N° RG 21/01466 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KZUX
C2
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP SAUNIER-VAUTRIN LUISET
la SCP POLI-CABANES DEVIGNY MARTIN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 23 MAI 2023
Appel d'une décision (N° RG 11 16 0015)
rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 11 février 2021
suivant déclaration d'appel du 26 mars 2021
APPELANT :
M. [B] [K] [A] [E]
né le 19 décembre 1956 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 1]
représenté et plaidant par Me Véronique LUISET de la SCP SAUNIER-VAUTRIN LUISET, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
M. [P] [H] [I] [N]
né le 16 mars 1964 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 1]
représenté par Me Aurore DEVIGNY de la SCP POLI-CABANES DEVIGNY MARTIN, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 mars 2023 Mme Blatry, conseiller chargé du rapport en présence de Mme Clerc, président de chambre, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
M. [P] [N] est propriétaire sur la commune de [Localité 1] (38), lieu dit [Adresse 7], de la parcelle cadastrée section D n° [Cadastre 3] mitoyenne de la parcelle D n° [Cadastre 5] appartenant à M. [B] [K] [A] [E].
Sur assignation de M. [N] du 9 septembre 2016, le tribunal d'instance de Grenoble a, par jugement du 4 mai 2017, ordonné une mesure d 'expertise aux fins de bornage des propriétés en cause.
L'expert, M. [Z] [G], a déposé son rapport le 15 octobre 2018.
Suivant jugement du 11 février 2021, cette juridiction devenu tribunal judiciaire de Grenoble a :
homologué le rapport d'expertise et fixé les limites séparatives des fonds conformément aux conclusions expertales annexées au jugement,
désigné M. [G] pour la réalisation matérielle des opérations de bornage,
dit que chacune des parties supportera la moité des dépens de l'instance comprenant les frais d'expertise.
Suivant déclaration du 26 mars 2021, M. [K] [A] [E] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 27 février 2023, M. [K] [A] [E] demande à la cour de :
1) à titre principal, annuler le jugement déféré et de :
dire qu'il est propriétaire par titre et usucapion de la parcelle D [Cadastre 5] avec pour limites :
nord-est : la voirie,
sud : les bornes et la clôture existante avec la parcelle D [Cadastre 2],
ouest : en partant de la clôture, entre les parcelles en cause, une ligne partant de la rigole canalisée par les deux parties jusqu'au prolongement du mur [N] pour rejoindre le nu extérieur du mur [N] jusqu'au bassin communal qui est la parcelle D [Cadastre 4],
ordonner le bornage en fonction de ces éléments avec fixation de la limite entre les deux parcelles et installation de bornes,
2) subsidiairement, réformer le jugement déféré et de :
dire qu'il est propriétaire par titre et usucapion de la parcelle D [Cadastre 5] avec pour limites :
au nord-est : la voirie,
au sud : les bornes et la clôture existante avec la parcelle D [Cadastre 2],
à l'ouest : en partant de la clôture, entre les parcelles en cause, une ligne partant de la rigole canalisée par les deux parties jusqu'au prolongement du mur [N] pour rejoindre le nu extérieur du mur [N] jusqu'au bassin communal qui est la parcelle D [Cadastre 4],
ordonner le bornage en fonction de ces éléments avec fixation de la limite entre les deux parcelles et installation de bornes,
3) en tout état de cause, condamner M. [N] à lui payer une indemnité de procédure de 2.400€ en première instance et de 3.000€ en cause d'appel.
Il fait valoir que :
le premier juge a retenu qu'il s'en remettait à justice ce qui ne correspond pas à ses demandes.
le jugement déféré est nul en ce qu'il a retenu que le fait de s'en rapporter équivalait à un accord donné sur le rapport d'expertise sans reprendre correctement ses prétentions,
à défaut, le jugement sera infirmé,
il produit un rapport amiable et demande de retenir, d'une part, au regard de son titre de propriété, d'autre part, du fait de la prescription acquisitive trentenaire, les limites telles que listées dans son dispositif,
il existe une seule difficulté entre la D[Cadastre 5] et la D [Cadastre 3], étant rappelé que M. [N] a élevé un mur de délimitation et de soutènement après un rapport établi par la CEMAP en 2008,
l'expert a commis plusieurs erreurs dans le cadre de son raisonnement,
il n'a pas tenu compte des titres et documents publiés auprès de la publicité foncière,
il a trouvé une explication fort peu logique à la diminution de contenance de la parcelle faisant autrefois partie de la D 108p, numérotée ensuite D55,
il y a nécessairement eu une erreur au moment des transmissions et de la reprise des contenances dans les actes de la famille de M. [N],
il produit des attestations sur l'occupation depuis toujours de la totalité de la D55 jusqu'au cours d'eau et donc jusqu'au mur élevé par M. [N] en 2008,
l'expert n'a pas pris en compte ces témoignages,
l'expert amiable [C] a utilisé les images fournies par IGN sur le site Geoportail qu'il a superposé sur les limites cadastrales ce qui a mis en évidence des décalages variables très conséquents.
Par uniques conclusions du 23 août 2021, M. [N] demande à la cour de déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé l'appel de M. [K] [A] [E], de le débouter de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement déféré et de condamner M. [K] [A] [E] à lui payer une indemnité de procédure de 3.000€.
Il expose que :
pour contester la limite retenue par le tribunal, M. [K] [A] [E] prétend à l'acquisition par prescription d'une partie de sa parcelle D [Cadastre 3],
la procédure porte sur la parcelle initialement 108,
un bornage a été fait dans les années 1970 que M. [K] [A] [E] prétend aujourd'hui nier,
il conteste même son propre titre de propriété qui évoque une surface de 103 m2,
M. [K] [A] [E] ou l'un de ses auteurs n'ont pourtant jamais contesté l'implantation de la limite depuis 1971 que le bornage a été réalisé et le cadastre actualisé, ce qui démontre l'absence d'acte de possession conformes et trentenaires,
la famille [N] a toujours considéré et occupé le tènement comme un bien qui lui appartenait,
cela est suffisamment démontré par les actes de donation de 1962 puis de 1992.
La clôture de la procédure est intervenue le 14 mars 2023.
MOTIFS
1/ sur la demande d'annulation du jugement déféré
Il ressort de l'examen du dossier de première instance transmis avec la procédure d'appel que M. [K] [A] [E] a eu plusieurs avocats, soit d'abord Me Gérard Tixier puis Me Rabia Mebarki et que le tribunal a pris en compte les premières conclusions développées en défense aux termes desquelles il était demandé de donner acte au défendeur de ce qu'il s'en remettait à justice.
En revanche, dans ses écritures récapitulatives de première instance, M. [K] [A] [E] développait les mêmes demandes qu'aujourd'hui soutenues.
Par voie de conséquence, le tribunal ayant dénaturé les demandes de M. [K] [A] [E], il convient d'annuler le jugement déféré, et selon l'effet dévolutif de l'appel, de rejuger l'entier litige.
2/ sur le bornage des fonds en présence
Il s'agit de fixer la limite séparative entre la parcelle D[Cadastre 3] de M. [N] d'une contenance de 24 ares et 41centiares et la parcelle D [Cadastre 5] de M. [K] [A] [E] d'une superficie d'un are et 3 centiares.
L'expert a procédé aux calculs et reports des points levés, à la rédaction du plan d'état des lieux avec calage des plans cadastraux actuels et du cadastre Napoléonien, outre la consultation des matrices cadastrales et du plan de rénovation de 1971.
Il a analysé les titres de propriété des parties et a répondu aux dires des parties.
Au termes d'un travail exhaustif et non critiquable tenant compte des contenances cadastrales et de l'état des lieux, il a proposé de retenir la ligne passant par le point A correspondant au mur est du bassin à une distance de 0,69 m de l'angle sud-est et de 2,43 m de l'angle nord-est, le point B correspondant à une borne OGE à implanter à une distance de 6,38m du point A et 15,84m du point C, qui est constitué par une borne ancienne, à savoir: pierre peinte existante.
Pour s'opposer aux limites proposées par l'expert, M. [K] [A] [E] prétend à la prescription acquisitive trentenaire.
L'article 2272 du code civil dispose que le délai de prescription pour acquérir la propriété immobilière est de 30 ans.
Par application de l'article 2261, la possession doit être continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.
Selon l'article 2265, pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.
Au soutien de ses prétentions, M. [K] [A] [E], outre qu'il conteste les conclusions de l'expert dont on a pu retenir le travail sérieux et circonstancié, verse aux débats diverses attestations.
Plusieurs des attestations soulignent l'exploitation par la famille [K] de la parcelle [Cadastre 5] ce qui n'apporte rien aux débats puisque précisément la question ne concerne pas la parcelle [Cadastre 5] qui est déjà la propriété de M. [K] [A] [E] mais l'existence d'actes de possession sur la parcelle D [Cadastre 3].
Dans les années 1970, le cadastre a été actualisé et M. [J], dans la pièce 9, laisse entendre que M. [K] a fait confiance au géomètre-expert du cabinet Matin, ce dont il se déduit une reconnaissance des limites du cadastre actualisé et aujourd'hui retenu par l'expert judiciaire, de sorte qu'il n'est pas démontré d'actes de possession non équivoques et à titre de propriétaire.
Par voie de conséquence, M. [K] [A] [E] échoue à démontrer la prescription acquisitive trentenaire qu'il revendique.
Dès lors, la ligne séparative entre les parcelles D[Cadastre 3] et D[Cadastre 5] sera fixée conformément au rapport d'expertise suivant les points A-B et C.
3/ sur les mesures accessoires
L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de M. [N].
Enfin, les entiers dépens de la procédure qui comprennent les frais d'expertise seront partagés par moitié entre les parties.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Annule le jugement déféré,
Vu l'effet dévolutif de l'appel,
Statuant à nouveau,
Fixe la ligne séparative entre les parcelles situées sur la commune de [Localité 1] (38), lieu dit [Adresse 7], cadastrées section D n° [Cadastre 3] et n° [Cadastre 5] suivant la ligne A-B-C retenue par l'expert, soit :
le point A correspondant au mur est du bassin à une distance de 0,69m de l'angle sud-est et de 2,43m de l'angle nord-est,
le point B correspondant à une borne OGE à implanter à une distance de 6,38m du point A et 15,84m du point C,
le point C constitué par une borne ancienne, à savoir pierre peinte existante,
Ordonne la réalisation des opérations de bornage et la matérialisation des limites conformément au plan du rapport d'expertise et désigne M. [Z] [G] pour la réalisation des dites opérations de bornage,
Dit que l'intervention du géomètre-expert sera supportée par moitié par chacune des parties,
Condamne M. [B] [K] [A] [E] à payer à M. [P] [N] la somme de 2.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes formées à ce titre,
Dit que les entiers dépens de l'instance qui comprennent les frais d'expertise seront supportés par moitié entre les parties.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT