C4
N° RG 21/01586
N° Portalis DBVM-V-B7F-K2AB
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP ALPAVOCAT
Me Valérie AMBLARD
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 23 MAI 2023
Appel d'une décision (N° RG 18/00085)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GAP
en date du 15 mars 2021
suivant déclaration d'appel du 06 avril 2021
APPELANT :
Monsieur [I] [M]
né le 18 Septembre 1956 à [Localité 4] (75)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Elisabeth LECLERC MAYET de la SCP ALPAVOCAT, avocat au barreau de HAUTES-ALPES,
INTIMEE :
S.A.R.L. BME EXPERTISES 05, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Valérie AMBLARD, avocat postulant inscrit au barreau de HAUTES-ALPES,
et par Me Audrey BAGARRI de la SELARL AB-JURIS, avocat plaidant inscrit au barreau de GRASSE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 mars 2023,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de M. Victor BAILLY, juriste assistant près la Cour d'appel de Grenoble, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 23 mai 2023.
Exposé du litige :
M. [M] a été embauché par la société ALPEX pour un contrat de travail à durée déterminée de trois mois.
Par avenant du 12 mai 2011, le contrat de travail à durée déterminée a été renouvelé, puis M. [M] a été embauché en contrat de travail à durée indéterminée le 13 août 2011 en qualité d'expert automobile titulaire.
Le 1er novembre 2016, la société ALPEX a été cédée à la SARL BME EXPERTISE 05, entraînant le transfert du contrat de travail.
Le 8 décembre 2016, M. [M] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable organisé le 21 décembre 2016.
Par courrier du 6 janvier 2017, M. [M] a été licencié pour faute grave.
Par requête du 31 août 2018, M. [M] a saisi le Conseil de prud'hommes de Gap de demandes de rappel de salaire au titre de sa reclassification sur un coefficient supérieur et au titre des heures supplémentaires qu'il allègue avoir effectuées et qui ne lui ont pas été rémunérées, d'une indemnité au titre du travail dissimulé, d'un rappel de salaire au titre de sa mise à pied à titre conservatoire, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités afférentes à la rupture de la relation de travail, et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 15 mars 2021, le Conseil de prud'hommes de Gap a :
Dit la demande de M. [M] recevable et fondée,
Débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes,
Débouté M. [M] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties et M. [M] en a relevé appel le 6 avril 2021.
Par conclusions du 27 décembre 2021, M. [M] demande à la cour d'appel de :
Le recevoir en son appel et, le déclarant bien fondé, réformer la décision entreprise en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, à savoir :
Reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et paiement des salaires et indemnités correspondant à cette absence de cause réelle et sérieuse,
Réévaluation de son coefficient et paiement des salaires correspondant,
Heures supplémentaires et travail dissimulé,
Jugeant de nouveau,
Juger sa demande recevable et bien fondée et, y faisant droit :
Juger qu'il aurait dû se voir attribuer, durant la relation contractuelle, un coefficient 300 au lieu et place d'un coefficient 230,
Par conséquent, condamner la SARL BME EXPERTISE 05 au paiement d'une somme totale de 10 738,40 euros bruts, outre 1 073,84 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant à cette réévaluation,
Condamner la SARL BME EXPERTISE 05 à lui payer un rappel de salaire au titre de ses heures supplémentaires d'août 2015 et janvier 2017, d'un montant :
A titre principal (coefficient 300 au lieu de 230) de 4 114,15 euros bruts, outre 411,70 euros bruts à titre de congés payés correspondants,
A titre subsidiaire de 3 246,70 euros, outre 324,60 euros bruts à titre de congés payés correspondants,
Juger que l'employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé et par conséquent, condamner la SARL BME EXPERTISE 05 au paiement à son profit :
A titre principal (coefficient 300 au lieu de 230) d'une somme de 20 48 euros nets,
A titre subsidiaire d'une somme de 16 559,30 euros nets,
Juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à l'encontre de M. [M],
En conséquence,
Condamner la SARL BME EXPERTISE 05 à lui payer un rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied d'un montant :
A titre principal (coefficient du salarié 300 au lieu de 230) de 2 272,73 euros, outre 227,27 euros à titre de congés payés correspondants,
