C3
N° RG 21/04347
N° Portalis DBVM-V-B7F-LCMT
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
la CARSAT RHONE-ALPES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU LUNDI 15 MAI 2023
Appel d'une décision (N° RG 20/00537)
rendue par le Pole social du TJ de VALENCE
en date du 07 septembre 2021
suivant déclaration d'appel du 13 octobre 2021
APPELANTE :
Madame [H] [G]
née le 21 Mai 1953 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat au barreau de VALENCE substituée par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
Caisse CARSAT RHONE-ALPES
Département Judiciaire
[Localité 3]
comparante en la personne de Mme [K] [W] régulièrement munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 février 2023,
M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs dépôts de conclusions et observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [H] [G], née le 21 mai 1953, est bénéficiaire depuis le 1er juin 2008, premier jour du mois suivant son 55ème anniversaire, d'une pension de réversion attribuée du chef de son conjoint décédé le 28 août 2005.
Le 1er octobre 2013, Mme [G] a fait valoir l'ensemble de ses droits à la retraite.
Le 8 novembre 2013, la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail (CARSAT) Rhône-Alpes a notifié à Mme [G] l'attribution à son profit d'une retraite personnelle au régime général à compter du 1er octobre 2013 pour un montant mensuel de 254,96 euros, hors majoration pour enfants ainsi que de la révision de sa pension de réversion à compter du 1er juillet 2013 en raison de ses ressources.
Suivant notification du 13 janvier 2020, la CARSAT Rhône-Alpes a avisé l'assurée de la suspension du paiement de sa pension de réversion faute pour cette dernière d'avoir retourné le questionnaire relatif à ses ressources.
Le 23 mars 2020, un indu d'un montant de 6 778, 90 euros, limité à la période du 1er mars 2018 au 31 décembre 2019 en application de la prescription biennale, a été notifié à Mme [G].
Le 6 novembre 2020, Mme [G] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Valence d'un recours à l'encontre du rejet implicite par la commission de recours amiable de la CARSAT Rhône-Alpes saisie le 6 août 2020 de sa contestation de la décision du 23 mars 2020 lui notifiant le recalcul de ses droits et l'indu.
Suivant décision notifiée le 8 décembre 2020, la commission de recours amiable a rejeté le recours de l'assurée formé sur le fond puis, le 12 janvier 2021, sa demande subsidiaire de remise gracieuse de la dette.
Par jugement du 7 septembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a :
- déclaré Mme [G] recevable en son recours,
- l'a déclaré mal fondé,
- débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Mme [G] à payer à la CARSAT Rhône-Alpes la somme de 6 738,66 euros au titre de l'indu de pension de reversion pour la période du 1er mars 2018 au 31 décembre 2019,
- condamné Mme [G] aux entiers dépens,
- dit n'y a avoir lieu à exécution provisoire.
Le 13 octobre 2021, Mme [G] a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 14 septembre 2021.
Les débats ont eu lieu à l'audience du 28 février 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 15 mai 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [H] [G] selon ses conclusions d'appel notifiées par RPVA le 13 avril 2022 reprises à l'audience demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence le 7 septembre 2021 de l'ensemble des chefs de jugement,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que la pension de réversion qui lui a été versée par la CARSAT ne pouvait plus faire l'objet d'aucune révision au-delà du 1er janvier 2014,
En conséquence,
- condamner la CARSAT Rhône-Alpes à lui verser une pension de réversion à hauteur de 435,76 euros depuis le 1er janvier 2020,
- condamner la CARSAT à lui payer la somme de 8 952,72 euros au titre des arriérés de pension de réversion du 1er janvier 2020 au 1er avril 2022 à parfaire au jour de la reprise effective du versement de la pension de réversion,
A titre subsidiaire,
- ordonner la remise de la dette réclamée d'un montant de 6 738,66 euros,
- condamner la CARSAT Rhône-Alpes à payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la CARSAT Rhône-Alpes aux entiers dépens.
Elle soutient d'une part que le montant de sa pension de réversion ne pouvait plus faire l'objet d'aucune révision et d'autre part, que le montant des sommes réclamées est incohérent et les sommes prescrites pour partie.
A titre principal, sur le caractère non-révisable de la pension de réversion, et se fondant sur les dispositions de l'article R. 353-1-1 du code de la sécurité sociale, elle fait valoir que la CARSAT Rhône-Alpes ayant eu connaissance, à la date du 11 juin 2013, de la liquidation de ses droits à la retraite au 1er octobre 2013 auprès de l'ensemble des caisses, cette dernière ne pouvait plus réviser la pension de réversion trois mois après cette date soit après le 1er janvier 2014 et au plus tard, au 1er juillet 2014, date à laquelle elle a atteint l'âge légal de départ à la retraite à 61 ans et 2 mois.
A titre subsidiaire, sur le montant des sommes réclamées, elle relève que, selon la CARSAT Rhône-Alpes, le solde de la dette a été ramenée à 6 738,66 euros et demande que le montant de la dette soit fixé à cette somme.
Sur la remise de dette sollicitée par l'assurée, elle expose être de bonne foi, qu'elle est veuve, vit seule, que le montant de ses revenus s'élève à 1 716,71 euros par mois et ses charges mensuelles fixes à 1 194,46 euros, soit un solde de 600 euros pour faire face à ses dépenses courantes.
La CARSAT Rhône-Alpes au terme de ses conclusions d'appel parvenues au greffe le 8 novembre 2022 reprises à l'audience demande à la cour de :
- juger bien fondée la révision de la pension de réversion de Mme [G],
En conséquence,
- débouter Mme [G] de son appel,
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris,
- condamner Mme [G] aux entiers dépens.
La CARSAT Rhône-Alpes répond que si Mme [G] l'a bien informée de son intention de liquider ses droits à retraite personnelle au 1er octobre 2013, ce n'est que suite à un questionnaire de contrôle du 17 octobre 2019 et sa réponse du 22 janvier 2020 qu'elle a eu connaissance du montant de toutes les retraites que Mme [G] percevait et notamment une retraite agricole [4].
Elle précise par ailleurs que le fait que l'assurée ait déposé une demande réglementaire de retraite auprès de la MSA le 11 juin 2013, formulaire qui lui a ensuite été transmis, n'emportait pas nécessairement la conséquence que Mme [G] avait ultérieurement obtenu, sur la base de cette demande, la liquidation de son droit au régime agricole à la date désirée ou n'y aurait pas renoncé dans l'intervalle.
Elle indique avoir appliqué la prescription biennale dès lors que le trop-perçu a été limité, conformément aux dispositions de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale aux échéances des deux années précédant la révision intervenue au mois de mars 2020, soit à la période du 19 mars 2018 au 31 décembre 2019, date de suspension de sa prestation.
Sur la remise de dette sollicitée par l'assurée, elle fait valoir qu'elle n'est pas opposée à accorder à Mme [G] des délais pour s'acquitter de sa dette, selon des modalités qui resteront à définir d'un commun accord entre les parties mais s'oppose à une remise totale dès lors que l'appelante a déjà bénéficié de la prescription.
Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE :
L'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable depuis le 23 décembre 2011, prévoit l'octroi de la pension de réversion au bénéfice du conjoint survivant de l'assuré décédé à partir d'un certain âge et sous certaines conditions fixées par décret notamment de ressources.
Selon l'article R. 353-1-1 du même code, dans sa version en vigueur depuis le 3 juin 2011, la pension de réversion est révisable en cas de variation dans le montant des ressources, calculé en application des dispositions de l'article R. 353-1, dans les conditions et selon les modalités fixées aux articles R. 815-20, R. 815-38, R. 815-39 et R. 815-42. La date de la dernière révision ne peut être postérieure :
a) à un délai de trois mois après la date à laquelle le conjoint survivant est entré en jouissance de l'ensemble des avantages personnels de retraite de base et complémentaire lorsqu'il peut prétendre à de tels avantages ;
b) à la date à laquelle il atteint l'âge prévu par l'article L. 161-17-2, lorsqu'il ne peut pas prétendre à de tels avantages.
L'article R. 815-38 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable depuis le 13 janvier 2007, impose aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées de déclarer à l'organisme ou au service qui leur sert cette allocation tout changement survenu dans leurs ressources, leur situation familiale ou leur résidence et l'article suivant permet à cet organisme ou service de procéder, à tout moment, à la vérification des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des demandeurs ou au contrôle des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.
Il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 353-1-1, R. 815-18 et R. 815-38 du code de la sécurité sociale, que si la date de la dernière révision de la pension de réversion ne peut être postérieure, notamment, à un délai de trois mois après la date à laquelle le conjoint survivant est entré en jouissance de l'ensemble des avantages personnels de retraite de base complémentaire lorsqu'il peut prétendre à de tels avantages, c'est à la condition que l'intéressé ait informé l'organisme auquel incombe le paiement de la pension de réversion de l'ensemble de ces avantages.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le 11 juin 2013, au moyen du formulaire réglementaire transmis à la Mutualité Sociale Agricole (MSA) Ardèche Drôme Loire, Mme [G] a déposé une demande de retraite personnelle.
L'objet du litige porte en revanche sur un indu au titre de la pension de réversion pour sa période non prescrite du 19 mars 2018 au 31 décembre 2019, date à compter de laquelle le versement de la prestation a été suspendu.
Au soutien de sa contestation de l'indu, Mme [G] prétend que la pension de réversion qui lui a été versée par la CARSAT Rhône-Alpes ne pouvait plus faire l'objet d'aucune révision au-delà du 1er janvier 2014 et au plus tard, au 1er juillet 2014, date à laquelle elle a atteint l'âge légal de départ à la retraite à 61 ans et 2 mois dès lors que la caisse avait eu connaissance, à la date du 11 juin 2013, de ce qu'elle faisait valoir l'ensemble de ses droits à retraite au 1er octobre 2013 toutes caisses confondues.
