C3
N° RG 19/00751
N° Portalis DBVM-V-B7D-J4NM
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Pierre lyonel LEVEQUE
la CPAM DE L'ISÈRE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU LUNDI 15 MAI 2023
Appel d'une décision (N° RG 20170334)
rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VIENNE
en date du 31 décembre 2018
suivant déclaration d'appel du 14 février 2019
APPELANT :
Monsieur [T] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Pierre lyonel LEVEQUE, avocat au barreau de VIENNE
INTIMEES :
Société [7] SOCIETE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Michel NICOLAS, avocat au barreau de LYON
Organisme CPAM DE L'ISERE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante en la personne de Mme [C] [V] régulièrement munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 février 2023,
M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 21 novembre 2014, M. [X] façadier salarié de la SARL [7] a été victime d'un accident sur son lieu de travail.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de l'Isère a pris en charge d'emblée cet accident au titre de la législation professionnelle.
L'état de santé de M. [X] a été déclaré consolidé le 28 juin 2015 avec un taux d'IPP de 15 % et une rente lui a été allouée.
Le 13 juillet 2016, M. [X] a sollicité la reconnaissance par la caisse du caractère inexcusable de la faute de son employeur et après non-conciliation a saisi le 1er décembre 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne de cette demande.
Par jugement du 31 décembre 2018 reçu le 7 février 2019 par M. [X], ce tribunal a :
débouté M. [X] de l'intégralité de ses demandes,
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 ni à exécution provisoire du jugement,
le tout sans frais ni dépens.
M. [X] a interjeté appel de ce jugement le 13 février 2019 par déclaration au greffe.
Par arrêt mixte du 18 novembre 2021, la Cour a :
Rejeté le moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel.
Déclaré l'appel recevable.
Infirmé le jugement entrepris.
Statuant à nouveau,
Déclaré que l'accident dont M. [X] a été victime le 21 novembre 2014 est imputable à la faute inexcusable de son employeur la société [7].
Fixé au maximum la majoration de la rente, ou du capital représentatif de rente que doit servir la CPAM de l'Isère.
Ordonné, avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices, une expertise médicale confiée au Dr [O] [H],
Débouté M. [X] de sa demande de provision.
Réservé les dépens et les demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'expert a déposé son rapport le 13 avril 2022 au terme duquel il a ainsi évalué les préjudices :
- Souffrance endurée temporaire : 2,5/7
- Souffrance endurée définitive 1/7
- Préjudice esthétique temporaire 1/7 pendant 15 jours
- Préjudice esthétique définitif : 0/7
- Préjudice d'agrément : sans objet
- Déficit fonctionnel temporaire :
- 100 % du 21 novembre 2014 au 29 novembre 2014
- 25 % du 30 novembre 2014 au 30 décembre 2014
- 15 % du 31 décembre 2014 au 28 juin 2015
- Préjudice exceptionnel : sans objet
Après dépôt de ce rapport d'expertise, les débats ont eu lieu à l'audience du 28 février 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 15 mai 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [T] [X] selon ses conclusions d'appel notifiées le 20 octobre 2022 reprises à l'audience demande à la cour de :
- liquider comme suit les préjudices indemnisables découlant de son accident du travail et,
- condamner la société [7] à payer :
- au titre des souffrances endurées temporaires la somme de 6 000 euros,
- au titre des souffrances endurées définitives la somme de 1 500 euros,
- au titre du préjudice esthétique temporaire la somme de 1 500 euros ,
soit au total la somme de 9 000 euros,
- condamner la société [7] au paiement du déficit fonctionnel temporaire, soit au total la somme de 1 290 euros,
- condamner ainsi la société [7] au paiement de la somme totale de 9 870 euros,
- condamner la société [7] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [7] aux entiers dépens.
La SARL [7] au terme de ses conclusions du 18 janvier 2023 reprises à l'audience demande à la cour de :
- débouter M. [X] du montant de ces demandes excessives au titre des souffrances endurées temporaires pour la somme de 6 000 euros,
des souffrances endurées définitives pour la somme de 1 500 euros et celle du préjudice esthétique temporaire la somme de 1 500 euros soit la somme totale de 9 000 euros,
- ramener le montant des différents postes de préjudice conformément à la jurisprudence de la cour selon les bases suivantes :
- souffrances endurées temporaires la somme de 2.500 euros,
- souffrances endurées définitives la somme de 0 euros,
- préjudice esthétique temporaire la somme de 500 euros,
- déficit fonctionnel temporaire la somme de 858 euros,
soit au total la somme de 3.858 euros,
- débouter M. [X] en sa demande de condamnation formée à son encontre tendant au paiement de la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel,
- condamner M. [X] aux entiers dépens.
La CPAM de l'Isère s'en rapporte sur la liquidation des préjudices et demande à la cour de condamner l'employeur à lui rembourser l'intégralité des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance auprès de M. [X], y compris les frais de l'expertise.
Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE :
Sur l'indemnisation des préjudices subis par M. [Y],
M. [X], né le 4 juin 1966, employé en qualité de façadier par la SARL [7], a été déclaré consolidé avec séquelles indemnisables au 28 juin 2015 des suites de son accident du travail survenu le 21 novembre 2014 et pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire de l'Isère.
Une rente lui a été attribuée sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 15 %.
