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21/03/2023 | FRANCE | N°20/04023

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 21 mars 2023, 20/04023


N° RG 20/04023 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KU4U



N° Minute :



C2



























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY



la SELARL BOYER-BESSON MANGIONE



la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT











AU NOM DU PE

UPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 21 MARS 2023





Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/02511) rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 09 novembre 2020, suivant déclaration d'appel du 14 Décembre 2020





APPELANTE :



Mme [B] [D]

née le 15 Juin 1941

de nationalité Française

[Adres...

N° RG 20/04023 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KU4U

N° Minute :

C2

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY

la SELARL BOYER-BESSON MANGIONE

la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 21 MARS 2023

Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/02511) rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 09 novembre 2020, suivant déclaration d'appel du 14 Décembre 2020

APPELANTE :

Mme [B] [D]

née le 15 Juin 1941

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Thomas BONZY de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Françoise MOLLARD, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIM ÉS :

M. [J] [X]

né le 24 Août 1935 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Mme [S] [X]

née le 01 Janvier 1935 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentés par Me Audrey MANGIONE de la SELARL BOYER-BESSON MANGIONE, avocat au barreau de GRENOBLE

S.A. CARDIF ASSURANCE VIE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Laurence LIGAS de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Véronique FONTAINE, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle CARDONA, Présidente,

Monsieur Laurent GRAVA, Conseiller,

Mme Anne-Laure PLISKINE, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Janvier 2023, M. Laurent Grava, conseiller et Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, assistés de Caroline Bertolo, greffière, en présence de Catherine Silvan, greffière stagiaire, ont entendu seuls les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [V] [H] a souscrit, les 28 août 1998 et 18 novembre 2003, deux contrats d'assurance vie auprès de Cardif Assurance Groupe BNP Paribas.

Par courrier manuscrit du 28 novembre 2009 elle a modifié la clause bénéficiaire au profit de Mme [B] [D], à défaut les enfants de celle-ci nommément désignés et à défaut ses petits enfants, nés ou à naître.

Mme [H] est décédée le 25 août 2017.

Par courrier du 28 août 2017, M. [J] [X] a informé Cardif du décès de Mme [H] et de sa désignation personnelle, avec son épouse, en tant que bénéficiaires des assurances vie.

Par courrier du 1er mars 2018 la société Cardif Assurance Vie s'est opposée au versement du capital décès aux époux [X].

Par acte du 14 juin 2018, M. [J] [X] et Mme [S] [X] ont fait assigner la société Cardif Groupe BNP Paribas devant le tribunal de grande instance de Grenoble, aux fins de la voir condamnée à leur verser les capitaux décès souscrits par Mme [H].

La société Cardif a appelé en cause Mme [B] [D], bénéficiaire initiale. Les procédures ont été jointes le 30 avril 2019.

Par jugement en date du 9 novembre 2020 le tribunal judiciaire de Grenoble a :

dit que M. et mme [X] sont bénéficiaires des deux contrats souscrits par Mme [H],

condamé la société Cardif Assurances Vie à procéder au décaissement du capital décès des deux assurances vie au profit de M. et Mme [X], avec intérêt au taux légal à compter du jugement,

débouté les parties des demandes plus amples ou contraires,

condamné la société Cardif Assurances Vie et Mme [D] à leur payer la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Cardif Assurances Vie et Mme [D] aux dépens,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Mme [D] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, par déclaration du 14 décembre 2020, intimant M. [J] [X], Mme [S] [X] et la société Cardif Assurance Vie.

Aux termes de ses dernières conclusions,dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, elle demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, d'annuler le testament olographe en date du 28 juillet 2017, de débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle sollicite avant dire droit une vérification d'écritures et conclut au débouté de M. et Mme [X].

Elle soutient que le tribunal a considéré que Mme [H] avait modifié la clause bénéficiaire des deux contrats non par un avenant, mais en requalifiant l'écrit produit par les consorts [X] en testament olographe, alors que :

- ils ne rapportent pas la preuve de ce que le courrier a bien été transmis à l'assureur avant le décès,

- que l'écrit du 28 juillet 2017 ne peut être considéré comme un testament olographe, dès lors qu'il n'est pas produit en original et que la copie n'a aucune valeur probante,

- qu'aucun justification n'est fournie sur l'impossibilité de produire l'original du testament invoqué, et que cette impossibilité peut résulter de la destruction du document original,

- qu'il appartient aux consorts [X] de prouver la perte ou la destruction du courrier qu'ils estiment être un testament,

- que la notion de copie fiable de l'article 1379 du code civil requiert un point de comparaison, dès lors que le contenu de l'acte original est inconnu et que la preuve de son existence n'est pas rapportée,

- qu'à titre subsidiaire, plusieurs éléments permettent de penser que l'écrit requalifié par le tribunal judiciaire en testament olographe, n'a pas été écrit de la main de Mme [H],

- que les époux [X] ne rapportent pas la preuve de la volonté certaine et non équivoque de Mme [H] de révoquer Mme [D] des clauses bénéficiaires des contrats.

Dans le dernier état de leurs conclusions, M. et Mme [X] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a jugé qu'il y avait lieu de faire application des dispositions du code civile dans leur verions antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonannce n°2016-131 du 10 février 2016,

- dire qu'ils sont bénéficiaires des deux contrats d'assurance vie souscrits par Mme [H],

- débouter Mme [D] de ses demandes,

- condamner Mme [D] à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent :

- que par note manuscrite du 28 juillet 2017 Mme [H] a demandé à ce qu'ils soient les nouveaux bénéficiaires de ses assurances vie,

- que M. [X] a déposé le manuscrit à l'agence bancaire de Mme [H] le jour même,

- que le testament est du 28 juillet 2017 et l'action a été introduite en 2018, que dès lors les textes postérieurs au 1er octobre 2016 sont applicables,

- qu'en application de l'article 1379 du code civil, la production de la copie fiable doit être jugée satisfaisante,

- que la fiabilité de la copie n'est pas remise en cause par une preuve contraire, alors qu'ils ont été institués légataires universels,

- que l'argument selon lequel l'écrit ne serait pas de la main de Mme [H] est nouveau, et que Mme [D] ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle invoque,

- que la modification de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie n'est assujettie à aucune forme particulière.