Mais pour pouvoir opposer à la CARSAT Rhône-Alpes le caractère non révisable de sa pension de réversion, Mme [G] doit démontrer avoir informé, de sa propre initiative, la caisse de l'attribution effective et du montant de la pension de vieillessse attribuée par la MSA suite au dépôt de sa demande le 11 juin 2013 et plus généralement de tous ses avantages de retraite, régime complémentaire inclus (en l'espèce, [4]). Le simple dépôt de la demande ne dispensant pas l'assurée de ses obligations déclaratives auprès de la CARSAT Rhône-Alpes, dès lors que la pension de réversion est attribuée sous condition de ressources conformément aux dispositions précitées du code de la sécurité sociale.
Or aucune des pièces produites par l'appelante n'est de nature à justifier de ce qu'elle a satisfait à ses obligations.
Il ressort au contraire des courriers adressés par Mme [G] à la CARSAT Rhône-Alpes que l'assurée reconnaît tout d'abord, le 24 octobre 2019, ne pas lui avoir retourné le questionnaire daté du 17 octobre intitulé « retraite de réversion - contrôle à compter de l'âge légal d'obtention du taux plein » qui lui avait été adressé pour connaître sa situation familiale actuelle et ses ressources et ainsi permettre de poursuivre le versement de sa retraite de réversion comme le précise le début du courrier.
Puis, le 21 janvier 2020, après avoir reçu notification de la suspension de sa retraite de réversion à compter du 1er janvier 2020 en l'absence de transmission de ce questionnaire relatif aux ressources, Mme [G] confirme ne pas avoir renvoyé le dossier pensant à une « erreur ».
En tout état de cause, la CARSAT Rhône-Alpes a dû solliciter l'assurée comme en atteste la demande de justificatifs datée du 23 janvier 2020.
Au vu de ces constatations, compte tenu du manquement de Mme [G] à son obligation d'information, la CARSAT Rhône-Alpes a ainsi régulièrement procédé à la révision de la pension de réversion sur la base des nouveaux éléments portés à sa connaissance.
L'indu notifié à Mme [G] le 23 mars 2020 pour la période non prescrite du 1er mars 2018 au 31 décembre 2019 pour un montant de 6 778, 90 euros ramené à 6 738, 66 euros, montant non contesté par l'appelante, est donc justifié.
Mme [G] étant mal fondée en sa contestation, elle sera déboutée de ses demandes principales relatives au maintien de sa pension de réversion et au paiement de celle-ci.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la remise de dette sollicitée par Mme [G],
En application de l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2018, à l'exception des cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale, notamment dans des cas mentionnés aux articles L. 244-8, L. 374-1, L. 376-1 à L. 376-3, L. 452-2 à L. 452-5, L. 454-1 et L. 811-6, peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée par la caisse, sauf en cas de man'uvre frauduleuse ou de fausses déclarations.
Au soutien de sa demande de remise de dette, l'appelante expose être de bonne foi, être veuve et vivre seule. S'agissant de ses revenus et charges fixes mensuelles, elle indique que leur montant s'élève respectivement à 1 716,71 euros et 1 194,46 euros soit un solde de 600 euros pour faire face à ses dépenses courantes.
De son côté, la CARSAT Rhône-Alpes ne s'oppose pas à accorder à Mme [G] des délais pour s'acquitter de sa dette tout en rappelant que la commission de recours amiable, saisie d'une demande de remise identique, avait maintenu la dette par décision rendue lors de sa séance du 12 janvier 2021.
Il convient d'observer qu'à l'appui de sa demande, Mme [G] produit un tableau de ses charges et revenus au titre de l'année 2020, des relevés de compte portant sur les périodes du 12 mars 2014 au 11 avril 2014 d'une part et du 12 février 2020 au 11 mars 2020 d'autre part dont il ne résulte pas une situation de précarité justifiant qu'il soit fait droit à la demande formée à titre subsidiaire. Au surplus, la situation actuelle de Mme [G] ne peut être appréciée avec exactitude au vu de la date des éléments transmis tandis que par l'effet de la prescription plus de quatre années d'indus ne lui sont pas réclamés.
Dans ces conditions et compte tenu de la proposition faite par la CARSAT Rhône-Alpes d'accorder des délais de paiement à l'assurée selon des modalités à convenir entre les parties, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les mesures accessoires,
Mme [G] qui succombe sera condamnée à supporter les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
L'appelante sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement RG n° 20/00537 rendu le 7 septembre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence,
Y ajoutant,
Condamne Mme [H] [G] aux dépens d'appel,
Déboute Mme [H] [G] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président