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28/03/2023 | FRANCE | N°21/01232

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 28 mars 2023, 21/01232


N° RG 21/01232 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KZCL

C1

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée



le :

à :



la SELARL BGLM



la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT







AU NOM DU PEUPL

E FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 28 MARS 2023





Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/00787 )

rendu par le Tribunal judiciaire de GAP

en date du 26 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 10 Mars 2021





APPELANTS :



M. [P] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 10]



M. [G] [Z]

de nationalité Française

...

N° RG 21/01232 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KZCL

C1

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL BGLM

la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 28 MARS 2023

Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/00787 )

rendu par le Tribunal judiciaire de GAP

en date du 26 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 10 Mars 2021

APPELANTS :

M. [P] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 10]

M. [G] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 4]

M. [X] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 7]

M. [A] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Localité 5]

agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de leur mère décédée [J] [N],

tous quatre représentés par Me Christophe GUY de la SELARL BGLM, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

INTIMÉES :

Me [F] [S]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 10]

S.E.L.A.R.L. [B] - [S] venant aux droits de la SCP [K] [B] - [F] [S], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 12]

[Localité 10]

toutes deux représentées par Me Catherine GOARANT de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE plaidant par Me Cyrielle DELBÉ du même cabinet

COMPOSITION DE LA COUR: LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 février 2023, Madame Lamoine, conseiller, a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

*****

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par assignation du 22 août 2018, Mme [J] [N] divorcée de M. [L] [Z] d'une part, et ses enfants [P], [G], [X] et [A] [Z] d'autre part, ont assigné Me [F] [S] titulaire d'un office notarial à Gap, ainsi que la SCP [K] [B] - [F] [S] devant le tribunal de grande instance de Gap pour les voir condamner solidairement à leur rembourser les frais exposés dans le cadre de contentieux fiscaux consécutifs d'une part à une vente immobilière intervenue le 29 juin 2012, d'autre part à la déclaration de succession de M. [L] [Z] décédé le [Date décès 2] 2012, en invoquant dans les deux cas la responsabilité de Me [S] en sa qualité de notaire, dans les circonstances suivantes :

S'agissant de la vente immobilière :

Par acte authentique reçu le 29 juin 2012 par Maître [P] [U] notaire à [Localité 15], avec la participation de Me [S] notaire assistant la venderesse, Mme [N] a cédé à Mme [C] une maison à usage d'habitation situé à [Adresse 17]) pour le prix de 195 000 €.

Au paragraphe « Déclaration sur les plus-values immobilières », il était indiqué que l'immeuble était entré dans le patrimoine de la venderesse le 17 juin 1997 pour une valeur de 450'000 F, et qu'il était donné pouvoir au notaire à l'effet de prélever sur les disponibles du prix le montant de la plus value due pour le verser au Trésor public en vertu des articles 150 U à 150 VG du Code général des impôts.

En exécution de cette clause, Me [S] faisait souscrire à Mme [N] une déclaration fiscale de plus-value en calculant une imposition de 28 735 €, somme qu'elle versait alors au [Adresse 11] pour le compte de sa mandante.

Postérieurement, à la demande de sa cliente, Me [S] saisissait l'administration fiscale d'une réclamation écrite, faisant valoir que cette dernière pouvait prétendre à une exonération totale de la plus-value dans la mesure où le bien vendu constituait sa résidence principale jusqu'à son admission en maison de retraite fin 2009.

L'administration rejetait cette réclamation au motif que la cession était intervenue plus de deux années après l'entrée en établissement.

Mme [N] assignait alors la direction des finances publiques devant le tribunal de grande instance de Nîmes par acte du 23 août 2013.

Par courrier du 11 octobre 2013, l'administration fiscale indiquait à l'avocat de Mme [N] qu'elle n'entendait pas poursuivre le contentieux concernant l'impôt de 28'735 € acquitté, et qu'elle allait accorder un dégrèvement total. La péremption de l'instance était constatée le 16 février 2017 par le juge de la mise en état du tribunal saisi.

Mme [N] reprochait à Me [S], dans son action engagée devant le tribunal de grande instance de Gap, de ne pas avoir fait une application exacte des dispositions fiscales relatives à l'exonération de l'impôt sur les plus-values, et en particulier de ne pas avoir fait valoir la période d'hospitalisation qui avait précédé son entrée en maison de retraite et qui aurait dû venir en déduction dans le délai de deux années prévu par la réglementation.

Elle soutenait qu'en omettant de l'informer précisément sur les cas d'exonération prévus par la loi, Me [S] aurait manqué à son devoir de conseil. Elle lui réclamait le paiement de la somme de 2 657,27 € représentant les frais exposés lors du recours contentieux.

S'agissant de la déclaration de succession :

Suite au décès de M. [L] [Z] survenu le [Date décès 2] 2012, Me [S] établissait une déclaration fiscale de succession en date du 24 juin 2013, dans laquelle était estimée à 950'000 € la valeur d'un appartement situé à [Localité 13] et à 195'000 € celle d'un autre bien immobilier situé à [Adresse 8], tous deux dépendant de la succession.

Dans une première déclaration rectificative en date du 22 septembre 2014, la valeur du bien d'[Localité 9] était ramenée à 181'000 €, et le montant des droits de succession dus par chacun des héritiers était ramené à 73 339 €, montant réglé au Trésor Public.

Enfin, dans une deuxième déclaration rectificative en date du 10 décembre 2015, la valeur de l'appartement de [Localité 13] était ramenée à 810'000 € correspondant au prix auquel il venait d'être vendu, cette déclaration valant réclamation aux fins de dégrèvement partiel, à concurrence de 7 000 € chacun, des droits de succession des héritiers.

En l'absence de réponse de l'administration dans le délai de six mois valant rejet implicite, les consorts [Z] ont saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux par acte du 31 août 2016. Par courrier du 21 octobre 2016, l'administration fiscale acceptait d'accorder le dégrèvement réclamé soit 28 000 € au total, et le juge de la mise en état constatait le désistement des demandeurs par ordonnance du 19 janvier 2017.

Messieurs [P], [G], [X] et [A] [Z] reprochaient à Me [S], dans leur action engagée devant le tribunal de grande instance de Gap, d'avoir manqué à son devoir de conseil dans le cadre de l'évaluation du bien de Neuilly-sur-Seine, en s'abstenant de procéder à une étude du marché immobilier local ou de les inviter à faire procéder à une évaluation à dire d'expert. Ils réclamaient le paiement de la somme de 4 096,17 € au titre des frais du recours contentieux.

En outre, tant Mme [N] que ses enfants réclamaient paiement d'une somme globale de 3 000 € en réparation d'un préjudice moral, ainsi qu'une indemnité de procédure du même montant.

Par jugement du 26 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Gap :

a débouté Mme [N] d'une part, Messieurs [P], [G], [X] et [A] [Z] d'autre part de l'intégralité de leurs demandes,

les a condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'à payer la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés par les parties adverses

a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration au greffe en date du 10 mars 2021, Messieurs [P], [G], [X] et [A] [Z] ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance juridictionnelle du 5 avril 2022, leur appel portant sur la demande initiale de Mme [N] au titre de la plus-value immobilière a été déclarée recevable par le conseiller de la mise en état, en l'état du décès de cette dernière survenu le 22 novembre 2020 et de leur qualité d'héritiers désignés par la loi saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt au visa de l'article 724 du Code civil.

Par conclusions d'appelants n° 2 notifiées le 6 avril 2022, Messieurs [P], [G], [X] et [A] [Z] tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers de leur mère Mme [N] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré dans sa totalité, et de :

dire et juger que Me [S] a manqué à son devoir de conseil,

dire que les recours contentieux engagés par leur mère et par eux-mêmes sont la conséquence directe du manquement de Me [S] à cette obligation,

condamner par conséquent solidairement Me [S] et la SCP [K] [B] - [F] [S] aux dépens et à :

leur payer la somme totale de 6 753,44 € au titre des frais exposés dans le cadre des recours contentieux,

verser un état de frais modifié, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt intervenir, et à leur restituer le montant des émoluments proportionnels indûment versés,

leur payer les sommes de 3 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi, et de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

S'agissant de la déclaration de plus-value au titre de la vente immobilière :

que l'obligation de conseil de Me [S] devait conduire cette dernière à éclairer sa cliente sur les dispositifs d'exonération concernant la résidence principale du vendeur, et à rechercher si la situation de Mme [N] était susceptible de la rendre éligible à un cas d'exonération,

qu'à ce titre, elle aurait dû se renseigner sur la situation de résidence de Mme [N] qui avait immédiatement précédé son admission en maison de retraite,

que la question qu'aurait ainsi dû poser la notaire aurait permis d'éviter le versement d'une imposition sur plus-value qui n'était plus exigible,

que le simple rappel du texte fiscal applicable ne suffit pas à établir que la notaire a précisément et complètement informé sa cliente ni mené toutes les investigations que son devoir impliquait,

qu'avant même que soit publiée l'interprétation du texte visée par le tribunal dans les motifs du jugement, le Conseil d'Etat estimait que l'appréciation du délai de l'article 150 U du code des impôts devait se faire eu égard aux circonstances de chaque espèce, notamment dans la mesure où le délai pendant lequel le bien était demeuré inoccupé devait être considéré comme normal,

que dans le cas d'espèce, il revenait à Me [S] de s'enquérir des conditions dans lesquelles Mme [N] avait quitté son logement afin d'être en mesure d'apprécier le caractère de normalité du délai d'inoccupation de celui-ci,

que son manquement est d'autant plus important que Mme [N] se partageait, à [Localité 10], entre l'hôpital et la maison de retraite, situation de nature à influer sur le sort de la possible plus-value,

S'agissant de la déclaration de succession :

que l'article 761 du code général des impôts dispose que, pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles quelle que soit leur nature sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission, c'est-à-dire leur valeur réelle marchande d'après la loi de l'offre et de la demande,

que le notaire qui prête son concours à l'établissement de cette déclaration a l'obligation de conseiller les parties quant à la sincérité des évaluations proposées et de les informer sur la portée de l'acte et conséquences,

qu'en l'espèce il n'est pas reproché à Me [S] de n'avoir pas su valoriser un bien immobilier situé à Paris, mais de n'avoir pas invité les héritiers à faire procéder à une évaluation par un tiers disposant d'une expertise dans ce domaine,

qu'il est reproché à Me [S] de n'avoir pas tenu compte du prix de vente indiqué par eux soit 810 000 €, qui a donné lieu à la déclaration rectificative, voire d'avoir refusé catégoriquement de prendre en compte ce prix de vente effectif, ce qui les a contraints à diligenter par leurs propres moyens et à exposer des frais subséquents,

Ils soutiennent ainsi que les fautes de Me [S] leur ont causé un préjudice tenant aux frais exposés, ainsi qu'à la quote-part d'émoluments payés indûment à la notaire car calculés sur les valeurs vénales initiales des biens immobiliers déclarés. Enfin ils allèguent l'existence d'un préjudice moral, le comportement de Me [S] étant de nature à entraver la confiance raisonnable qu'ils étaient, comme clients, en droit d'avoir envers un officier public.

Me [S] et la SCP [K] [B] - [F] [S], par conclusions récapitulatives notifiées le 10 avril 2022, demandent la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et la condamnation solidaire des consorts [Z] à leur payer la somme supplémentaire de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles reprennent, en les développant, les motifs du jugement en ce qu'il a écarté tout manquement de Me [S] à ses obligations d'information et de conseil. Il est renvoyé à leurs conclusions sur ce point pour plus ample exposé

Elles ajoutent, s'agissant des préjudices :

que les appelants, s'ils justifient des montants des frais qui leur ont été réclamés au titre des diverses procédures, n'établissent pas s'être acquittés de leur règlement,

qu'en toute hypothèse, Me [S] ne saurait être tenue des frais exposés à la suite d'accords intervenus avec l'administration fiscale,

qu'il convient de rappeler que l'indemnisation d'un éventuel préjudice ne peut s'analyser comme une perte de chance, en l'espèce celle d'éviter une procédure contentieuse,

qu'aucun préjudice moral n'est démontré, les appelants ayant finalement bénéficié d'un dégrèvement dans les deux cas.

Sur la demande en restitution des émoluments proportionnels prétendument trop perçus, elles soulignent que les appelants ne chiffrent pas leur demande à ce titre, et que Me [S], qui n'est pas responsable des contentieux fiscaux engagés, ne saurait se voir priver de sa rémunération en règlement du travail accompli.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 17 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre de la vente immobilière

Le notaire, officier ministériel est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui.

En l'espèce, Messieurs [Z] reprochent à Me [S] d'avoir fait souscrire à leur mère lors de la vente du bien immobilier intervenue par acte authentique du 29 juin 2012 une déclaration de plus-value sans l'informer des dispositions exonératoires de l'article 150 U du code général des impôts et sans rechercher si, dans sa situation, elle était susceptible d'en bénéficier.

Aux termes de l'article 150 U II, 1° ter invoqué par les appelants, dans sa version applicable au moment de la vente litigieuse, étaient exonérées de l'impôt sur les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers, les cessions des biens :

'1° ter Qui ont constitué la résidence principale du cédant et n'ont fait l'objet depuis lors d'aucune occupation, lorsque ce dernier est désormais résident d'un établissement mentionné aux 6° ou 7° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles si, au titre de l'avant-dernière année précédant celle de la cession, il n'est pas passible de l'impôt de solidarité sur la fortune et n'a pas un revenu fiscal de référence excédant la limite prévue au II de l'article 1417 du présent code et si la cession intervient dans un délai inférieur à deux ans suivant l'entrée dans l'établissement'. (NB soulignement ajouté ici pour plus de clarté).

En l'espèce, la vente a été conclue par devant notaire le 29 juin 2012, et Mme [N] ne pouvait donc bénéficier de l'exonération ci-dessus rappelée que si elle était entrée en établissement médicalisé moins de deux ans avant cette date soit à partir du 30 juin 2010.

Or il ressort des propres écritures des appelants (page 3, alinéa 4 de leurs conclusions) que Mme [N] a 'été admise de manière permanente au sein du centre médical La Meije à compter de l'année 2009" (sic). La mention de cette période avait d'ailleurs été reprise, dans la lettre du 5 juin 2013 par laquelle Me [S] formait recours gracieux au nom de Mme [N] auprès de l'administration fiscale, en ces termes : 'Mme [N] est hébergée en maison de retraite depuis la fin de l'année 2009.'

Si, plus loin dans leurs conclusions notamment au bas de la page 8, les consorts [Z] mentionnent une date différente en affirmant que Mme [N] aurait 'quitté son domicile principal en 2010", ils ne précisent pas la date de ce départ ni ne la justifient par aucune des pièces produites.

Dès lors, les périodes d'hospitalisation qui ont précédé l'entrée de Mme [N] en maison de retraite médicalisée étaient a priori sans incidence sur ses droits à exonération, puisque ces périodes ne pouvaient entraîner la suspension d'un délai qui n'avait pas encore couru, au sens de la directive publiée au surplus au journal officiel du 14 juin 2013 soit postérieurement à la vente et à la déclaration de plus-value litigieuses. Enfin, si les appelants affirment, en haut de la page 10 de leurs conclusions, que Mme [N] 'se partageait à [Localité 10] entre l'hôpital et la maison de retraite', c'est sans autre précision ni de période ni de cadre des soins ainsi reçus (ambulatoires ou non), ni sans aucun justificatif à l'appui.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'il ne peut être reproché à Me [S], à qui il avait été indiqué que Mme [N] était en maison de retraite depuis fin 2009 ainsi qu'il ressort de la lettre de recours amiable rédigée pour sa cliente sur les indications qui lui étaient fournies, de n'avoir pas recherché d'éléments antérieurs complémentaires sur ce point, dont il n'est pas établi qu'ils auraient été de nature à entraîner l'exonération des droits en application de l'article 150 U, II, 1° ter du code général des impôts.

Si Messieurs [Z] se réfèrent encore, à l'appui de leur demande à ce titre, aux dispositions générales de l'article 150 U, II, 1° du même code, aux termes duquel sont exonérés les biens "qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession (...)", la jurisprudence administrative ayant effectivement admis que, pour l'application de ces dispositions, "un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l'immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal et qu'il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l'immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu", l'appréciation in concreto du caractère raisonnable du délai ainsi exigée par les juridictions administratives, constitutive d'un aléa non négligeable quant au fait que les conditions en soient effectivement réunies, supposait que, en l'état de la situation de Mme [N] admise en maison de retraite plus de deux ans avant la vente du bien en cause, Me [S], par prudence, fasse souscrire à sa cliente une déclaration de plus value, quitte à exercer un recours postérieur ce qui a été fait.

Il ne saurait donc être reproché à la notaire d'avoir agi ainsi dans ces conditions.

Enfin, ainsi que le tribunal l'a retenu, la circonstance que l'administration fiscale ait finalement transigé en acceptant le dégrèvement des droits ne suffit pas à démontrer que la notaire aurait commis une erreur dans l'application de la réglementation ni dans le recueil d'éléments permettant d'évaluer la situation de sa cliente.

Dès lors, la demande de Mme [N], aux droits de laquelle viennent aujourd'hui ses héritiers, en remboursement des frais de la procédure contentieuse engagée à ce titre, a justement été rejetée par les premiers juges à défaut de preuve d'une faute de Me [S].

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre de la déclaration de succession de M. [L] [Z]

L'article 761 du Code général des impôts édicte que, 'pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles quelle que soit leur nature sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission.'

En l'espèce, M. [L] [Z] est décédé le [Date décès 2] 2012, cette date étant donc celle de l'événement opérant transmission du patrimoine.

Dans la déclaration de succession établie le 24 juin 2013, la valeur du bien situé à [Localité 13] était fixée à 950 000 €, Me [S] justifiant, par ses pièces n° 5 et 6, avoir sollicité sur ce point l'estimation d'une agence immobilière située à [Localité 14] laquelle lui avait, par lettre du 8 avril 2013, indiqué une fourchette de valeur de ce bien entre 910 000 et 950 000 € net vendeur, ce dont elle a informé les héritiers par lettres du 12 avril.

Puis, par courrier du 29 mai 2013 (sa pièce n° 7), Me [S] demandait à ses clients s'ils avaient pu obtenir de nouveaux avis de valeur concernant les biens immobiliers, et elle produit aux débats un nouvel avis de valeur daté du 20 juin 2013 soit quatre jours avant la déclaration de succession, situant la valeur de l'appartement entre 909 000 et 959 500 € net vendeur.

Il en résulte qu'en soumettant à la signature de ses clients la déclaration de succession dans laquelle la valeur de ce bien était fixée à 950 000 €, Me [S] n'a pas failli à ses obligations en s'appuyant sur les avis de valeur qu'elle avait en sa possession.

Messieurs [Z] sont mal fondés à lui reprocher aujourd'hui, dans leurs écritures en cause d'appel, de n'avoir pas tenu compte du prix de vente indiquée par eux savoir 810'000 €, voire même de leur avoir opposé un 'refus catégorique de prendre en compte le prix de vente effectif du bien' (sic), alors-même que :

la cession du bien litigieux pour 810 000 € n'est intervenue, aux termes de l'acte introductif d'instance par lequel les appelants avaient saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux de ce contentieux, qu'au mois de décembre 2015, de sorte qu'il ne peut être reproché à la notaire de n'avoir pas pris ce prix en compte lors de la déclaration de succession remontant à plus de deux années auparavant,

Me [S] a fait établir et signer par ses clients dès le 10 décembre 2015 une déclaration de succession rectificative valant réclamation aux fins de dégrèvement partiel avec une nouvelle valeur déclarée de 810 000 € pour ce bien.

La circonstance que l'administration n'ait pas répondu à cette demande, ce qui équivalait à un refus et qui a conduit Messieurs [Z] à introduire un recours contentieux, n'est donc imputable à aucune faute de Me [S], et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en remboursement des frais de ce contentieux, le tribunal ayant, là encore, justement retenu que la décision finale de l'administration de renoncer à défendre sur ce recours étant sans incidence sur la preuve de la faute invoquée.

Sur la demande au titre d'un trop-perçu sur les émoluments

Les émoluments de l'étude de notaires ont été régulièrement calculés, au vu des pièces produites et selon les textes en vigueur, le 25 juin 2013 soit le jour suivant celui de la première déclaration de succession, et proportionnellement aux valeurs déclarées dans ce document fiscal.

Si deux déclarations rectificatives ont ensuite été établies, la première le 22 septembre 2014 ramenant la valeur du bien situé à [Adresse 8] à 181'000 €, et la seconde le 10 décembre 2015 ramenant la valeur de l'appartement de [Localité 13] à 810'000 €, rien ne justifie que les droits proportionnels de l'officier public et ministériel soient recalculés postérieurement sur la base de ces nouvelles valeurs, alors-même que ces déclarations rectificatives, dont il vient d'être démontré qu'elles ne trouvaient pas leur origine dans une faute de l'office notarial, ont pour autant suscité un travail supplémentaire de ce dernier par la rédaction de ces nouveaux documents.

Messieurs [Z] ne justifient pas du bien-fondé de leurs demandes à ce titre, au demeurant non chiffrées, et c'est à bon droit que le tribunal les a rejetées.

Sur les demandes accessoires

C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte en l'absence de tout moyen nouveau ou élément de preuve nouveau en cause d'appel, que le tribunal a rejeté la demande des consorts [Z] en réparation d'un préjudice moral.

Messieurs [Z], qui succombent en leur appel, devront supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en leur faveur.

Il est équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [P] [Z], M. [G] [Z], M. [X] [Z] et M. [A] [Z] à payer à Me [F] [S] et la SCP [K] [B] - [F] [S] unis d'intérêts, la somme complémentaire de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne in solidum M. [P] [Z], M. [G] [Z], M. [X] [Z] et M. [A] [Z] aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 21/01232
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;21.01232 ?
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