A titre subsidiaire de 1 955,48 euros, outre 195,44 euros à titre de congés payés correspondants,
Condamner la SARL BME EXPERTISE 05 à lui payer un rappel de salaire correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis, d'un montant :
A titre principal (coefficient 300 au lieu de 230) de 6 827,16 euros, outre 682,71 euros à titre de congés payés,
A titre subsidiaire (sans réévaluation du coefficient) de 5 519,76 euros, outre 551,97 euros à titre de congés payés,
Condamner la SARL BME EXPERTISE 05 à lui payer une indemnité de licenciement, d'un montant :
A titre principal (coefficient 300 au lieu de 230) de 4 096,29 euros,
A titre subsidiaire (sans réévaluation du coefficient) de 3 311,85 euros,
Vu l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa version applicable au licenciement, condamner la SARL BME EXPERTISE 05 à lui payer des dommages et intérêts déterminés selon les différentes hypothèses de réévaluation ou non de son coefficient :
A titre principal (après réévaluation de son coefficient) : 40 960 euros,
A titre subsidiaire (sans réévaluation de son coefficient) : 33 118 euros,
Condamner la SARL BME EXPERTISE 05 à lui remettre des bulletins de paie rectifiés sur la période d'août 2015 à janvier 2017, prenant en considération le changement de coefficient, les heures supplémentaires, le paiement de la période de mise à pied, etc., le tout sous astreinte de 20 euros par jour de regard à compter de la signification de la décision à intervenir,
La condamner, sous les mêmes conditions, à lui remettre une nouvelle attestation Pôle emploi,
Condamner la SARL BME EXPERTISE 05 à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
Condamner la SARL BME EXPERTISE 05 à lui remettre la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Débouter la SARL BME EXPERTISE 05 de l'ensemble de ses demandes incidentes,
Condamner la SARL BME EXPERTISE 05 aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions du 4 avril 2022, la SARL BME EXPERTISE 05 demande à la cour d'appel de :
La déclarer recevable et bien fondée en sa constitution d'intimé,
Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Gap le 15 mars 2021 en ce qu'il a :
Débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes,
Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,
Et ainsi :
Juger que le licenciement de M. [M] est fondé et justifié,
En conséquence,
Débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Réformer ledit jugement en ce qu'il a :
Débouté la SARL BME EXPERTISE 05 de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens,
Et, statuant à nouveau et faisant ce que les juges auraient dû faire :
Condamner M. [M] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure de première instance,
Condamner M. [M] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure d'appel,
Condamner M. [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 décembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de rappel de salaire au titre de la reclassification :
Moyens des parties,
M. [M] fait valoir que :
La convention collective applicable prévoit qu'il aurait dû, compte tenu de ses responsabilités, bénéficier au minimum d'un coefficient 300,
Il démontre qu'il exerçait en tant qu'expert automobile en totale autonomie, et qu'ainsi, il aurait dû bénéficier dès son embauche d'un coefficient 300,
Sa demande de rappel de salaire porte sur la période à compter du mois d'août 2015.
La SARL BME EXPERTISE 05 fait valoir pour sa part que :
M. [M] n'apporte aucun élément permettant de démontrant qu'il exerçait des fonctions correspondant au coefficient 300,
Le salarié fait une mauvaise interprétation de la convention collective, celle-ci ne prévoyant aucun coefficient minimum après cinq ans d'ancienneté,
Le travail de M. [M] ne pouvait être mené en autonomie complète, comme conclu par le salarié dans ses écritures.
Sur ce,
La qualification professionnelle d'un salarié s'apprécie en considération des fonctions qu'il remplit effectivement au sein de l'entreprise, cette appréciation devant se faire par ailleurs au regard de la classification conventionnelle applicable à la relation contractuelle de travail entre les parties.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
En cas de sous classement, le salarié doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond.
Le salaire minimum conventionnel, qui revêt un caractère obligatoire, résulte de la classification du salarié dans la convention collective applicable. L'employeur peut y déroger dans un sens plus favorable au salarié.
