2020





APPELANT :



S.E.L.A.R.L. [Z], agissant par Me [W] [Z], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société ...

C4

N° RG 20/02442 -

N° Portalis DBVM-V-B7E-KQC6

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

SELARL AEGIS

la SCP DELACHENAL DELCROIX

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 21 MARS 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/00294)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 02 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 31 juillet 2020

APPELANT :

S.E.L.A.R.L. [Z], agissant par Me [W] [Z], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société LUMIGIO suivant jugement du Tribunal de commerce de Romans sur Isère en date du 05/10/2021,

représentée par Me Eric VACASSOULIS de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de VALENCE,

intimée dans le dossier RG N° 20/02554, joint au dossier RG N° 20/02442 le 15/09/2020,

INTIMES :

Monsieur [M] [C]

né le 21 Novembre 1999 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Xavier DELACHENAL de la SCP DELACHENAL DELCROIX, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Rémi RUIZ de la SELARL RITOUET RUIZ, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

appelant dans le dossier RG N° 20/02554, joint au dossier 20/02442 le 15/09/2020,

Syndicat UNION LOCALE CGT DES SYNDICATS CONFEDERES DE SAINT VALLIER, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Xavier DELACHENAL de la SCP DELACHENAL DELCROIX, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Rémi RUIZ de la SELARL RITOUET RUIZ, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'ANNECY,

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

défaillante, à qui l'assignation en intervention forcée a été remise le 16/08/2022 au siège, à M. [B] [O], responsable du centre qui a déclaré être habilité à réceptionner l'acte et qui a fait connaître sa non intervention et sa non représentation par courrier postal du 28/09/2022,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistées lors des débats de Mme Mériem CASTE-BELKADI,

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 janvier 2023,

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

Exposé du litige :

M. [C] a été embauché par la SAS LUMIGIO selon contrat de travail à durée déterminée sur la période du 6 février au 8 février 2019 en qualité d'électricien au motif d'un accroissement temporaire d'activité.

Le 5 août 2019, M. [C] a saisi le Conseil de prud'hommes de Valence aux fins d'obtenir la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, et la condamnation de la SAS LUMIGIO à lui payer diverses indemnités à ce titre, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 2 juillet 2020, le Conseil de prud'hommes de Valence a :

Requalifié le contrat de travail à durée déterminée de M. [C] en contrat de travail à durée indéterminée,

Fixé la moyenne des salaires de M. [C] à la somme de 1 791,22 euros,

Condamné la SAS LUMIGIO à payer à M. [C] les sommes suivantes :

'1 791,22 euros net au titre d'indemnité de requalification du contrat,

'1 791,22 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,

'179,12 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

'100 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1 000 euros net au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'100 euros net à titre de dommages et intérêts pour non remise des documents de fin de contrat,

'200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonné à la SAS LUMIGIO de remettre à M. [C] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et le solde de tout compte rectifiés et conformes au présent jugement, sous astreinte journalière de 50 euros par document jusqu'à la remise de tous les documents à compter du 15e jour suivant le prononcé de la décision, astreinte que le Conseil de prud'hommes se réserve le droit de liquider,

Ordonné l'exécution provisoire de droit,

Débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

Condamné la SAS LUMIGIO à payer à l'Union locale CGT de Saint Vallier les sommes suivantes :

'100 euros nets à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

'100 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté la SAS LUMIGIO de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SAS LUMIGIO aux entiers dépens de l'instance.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.

La SAS LUMIGIO en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 31 juillet 2020.

M. [C] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 12 août 2020.

Par ordonnance du 15 septembre 2020, le conseiller chargé de l'instruction de l'affaire a joint les deux procédures en raison de leur connexité.

Par jugement du 5 octobre 2021, le Tribunal de commerce de Romans sur Isère a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS LUMIGIO et nommé la SELARL [Z] agissant par Me [W] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par conclusions du 22 février 2022, la SELARL [Z] ès-qualités est intervenue volontairement à la présente instance.

Par assignation du 16 août 2022, M. [C] a assigné en intervention forcée à la présente instance l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'ANNECY.

Par conclusions du 9 février 2021, la SAS LUMIGIO demande de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Par conséquent,

Débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes, et notamment de son appel incident,

Condamner M. [C] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [C] aux entiers dépens.

Par conclusions du 10 août 2022, M. [C] et l'Union locale CGT Saint Vallier demandent de :

Recevoir la demande d'intervention forcée et en déclaration de jugement commun à l'égard de l'AGS CGEA d'Annecy et de la SELARL [Z] représentée par Me [Z],

Confirmer le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le Conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a prononcé la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée,

Confirmer le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le Conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a dit et jugé que l'employeur n'avait pas exécuté loyalement le contrat de travail,

Confirmer le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le Conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a dit et jugé que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirmer le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le Conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a été ordonné à l'employeur la remis des documents de rupture rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant le prononcé de la décision,

Y ajoutant,

Inscrire au passif de la SAS LUMIGIO les sommes suivantes :

'1 791,22 euros à titre d'indemnité de requalification,

'1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'1 791,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 179,12 euros au titre des congés payés afférents,

Le réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Inscrire au passif de la SAS LUMIGIO les sommes suivantes :

'1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite d'embauche,

'545,36 euros à titre de rappel de salaire,

'54,54 euros au titre des congés payés afférents,

'11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

'1 791,22 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

'2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de rupture,

'5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession,

Y ajoutant,

Lui allouer ainsi qu'à l'Union locale CGT de Saint Vallier la somme de 2500 euros chacun en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS-CGEA,

Condamner les organes de la procédure collective aux entiers dépens.

Par conclusions du 3 octobre 2022, la SELARL [Z] ès-qualités demande de :

Rejetant toutes fins, moyens et arguments contraires,

S'entendre la Cour,

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Par conséquent,

Débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes, et notamment de son appel incident,

Condamner M. [C] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [C] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 13 décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée :

Moyens des parties,

M. [C] soutient que le poste qu'il occupait était permanent et ne pouvait en conséquence être pourvu par un contrat de travail à durée déterminée.

Il allègue également que le recours à un contrat précaire n'était justifié par aucun accroissement temporaire d'activité et que la SAS LUMIGIO n'en fait pas la démonstration.

Il fait donc valoir que son contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée pour l'ensemble de ces motifs et qu'il est fondé à percevoir l'indemnité de requalification prévue par l'article L. 1245-2 du code du travail.

En outre, il peut prétendre à l'indemnité de précarité, malgré la requalification du contrat de travail en contrat à durée déterminée.

M. [C] fait valoir que la rupture de la relation de travail, intervenue au terme du contrat de travail à durée déterminée, doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

En conséquence, il sollicite :

- L'indemnité compensatrice préavis, outre une indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

- Des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

- Des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SELARL [Z] ès-qualités fait valoir qu'elle apporte bien la preuve que M. [C] a été engagé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité lié à la nécessité de « relamping » de magasins Go Sport, et que la demande de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est infondée.

La SELARL [Z] ès-qualités soutient ainsi que M. [C] ne peut prétendre aux indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors qu'il n'y a pas lieu à requalification.

Réponse de la cour,

Aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Les dispositions prévues par les articles L. 1242-1 et suivants du code du travail relatives aux conditions de conclusion des contrats de travail à durée déterminée ayant été édictées dans un souci de protection du salarié, seul celui-ci peut se prévaloir de leur inobservation.

L'article L. 1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).

Aux termes de l'article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

Le contrat de travail à durée déterminée ne peut comporter qu'un seul motif et le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée s'apprécie au jour de sa conclusion.

En outre, l'énonciation du motif fixe les limites du litige au cas où la qualification du contrat est contestée.

En vertu de l'article L. 1242-13 du code du travail, le contrat à durée déterminée est remis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche.

