La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2023 | FRANCE | N°20/03657

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 28 mars 2023, 20/03657


N° RG 20/03657 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KTYH



N° Minute :





C4

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



Me Nathalie CROUZET















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE

GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 28 MARS 2023



Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/01606) rendu par le tribunal judiciaire de VALENCE en date du 08 octobre 2020, suivant déclaration d'appel du 20 Novembre 2020





APPELANTE :



S.A.S. BERTHOULY TRAVAUX PUBLICS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qual...

N° RG 20/03657 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KTYH

N° Minute :

C4

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

Me Nathalie CROUZET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 28 MARS 2023

Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/01606) rendu par le tribunal judiciaire de VALENCE en date du 08 octobre 2020, suivant déclaration d'appel du 20 Novembre 2020

APPELANTE :

S.A.S. BERTHOULY TRAVAUX PUBLICS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la Société VALETTRE TRAVAUX PUBLICS,

[Localité 2]

Représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me RAHIN

INTIMÉS :

M. [K] [V]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 4]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Nathalie CROUZET, avocat au barreau de GRENOBLE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ARDECHE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

M. Frédéric Dumas, vice-président placé, en vertu d'une ordonnance en date du 9 mars 2022 rendue par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble,

M. Laurent Grava, conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 octobre 2022, Frédéric Dumas, vice-président placé, qui a fait son rapport, assisté de Mme Caroline Bertolo, Greffière, en présence de Céline Richard, greffière stagiaire, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [K] [V] a été victime d'un accident le 6 août 2013 alors qu'il était transporté en tant que passager d'un engin de chantier que son employeur, la société Valette Travaux Publics aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée Berthouly Travaux Publics (société Berthouly), avait loué à la société Kiloutou, laquelle l'avait assuré auprès de la société anonyme Generali IARD.

Suivant ordonnance du 15 juillet 2016 le juge des référés du tribunal de grande instance de Valence a instauré une mesure d'expertise médicale de M. [V], laquelle a été déclarée caduque le 26 septembre 2016 en raison du défaut de consignation à laquelle l'intéressé était tenu.

Par jugement du 22 février 2018, qu'il a déclaré commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Drôme, le tribunal de grande instance de Valence a :

- dit que M. [V] a droit à réparation des conséquences dommageables de l'accident dont il avait été victime le 6 août 2013,

- dit que la société Berthouly devait prendre en charge la seule indemnisation du préjudice corporel de M. [V] en lien avec l'accident du 6 août 2013,

- avant dire droit, sur l'étendue des conséquences dommageables de l'accident du 6 août 2013, ordonné une expertise médicale et désigné le docteur [D] pour y procéder,

- condamné la société Berthouly à verser à M. [V] une provision de 1 200 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel,

- débouté M. [K] [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le docteur [D] a déposé le 24 septembre 2018 son pré-rapport d'expertise, devenu définitif le 4 novembre 2018.

Par exploits des 14 et 27 mai 2019 M. [V] a fait assigner la société Berthouly et la CPAM de l'Ardèche devant le tribunal de grande instance de Valence aux fins d'obtenir la réparation de son préjudice corporel.

Suivant jugement réputé contradictoire du 8 octobre 2020, déclaré commun et opposable à la CPAM de l'Ardèche qui n'avait pas constitué avocat et assorti de l'exécution provisoire à concurrence de la moitié des sommes allouées, le tribunal a :

- fixé à 43 595,10 euros le montant du préjudice total subi par M. [V] à la suite de l'accident survenu le 6 août 2013 (hors préjudices pris en charge par les organismes sociaux),

- déduction faite de la provision allouée par le jugement du 22 février 2018, condamné la société Berthouly à payer à M. [V] la somme de 42 395,10 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté M. [V] du surplus de ses demandes,

- condamné la société Berthouly à payer a M. [V] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Berthouly aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et autorisé l'avocat de M. [V] à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le 20 novembre 2020 la société Berthouly a interjeté appel du jugement à l'encontre de M. [V] et de la CPAM de l'Ardèche.

L'appelante a, le 25 novembre 2020, fait assigner la société Generali IARD en intervention forcée devant la cour d'appel de Grenoble.

Les procédures ont été jointes selon ordonnance du 5 janvier 2021 du conseiller de la mise en état.

La société Berthouly a conclu à la réformation du jugement du 8 octobre 2020 et, considérant que la société Valette Travaux Publics avait loué l'engin de chantier à la société Kiloutou et que l'indemnisation de M. [V] incombait à la société Generali IARD en tant qu'assureur, a formulé un certain nombre de demandes à l'égard de celle-ci tendant notamment à la voir condamner à la relever et garantir de toutes les condamnations mises à sa charge au titre de l'indemnisation des conséquences de l'accident du 6 août 2013.

M. [V] a conclu à la confirmation partielle du jugement déféré.

La société Generali IARD a soulevé, à titre principal, l'irrecevabilité de la demande de la société Berthouly aux fins d'intervention forcée en l'absence d'évolution du litige et conclu subsidiairement au fond.

La CPAM de l'Ardèche n'a pas constitué avocat.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 17 novembre 2021 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 24 janvier 2022.

Suivant arrêt avant dire droit et au fond du 14 juin 2022 la cour d'appel de Grenoble a :

- déclaré irrecevable la demande de la SAS Berthouly Travaux Publics aux fins d'intervention forcée de la SA Generali IARD,

- ordonné la réouverture des débats limitée au recueil des observations des parties sur le principe et le quantum de la prise en compte de la pension d'invalidité servie par la CPAM de l'Ardèche dans l'indemnisation éventuelle de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent subis par M. [V] et mise à la charge de la SAS Berthouly Travaux Publics,

- révoqué l'ordonnance de clôture du 17 novembre 2021,

- renvoyé l'affaire à l'audience du 18 octobre 2022,

- fixé la nouvelle clôture au 8 septembre 2022,

- condamné la SAS Berthouly Travaux Publics à verser à la SAS Generali IARD une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les autres demandes ainsi que les dépens et la décision sur les frais irrépétibles.

Aux termes de ses dernières conclusions la société Berthouly demande à la cour de réformer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

- débouter M. [V] au titre de sa demande pour le poste de tierce personne temporaire,

- fixer l'indemnisation des postes de préjudices de M. [V] comme suit : - incidence professionnelle : 5 000 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 3 034,94 euros,

- souffrances endurées : 3 000 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 11 270 euros,

- préjudice esthétique : 500 euros,

- condamner M. [V] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire.

Au soutien de ses prétentions l'appelante, aux conclusions de laquelle il est renvoyé pour les moyens relatifs à la liquidation des préjudices, expose s'agissant des motifs de réouverture des débats que le principe de réparation intégrale implique que l'indemnité due à la victime soit calculée en tenant compte des prestations servies par le tiers payeur, lesquelles contribuent à la réparation de son préjudice. Une pension d'invalidité s'impute d'abord sur les pertes de gains professionnels futurs, puis sur l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent. Les sommes perçues à ce titre par M. [V] à hauteur de 8 664,78 euros par an doivent par conséquent être déduites des postes de préjudices de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent.

En réplique, selon ses dernières écritures auxquelles il y a lieu de se référer pour le détail de la liquidation de ses préjudices, M. [V], qui n'a pas formulé d'observation ou modifié ses demandes postérieurement à la réouverture des débats, conclut à ce que la cour confirme le jugement déféré, en ce qu'il a justement évalué la réparation des postes de tierce personne temporaire, déficit fonctionnel temporaire et partiel, ainsi que l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, et pour le surplus :

- condamne la société Berthouly à lui payer les sommes suivantes outre intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil :

- 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 10 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 14 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 3 000 euros au titre du préjudice esthétique,

- condamne la société Berthouly à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de maître Crouzet, avocat.

La C.P.A.M. de l'Ardèche, à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions de la société Berthouly ont été signifiées à personne le 24 février 2021, n'a pas constitué avocat.

L'instruction a été clôturée suivant ordonnance du 5 octobre 2022 et l'affaire renvoyée à l'audience du 11 octobre 2022.

Par soit-transmis du 24 février 2023 la cour a demandé aux avocats des parties de faire toutes observations sur l'applicabilité, à la présente affaire, de la jurisprudence de la Cour de cassation résultant des arrêts rendus en assemblée plénière le 20 janvier 2023 concernant la non imputation de la rente accident du travail sur l'indemnisation du poste du déficit fonctionnel permanent.

Suivant courrier du 1er mars 2023 le conseil de M. [V] a indiqué que la créance de la CPAM, au titre de la pension d'invalidité servie par elle, ne pouvait venir s'imputer sur le déficit fonctionnel permanent.

La société Berthouly Travaux Publics a indiqué maintenir ses conclusions n°3.

MOTIFS

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

Sur les demandes principales

En vertu du principe indemnitaire la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit. Ce faisant elle est en droit d'obtenir la réparation de tout son préjudice et uniquement de son préjudice.

Il ressort du rapport d'expertise que le 6 août 2013 M. [V] a été éjecté de la cabine d'un chargeur industriel et aurait alors perdu connaissance jusqu'à l'arrivée des pompiers.

Les conclusions du docteur [D], qui a fixé la date de consolidation au 17 septembre 2015, sont les suivantes :

- les faits ayant motivé les opérations d'expertise médicale sont constitués de l'accident du 6 août 2013 survenu au cours du travail,

- selon le certificat médical initial M. [V] présentait les blessures suivantes : '...traumatisme du rachis cervico-dorsal et lombaire, douleurs para lombaires bilatérales',

- M. [V] présentait un état antérieur pathologique rachidien, ayant donné lieu dans les cinq années précédant l'accident à diverses prises en charge notamment en chirurgie orthopédique, ledit accident ayant été l'événement déclenchant d'une aggravation sévère et les soins nécessaires étant imputables à cet accident de travail,

- il est tenu compte pour l'évaluation des préjudices permanents de1'évolution parallèle de l'état antérieur,

- ces lésions et ces soins ont provoqué les périodes de déficit fonctionnel temporaire suivantes :

- 33 % du 6 août 2013 au 16 février 2014,

- total du 17 au 20 février 2014,

- 50 % du 21 février au 10 mars 2014 (intervention pendant cette période d'une aide de vie non spécialisée de quatre heures hebdomadaire),

- 25 % du 11 mars au 11 mai 2014,

- 10 % du 12 mai 2014 au 25 mars 2015,

- 25 % du 26 mars au 8 juin 2015,

- total du 9 juin au 10 juillet 2015,

- 15 % du 11 juillet au 17 septembre 2015,

- souffrances endurées : 3/7,

- des séquelles persistent, directement et exclusivement imputables à l'accident du 6 août 2013, qui justifient l'octroi d'un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique (A.I.P.P.) de 7 %,

- le préjudice esthétique permanent : 1/7,

- sur le plan professionnel l'arrêt de travail imputable à l'accident s'est étendu du 6 août 2013 au 17 septembre 2015, l'inaptitude actuelle n'étant imputable au sinistre qu`au prorata du taux d'A.I.P.P.,

- il n'y a pas actuellement à prévoir d'éventuels soins ou frais futurs, après consolidation des lésions provoquées par l'accident du travail, toute évolution en aggravation ne résultant que de l`évolution propre de l`état antérieur,

- il ne persiste pas d'éléments constitutifs d'autre préjudice ou dommage corporel.

Au regard de la situation de M. [V], âgé de 34 ans au jour de la consolidation pour être né le [Date naissance 1] 1980 et titulaire d'un C.A.P. de conducteur d'engins de travaux publics, du rapport d'expertise, de ses demandes et moyens, ainsi que des pièces produites, et de ceux de la société Berthouly, ses préjudices seront indemnisés comme suit.

1 - Les préjudices patrimoniaux

1-1 - Le préjudice patrimonial temporaire : l'assistance tierce personne

Les dépenses liées à l'assistance temporaire visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Par principe l'indemnisation de l'assistance tierce personne est fixée en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée et ne saurait donc être réduite en cas d'assistance bénévole ou de mise en oeuvre d'une mesure de protection.

L'expert a indiqué dans ses conclusions que durant la période de déficit fonctionnel temporaire du 21 février au 10 mars 2014 correspondant à un retour à domicile post-opératoire 'l'état de M. [V] justifiait l'intervention d'une aide de vie non spécialisée' de quatre heures hebdomadaires.

Le premier juge, faisant droit à la demande de M. [V], a indiqué dans les motifs lui allouer la somme de 180 euros à raison de quatre heures par semaine entre le 21 février et le 10 mars 2014, soit 4 heures x 2,5 semaines x 18 euros/heure.

L'appelante conteste l'indemnisation de ce préjudice au motif que l'intimé ne justifie aucunement sa demande.

En vertu du principe précédemment exposé cependant il conviendra d'allouer à M. [V] la somme de 180 euros au titre de l'indemnisation de ce poste de préjudice.

1-2 - Le préjudice patrimonial permanent

Aux termes des articles 29 à 31 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ouvrent droit, contre la personne tenue à réparation ou son assureur, à des recours subrogatoires des tiers payeurs qui s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

Il en résulte ainsi que pour la détermination de l'indemnité complémentaire revenant à la victime en réparation de son préjudice soumis à recours, doivent être prises en compte toutes les prestations versées par les tiers payeurs subrogés, même si ces derniers n'exercent pas leur recours ou le limitent à une somme inférieure.

Si, en application des textes et du principe susvisés une rente d'invalidité doit s'imputer sur les pertes de revenus et l'incidence professionnelle (Crim. 19 avril 2017), elle n'a, eu égard à son mode de calcul (appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini à l'article L434-2 du code de la sécurité sociale), ni pour objet ni pour finalité l'indemnisation des souffrances physiques et morales de sorte qu'elle ne saurait s'imputer sur l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent (Ass. Plén. 20 janvier 2023).

En l'espèce M. [V] verse au dossier une notification de montant de pension d'invalidité de la CPAM de l'Ardèche, en date du 5 mars 2020, à hauteur de 8 664,78 euros, étant précisé que selon un relevé de prestations 2020 du 5 janvier 2021 du même organisme l'assuré a perçu un total de 4 903,57 euros.

Il convient dès lors de déduire des indemnités allouées au titre des postes de préjudices précités les arrérages échus et le capital constitutif des arrérages à échoir de la pension d'invalidité servies par l'organisme social.

A cette fin il est nécessaire tout d'abord de capitaliser la rente versée à M. [V] à compter du 1er janvier 2021. Par référence au barème de capitalisation 2022 publié par la Gazette du Palais la capitalisation d'une rente viagère pour un homme âgé de 40 ans à la date de liquidation des préjudices, avec un taux d'actualisation de - 1 % prenant en compte une forte inflation, est la suivante : 8 664,78 euros x 51,250 (euro de rente), soit 444 069,98 euros.

A cette rente capitalisée doivent ensuite être ajoutés les arrérages échus de 4 903,57 euros représentant un total de 448 973,55 euros au titre du montant global de la prestation à déduire de l'évaluation des postes de préjudices concernés.

L'incidence professionnelle

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit précédemment rappelé implique en outre que l'indemnité due à la victime soit calculée en tenant compte de toutes les prestations servies par le tiers payeur.

L'expert judiciaire conclut que 'du fait des lésions constatées initialement, il persiste des séquelles, directement et exclusivement imputables à l'accident du 06/08/2013 qui justifient l'octroi d'un taux d'Atteinte à l'Intégrité Physique et Psychologique de 7 %'.

Il ajoute que 'les séquelles de l'accident participent à cette inaptitude au prorata du taux d'Atteinte à l'Intégrité Physique et Psychologique en conséquence'.

Selon M. [V] il est ainsi démontré qu'il subit une incidence professionnelle concrétisée par l'augmentation de la pénibilité du travail, la dévalorisation sur le marché du travail et nécessairement par la perte d'une chance professionnelle.

Arguant de la perception d'une pension d'invalidité annuelle de 8 664,78 euros de la CPAM de l'Ardèche, constituant son seul revenu depuis mai 2020, l'intéressé explique ne pas avoir pu reprendre une activité professionnelle huit ans après l'accident en raison des séquelles persistantes à l'origine de son invalidité, étrangère à son état antérieur, étant par conséquent dans l'impossibilité d'occuper son précédent emploi.

La société Berthouly conteste quant à elle les prétentions adverses, considérant que M. [V] ne justifie ni la nature ni l'ampleur de l'incidence invoquée, et rappelle que loin d'avoir été reconnu inapte à son poste il en a été licencié pour faute grave.

Au regard de l'évaluation expertale et en l'absence d'élément étayant la demande de M. [V], le poste de préjudice de l'incidence professionnelle sera fixé à la somme de 10 000 euros.

En raison de la pension d'invalidité capitalisée à hauteur de 448 973,55 euros dont bénéficie la victime le solde de ladite pension à déduire du déficit fonctionnel permanent s'élèvera à 438 973,55 euros.

2 - Les préjudices extrapatrimoniaux

2-1 - Les préjudices extrapatrimoniaux temporaires

2-1-1 - Le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet l'indemnisation de l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime. A l'inverse, elle va traduire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle jusqu'à la consolidation. Elle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime, mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.).

M. [V] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu une indemnisation à raison de 30 euros par jours que la société Berthouly souhaite voir ramener à 16,66 euros eu égard à l'état et à la situation générée par la victime.

Celle-ci sera cependant dédommagée sur la base d'une juste indemnité de 25 euros par jour d'invalidité temporaire, soit :

- déficit fonctionnel total : 34 jours x 25 € = 850 euros,

- déficit fonctionnel de 33 % : 194 jours x 25 € x 33 % = 1 600,50 euros,

- déficit fonctionnel de 50 % : 17 jours x 25 € x 50 % = 212,50 euros,

- déficit fonctionnel de 25 % : 135 jours x 25 € x 25 % = 843,75 euros,

- déficit fonctionnel de 15 % : 68 jours x 25 € x 15 % = 255 euros,

- déficit fonctionnel de 10 % : 317 jours x 25 € x 10 % = 792,50 euros.

En conséquence l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire de M. [V] sera fixée à hauteur de 4 554,25 euros et le jugement dont appel sera infirmé sur ce point.

2-1-2- Les souffrances endurées

Ce poste de préjudice concerne toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, soit du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de celle-ci les souffrances endurées relèveront du déficit fonctionnel permanent au titre duquel elles pourront être indemnisées..

Constituées par l'intensité des lésions initiales et les soins chirurgicaux les souffrances endurées par la victime, évaluées à 3/7 par l'expert, seront réparées, en l'absence d'élément particulier fourni par celle-ci, par l'allocation d'une juste indemnité de 7 000 euros.

2-2 - Les préjudices extrapatrimoniaux permanents

2-2-1 - Le déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent caractérise une incapacité constatée médicalement, laquelle établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Ce poste de préjudice renvoie non seulement aux atteintes à ses fonctions physiologiques, mais aussi à la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre quotidiennement après sa consolidation.

Ce poste correspond ainsi à la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

En raison des séquelles persistantes, directement et exclusivement imputables au sinistre du 6 août 2013, l'expert judiciaire évalue ce poste de préjudice à 7 %.

Sur une base de 2 000 euros du point M. [V] sollicite une indemnisation de 14 000 euros quand la société Berthouly sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a retenu une valeur du point de 1 850 euros pour fixer ce poste de préjudice à 12 950 euros.

Selon le référentiel d'indemnisation intercours de 2022 et un tableau de 2020 la valeur du point pour une victime âgée de 34 ans à la date de consolidation et affectée d'un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychologique de 7 % est de 2 035 euros. L'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de M. [V], qui devrait ainsi être arrêtée à 14 245 euros, sera fixée à 14 000 euros afin de ne pas statuer au-delà de sa demande.

2-2-2 - Le préjudice esthétique permanent

Ce poste de préjudice vise à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer de manière permanente l'apparence physique de la victime.

Mentionnant des cicatrices chirurgicales d'excellente qualité le docteur [D] chiffre le préjudice esthétique à 1/7.

En l'absence de justificatifs de M. [V] concernant tant l'emplacement des cicatrices que leur apparence son préjudice esthétique permanent sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros.

En conséquence les préjudices subis par M. [V] seront fixés comme suit :

- assistance tierce personne : 180 euros,

- incidence professionnelle : 10 000 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 4 554,25 euros,

- souffrances endurées : 7 000 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 14 000 euros,

- préjudice esthétique permanent : 1 000 euros.

Après déduction de la pension d'invalidité versée par la CPAM de l'Ardèche du poste de l'incidence professionnelle, la société Berthouly sera condamnée à payer à M. [V] la somme de 26 734,25 euros à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter du jugement du 8 octobre 2020, la demande de capitalisation présentée par M. [V] étant rejetée conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés pour faire valoir leurs droits devant la cour.

L'appelante, dont la responsabilité est établie, supportera les entiers dépens d'instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise en application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement du 8 octobre 2020 du tribunal judiciaire de Valence en toutes les dispositions dont la cour est saisie,

Statuant à nouveau,

Fixe les préjudices subis par M. [V] comme suit :

- assistance tierce personne : 180 euros,

- incidence professionnelle : 10 000 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 4 554,25 euros,

- souffrances endurées : 7 000 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 14 000 euros,

- préjudice esthétique permanent : 1 000 euros,

Condamne la SAS Berthouly Travaux Publics à payer à M. [K] [V], après déduction de la pension d'invalidité versée par la CPAM de l'Ardèche, la somme de 26 734,25 euros (vingt-six mille sept cent trente quatre euros vingt-cinq cents), outre intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2020, à titre de dommages et intérêts répartis ainsi :

- assistance tierce personne : 180 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 4 554,25 euros,

- souffrances endurées : 7 000 euros,

- préjudice esthétique permanent : 1 000 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 14 000 euros,

Déboute M. [V] de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts,

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Berthouly Travaux Publics aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière, Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/03657
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;20.03657 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award