C5
N° RG 21/04389
N° Portalis DBVM-V-B7F-LCQW
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU LUNDI 15 MAI 2023
Appel d'une décision (N° RG 19/01005)
rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE
en date du 27 novembre 2020 suivant déclaration d'appel du 07 janvier 2021 enrôlée sous le N° RG 21/00195
Radiation le 05 août 2021, réinscription en date du 13 octobre 2021
APPELANTE :
Madame [N] [Y]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
Organisme CPAM DE L'ISERE
Service Contentieux Général
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparante en la personne de Mme [C] [S] régulièrement munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 février 2023,
M. Pascal VERGUCHT, chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs dépôts de conclusions et observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 11 avril 2012, un certificat médical initial du docteur [V] [I] a constaté que Mme [N] [Y] souffrait d'une épicondylite au coude gauche et a prescrit des soins, sans arrêt de travail, jusqu'au 31 décembre 2012.
Le 22 mai 2012, l'assurée a rempli une demande de reconnaissance de maladie professionnelle sur la base de ce certificat.
Le 10 juin 2016, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble a débouté Mme [Y] de sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle, après deux avis négatifs des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles de Lyon le 29 mai 2013 et de Montpellier le 20 janvier 2016.
Le 11 octobre 2018, la Cour d'appel de Grenoble a infirmé le jugement et ordonné la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.
Le 18 février 2019, la CPAM a reçu':
- un certificat médical de prolongation du 12 février 2019 du docteur [K] [G] au titre de la maladie professionnelle du 11 avril 2012, pour une tendinopathie épicondylienne gauche, prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 15 mai 2019,
- un certificat médical initial du 11 avril 2012 du même docteur au titre d'une maladie professionnelle du 11 avril 2012, prescrivant un arrêt de travail à compter du 11 avril 2012 et jusqu'au 13 février 2019, et portant la mention «'épicondylite gauche Duplicata'».
Le 22 février 2019, la CPAM a répondu à l'assurée que le certificat médical duplicata du 11 avril 2012 n'était pas recevable en raison d'une prescription par deux ans des droits d'une victime une fois qu'elle est informée d'un lien entre sa maladie et son travail.
Le 8 mars 2019, la CPAM a reçu un certificat médical initial du 1er mars 2017 du docteur [K] [G] pour une épicondylite gauche prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 11 février 2019.
Le 3 avril 2019, la CPAM de l'Isère a notifié à l'assurée que la prescription n'était pas indemnisable, aucun élément ne permettant de justifier un arrêt de travail en maladie professionnelle faute d'arrêt à sa connaissance ayant été prescrit sur cette période en maladie ou maladie professionnelle.
Le 17 juin 2019, la commission de recours amiable a maintenu ce refus de prise en charge.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble, saisi par Mme [Y] d'un recours contre la CPAM de l'Isère, a, par jugement du 27 novembre 2020 :
- débouté la requérante de sa demande,
- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,
- condamné Mme [Y] aux dépens.
Par déclaration du 13 octobre 2021, Mme [Y] a relevé appel de cette décision et, après une radiation ordonnée le 5 août 2021, faute de conclusions de l'appelante dans les délais prescrits, l'affaire a été réinscrite au rôle de la cour.
Par conclusions déposées le 15 février 2023 et reprises oralement à l'audience devant la cour, Mme [Y] demande':
- la réformation du jugement,
- qu'il soit ordonné à la CPAM de l'Isère la régularisation de sa situation en prenant en charge l'arrêt de travail du 1er mars 2017 au 11 février 2019 au titre de sa maladie professionnelle du 11 avril 2012,
- la condamnation de la CPAM aux dépens et à lui verser 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Mme [Y] fait valoir que l'indemnisation de sa maladie professionnelle ne pouvait être admise qu'à partir de la décision définitive de la cour d'appel, que la période du 1er mars 2017 au 11 février 2019 est incluse dans sa période d'arrêt de travail depuis le 11 avril 2012, et qu'aucune prescription ne peut donc lui être opposée. Elle souligne qu'il n'est ni soutenu ni établi que le duplicata du certificat médical initial du 11 avril 2012 serait un faux devant générer des poursuites. Elle ajoute qu'aucune demande n'est formulée au titre de la période prescrite antérieure à mars 2017, et que le refus de prise en charge ne serait fondé sur aucune raison objective, en sachant que la caisse a participé à la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle sans jamais relever une absence d'information sur l'état de santé de l'assurée.
Par conclusions du 22 février 2023 reprises oralement à l'audience devant la cour, la CPAM de l'Isère demande':
- la confirmation du jugement,
- le débouté des demandes de Mme [Y].
La caisse se prévaut des articles L. 433-1 et L. 323-6 du code de la sécurité sociale et d'un premier certificat médical initial du 11 avril 2012 ayant prescrit des soins, en relevant une absence de réception de certificats médicaux en lien avec la pathologie finalement reconnue comme maladie professionnelle par la cour d'appel, ni d'aucun autre avis d'arrêt de travail, depuis août 2015. La caisse précise que l'assurée a été indemnisée au titre d'une autre maladie professionnelle entre septembre 2010 et février 2015, puis que des avis d'arrêt de travail au titre d'une maladie de droit commun en mai et août 2015 n'ont pas été indemnisés en raison du versement d'une pension d'invalidité de catégorie 2 depuis août 2002 au titre de la pathologie concernée.
