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15/05/2023 | FRANCE | N°21/04411

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 15 mai 2023, 21/04411


C3



N° RG 21/04411



N° Portalis DBVM-V-B7F-LCSY



N° Minute :











































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOB

LE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 15 MAI 2023





Appel d'une décision (N° RG 18/00662)

rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE

en date du 16 septembre 2021

suivant déclaration d'appel du 14 octobre 2021





APPELANTE :



Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON su...

C3

N° RG 21/04411

N° Portalis DBVM-V-B7F-LCSY

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 15 MAI 2023

Appel d'une décision (N° RG 18/00662)

rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE

en date du 16 septembre 2021

suivant déclaration d'appel du 14 octobre 2021

APPELANTE :

Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON substituée par Me Loïc LE BERRE, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Organisme CPAM DE L'ISERE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en la personne de Mme [B] [V]

régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 février 2023,

M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 17 octobre 2017, Mme [U] [O], standardiste réceptionniste depuis le 1er juillet 1996 au sein de la SAS [5] (agence immobilière) a sollicité la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'un syndrome du canal carpien gauche, suivant certificat médical initial du 14 juin 2017.

Mme [O] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement par lettre recommandée du 26 octobre 2017.

Le 10 janvier 2018, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de l'lsère a notifié aux parties sa décision de prendre en charge, au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles, la pathologie déclarée.

Le 21 juin 2018, la SAS [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble d'un recours à l'encontre de la décision du 7 juin 2018 notifiée par courrier du 14 juin 2018, de la commission de recours amiable de la caisse primaire rejetant sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge.

Par jugement du 16 septembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- déclaré le recours de la SAS [5] recevable mais mal fondé,

- dit que c'est à bon droit que la CPAM de l'lsère a pris en charge, au titre de la législation relative aux risques professionnels, la maladie déclarée par Mme [O] le 17 octobre 2017,

- déclaré opposable à la SAS [5] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Mme [O] le 17 octobre 2017,

- débouté la SAS [5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS [5] aux dépens nés après le 1er janvier 2019.

Le 14 octobre 2021, la SAS [5] a interjeté appel de cette décision.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 28 février 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 15 mai 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SAS [5] selon ses conclusions d'appel notifiées par RPVA le 13 avril 2022 reprises à l'audience demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Grenoble du 16 septembre 2021,

- juger que la pathologie de Mme [O] ne remplit pas les conditions du tableau 57 C et qu'elle ne bénéficie pas de la présomption de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale,

- annuler la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels rendue par la commission de recours amiable de la CPAM de l'Isère le 7 juin 2018 et signifiée par courrier du 14 juin 2018,

- lui déclarer inopposable la décision de la CPAM de l'Isère du 10 janvier 2018 acceptant de prendre en charge la pathologie de Mme [O] (syndrome du canal carpien gauche) dans le cadre de la législation sur les risques professionnels au titre du tableau 57 « Affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail »,

- condamner la CPAM de l'Isère au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la CPAM de l'Isère aux entiers dépens.

Elle fait valoir que les conditions prévues par le tableau 57 C des maladies professionnelles ne sont pas remplies, précisément celle relative aux travaux dès lors que Mme [O], droitière, ne pouvait avoir effectué, avec sa main gauche, les gestes prévus par le tableau.

Elle affirme qu'aucune des tâches confiées à Mme [O] ne l'a exposée aux risques visés et cite :

- l'accueil physique des clients,

- l'accueil téléphonique assuré au moyen d'un casque,

- l'affranchissement des courriers assuré au moyen d'une machine à affranchir automatique, activité ensuite sous-traitée à compter de mars 2015,

- la génération des baux : à raison d'une fréquence de 1,3 bail par jour, Mme [O] avait pour travail de seulement fusionner avec une souris des documents renseignés par une autre personne.

Enfin elle observe que le médecin du travail qui s'était rendu sur place pour réaliser une étude de poste en vue d'une éventuelle reprise du travail de Mme [O] n`a relevé aucune contrainte de posture pouvant entrainer une affection péri-articulaire.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Isère au terme de ses conclusions déposées le 24 février 2023 et reprises à l'audience demande à la cour de :

- confirmer le jugement ;

- débouter la société [5] de son recours ;

- constater le respect par la caisse des dispositions légales :

- déclarer opposable à l'employeur la maladie déclarée par Mme [U] [O] le 17 octobre 2017

Elle estime que les conditions du tableau sont réunies en ce que les fonctions confiées à Mme [O] impliquent l'usage des deux mains (standard téléphonique : + 100 appels par jour, traitement de texte, affranchissement du courrier...). Elle observe que pour le standard téléphonique, Mme [O] a été dotée d'un casque que 14 ans après son embauche (en 2009 selon questionnaire assurée).

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Selon l'article L. 461-2 du même code des tableaux énumèrent les manifestations morbides d'intoxications aiguës ou chroniques présentées par les travailleurs exposés d'une façon habituelle à l'action des agents nocifs mentionnés par ces tableaux, qui donnent, à titre indicatif, la liste des principaux travaux comportant la manipulation ou l'emploi de ces agents. Ces manifestations morbides sont présumées d'origine professionnelle. (...)

A partir de la date à laquelle un travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux susmentionnés, la caisse primaire et la caisse régionale ne prennent en charge, en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 461-1, les maladies correspondant à ces travaux que si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau.

Mme [O] standardiste réceptionniste au sein de la même structure depuis vingt ans a déposé le 17 octobre 2017 une demande de maladie professionnelle du canal carpien gauche selon certificat médical initial du 14 juin 2017, mentionnant une date de première constatation du même jour et prescrivant des soins sans arrêt de travail jusqu'au 14 octobre 2017.

Elle avait été placée en arrêt maladie simple à compter du 6 juin 2017 pour une autre cause.

Après instruction, la caisse primaire d'assurance maladie a décidé le 10 janvier 2018 de prendre en charge cette maladie professionnelle, considérant que l'ensemble des conditions du tableau 57 C étaient réunies et que la présomption d'imputabilité de la pathologie au travail découlant de l'alinéa 2 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale devait être retenue.

La contestation introduite par la SAS [5] ne porte ni sur la désignation de la maladie (syndrome canal carpien gauche), ni sur le respect du délai de prise en charge (30 jours), mais sur le respect de la condition relative à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie.

Ceux-ci sont les 'travaux comportant de façon habituelle soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main'.

Ces travaux doivent avoir été réalisés de façon habituelle avant la date de première constatation de la maladie qui a été fixée au 10 juillet 2012 au colloque médico-administratif par le médecin conseil sur la base de la réalisation ce jour d'un examen EMG (électro-myogramme) et qui n'est pas contestée par l'appelante.

Les descriptions des tâches effectuées faites par le salarié et par l'employeur sont similaires, si ce n'est exactement concordantes :

- accueil téléphonique avec un volume d'appel quotidien d'environ 150 pour Mme [O] et en nette diminution de 80 à 100 depuis 2015 selon l'employeur, après que les lignes directes des collaborateurs de l'agence immobilière aient été largement diffusées à la clientèle ; Mme [O] a reconnu être dotée depuis 2009 d'un casque à décrochage par bouton latéral n'exigeant plus qu'elle se saisisse à chaque fois du combiné pour recevoir et raccrocher les appels ;

- ouverture et affranchissement du courrier avec une externalisation de l'affranchissement des envois groupés ou recommandés depuis 2015 (60 000 envois par an cf pièce [5] n° 15) ;

- utilisation d'un clavier d'ordinateur pour seulement générer par fusion de données un ou deux baux par jour selon l'employeur mais huit heures par jour selon Mme [O] pour de la frappe classique de courriers et documents divers.

Ces deux dernières tâches nécessitent la mobilisation des deux mains, ne serait-ce que pour ouvrir - fermer les plis et les disposer à gauche de la machine à affranchir et les récupérer ensuite une fois affranchis à droite ; quant au décrochage du combiné téléphonique, l'appelant en page 11 et 12 de ses conclusions a reproduit trois photographies du poste de travail de Mme [O] sur lesquelles l'appareil téléphonique est situé à sa gauche.

La SAS [5] indique elle même que depuis l'externalisation des envois recommandés ou groupés en 2015, le volume de courrier expédié au sein de l'agence a diminué de 60 % et que le prestataire extérieur en traite à présent 60 000 par an.

Il s'en déduit donc que le volume annuel de courrier traité avant 2015 était de 100 000 (60 000 : 0.6) et qu'il est encore de 40 000 à présent. Sur la base d'une moyenne de 200 jours de travail par an, Mme [O] était ainsi amenée à expédier environ 500 courriers par jour (100 000 / 200) jusqu'à la date de première constation de sa maladie, outre le traitement du courrier entrant sur lequel aucune donnée chiffrée n'a été communiquée mais qui est correllé en volume au courrier sortant.

En conséquence, il a été retenu à juste titre par l'enquêteur de la caisse primaire d'assurance maladie la réalisation de travaux comportant de façon habituelle à tout le moins des mouvements répétés de préhension de la main.

La condition du tableau par sa formulation employant les locutions 'soit' et 'ou' est alternative. Il n'est donc pas nécessaire pour que la présomption d'imputabilité soit retenue que la salariée ait réalisé de façon habituelle des mouvements répétés d'extension du poignet, et de préhension, et d'appui carpien, et de pression prolongée sur le talon de la main, mais seulement l'un ou plusieurs de ceux-ci.

Indépendamment du volume horaire exact de frappe à l'aide d'un clavier d'ordinateur exigeant aussi l'emploi des deux mains accompli par Mme [O] dans son poste de standardiste réceptionniste quand l'accueil physique ou téléphonique de la clientèle lui en laissait le temps, la condition du tableau 57 relative à la liste limitative des travaux est donc remplie en considération des éléments du dossier.

La présomption d'imputabilité au travail de la pathologie découlant de l'article L. 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale doit par conséquent être retenue et le jugement entièrement confirmé.

L'appelante supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement RG n° 18/00662 rendu le 16 septembre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble.

Y ajoutant,

Condamne la SAS [5] aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 21/04411
Date de la décision : 15/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-15;21.04411 ?
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