La société Cardif Assurance Vie demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande au titre des intérêts majorés,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer le capital décès aux consorts [X], avec intérêt à compter du jugement,

- assortir le capital décès d'intérêts à expiration d'un délai de 15 jours à compter de la transmission par les bénéficiaires des documents nécessaires, dont le certificat d'acquittement des droits fiscaux,

- statuer ce que de droit sur la demande d'expertise graphologique,

- débouter toute partie d'une éventuelle demande d'article 700 du code de procédure civile à son encontre,

- laisser à chaque partie la charge de ses dépens.

MOTIFS

- sur le bénéficiaire des contrats

En l'espèce, les principaux éléments pris en compte par les premiers juges pour déclarer M. et Mme [X] bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie souscrits par Mme [H] auprès de la société Cardif sont les suivants :

- il résulte de l'article L 132-8 du code des assurances que l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance ; qu'en l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre ; que cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant ; que cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire ;

- à défaut d'être adressé à l'assureur avant le décès du souscripteur, l'avenant au contrat est inopposable et la volonté ainsi exprimée demeure sans effet, néanmoins un manuscrit daté et signé de la main du souscripteur peut valoir comme testament olographe et emporter modification de la clause bénéficiaire,

- il incombe aux juges du fond de rechercher la volonté du souscripteur quant à la répartition du capital garanti,

- les consorts [X] produisent un écrit au nom de Mme [H] en date du 28 juillet 2017, dont ils ne rapportent pas la preuve qu'il ait été transmis à l'assureur et qu'il vaudrait avenant,

- cependant, cet écrit peut constituer un testament olographe recevable dans le cadre d'une modification de la clause bénéficiaire, la volonté de la défunte étant au surplus corroborée par le testament olographe du 23 juillet 2017, déposé au rang des minutes du notaire, instituant les époux [X] légataires universels de la défunte,

- Mme [D] ne verse aucun élément sur la lucidité de Mme [H] un mois avant son décès,

- Mme [H] avait bien modifié la clause bénéficiaire de ses deux contrats par voie testamentaire et que dès lors, la connaissance de l'assureur avant le décès est sans incidence.

En appel Mme [D] conteste la validité et l'existence du testament olographe du 28 juillet 2017, dès lors qu'il n'est pas produit en original et que la perte ou la destruction n'en sont pas soutenues par les époux [X].

Il résulte cependant des dispositions de l'article 1379 du code civil dans sa rédaction postérieure au 1er octobre 2016 et donc applicable à l'acte daté du 28 juillet 2017 que la copie fiable a la même force probante que l'original. La fiabilité est laissée à l'appréciation du juge. Néanmoins est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d'un écrit authentique.

Est présumée fiable jusqu'à preuve du contraire toute copie résultant d'une reproduction à l'identique de la forme et du contenu de l'acte, et dont l'intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

En l'espèce, Mme [D], qui conteste la validité de l'acte du 28 juillet 2017 ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause la fiabilité de celui-ci.

Au contraire, la volonté de Mme [H] écrivant dans l'acte demander 'que la clause bénéficiaire de mes contrats d'assurance vie soit modifiée au profit dorénavant de [S] et [J] [X]' est confirmée par le testament olographe qu'elle a signé 23 juillet 2017, instituant les époux [X] en tant que ses légataires universels, acte enregistré en l'étude de Maître [W], notaire le 19 octobre 2017.

Cette volonté certaine et non équivoque de Mme [H] d'avantager M. et Mme [X] est d'ailleurs confirmée par l'autre testament olographe déposé chez Maître [A] et daté du 8 juillet 2017.

En outre, la demande de vérification d'écriture sollicitée par Mme [D] est irrecevable, en vertu des dispositions de l'article 789 5°, comme n'ayant pas été présentée en cours de mise en état.

Dès lors qu'il manifeste une volonté claire et non équivoque de modifier la clause bénéficiaire initiale des contrats d'assurance sur la vie souscrits par Mme [H], il n'y a pas lieu d'annuler l'acte du 28 juillet 2017, mais au contraire de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que cet acte valait disposition testamentaire de nature à permettre la modification de la clause bénéficiaire des contrats en dépit de l'absence de connaissance par l'assureur.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Cardif à procéder au paiement au profit de M. et Mme [X].

- sur le taux d'intérêt

L'issue de la procédure d'appel étant nécessaire pour que la société Cardif obtienne les pièces indispensables au règlement des sommes dues en vertu de contrat, il convient d'infirmer le jugement en ce qui concerne le cours des intérêts au taux légal et de dire que lesdits intérêts courront à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la transmission par M. et Mme [X] des documents nécessaires.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement, sauf en ce qui concerne le cours des intérêts,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de vérification d'écritures,

Déboute Mme [D] de ses demandes,

Dit que les sommes dues par la société Cardif Assurances Vie à M. et Mme [X] porteront intérêt au taux légal à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la transmission par les bénéficiaires et l'ensemble des documents nécessaires,

Condamne Mme [D] à payer à M. et Mme [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [D] aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/04023
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;20.04023 ?
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