La caisse estime que seul le certificat de prolongation reçu le 18 février 2019 pouvait être pris en charge au titre de la maladie professionnelle reconnue par la cour d'appel, et non le certificat médical initial au regard de la prescription biennale des prestations, ni le nouveau certificat reçu le 8 mars 2019 couvrant une période pour laquelle aucun avis ou certificat ne lui avait été transmis, et alors que ce certificat était le duplicata d'un certificat qui prévoyait initialement des soins sans arrêt de travail. La caisse précise que, malgré le contentieux en cours, il appartenait à l'assurée d'adresser à la caisse les constatations médicales de son incapacité temporaire de travail en lien avec la pathologie discutée, ce qui aurait permis au médecin-conseil de la caisse de donner son avis sur l'incapacité puis sur le lien avec la maladie professionnelle. En l'absence de tout élément au sujet de cette incapacité de travail et de l'impossibilité d'avoir pu contrôler cette incapacité pendant la période d'arrêt de travail alléguée, elle maintient qu'elle n'a pas à verser d'indemnités journalières, la Cour de cassation ayant déjà confirmé qu'une caisse peut légitimement refuser une indemnisation quand l'arrêt de travail est reçu après la fin de la période de repos (Civ. 2ème, 11 février 2016, n° 14-27.021).
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est donc expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
1. - Selon l'article L. 433-1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 23 décembre 2011 au 28 décembre 2019': «'Une indemnité journalière est payée à la victime par la caisse primaire, à partir du premier jour qui suit l'arrêt du travail consécutif à l'accident sans distinction entre les jours ouvrables et les dimanches et jours fériés, pendant toute la période d'incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d'aggravation prévu à l'article L. 443-2. (...)
Le droit à l'indemnité journalière est ouvert dans les conditions définies à l'article L. 323-6.'»
L'article L. 323-6 du même code, dans sa version en vigueur du 25 décembre 2016 au 29 décembre 2019, prévoyait que': «'Le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire :
1° D'observer les prescriptions du praticien ;
2° De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L. 315-2 ;
3° De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;
4° De s'abstenir de toute activité non autorisée ;
5° D'informer sans délai la caisse de toute reprise d'activité intervenant avant l'écoulement du délai de l'arrêt de travail.'»
L'article R. 323-12 du même code prévoit que': «'La caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible, sans préjudice des dispositions de l'article L. 324-1.'»
L'article L. 431-2 du même code, dans sa version en vigueur du 17 avril 2004 au 1er janvier 2022, prévoyait enfin que les droits de la victime aux prestations et indemnités prévues par le Livre IV sur les accidents du travail et maladies professionnelles se prescrivaient par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.
2. - La caisse primaire a reçu le 18 février 2019 un certificat médical initial du 11 avril 2012 du docteur [K] [G] au titre d'une maladie professionnelle du 11 avril 2012, prescrivant un arrêt de travail à compter du 11 avril 2012 et jusqu'au 13 février 2019, et portant la mention «'épicondylite gauche Duplicata'».
En ce qui concerne la validité de ce certificat médical, aucune explication n'est donnée par l'appelante sur le caractère inhabituel d'une prescription d'arrêt de travail pendant près de sept années, ni sur le fait que le prescripteur du certificat médical initial du 11 avril 2012, pris en compte avant février 2019, était le docteur [V] [I] et non le docteur [K] [G], ni sur le fait que ce premier certificat médical initial n'a pas prescrit d'arrêt de travail, alors que celui transmis à la caisse sept ans plus tard, mais avec la même date de prescription, prévoit cette fois un arrêt de travail.
La caisse primaire justifie par ailleurs, sans que cela ne soit contesté, que son état des prescriptions de repos n'en mentionne aucun après une période d'arrêt du 16 décembre 2014 au 23 février 2015, jusqu'à une période du 12 février au 27 mars 2019 qui correspond à l'autre certificat transmis le 18 février 2019 qui a été, lui, pris en charge par la caisse sans difficulté au titre de la maladie professionnelle de 2012.
3. - Si la prise en charge de la maladie professionnelle du 11 avril 2012 n'a pu être considérée qu'à compter du 11 octobre 2018, date de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ne doit pas être confondue avec l'incapacité physique médicalement constatée de continuer ou reprendre le travail, ainsi que le souligne la caisse.
Mme [Y] n'a transmis aucune prescription d'arrêt de travail sur la période litigieuse du 1er mars 2017 au 11 février 2019, que ce soit au titre de l'assurance maladie ou d'une maladie professionnelle. Elle ne justifie d'aucune prescription d'arrêt de travail sur cette période, mis à part un certificat daté du 1er mars 2017 (prescrivant cette fois un arrêt de travail de près de deux années) qui a été fourni à la caisse le 8 mars 2019, après le refus de prise en compte d'un certificat duplicata du 11 février 2012.
Ainsi que le relève à juste titre la caisse primaire, celle-ci n'a pas été en mesure d'exercer un contrôle médical du bien-fondé de l'incapacité de travail, et l'assurée n'apporte aucun élément qui viendrait au soutien des certificats du docteur [G] et d'une incapacité de travail découlant de la maladie professionnelle du 11 avril 2012 sur la période litigieuse. La caisse pouvait donc légitimement refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle a été rendu impossible, la reconnaissance tardive de la maladie professionnelle n'ayant jamais empêché Mme [Y] de demander un éventuel arrêt de travail sur cette période au titre de l'assurance maladie, qui aurait alors permis au service médical de la caisse d'exercer son contrôle.
4. - Pour ces raisons, le certificat litigieux prescrivant un arrêt de travail du 1er mars 2017 au 11 février 2019 ne peut pas être pris en compte, contrairement au second certificat transmis à la caisse le 18 février 2019 et prescrivant un arrêt de travail du 12 février au 15 mai 2019, qui a été pris en charge au titre de la maladie professionnelle dans des conditions normales et permettant un contrôle de l'incapacité de travail.
Le jugement sera donc intégralement confirmé et Mme [Y] supportera la charge des dépens de l'instance en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi':
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 27 novembre 2020,
Y ajoutant,
Condamne Mme [N] [Y] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président