Selon les dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail, en cas de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité de requalification qui est égale au moins à un mois de salaire et elle ne peut être inférieure au dernier mois de salaire perçu avant la saisine.

Par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier et est en droit de se prévaloir à ce titre d'une ancienneté remontant à cette date.

En l'espèce, M. [C] a été embauché selon contrat de travail à durée déterminée pour la période du 6 février 2019 au 8 février 2019 en qualité d'électricien par la SAS LUMIGIO au motif d'un accroissement temporaire d'activité lié à la nécessité de « relamping » au sein des magasins Go Sports de [Localité 7] et [Localité 8], tel que cela ressort du contrat de travail du 6 février 2019 versé aux débats.

Pour faire la démonstration de l'existence d'un accroissement temporaire d'activité au sein de la SAS LUMIGIO durant cette période, la SELARL [Z] ès-qualités verse aux débats :

Son bilan comptable de l'année 2018,

Un protocole d'accord transactionnel « Marché Go Sport » daté du 25 novembre 2019 entre la société Greenyellow Effenergie 2 en qualité de cliente et la SAS LUMIGIO, prévoyant que la SAS LUMIGIO a été déclarée adjudicataire d'un marché ayant pour objet le « relamping » (remplacement d'un système d'éclairage par un dispositif plus économe en énergie) d'un certain nombre de magasins Go Sport,

Des « ordres de service démarrage des prestations » entre la SAS LUMIGIO et la société Greenyellow Effenergie 2 en qualité de directeur travaux pour des prestations « Lot éclairage » dans plusieurs magasins Go Sport, prévoyant un démarrage des travaux de « relamping » à différentes dates en février et mars 2019,

Différents bons de commande concernant ce marché.

Toutefois, ces éléments sont insuffisants pour démontrer l'existence d'un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

En effet, le seul bilan comptable de l'année 2018 ne permet pas, faute d'éléments de comparaison versés aux débats, et notamment de la production du bilan comptable de l'année 2019, d'établir que le marché conclu pour le « relamping » de différents magasins de l'enseigne Go Sport constituait un surcroît temporaire d'activité, la cour d'appel rappelant que l'augmentation constante et structurelle de la production ou de l'activité d'une entreprise ne constitue pas un accroissement temporaire d'activité.

Par ailleurs, la SELARL [Z] ès-qualités ne produit aucun élément permettant à la cour d'appel de se convaincre que le contrat conclu avec la société Greenyellow Effenergie 2 constitue un contrat supplémentaire par rapport au flux normal de commandes, et ainsi qu'il s'agissait d'une variation occasionnelle ou accidentelle de ses commandes que l'entreprise ne pouvait absorber par ses effectifs habituels.

Il ne peut non plus se déduire des ordres de service de démarrage, le caractère imprévisible de l'activité, toute société travaillant en tant que prestataire extérieur répondant à des commandes ou à des appels d'offre pour des marchés, ayant à composer avec les contraintes de ses clients, et à trouver des solutions pour répartir la charge de travail de ses salariés dans le temps.

Eu égard à l'ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir que la SELARL [Z] ès-qualités échoue à démontrer l'accroissement temporaire d'activité de la SAS LUMIGIO au moment de la conclusion du contrat de travail à durée déterminée de M. [C].

Dès lors, en l'absence de motif valable justifiant le recours à un contrat à durée déterminée, il y a lieu de requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 6 février 2019 en contrat de travail à durée indéterminée, par confirmation du jugement entrepris.

M. [C] est donc bien fondé à prétendre à l'indemnité de requalification prévue par l'article L. 1245-2 du code du travail.

Le contrat de travail a prévu un salaire de 1791,22 euros bruts pour 151,67 heures mensuelles.

Dès lors, il y a lieu d'inscrire au passif de la liquidation de la SAS LUMIGIO la somme de 1791,22 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 1245-2 du code du travail, par confirmation du jugement déféré sur le quantum de la condamnation.

Le contrat de travail à durée déterminée ayant été requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, il y a lieu d'examiner les conditions et circonstances de sa rupture au regard des règles applicables en matière de contrat à durée indéterminée.

La rupture de la relation de travail entre M. [C] et la SAS LUMIGIO est intervenue hors de tout formalisme. Il en résulte que celle-ci doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession.

Il ressort du contrat de travail produit que celui-ci est soumis à la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, laquelle prévoit en son article 35 un préavis d'un mois pour les salariés ayant deux mois d'ancienneté.

Dès lors, il y a lieu d'inscrire au passif de la SAS LUMIGIO la somme de 1791,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 179,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, par confirmation du jugement entrepris.

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

M. [C], compte tenu de son ancienneté inférieure à un mois à la date de la rupture de la relation de travail, sera justement indemnisé du préjudice qu'il a subi résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, par l'inscription au passif de la SAS LUMIGIO de la somme de 1791,22 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre, par infirmation du jugement entrepris sur le quantum de la condamnation.

Aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Dès lors que le licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [C] ne peut, en application des dispositions précitées de l'article L. 1235-2 du code du travail, prétendre à l'indemnité prévue en cas de non-respect de la procédure de licenciement et à la réparation du préjudice subi en raison de son licenciement abusif.

Ainsi, sans qu'il y ait lieu d'étudier les moyens soulevés par les parties, M. [C] est débouté de sa demande d'indemnité formulée à ce titre, par confirmation du jugement entrepris.

Selon les termes de l'article L. 1243-8 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.

Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.

Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant.

Il ressort des bulletins de salaire versés aux débats que M. [C] a perçu la somme de 32,77 euros à titre d'indemnité de précarité, cette somme étant par ailleurs mentionnée sur l'attestation ASSEDIC du 10 février 2019.

M. [C] ne soutient pas qu'il n'aurait pas perçu l'indemnité de précarité telle qu'elle apparaît sur le bulletin de salaire du mois de Février 2019.

Dès lors, il y a lieu de le débouter de sa demande formulée à ce titre, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande au titre du rappel de salaire :

Moyens des parties :

M. [C] fait valoir que la totalité des sommes dues au titre des heures effectuées ne lui pas été versée, alors que le nombre d'heures effectuées n'est pas contestable.

Il soutient que le temps de travail mentionné sur les fiches hebdomadaires débute à la prise de poste, sans inclure un déplacement jusqu'au premier client.

En outre, M. [C] allègue qu'aucune pause ne lui a été accordée.

Il sollicite en conséquence un rappel de salaire à ce titre.

La SELARL [Z] ès-qualités rappelle à titre liminaire que ne constituent pas du temps de travail effectif :

Les temps de pause et de restauration,

Les temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du travail,

Les jours fériés et les congés payés.

La SELARL [Z] ès-qualités allègue que M. [C] a été rémunéré de l'intégralité des heures qu'il a accomplies et produit les copies des virements en sa faveur.

Elle ajoute que les calculs du salarié sont erronés, puisqu'il a pris en compte le temps de ses trajets domicile-premier client, et ses temps de pause et de restauration.

Réponse de la cour,

Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Selon l'article L. 3121-27 du même code, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

La durée légale du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-28 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile selon l'article L. 3121-29.

Selon l'article L. 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L. 3121- 4 du code du travail, que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois si le salarié dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière.

Le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif au sens de l'article L. 3121-1 du code du travail.

Dès lors que le salarié est contraint de passer par l'entreprise pour rejoindre le chantier ou le lieu d'intervention du travail, le temps de trajet entre l'entreprise et le lieu d'exécution du travail est considéré comme du temps de travail effectif.

S'agissant du temps de trajet, M. [C] ne produit aucun élément permettant à la cour d'appel de se convaincre qu'il a dû se rendre sur le lieu de l'entreprise avant d'effectuer les trajets jusqu'au lieu d'exécution de la prestation de travail, et qu'il en a été de même au retour. Dès lors, il ne peut être retenu, conformément aux dispositions susvisées de l'article L. 3121- 4 du code du travail, que les temps de trajets mentionnés sur les fiches horaires constituent du temps de travail effectif.

