N° RG 21/01374 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KZMS
C3
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL FAYOL ET ASSOCIES
Me Naceur DERBEL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 04 AVRIL 2023
Appel d'une décision (N° RG 19/03467)
rendue par le Tribunal judiciaire de VALENCE
en date du 23 février 2021
suivant déclaration d'appel du 22 mars 2021
APPELANTS :
M. [J] [P]
né le 19 avril 1961 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 3]
Mme [I] [S] épouse [P]
née le 03 mars 1975 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentés par Me Elodie BORONAD de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE et plaidant par Me Noé BREYSSE, avocat au barreau de VALENCE
INTIMES :
Mme [X] [A] épouse [L]
née le 26 août 1983 à [Localité 4] (Moldavie)
de nationalité Russe
[Adresse 8]
[Localité 3]
M. [H] [L]
né le 01 janvier 1979 à [Localité 6] (Arménie)
de nationalité Ukrainienne
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentés par Me Naceur DERBEL, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 février 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [J] [P] et Mme [I] [S] épouse [P] ont acquis selon acte notarié du 11 décembre 2007, une maison d'habitation sise sur la parcelle AV [Cadastre 2] située à [Adresse 7].
Suivant acte notarié du 13 août 2008, M. [H] [L] et Mme [X] [A] épouse [L] ont acquis une maison d'habitation située sur la parcelle cadastrée AV [Cadastre 1] située à [Adresse 8]. Cette parcelle est voisine de la parcelle AV [Cadastre 2].
Ces propriétés sont situées dans l'enceinte d'un lotissement «'le Charran'» soumis à un cahier des charges datant du 12 avril 1952.
Selon un permis de construire accordé le 18 octobre 2013, M. et Mme [L] ont été autorisés à effectuer des travaux d'extension de leur maison, à créer une piscine et une clôture en murs pleins périphériques.
Le 20 juillet 2018, M. et Mme [P] ont formé un recours gracieux aux fins d'annulation de ce permis de construire en dénonçant une violation de l'article 4 du cahier des charges du lotissement'; ce recours n'a pas abouti.
Suivant courrier recommandé avec AR du 20 septembre 2019 (reçu le 24 septembre suivant), M. et Mme [P], se prévalant de l'article 4 du cahier des charges, ont mis en demeure M. et Mme [L] d'interrompre leurs travaux d'extension de leur immeuble et de procéder à la remise en état des lieux en supprimant cette extension.
M. et Mme [L] ayant opposé un refus, ils ont été assignés par acte du 3 décembre 2019 par M.et Mme [P] devant le tribunal de grande instance de Valence en démolition de cette extension sous astreinte de 300€ par jour de retard passé le délai de 3 mois suivant la signification du jugement à intervenir, sans préjudice des frais irrépétibles et des dépens.
Par jugement contradictoire du 23 février 2021, le tribunal précité devenu tribunal judiciaire a':
déclaré inopposable à M. et Mme [L] le cahier des charges du 12 avril 1952 du lotissment «'le Charran'»,
débouté M. et Mme [P] de leurs demandes, fins et prétentions,
déclaré M. et Mme [L] irrecevables en leur demande reconventionnelle (comme étant prescrite),
condamné M. et Mme [P] à payer à M. et Mme [L] la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec recouvrement par Me [E],
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration déposée le'22 mars 2021, M. et Mme [P] ont relevé appel.
Dans leurs dernières écritures déposées le 5 novembre 2021 sur le fondement des articles L.442-9 du code de l'urbanisme, 1134 ancien, 1103 nouveau, 1143 ancien, 1221 et suivants nouveaux du code civil, 4 du cahier des charges du lotissement Le Charran établi le «'15'» avril 1952 par la société Le Foyer Dauphinois et approuvé par arrêté du préfet de la Drôme du 22 juillet 1952, M. et Mme [P] demandent à la cour
d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il :
a déclaré inopposable à M. et Mme [L] le cahier des charges du 12 avril 1952 du lotissement Le Charran,
les a déboutés de leurs demandes, fins et prétentions,
les a condamnés à payer à M. et Mme [L] la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau de :
juger opposable à M. et Mme [L] le cahier des charges du lotissement Le Charran en date du 22 juillet 1952,
déclarer irrecevables les attestations de MM [C] et [N] (pièces adverses n°11 et 12),
juger que les travaux d'extension de l'habitation de M. et Mme [L] sont réalisés en violation des règles applicables au sein du lotissement Le Charran,et plus particulièrement de l'article 4 du cahier des charges,
condamner M. et Mme [L] à démolir l'extension de leur maison sise [Adresse 8], parcelle AV [Cadastre 1], sous astreinte de 300€ par jour de retard, passé le délai de trois mois à compter de la signification «'du jugement'»,
condamner les mêmes à leur verser une somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens
Les appelants soutiennent en substance que':
ils rapportent la preuve en appel que leurs voisins, quand bien même ce document n''était pas mentionné dans leur titre de propriété, avaient connaissance du cahier des charges lors du dépôt de leur demande de permis de construire' le 16 juillet 2013, à savoir que le titre de propriété des auteurs de M. et Mme [L] daté du 20 janvier 1983 mentionne le lotissement et reproduit in extenso l'article 4 du cahier des charges, la fiche de renseignement d'urbanisme annexée à l'acte de vente de M.et Mme [L] fait mention du lotissement, ceux-ci ont été convoqués le 28 février 2013 à une assemblée de co-lotis fixée au 26 mars suivant pour voter sur l'annulation ou le maintien de cet article 4 et ont donné procuration pour s'y faire représenter par tout clerc de l'étude de Me [D] et donné pouvoir pour voter en faveur de l'annulation, et qu'ils ont été informés des résultats de ce vote par un courrier du notaire du 2 avril 2013,
l'extension est réalisée en violation de l'article 4 de ce cahier des charges et doit être supprimée, M. et Mme [L] ne pouvant pas se prévaloir d'une prescription acquisitive,
bien qu'ayant attendu le 20 juillet 2018 pour dénoncer cette violation de l'article 4, ils sont recevables dans leur action en démolition dès lors que la prescription quinquennale ne court qu'à compter de l'achèvement des travaux, et que l'extension est toujours en cours de réalisation.