En l'espèce, il ressort du contrat de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité en date du 24 janvier 2011 versé aux débats que M. [M] a été embauché pour exercer les fonctions d'« Expert Automobile Titulaire ' Niveau IV Echelon 1 ' Coefficient 230 » (article 8) en contrepartie d'une rémunération mensuelle de 2 314,89 euros (article 5).
Le contrat de travail à durée indéterminée du 13 août 2011 (article 1) précise également que M. [M] a été engagé à compter du même jour en qualité d'expert titulaire, le contrat précisant que « cette qualification correspond au coefficient 230 prévu par la convention collective des Expertises en automobile (Cabinets et entreprises d') (3295) ».
En outre, ce dernier contrat prévoit, à l'article 3 intitulé « Fonctions », que le salarié exercera les fonctions de « Expert Automobile Titulaire ' Niveau IV Echelon 1 ' Coefficient 230 », et percevra en contrepartie d'une rémunération mensuelle de 2 314,89 euros (article 4).
Par ailleurs, les bulletins de paie versés aux débats par le salarié que la qualification mentionnent « Niveau IV Echelon 3 Coefficient 300 » pour la période de février à juillet 2011, et les bulletins suivants portent la mention : « Niveau IV Echelon 1 Coefficient 230 ».
Il ressort de l'article 12.8 de la convention collective nationale des cabinets ou entreprises d'expertises en automobile du 20 novembre 1996, étendue par arrêté du 8 avril 1998, dans sa version en vigueur applicable à la relation de travail que :
« Niveau IV
Expert
Echelon 1 ' Coefficient 230
Personnel portant le titre d'expert en automobile chargé d'exécuter les travaux d'expertise habituels dans un délai normal en appliquant des directives précises. Il établit et rédige tout rapport, le présente et le soutient. Il se contrôle et rend compte à ses supérieurs hiérarchiques.
Exemples : identification d'un véhicule, imputation des dommages, définition de la méthode de réparation, vérification de la qualité d'une réparation, évaluation du coût d'une réparation, définition de la valeur d'un véhicule, vérification des éléments d'une facturation, expertise privée, malfaçons.
Formation initiale : diplôme d'expert en automobiles.
Formation professionnelle : 2 ans au minimum dans l'expertise automobile.
Echelon 2 ' Coefficient 250
Personnel chargé d'exécuter tous les travaux de sa spécialité dans un délai normal en appliquant des directives précises. Il établit et rédige tout rapport, le présente et le soutient. Il se contrôle et rend compte à ses supérieurs hiérarchiques.
Formation initiale : diplôme d'expert en automobile.
Formation professionnelle : 5 ans dans l'expertise automobile.
Echelon 3 ' Coefficient 300
Personnel chargé d'exécuter tous les travaux de sa spécialité. Il organise ses expertises et celles du stagiaire éventuellement confiées par sa hiérarchie. Il assume les relations avec les différentes parties en cause dans une expertise. Il se contrôle, assume la responsabilité du travail délégué et rend compte à ses supérieurs hiérarchiques.
Formation initiale : diplôme d'expert en automobiles.
Formation professionnelle : 5 ans au minimum dans l'expertise automobile ».
Il ne résulte pas de ces dispositions qu'un salarié ayant cinq ans d'expertise automobile doive obligatoirement être placé par l'employeur au coefficient 250, la convention collective prévoyant uniquement qu'un salarié n'ayant pas cinq ans d'expérience dans l'expertise automobile ne peut prétendre ni à l'échelon 2 ni à l'échelon 3.
Dès lors il est sans incidence que le salarié ait eu 14 ans d'expérience dans la profession d'expert automobile, la SARL BME EXPERTISE 05 étant uniquement tenue de le positionner sur un échelon en fonction des fonctions réellement exercées par ce dernier.
Il doit être constaté que le salarié ne produit aucune fiche de poste, et ne soutient pas que ses tâches et fonctions auraient été définies contractuellement.