La cour ayant retenu l'existence d'une faute inexcusable à l'encontre de l'employeur de M. [X], une expertise a été ordonnée et confiée au docteur [H] en vue de l'évaluation des préjudices subis par le salarié.
L'expert désigné qui a déposé son rapport le 13 avril 2022 n'a pas retenu de préjudice d'agrément ni de préjudice exceptionnel. Il a par ailleurs précisé que les éléments ont été traduits par l'épouse à chaque temps de l'examen, M. [X] [T] parlant peu et comprenant peu le français.
Seront examinés les postes de préjudices suivants : le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées temporaires et définitives, le préjudice esthétique temporaire.
Il est à noter que M. [X] n'a développé aucun moyen à l'appui de ses demandes d'indemnisation se limitant à les chiffrer dans le dispositif de ses écritures.
Sur le déficit fonctionnel temporaire,
Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.
L'évaluation des troubles dans les conditions d'existence tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.
L'expert a retenu :
100 % du 21 novembre 2014 au 29 novembre 2014 (9 jours), période d'hospitalisation
25 % du 30 novembre 2014 au 30 décembre 2014 (31 jours), période à domicile
15 % du 31 décembre 2014 au 28 juin 2015 (180 jours).
Sans autre précision, M. [X] sollicite la condamnation de la SARL [7] à lui payer à ce titre la somme de 1 290 euros.
De son côté, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie, l'employeur estime que la base de calcul à retenir doit être fixée à la somme de 600 euros par mois, soit 20 euros par jour de déficit fonctionnel temporaire total. Au terme de ses explications détaillées, l'intimée retient retient la somme de 858 euros.
L'indemnisation se fera de la façon suivante sur une base journalière de 30 euros qu'il apparaît justifié de retenir :
(9 jours x 30 euros) + (31 jours x 30 euros x 25 %) + (180 jours x 30 euros x 15 %) = 1 312,50 euros.
Sur les souffrances endurées,
Il s'agit d'indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation.
- s'agissant des souffrances endurées temporaires,
Evaluées à 2.5/7, M. [X] demande une somme à ce titre de 6 000 euros qualifiée d'excessive par l'employeur qui souhaite la voir réduite à 2 500 euros.
Selon l'expert, les souffrances endurées temporaires sont constituées d'un traumatisme crânien important avec un séjour en réanimation neurochirurgicale puis un séjour de quelques jours en service de neurologie. L'évolution s'est faite vers une amélioration des douleurs efficace et rapide. Compte-tenu de l'impact psychologique, il existe des souffrances endurées psychologiques qui sont intégrées dans cette évaluation.
Ces constatations justifient que soit allouée la somme de 5 000 euros à M. [X].
- s'agissant des souffrances endurées définitives,
Evaluées à 1/7 par le docteur [H], l'employeur sollicite le rejet de la demande d'indemnisation formée par M. [X] au titre des souffrances endurées définitives faisant valoir qu'à partir de la consolidation, les souffrances endurées sont indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (DFP) ou de la rente accident travail, comme en l'espèce.
La rente n'ayant ni pour finalité ni pour objet d'indemniser le déficit fonctionnel permanent et l'indemnisation de ce dernier poste n'ayant pas été sollicitée par M. [X], sa demande d'indemnisation de souffrances éprouvées après consolidaiton est recevable.
L'expert a constaté l'existence de douleurs en lien avec les céphalées et des douleurs morales compte-tenu de la perte d'activité professionnelle caractérisant ces douleurs résiduelles.
Au vu de ces éléments, il y a lieu d'allouer à M. [X] la somme de 1 500 euros. à titre d'indemnisation de ce préjudice.
Sur le préjudice esthétique temporaire,
Seul un préjudice esthétique temporaire a été retenu par l'expert et évalué à 1/7 durant 15 jours après les faits. Il est caractérisé par des hématomes du visage, la tuméfaction généralisée de la face.
Pour la SARL [7], M. [X] étant, selon ses dires, un homme d'âge mûr, il y a lieu de ramener la somme de 1 500 euros sollicitée à 500 euros.
Compte tenu de la description faite par l'expert, de la durée limitée à 15 jours après les faits et de l'âge de la victime, une juste indemnisation du préjudice esthétique temporaire subi par M. [X] conduit la cour à lui allouer la somme de 500 euros.
L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale prévoit que la réparation des préjudices en cas de faute inexcusable est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
Dans ces conditions, la SARL [7] sera condamnée à rembourser à la CPAM de l'Isère l'intégralité des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance auprès de M. [X], y compris les frais d'expertise.
Sur les mesures accessoires,
Les dépens seront supportés par la SARL [7] qui succombe.
Il parait équitable d'allouer à M. [X] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel à la charge de la SARL [7] qui succombe aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Fixe les préjudices de M. [T] [X] aux sommes de :
- 1 312,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
- 5 000 euros au titre des souffrances endurées temporaires ;
- 1 500 euros au titre des souffrances endurées définitives ;
- 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère devra faire l'avance de ces sommes à M. [T] [X].
Condamne la SARL [7] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère l'intégralité des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance auprès de M. [T] [X], y compris les frais d'expertise.
Condamne la SARL [7] aux dépens d'appel.
Condamne la SARL [7] à payer la somme de 1 000 euros à M. [T] [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président