Par dernières conclusions déposées le 10 août 2021, M. et Mme [L] sollicitent que la cour'statuant ce que de droit sur la recevabilité de l'appel et le jugeant mal fondé,
confirme le jugement déféré en ce qu'il :
leur a déclaré inopposable le cahier des charges du 12 avril 1952 du lotissement Le Charran,
a débouté M. et Mme [P] de leurs demandes, fins et prétentions,
a condamné M. et Mme [P] à leur payer la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
a dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement,
a condamné M. et Mme [P] aux dépens distraits au profit de Me Derbel,
y ajoutant,
condamner solidairement M. et Mme [P] à leur payer la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
les condamner sous la même solidarité en tous les dépens d'instance et d'appel avec distraction au profit de Me [E], avocat, sous ses offres et affirmations de droit.
Les intimés répliquent en substance que':
le cahier des charges du lotissement n'est pas régulier comme n'ayant pas été approuvé par un arrêté préfectoral distinct de celui du 22 juillet 1952 qui portait uniquement autorisation de créer le lotissement,
il ne leur est pas opposable dès lors qu'il ne leur a pas été remis à l'acquisition de leur propriété et que l'acte de vente ne laissait pas apparaître ou présumer l'existence d'un tel document qui, de par sa nature contractuelle, ne souffre pas d'une présomption d'opposabilité à leur égard,
la signature figurant sur l'accusé de réception de la convocation du 28 février 2013 n'est pas celle de M. [L], le pouvoir de représentation n'est pas écrit de sa main ni signé par lui, le clerc de Me [D] ayant«'raflé'» la quasi-totalité des pouvoirs des colotis, Mme [L] en tout état de cause n'apparaît pas dans ces documents, et aucune preuve n'est rapportée quant à la notification officielle du résultat de ce vote qui leur en aurait été faite.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023.
MOTIFS
La cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes et en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.
A ce titre, elle n'est pas saisie de la demande de M. et Mme [P] relative à la non prescription de leur action car non mentionnée au dispositif de leurs dernières conclusions d'appel.
Sur la demande de rejet des attestations communiquées par M. et Mme [L] (n°11 et 12)
M. et Mme [P] qui s'abstiennent de motiver en droit comme en fait ce chef de prétention, doivent en être déboutés.
Sur la validité et l'opposabilité du cahier des charges du lotissement
L'article 4 du cahier des charges du lotissement Le Charran faisant l'objet du présent litige, prévoit notamment «'l'implantation des bâtiments sera faite conformément au plan de lotissement, aucune modification ou adjonction de contruction nouvelle ne pourra être apportée à cette implantation. L'aspect extérieur des constructions, et en générale la toiture, tous les éléments des façades, leur couleur, ne pourront en aucun cas être modifiées'».
C'est en vain que M. et Mme [L] soutiennent l'irrégularité du cahier des charges du 12 avril 1952 au motif de sa non approbation par arrêté préfectoral.
En effet, la validité du cahier des charges d'un lotissement n'est pas subordonnée à une telle approbation'; en son absence, sa nature demeure strictement contractuelle'; dans le cas contraire, il présente un caractère réglementaire et figure au nombre des dispositions que le permis de construire doit respecter ce qui implique que ses règles d'urbanisme deviennent opposables aux colotis et peuvent fonder un refus de permis de construire.