Pour démontrer qu'il aurait dû bénéficier, dès son embauche d'un coefficient plus élevé, M. [M] se limite à alléguer qu'il « gérait les dossiers de A à Z, organisait ses tournées et, pour les expertises contradictoires, décidait s'il devait convoqué », qu'ainsi, il agissait en totale autonomie.
Toutefois, il ne peut qu'être constaté que le salarié ne produit aucun élément au soutien de ses allégations, empêchant notamment la cour de se convaincre qu'il organisait bien ses expertises et assumait les relations avec les différentes parties en cause dans une expertise, comme il le soutient.
Dès lors, il y a lieu de le débouter de sa demande de reclassification et de sa demande de rappel de salaire à ce titre, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :
Moyens des parties :
M. [M] fait valoir que :
Il lui est souvent arrivé de travailler en dehors de ses horaires de travail (lundi au vendredi de 8h30 à 12h00 et de 14h00 à 18h00, soit 38 heures par semaine),
Il produit un décompte des heures supplémentaires non rémunérées qu'il a effectuées, qui constituent des éléments suffisamment précis permettant à la SARL BME EXPERTISE 05 d'y répondre,
La SARL BME EXPERTISE 05 omet de produire les historiques informatiques des dossiers qu'il suivait sur le logiciel Alpha Expert.
La SARL BME EXPERTISE 05 fait valoir que :
Le salarié reconnaît lui-même dans ses propres écritures qu'il n'effectuait pas les 38 heures hebdomadaires prévues par son contrat de travail,
L'agenda produit par M. [M] est inexploitable et ne constitue pas un élément suffisamment précis lui permettant d'y répondre, le salarié ne précisant notamment pas le nom des dossiers sur lesquels il a travaillé,
Le salarié effectuait pendant ses heures de travail des expertises pour son propre compte,
Elle démontre que le salarié effectuait entre deux et trois fois moins de missions que certains collègues, ce dont il résulte qu'il n'a pu effectuer les heures supplémentaires alléguées.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Selon l'article L. 3121-27 du même code, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
La durée légale du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-28 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile selon l'article L. 3121-29.
Selon l'article L. 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
L'article L. 3171-4 du même code dispose, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Par ailleurs, l'absence d'autorisation donnée par l'employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente, dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.
Le salarié verse aux débats :
Des copies de ses agendas des années 2015 et 2016, sur lesquels figurent les dossiers traités par jour, ainsi que, pour certains jours, un horaire de fin de journée, ou un nombre indiquant les heures supplémentaires effectuées, selon le salarié, dans la journée, par rapport à ses horaires de travail habituels,
Un tableau récapitulant le nombre d'heures supplémentaires effectué par semaine sur les années 2015 et 2016,
Un récapitulatif pour les années 2015 et 2016 de ses horaires de travail par jour, établi sur la base de ses agendas.
Ces éléments, pris ensemble, sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, chargé de décompter le temps de travail et de contrôler les heures de travail effectuées par son personnel, d'y répondre.
Il ressort du contrat de travail à durée indéterminée que celui-ci se limite à indiquer que la durée hebdomadaire de travail de M. [M] est de 38 heures, effectuées selon l'horaire en vigueur dans l'entreprise.
La durée légale de travail étant de 35 heures en application des dispositions de l'article L. 3121-27, le salarié effectuait donc trois heures supplémentaires par semaine, et il ressort des bulletins de salaire versé aux débats que celles-ci lui étaient régulièrement payées par l'employeur.
Il doit être relevé que la SARL BME EXPERTISE 05 ne soutient pas qu'il existait un horaire de travail collectif en vigueur dans l'entreprise, et ne verse aucun élément aux débats permettant de l'établir.
Par ailleurs, la SARL BME EXPERTISE 05 ne produit aucun élément permettant d'établir qu'elle a décompté précisément les heures de travail effectuées par le salarié.
Toutefois, pour établir que le salarié n'a pas pu réaliser les heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées au-delà de celles payées régulièrement, la SARL BME EXPERTISE 05 verse aux débats :
Un procès-verbal de constat d'huissier du 11 octobre 2021, aux termes duquel il a été constaté la « volumétrie de missions confiées à M. [M] afin d'en déduire une volumétrie hebdomadaire, sur sa période d'emploi du 05 janvier 2015 au 11 décembre 2016, cette période correspondant à celle pour laquelle M. [M] réclame le paiement d'heures supplémentaires » ;
Plusieurs tableaux issus d'un logiciel interne intitulés « Etat récapitulatif (en Euros) » faisant apparaître, pour une période donnée et pour un salarié, le nombre de dossiers traités dans le mois, les tableaux produits concernant M. [M] (« DN »), un autre salarié de l'entreprise en poste durant la période d'emploi de M. [M] (« HP »), et le salarié ayant été embauché sur le poste de M. [M] à la suite de son licenciement (« RNB »).
La SARL BME EXPERTISE 05 ne peut exciper, sur la base des documents qu'elle produit intitulés « Etats récapitulatifs » et du procès-verbal de constat d'huissier du 11 octobre 2021, que le salarié aurait fait moins de dossiers qu'un autre salarié pour démontrer qu'il n'a pas pu effectuer les heures supplémentaires qu'il prétend avoir réalisées, ce moyen portant, non pas sur l'amplitude horaire réalisée par le salarié, mais sur sa productivité, et revenant, non pas à démontrer que le salarié ne travaillait pas aux horaires qu'il allègue, mais qu'il n'était pas efficace dans son travail.
En outre, la SARL BME EXPERTISE 05 ne peut valablement reprocher au salarié de ne pas avoir traité suffisamment de dossiers, en comparaison de la productivité d'un autre salarié, alors, d'une part, qu'elle ne démontre pas avoir mis en place des mécanismes visant à contrôler sa productivité, notamment en lui fixant des objectifs; d'autre part, qu'elle ne verse aux débats aucun élément démontrant qu'elle aurait alerté le salarié, au cours de la relation de travail, sur l'insuffisance de ses résultats.
Au surplus, il ne peut être retenu, sur la seule base des documents intitulés « Etats récapitulatifs » susvisés, que la productivité du salarié est incompatible avec le volume horaire allégué par le salarié.
En effet, la SARL BME EXPERTISE 05 ne produit aucun élément permettant à la cour de constater que le salarié pris comme élément de comparaison, était chargé d'effectuer exactement les mêmes tâches que M. [M], et qu'il détenait le même niveau de qualification et de classification que M. [M].
Par ailleurs, la SARL BME EXPERTISE 05 ne justifie pas des horaires de travail effectués par ce salarié, empêchant ainsi la cour d'appel de s'assurer que ce salarié n'a pas lui-même effectué des heures supplémentaires, éventuellement en plus grand nombre que celui allégué par M. [M].
En outre, la SARL BME EXPERTISE 05 n'apporte aucune explication sur le nombre de salariés présents dans l'entreprise effectuant des tâches identiques à celles de M. [M], permettant à la cour d'apprécier le travail effectué par le salarié par comparaison avec tous les salariés chargés des mêmes fonctions et le nombre d'heures de travail effectivement réalisées par le salarié.
Dès lors, la SARL BME EXPERTISE 05, qui a manifestement manqué à son obligation de décompter le temps de travail du salarié, ne produit aucun élément permettant de retenir que le salarié n'a pas pu effectuer les heures de travail qu'il prétend avoir effectuées sur la base des éléments précis qu'il verse aux débats.
Il ressort des écritures du salarié que celui-ci allègue que ses horaires de travail étaient normalement de 8h30 à 12h00 et de 14h00 à 18h00, soit 37h30 par semaine.
Il en résulte que le salarié reconnaît qu'il travaillait une demi-heure de travail en moins par semaine par rapport à l'horaire hebdomadaire de 38 heures prévu par le contrat de travail.
Il ressort par ailleurs des différents tableaux produits par le salarié que celui-ci a calculé les heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectué au-delà de la durée de 37h30, et non au-delà de la durée de 38 heures prévue au contrat.
Dès lors, il y a lieu de déduire ces heures déjà payées des demandes de rappel de salaire formées par le salarié au titre des heures supplémentaires.
La SARL BME EXPERTISE 05 ne peut valablement exciper qu'elle ne serait pas tenue par le paiement des heures supplémentaires effectuées par le salarié avant la date de transfert de son contrat de travail, situées dans la période non prescrite, dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou de substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
En considération de ces éléments, il convient de condamner la SARL BME EXPERTISE 05 à payer à M. [M] des heures supplémentaires impayées pour un montant de 2 666,53 euros à titre de rappel de salaire à ce titre, outre 266,65 euros de congés payés afférents pour les années 2015 et 2016 par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande au titre du travail dissimulé :
Moyens des parties,
M. [M] soutient que la SARL BME EXPERTISE 05 avait connaissance de la réalisation d'heures supplémentaires, et qu'elle s'est volontairement abstenue de les lui rémunérer et de les déclarer.
La SARL BME EXPERTISE 05 allègue pour sa part que le salarié ne démontre aucune intention de dissimulation d'emploi salarié.
Sur ce,
L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Mais ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord
Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.
Il ne ressort pas du constat d'huissier du 11 octobre 2021 susvisé que le logiciel utilisé par le cabinet d'expertise intitulé « Alpha Expert » soit un logiciel de décompte du temps de travail, celui-ci étant manifestement un logiciel de travail en vue de réaliser des expertises.
Si ce logiciel permet, ce qui ressort du constat d'huissier, d'identifier les heures d'ouverture et de fermeture d'un dossier de travail, il n'a pas pour vocation de comptabiliser le temps de travail, et d'alerter notamment l'employeur en cas de dépassement d'une certaine amplitude horaire.
Dès lors, et faute pour le salarié d'apporter aucun autre élément de nature probante, il ne peut être retenu que la SARL BME EXPERTISE 05 avait connaissance des heures supplémentaires effectuées par le salarié, qu'elle s'est volontairement abstenue de les lui rémunérer et de les déclarer, en les faisant notamment figurer sur les bulletins de paie, ce qui pourrait caractériserait une intention de dissimulation d'emploi salarié. Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne pouvant résulter du seul défaut de paiement des heures supplémentaires.
Le salarié doit être débouté de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur le bien-fondé du licenciement :
Moyens des parties,
M. [M] fait valoir que :
Le premier grief invoqué par l'employeur est prescrit dès lors que la SARL BME EXPERTISE 05 avait connaissance depuis plus de deux mois au moment de l'engagement de la procédure disciplinaire de son activité en tant qu'indépendant,
L'employeur ne démontre aucun détournement de clientèle, dès lors qu'il n'a repris aucun dossier en cours de la société à son propre compte en tant qu'indépendant,
L'employeur développe plusieurs griefs qui ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement et devront en conséquence être écartés,
La SARL BME EXPERTISE 05 a cherché à le licencier en raison de son état de santé.
La SARL BME EXPERTISE 05 fait valoir que :
Elle démontre que M. [M] n'a pas été loyal dans l'exécution de son contrat de travail et a détourné une partie de la clientèle de l'entreprise,
Le fait d'avoir constitué une société spécialisée dans une activité identique à celle de son employeur, alors qu'il y était toujours salarié, et d'avoir accompli des missions en qualité d'expert privé pendant plusieurs années, en contradiction avec la clause d'exclusivité prévue par son contrat de travail, caractérise à lui seul un manquement à son obligation de loyauté et constitue une faute grave,
Le salarié a repris à son compte un dossier de l'entreprise en prétextant qu'il avait été clôturé, alors que tel n'était pas le cas, le salarié s'étant entendu directement avec le garagiste, en contradiction des règles applicables dans ce domaine (véhicule déclaré non réparable), ce qui caractérise un détournement de clientèle,
Le salarié a réalisé des prestations dans le cadre de son activité individuelle alors qu'il était en arrêt de travail (période du 13 avril au 29 avril 2016),
Elle avait déjà rencontré des difficultés avec le salarié s'agissant de son comportement à l'égard des assurances clientes de la société.
Sur ce,
Selon les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.
Cette lettre, qui fixe les limites du litige, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux griefs et au juge d'examiner d'autres griefs non évoqués dans cette lettre, doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Selon l'article L. 1235-2 du même code, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
Il est de principe que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires. L'existence d'un préjudice subi par l'employeur en conséquence du comportement reproché au salarié n'est pas une condition de la faute grave.
Si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.
Enfin n l'espèce, aux termes de l'article 8 du contrat de travail à durée indéterminée du 13 août 2011 intitulé « Discrétion et concurrence », les parties ont prévu que le salarié « s'engage (') à travailler exclusivement pour la société ALPEX et à n'exercer aucune activité concurrente de celle de la société pendant toute la durée son contrat ».
Il ressort des termes de la lettre de licenciement du 6 janvier 2017 que la SARL BME EXPERTISE 05 reproche au salarié d'avoir d'une part, manqué à la clause d'exclusivité de son contrat de travail en exerçant, en tant qu'indépendant, une activité concurrente à celle de son employeur, et d'autre part, manqué à son obligation de loyauté en détournant un client du cabinet à son profit.
A titre liminaire, il doit être relevé que si le salarié soutient qu'il avait obtenu l'accord verbal de M. [L], alors gérant de la société ALPEX, de lui conserver son emploi jusqu'à son départ à la retraite, l'embauche de M. [M] se faisant avec l'apport de sa clientèle d'assureurs, M. [M] ne produit aucun élément permettant de démontrer l'existence de cet accord.
L'échange de courriels du mois de décembre 2010 entre M. [M] et le responsable régional réseaux automobiles de GMF, par lequel celui-ci lui confirme son accord de transférer une partie des missions (un « volume significatif ») au cabinet ALPEX, lequel est par ailleurs en copie de cet échange, s'il démontre la réalité de l'apport d'une partie de son ancienne clientèle par M. [M] à son futur employeur, ne permet pas d'établir l'accord qui serait intervenu entre eux.
Il ressort du jugement du Tribunal de grande instance de Gap du 14 mars 2011 que l'activité de M. [M] a été placée en liquidation judiciaire à cette date.
M. [M] ne conteste pas qu'il a ouvert un établissement le 1er octobre 2012 aux fins d'exercer une activité d'analyses, essais et inspections techniques en qualité d'entrepreneur individuel, tel que cela ressort de l'impression écran du site internet societe.com produit par la SARL BME EXPERTISE 05, soit quelques mois après avoir été embauché par la société ALPEX le 13 août 2011.
Il ne peut valablement être soutenu par le salarié que le fait d'enregistrer une nouvelle activité à titre individuel dans le même secteur d'activité que celui de la SARL BME EXPERTISE 05, avec laquelle il était désormais lié par un contrat de travail, ne constitue pas une violation de son obligation de non-concurrence et d'exclusivité, telle qu'elle est formulée à l'article 8 susvisé du contrat de travail, le salarié ne contestant pas qu'il a bien exercé une activité d'expertise à titre individuel parallèlement à son emploi salarié, même s'il soutient dans le même temps, ce que ne conteste pas la SARL BME EXPERTISE 05, que cette activité était marginale et n'a généré qu'un chiffre d'affaires extrêmement faible.
Il ne peut être retenu, sur la seule base de l'attestation de M. [S] que le salarié verse aux débats, qu'au moins l'un des gérants de la SARL BME EXPERTISE 05, M. [L], avait connaissance de l'existence de cette activité, faute pour le salarié de produire d'autres éléments probants démontrant que la SARL BME EXPERTISE 05 en était informée, et qu'il ne la dissimulait pas à son employeur, ce dont il résulterait que celui-ci aurait levé l'obligation de non-concurrence et d'exclusivité prévue par le contrat de travail.
Pour démontrer que M. [M] a réalisé plusieurs prestations rémunérées dans le cadre cette activité, la SARL BME EXPERTISE 05 verse aux débats :
Un courrier du 16 septembre 2016 de M. [M] envoyé en sa qualité d'expert automobile dans le cadre de son activité individuelle, ledit courrier portant mention du numéro de SIRET de sa société, adressé à un concessionnaire Peugeot afin de la convoquer à l'expertise d'un véhicule le 30 septembre 2016 à 16h00, la date de l'expertise étant, d'après l'employeur, prévue sur son temps de travail, ce que le salarié conteste, sans démontrer qu'il était en congé ce jour-là, la cour d'appel relevant que le bulletin de salaire du mois de septembre 2016 versé aux débats ne fait pas mention d'un jour de congé pris par le salarié à cette date,
Une attestation de suivi VIE au nom de M. [G] réalisée par M. [M] en qualité d'expert, Cabinet EPAN 05,
La copie d'une carte de visite au nom de M. [M] avec la mention EPAN 05, Expert Privé Auto 05, conseiller technique, une adresse, deux numéros de téléphone et une adresse de courrier électronique,
Une attestation d'un garagiste, M. [Z], dans laquelle celui-ci indique que « l'expert M. [M] [I] a bien effectué le suivi des VE et VEI à plusieurs reprises, et ce pendant plusieurs années, pour le compte du garage des Alpes, en qualité d'expert privé »,
Une attestation de M. [J] qui indique que M. [M] est intervenu sur l'un de ses véhicules à titre privé pour effectuer « un suivi de réparation en procédure VE et que cette prestation a été réalisée par la structure EPAN 05 »,
Un procès-verbal de constat d'huissier du 16 décembre 2016, duquel il ressort qu'un dossier du cabinet concernant la voiture de M. [G] porte la mention suivante : « DN m'informe que pas le cab Alpex de missionne pour suivi VEI car il veut un autre expert donc j'envoi rien je cloture doss », la mention « DN » désignant M. [I] [M].
S'agissant du dossier de M. [G], M. [M] réfute l'allégation de l'employeur selon laquelle il aurait commis un détournement de clientèle, et produit un « mandat pour expertise Véhicule Economiquement Irréparable » du 28 avril 2016 portant la signature de M. [G], afin de démontrer que la demande de clôture du dossier provenait de l'assuré lui-même et non du garagiste, auquel le véhicule avait été confié, contrairement à ce que soutient la SARL BME EXPERTISE 05 dans ses écritures.
Si la seule mention portée au dossier de M. [G] ne permet pas d'établir que le salarié aurait détourné un client du cabinet, le procès-verbal susvisé indiquant que le dossier était considéré comme clos à la suite de l'expertise réalisée par la SARL BME EXPERTISE 05, ces éléments démontrent dans tous les cas l'exercice d'une activité concurrente par le salarié dans un zone géographique couverte par l'activité de son employeur.
Ces éléments, pris ensemble, sont suffisants pour démontrer la réalisation d'actes de nature concurrentielle par M. [M] au cours de la relation de travail.
Eu égard à la clause du contrat de travail prévoyant l'obligation du salarié de n'exercer aucune activité concurrente et de ne travailler que pour la SARL BME EXPERTISE 05, il y a lieu de retenir que les comportements adoptés par le salarié sont de nature fautive, et rendaient, eu égard à l'importance de cette obligation formulée explicitement dans le contrat de travail, impossible la poursuite de la relation de travail.
Le licenciement pour faute grave est justifié par l'employeur et le salarié doit en conséquence être débouté de ses demandes formées au titre du caractère abusif de son licenciement, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de condamner la SARL BME EXPERTISE 05 à remettre à M. [M] un bulletin de salaire rectifié conforme à la présente décision.
Chaque partie a été partiellement déboutée de ses demandes dans le cadre de l'instance d'appel. Dans ces circonstances, l'équité commande de les débouter de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles et de dire qu'elles supporteront chacune la charge des frais et dépens qu'elles ont engagés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la SARL BME EXPERTISE 05 à payer à M. [M] la somme de 2 666,53 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 266,65 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
ORDONNE à la SARL BME EXPERTISE 05 de remettre à M. [M] un bulletin de salaire rectifié conforme au présent arrêt,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT que chaque partie supportera la charge des frais et dépens qu'elles ont engagés en première instance et en appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,