C3
N° RG 21/04396
N° Portalis DBVM-V-B7F-LCRH
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU LUNDI 15 MAI 2023
Appel d'une décision (N° RG 18/00797)
rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE
en date du 31 août 2021
suivant déclaration d'appel du 15 octobre 2021
APPELANTE :
Madame [V] [C]
née le 27 Janvier 1991 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
Organisme CPAM DE [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante en la personne, assistée de Mme [X] [E] [Z] réguliièrement munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 février 2023,
M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs dépôts de conclusions et observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société [5] a établi une déclaration d'accident du travail pour des faits déclarés survenus le 1er avril 2015 concernant sa salariée, Mme [V] [C], laquelle « serait tombée d'un escabeau en voulant prendre un seau de salade de fruits qui se trouve à hauteur d'homme dans la chambre froide ».
Le certificat médical initial le jour des faits mentionne une douleur au 5ème orteil du pied droit avec hématomes.
Le 7 avril 2015, l'employeur a adressé à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de l'Isère un courrier de réserves accompagné du témoignage de M. [L] faisant état en substance que la victime avait dit à plusieurs personnes qu'elle s'était cassée l'orteil la veille à la boxe et avait demandé à un collègue de travail de mentir en disant être témoin de la chute.
Le 26 mai 2015, la CPAM de l'Isère a refusé de reconnaître le caractère professionnel des faits déclarés survenus le 1er avril 2015 en l'absence de preuve que l'accident se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail, ni même de présomptions favorables précises et concordantes en cette faveur.
Le 26 avril 2016, Mme [C] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 13 juillet 2015 maintenant le refus de prise en charge.
Par jugement du 31 août 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :
- débouté Mme [C] de son recours et de sa demande de reconnaissance implicite,
- confirmé la décision de la CPAM de l'Isère qui a refusé de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont aurait été victime Madame [V] [C] le 1er avril 2015,
- condamné Mme [C] aux dépens.
Le 15 octobre 2021, Mme [C] a interjeté appel de cette décision notifiée le 15 septembre.
Les débats ont eu lieu à l'audience du 28 février 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 15 mai 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [V] [C] au terme de ses conclusions en réponse notifiées par RPVA le 14 avril 2022 reprises à l'audience demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- juger que l'accident dont elle a été victime le 1er avril 2015 doit être pris en charge dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels,
- condamner la CPAM de l'Isère à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre principal, elle soutient que l'accident du 1er avril 2015 doit être automatiquement pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels au motif que la caisse primaire lui a notifié, le 7 mai 2015 et hors-délai le recours à un délai complémentaire d'instruction.
Elle soutient que le point de départ à retenir pour la computation du délai de 30 jours est le lendemain du 4 avril 2015, date de la télé-déclaration effectuée par l'employeur de son accident du travail.
A titre subsidiaire, elle affirme rapporter la preuve de la matérialité de son accident du travail.
Elle fait valoir que les circonstances et la matérialité de cet accident sont corroborées par la déclaration d'accident du travail, le certificat médical initial établi le jour-même de l'accident, les certificats de première et seconde prolongation, des photographies permettant d'établir les circonstances de l'accident ainsi que la dangerosité de ses conditions de travail.
Elle conteste en outre l'attestation de M. [L] qu'elle qualifie de pure complaisance.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Isère selon ses conclusions déposées le 24 février 2023 reprises à l'audience demande à la cour de :
- confirmer le jugement ;
- débouter Mme [C] de son recours ;
- constater le respect par la caisse des dispositions légales ;
- juger qu'elle a refusé à bon droit de prendre en charge l'accident.
Sur la demande de reconnaissance implicite, quand bien même la déclaration d'accident du travail est datée du 4 avril, elle soutient que l'employeur ne l'a déposée que le 7 selon l'historique du logiciel EDI.
Sur le fond elle estime que la matérialité de l'accident n'est pas avérée relevant :
- que l'accident n'a pas eu de témoin direct ;
- que le seul témoignage versé indique au contraire que Mme [C] se serait fait mal la veille lors d'un entraînement de boxe et demandé à ce témoin de couvrir cette version ;
- que le siège des lésions est équivoque et fluctuant ;
- qu'aucun passage à l'infirmerie comme soutenu n'a été mentionné dans la déclaration d'accident du travail avec mention au registre.
Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1. Dans leur rédaction antérieure au 10 juin 2016 applicable au litige les dispositions de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale prévoient une reconnaissance implicite de l'accident du travail passé le délai de trente jours, sauf prorogation du délai d'instruction comme stipulé à l'article R. 441-14.
Article R. 441-10 du code de la sécurité sociale :
'La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de la maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.
Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l'article L. 432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.
Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu'.
Article R. 441-14 :
'Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu'.
Mme [C] soutient que le délai précité a débuté le 4 avril 2015, date de la télé-déclaration de l'employeur pour expirer le 4 mai 2015, sans avoir été interrompu dans l'intervalle par une prolongation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du délai d'instruction, pour en conclure à la reconnaissance implicite de son accident du travail.
La caisse primaire d'assurance maladie ne conteste pas avoir réceptionné le certificat médical initial le 3 avril 2015 ; cependant le délai de l'article R. 441-10 court seulement à partir de la date à laquelle la caisse à reçu ce certificat médical et la déclaration d'accident du travail, soit un dossier complet permettant de débuter son instruction.
L'appelante estime que doit être prise en compte la date du 4 avril 2015 figurant sur la télé-déclaration de l'employeur puisque ce dernier ayant utilisé ce procédé, la date de la déclaration est forcément la même que celle de sa transmission instantanée à la caisse.
Cependant, la date portée sur un document qui n'était pas un formulaire en ligne, le 4 avril 2015 au cas d'espèce, n'est pas nécessairement celle de sa transmission à son destinataire, quel qu'en soit le procédé, postal ou informatique, étant rappelé qu'il incombe à Mme [C] se prévalant d'une reconnaissance implicite de rapporter la preuve du dépassement du délai.
La caisse primaire d'assurance maladie rapporte elle la preuve par l'historique de consultation interne de son logiciel EDI (Instancier DAT pièce n° 2) que la société [5] n'a déposé cette déclaration d'accident du travail datée du 4 avril que le 7 avril 2015 à 9 heures 5 et non le 4 avril.
Lorsqu'un délai est comptabilisé en jour, le premier jour n'est pas décompté aussi le délai de trente jours de l'article R. 441-10 venait à expiration le 7 mai 2015.
Il a été valablement interrompu par l'envoi par la caisse de la notification d'un délai complémentaire d'instruction par lettre recommandée avec demande d'avis de réception présentée à Mme [C] le 7 mai 2015 qui l'a retirée le 9 mai (sa pièce n° 34).
La date de notification pour la personne qui procède à l'interruption d'un délai étant la date d'expédition de la lettre recommandée et non sa réception, Mme [C] ne peut se prévaloir d'aucune reconnaissance implicite de son accident du travail, comme précédemment retenu par le premier juge.
2. Au fond selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Il appartient au salarié qui en demande la prise en charge de rapporter la preuve de cette matérialité autrement que par ses affirmations.
D'après la déclaration rédigée par l'employeur qui a ensuite émis des réserves, Mme [C] qui se trouvait dans la chambre froide est tombée d'un escabeau en voulant prendre un seau de salade de fruits et a eu une contusion au pied et à l'orteil droit.
L'accident est survenu à 10 h 40 et son compagnon est venu la chercher à 12 h 25 pour la conduire chez un radiologue.
Dans son courrier de saisine de la commission de recours amiable, Mme [C] relate qu'elle est tombée d'un tabouret, que son orteil droit était bleu, qu'elle s'est rendue au poste d'infirmerie, qu'elle est repartie en béquilles de son lieu de travail et qu'il lui a été diagnostiqué une entorse de la cheville.
À l'occasion d'une plainte pour faux témoignage contre le salarié cité par l'employeur, Mme [C] indique de façon analogue qu'elle est tombée cette fois d'un escabeau en perdant l'équilibre et est retombée sur la cheville.
Le certificat médical initial établi le jour de l'accident, non par un radiologue mais par un médecin généraliste, n'est pas en adéquation avec cette description, puisqu'il constate comme lésion une douleur du 5ème orteil droit avec hématome, sans mentionner d'impotence fonctionnelle, et cette lésion correspond plus à un coup reçu qu'à une chute.
Apparaissent ensuite dans les certificats médicaux de prolongation les mentions d'entorse du 5ème orteil le 7 avril, puis d'entorse du pied droit le 16 avril, sans indication du siège exact de cette entorse et enfin d'entorse de la cheville gauche le 28 avril qui ne correspond pas à l'entorse initiale de l'orteil droit constatée trois semaines auparavant.
Enfin la matérialité de l'accident ne ressort d'aucun témoignage direct.
Le seul témoignage versé l'a été par l'employeur d'un salarié indiquant que Mme [C] se serait fait mal à l'occasion d'une activité sportive la veille et aurait voulu faire passer cet accident de la vie privée en accident du travail et demandé qu'il le confirme auprès de l'employeur, témoignage que Mme [C] a contesté en déposant plainte pour faux témoignage mais sans citer d'autres personnes présentes dans l'entreprise qui auraient pu confirmer sa chute et les lésions qui en auraient découlé ce jour-là.
Dès lors les éléments au soutien de la demande de reconnaissance d'accident du travail étant contradictoires et cette contradiction n'étant pas levée par d'autres éléments objectifs, Mme [C] ne rapporte pas la preuve qui lui incombait d'un accident et d'une lésion survenus à son travail le 1er avril 2015.
Le jugement déféré sera donc entièrement confirmé.
L'appelante succombant supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement RG n° 18/00797 rendu le 31 août 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble.
Y ajoutant,
Condamne Mme [V] [C] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président