Il n'est pas contestable, compte tenu de la durée des trajets, que ceux-ci dépassent le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail. Toutefois, il ressort des bulletins de paie produits que la SAS LUMIGIO a versé une contrepartie financière qui est fonction de la durée de ces temps de trajet, ce dont il résulte que M. [C] a été rempli de ces droits.

S'agissant des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées mais qui ne lui auraient pas été rémunérées, M. [C], qui sollicite un rappel de salaire de 545,36euros, outre une somme au titre des congés payés afférents, produit au soutien de sa demande les relevés d'heures établis par l'employeur.

Il y a lieu de retenir que ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, tenu de décompter le temps de travail de ses salariés, d'y répondre.

Pour sa part, la SELARL [Z] ès-qualités produit également les fiches hebdomadaires d'heures de travail pour chacune des semaines d'embauche du salarié, portant la signature du responsable, lesquelles font mention des heures de trajet effectuées en début et en fin de semaine pour se rendre sur le lieu d'exécution du travail, des horaires de travail effectués, et du nombre d'heures de travail, une distinction étant faite entre les heures de jours et les heures de nuit.

Il doit être constaté que le salarié ne présente dans ses conclusions aucun détail du calcul de la somme demandée à titre de rappel de salaire, M. [C] ne produisant notamment aucun tableau récapitulatif permettant à la cour d'appel d'identifier précisément les heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées et qui ne lui auraient pas été payées.

Il ressort des bulletins de paie versés aux débats par l'employeur que ceux-ci font bien la distinction entre les heures de jour et les heures de nuit, en appliquant un taux horaire distinct pour les heures de jour et les heures de nuit, en versant le supplément dû au titre des heures supplémentaires, et qu'ils font par ailleurs mention des heures de trajet ai titre desquelles il est versé une contrepartie financière qui est fonction de leur durée.

Or, il ressort de la comparaison des bulletins de paie et des fiches hebdomadaires que l'ensemble des heures mentionnées sur les relevés d'heures ont bien été payées au salarié.

Eu égard à l'absence de précision des éléments produits par le salarié, et de l'absence d'explicitation du rappel de salaire demandé, et des éléments précis produits par l'employeur, il y a lieu de retenir que M. [C] a été rempli de ses droits s'agissant des heures travaillées, qu'il s'agisse des heures de jour comme des heures de nuit.

M. [C] doit être débouté de sa demande de rappel de salaire, par confirmation du jugement entrepris de ce chef de condamnation.

Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Moyens des parties :

M. [C] soutient que la SAS LUMIGIO a volontairement dissimulé son activité salariée.

Il a effectué tardivement les démarches relatives à la déclaration préalable à l'embauche auprès des organismes de protection sociale et de l'administration fiscale, celle-ci étant intervenue alors que le contrat était déjà rompu.

M. [C] ajoute que la SAS LUMIGIO ne lui a pas remis de bulletins de salaire, dans le but de se soustraire aux cotisations sociales.

M. [C] sollicite ainsi l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail.

La SELARL [Z] ès-qualités allègue que le salarié est défaillant dans la démonstration du caractère intentionnel du travail dissimulé allégué.

Elle fait valoir en outre que le fait que des heures supplémentaires effectuées ne soient pas mentionnées sur les bulletins de paie du salarie' ne suffit pas a' caractériser l'intention de l'employeur de recourir a' du travail dissimule'.

Réponse de la cour,

Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Mais ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord.

Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.

M. [C] ne verse aux débats aucun élément permettant de caractériser l'intention de la SAS LUMIGIO de dissimuler une partie des heures de travail effectuées par le salarié, la cour d'appel rappelant que la seule omission de mentionner sur le bulletin de salaire les heures supplémentaires effectuées n'est pas un élément suffisant pour établir cette intention.

En effet, le fait d'effectuer tardivement la déclaration préalable à l'embauche n'implique pas l'intention de dissimulation d'emploi salarié, dès lors que la déclaration a, in fine, été effectuée de manière rétroactive à la bonne date d'embauche.

En outre, M. [C] ne démontre pas, comme il le soutient dans ses conclusions, que la SAS LUMIGIO ne lui aurait pas remis de bulletins de salaire, dans le but de se soustraire au paiement des cotisations sociales, alors que le salarié produit lui-même des bulletins de salaire.

Au surplus, M. [C] ne démontre pas que la SAS LUMIGIO ne se serait pas acquittée du paiement des cotisations sociales, l'absence de transmission d'un bulletin de salaire n'impliquant pas l'absence de paiement par l'employeur des cotisations sociales afférentes aux heures travaillées par le salarié.

M. [C] doit être débouté de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande au titre de l'absence de visite d'embauche :

Moyens des parties :

M. [C] fait valoir qu'il n'a pas bénéficié de visite d'embauche auprès de la médecine du travail, que l'employeur n'était pas affilié auprès d'un service de santé au travail, et qu'il effectuait des déplacements et des heures de nuit, et que le non-respect des dispositions réglementaires relatives à la médecine du travail lui a causé un préjudice évident.

La SELARL [Z] ès-qualités ne conclut pas sur cette demande.

Réponse de la cour,

Aux termes de l'article R. 4624-10 du code du travail, tout travailleur bénéficie d'une visite d'information et de prévention, réalisée par l'un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L. 4624-1 dans un délai qui n'excède pas le mois à compter de la prise effective du poste de travail.

Les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée en application des dispositions de l'article R. 4624-18 ainsi que ceux qui exercent l'une des fonctions mentionnées à l'article L. 6511-1 du code des transports bénéficient de cet examen avant leur embauche.

Aux termes de l'article R. 4624-18, tout travailleur de nuit mentionné à l'article L. 3122-5 et tout travailleur âgé de moins de dix-huit ans bénéficie d'une visite d'information et de prévention réalisée par un professionnel de santé mentionné au premier alinéa de l'article L. 4624-1 préalablement à son affection sur le poste.

Enfin, selon l'article L. 3122-5, le salarié est considéré comme travailleur de nuit dès lors que :

1° Soit il accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes ;

2° Soit il accomplit, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de l'article L. 3122-2, dans les conditions prévues aux articles L. 3122-16 et L. 3122-23.

Il n'est pas contestable, eu égard aux bulletins de paie produits, que M. [C] était bien travailleur de nuit au sens des dispositions susvisées de l'article L. 3122-5 du code du travail.

Il en résulte que M. [C] aurait dû bénéficier d'une visite préalable à l'embauche, conformément à l'article R. 4624-18 du code du travail.

La SELARL [Z] ès-qualités ne produit aucun élément permettant de démontrer que la SAS LUMIGIO s'est acquittée de cette obligation à l'égard de M. [C], en le faisant convoquer à une visite médicale préalable à l'embauche.

Compte tenu des fonctions d'électricien exercées par M. [C], et du fait que ces fonctions étaient principalement exercées dans le cadre d'heures de nuit, en contradiction avec le rythme biologique du salarié et donc plus pénibles et accidentogènes, l'absence de visite préalable à l'embauche lui a causé un préjudice, qui sera justement réparé par l'inscription au passif de la liquidation de SAS LUMIGIO de la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande au titre l'exécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [C] fait valoir qu'il a effectué des heures de nuit durant la relation de travail qui ne lui ont pas été rémunérées. Par ailleurs, au regard des dispositions conventionnelles et réglementaires applicable, le recours au travail de nuit était illicite.

M. [C] allègue également que :

Un bulletin de salaire erroné lui a été remis,

La totalité des sommes dues au titre des heures effectuées ne lui pas été versée, alors que le nombre d'heures effectué n'est pas contestable.

M. [C] soutient avoir subi un préjudice résultant de ces manquements dont il demande la réparation.

La SELARL [Z] ès-qualités fait valoir qu'au titre de l'accord « Travail de nuit » du 30 septembre 2002 (étendu par arrêté du 11 juin 2003, JO 20 juin 2003), qui s'applique à la SAS LUMIGIO, le recours au travail de nuit était bien autorisé.

La SELARL [Z] ès-qualités allègue en outre que M. [C] ne justifie pas en quoi les griefs qu'il invoque, à les supposer établis, lui ont causé un préjudice.

Réponses de la cour,

Selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.

Selon l'article L. 3121-16 du code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives.

Il est de principe que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne, qui incombe à l'employeur.

En application des dispositions de l'article 1353 du code civil, il appartient à l'employeur de démontrer que le salarié a bien pu bénéficier des temps de pause prévus par les dispositions susvisées de l'article L. 3121-16 du code du travail.

Le salarié qui a été privé illégalement de tout ou partie de ses temps de pause peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Le salarié allègue que son salaire ne lui a pas été versé, sans pour autant demander de rappel de salaire à ce titre.

Par ailleurs, il produit un bulletin de paie sur lequel est indiqué que le salaire lui a bien été payé par chèque.

Au surplus, le salarié ne verse aux débats aucun élément démontrant qu'il aurait demandé à l'employeur de lui verser son salaire.

Il ressort de l'article 47 de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, applicable à la relation de travail, que la SAS LUMIGIO était fondée à recourir au travail de nuit.

Il ressort des bulletins de salaire produits que M. [C] a été payé au titre des heures de nuit qu'il a effectuées, lesquelles ont été distinguées des heures de jour et soumises à un taux horaire distinct.

Il a été jugé précédemment que M. [C] avait bien été rémunéré pour l'ensemble de ses heures de travail, et que la SAS LUMIGIO lui avait versé une contrepartie au titre des heures de trajet effectuées pour se rendre sur le lieu d'exécution de la prestation de travail.

S'agissant des temps de pause, la SELARL [Z] ès-qualités, sur laquelle repose la charge de la preuve, ne produit aucun élément permettant à la cour d'appel de se convaincre que M. [C] a pu bénéficier des temps de pauses auxquels il avait droit.

Dès lors, il y a lieu de faire droit à sa demande de dommages et intérêts formulés à ce titre en ordonnant l'inscription de la somme de 300 euros au passif de la liquidation de la SAS LUMIGIO, par réformation du jugement entrepris sur le quantum de la condamnation.

Sur la demande de remise de bulletins de salaire et des documents de rupture :

Moyens des parties :

M. [C] allègue que la SAS LUMIGIO ne lui a pas remis de bulletins de salaire et que les documents de rupture lui ont été communiqués tardivement.

M. [C] sollicite la condamnation de la SAS LUMIGIO à lui communiquer un bulletin de salaire, outre les documents de rupture rectifiés conformément à la décision à intervenir.

Enfin, il soutient que l'absence de remise de bulletin de salaire et des documents de rupture rectifiés lui a causé un préjudice, dont il demande la réparation.

La SELARL [Z] ès-qualités fait valoir que les documents de fin de contrat sont quérables et non portables, et qu'il incombait en conséquence au salarié d'aller les chercher et non à l'employeur de les lui faire parvenir. Or, M. [C] ne démontre pas qu'il a sollicité immédiatement la remise de ses documents de fin de contrat, ayant attendu plusieurs mois pour en solliciter la remise pour la première fois dans le cadre de la présente instance.

Réponse de la cour,

Selon l'article L.1234-19 du code du travail, à l'expiration du contrat de travail, l'employeur délivre au salarié un certificat de travail.

Le défaut d'établissement, la rédaction défectueuse ou la remise tardive du certificat de travail justifient l'allocation de dommages-intérêts en raison du préjudice qui en est résulté.

Aux termes de l'article R.1234-9 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer son droit aux prestations sociales.

L'absence de la remise ou la remise tardive des documents permettant au salarié son inscription au chômage justifient l'allocation de dommages-intérêts en raison du préjudice qui en est résulté.

M. [C] verse aux débats un certificat de travail du 10 février 2019 et une attestation Assedic datée du même jour.

Le salarié ne démontre pas, comme il le soutient dans ses conclusions, que ces documents ne lui auraient été remis qu'en septembre 2019.

M. [C] ne justifie pas non plus que ces documents n'auraient pas été tenus à sa disposition dès la fin de la relation de travail, et qu'il aurait sollicité leur obtention dès ce moment, mais que la SAS LUMIGIO aurait refusé ou omis de les lui transmettre.

Toutefois, la cour d'appel constate que l'attestation ASSEDIC produite par le salarié ne fait mention d'aucune somme versée au salarié au titre de la relations de travail et à l'occasion de la rupture. Dès lors, il y a lieu d'ordonner à la SELARL [Z] ès-qualités de remettre à M. [C] une attestation ASSEDIC rectifiée conforme à la présente décision.

Sur l'intervention volontaire de l'Union locale CGT de Saint-Vallier :

Moyens des parties,

L'Union locale CGT de Saint-Vallier soutient que l'attitude de l'employeur à l'égard de M. [C] a nécessairement causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession.

En effet, il est de son devoir de veiller à ce que tout salarié soit déclaré auprès des organismes sociaux et que les règles relatives aux contrats précaires soient respectées.

Elle soutient ainsi être fondée à agir, et demande la réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession par la condamnation de la SAS LUMIGIO à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La SELARL [Z] ès-qualités fait valoir qu'aucun des griefs n'étant démontré, le jugement devra être infirmé sur sa condamnation à verser la somme de 5 000 euros à l'Union locale CGT de Saint-Vallier.

Réponse de la cour,

Il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Il n'a pas été jugé que la SAS LUMIGIO avait omis de procédé à la déclaration de M. [C] auprès des organismes sociaux.

En revanche, il a été retenu que la SAS LUMIGIO avait eu recours à un contrat de travail à durée déterminée, alors qu'aucune des conditions justifiant le recours à un contrat de travail à durée déterminée n'était remplie.

Le contournement des dispositions applicables aux contrats de travail à durée déterminée ainsi mis en évidence porte directement atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

L'intervention de l'Union locale CGT de Saint-Vallier doit donc être déclarée recevable.

Et, eu égard à cette violation des règles relatives aux contrats de travail à durée déterminée, l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession, dont l'Union locale CGT de Saint-Vallier assure la défense, doit être évaluée à la somme de 100 euros, dont il convient d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation de la SAS LUMIGIO, par confirmation du jugement déféré de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a condamné la SAS LUMIGIO à remettre au salarié les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte.

Le jugement de première instance est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.

Il y a lieu de condamner la SELARL [Z] ès-qualités aux dépens d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Les parties doivent être déboutées de leurs demandes respectives formées à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

Condamné la SAS LUMIGIO à payer à M. [C] les sommes suivantes :

' 100 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1 000 euros net au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'20 000 euros net à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

'100 euros net à titre de dommages et intérêts pour non remise des documents de fin de contrat,

Ordonné à la SAS LUMIGIO de remettre à M. [C] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et le solde de tout compte rectifiés et conformes au présent jugement, sous astreinte journalière de 50 euros par document jusqu'à la remise de tous les documents à compter du 15e jour suivant le prononcé de la décision, astreinte que le Conseil de prud'hommes se réserve le droit de liquider,

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

ORDONNE l'inscription au passif de la liquidation de la SAS LUMIGIO des sommes ayant été confirmées, et les sommes suivantes :

1791,22 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

300 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite préalable à l'embauche,

300 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

ORDONNE à la SELARL [Z] ès-qualités de remettre à M. [C] une attestation à destination de Pôle emploi rectifié conforme à la relation de travail,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

DIT qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la SELARL [Z] ès-qualités aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 20/02442
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;20.02442 ?
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