Ensuite, les clauses du cahier des charges d'un lotissement, quelle que soit sa date, et approuvé ou non, ont un caractère contractuel et engagent à ce titre les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues et ce, sans limitation de durée, ce cahier des charges, de par sa nature contractuelle ne devenant pas caduc contrairement aux documents du lotissement contenant des règles d'urbanisme (article L. 442-9 du code de l'urbanisme).Tout coloti, de par cette seule qualité, peut dénoncer une violation du cahier des charges, sans qu'il soit tenu de démontrer le préjudice que lui occasionnerait cette violation.
Ainsi, si les restrictions au droit de propriété qui grèvent les lots pouvant figurer dans le cahier des charges d'un lotissement ont un caractère réel et s'imposent aux colotis malgré leur absence de mention dans les actes d'acquisition, c'est à la condition impérative qu'il soit établi que l'acquéreur en a eu connaissance et qu'il y a consenti.
Or, l'acte d'acquisition de M. et Mme [L] ne fait pas référence à l'existence d'un lotissement et a fortiori à un cahier des charges de lotissement, le bien immobilier acquis y étant désigné comme «'sis dans l'ensemeble immobilier Le Charran'». Et quand bien même la fiche de renseignements d'urbanisme annexée à cet acte de vente mentionne l'existence du lotissement'«'le Charran'», il n'est pas référé à un cahier des charges du lotissement.
Il ne peut leur être opposé l'acte d'acquisition de leurs auteurs (les époux [W]) du 20 janvier 1983 lequel faisait mention du lotissement et reproduisait in extenso l'article 4 du cahier des charges, dans la mesure où ils n'étaient pas partie à cet acte et que celui-ci n'a pas été visé dans leur acte d'acquisition'; en tout état de cause, il n'est pas démontré qu'il leur a été communiqué à l'époque de la vente.
Ensuite, il n'est pas davantage établi, que M. et Mme [L] ont été convoqués à l'assemblée générale des colotis de mars 2013 dont l'ordre du jour portait sur la suppression ou pas de l'article 4 précité'; en effet, M. et Mme [P] se référent à une lettre de convocation datée du 28 février 2013, qui bien qu'étant dite LRAR, est générale et non nominative ainsi intitulée «'convocation modificatif cahier des charges «'le Charran'» mardi 26 mars 2013 à 18h30'»'.
Ne sont pas non plus déterminants le document intitulé «'pouvoir'» établi au nom de M. [L] [H] au profit de tout clerc de l'étude de Me [D] à l'effet d'accepter l'annulation de l'article 4 du cahier des charges du lotissement du Charran'» daté et signé le 7 mars 2013' et le fait que la feuille de présence à la réunion du 26 mars 2013 mentionne que M. et Mme [L] étaient représentés par un clerc de l'étude de Me [D]'; en effet, il s'avère que le pouvoir (qui en tout état de cause ne concerne pas Mme [L]) comporte une écriture et une signature non conformes à celles de M. [L]'; en outre, à suivre la thèse des appelants selon laquelle les intimés avaient eu connaissance de cet article 4 de cette convocation et ce pouvoir, il est incompréhensible que M. [L] se soit alors prononcé en faveur de la suppression de cet article, alors même qu'il allait déposer peu de temps après une demande de permis de construire pour réaliser une extension de sa maison'; ce choix contradictoire illustre en tant que de besoin que ce pouvoir n'est pas son 'uvre.
Enfin, aucun élément de preuve autorise à considérer que le courrier de Me [D] du 2 avril 2013 intitulé «'compte rendu des votes de l'assemblée des colotis du lotissement Le Charran du 26 mars 2013'» adressé à «'Mesdames, Messieurs'», a été porté à la connaissance de M. et Mme [L].
En définitive, dès lors que le cahier des charges litigieux n'a pas été publié, n'a pas été annexé ni visé dans l'acte d'acquisition de M. et Mme [L] et que ces derniers n'ont jamais adhéré à ce cahier des charges et dont rien ne permet d'affirmer qu'ils en auraient eu connaissance lors de leur acquisition, l'article 4 de ce cahier des charges ne leur est pas opposable.
Le jugement querellé est en conséquence confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant dans leur recours, M. et Mme [P] sont condamnés aux dépens d'appel et doivent conserver la charge de leurs frais de procédure. Ils sont condamnés à verser à M. et Mme [L], unis d'intérêt, une indemnité de procédure en appel. Ces condamnations seront prononcées in solidum et non pas solidairement, la solidarité ne se présumant pas';
Par ailleurs, les dispositions du jugement entrepris du chef des dépens et des frais irrépétibles sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré,
Ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à déclarer irrecevables les pièces n°11 et 12 de M. [H] [L] et Mme [X] [A] épouse [L],
Condamne in solidum M. [J] [P] et Mme [I] [S] épouse [P] à verser à M. [H] [L] et Mme [X] [A] épouse [L], unis d'intérêt, la somme de 3.000€ à titre d'indemnité de procédure d'appel,
Déboute M. [J] [P] et Mme [I] [S] épouse [P] de leur demande présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [J] [P] et Mme [I] [S] épouse [P] aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT