N° RG 21/01779 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K2RR
C3
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SCP CONSOM'ACTES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 23 MAI 2023
Appel d'une décision (N° RG 21/01729)
rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 04 mars 2021 rectifié par jugement du 19 avril 2021
suivant déclaration d'appel du 19 avril 2021
APPELANTE :
LA SCCV LA [Adresse 6] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
M. [J] [G]
né le 22 avril 1970 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 10]
Mme [B] [Y] épouse [G]
née le 03 janvier 1973 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 10]
représentés par Me Yamina M'BAREK de la SCP CONSOM'ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 mars 2023 Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [J] [G] et son épouse Mme [B] [Y] ont signé le 4 mai 2012 un contrat de réservation avec la SCCV La [Adresse 6] afin d'acquérir une maison d'habitation individuelle avec terrain attenant viabilisé dans l'ensemble immobilier dénommé «'Les [Adresse 6]'» dont cette société avait entrepris la réalisation sur la commune de [Localité 10] (38).
Il leur a été remis le descriptif technique du projet de construction qui prévoyait notamment s'agissant des réseaux d'eaux usées, une évacuation par voie avec raccordement au regard en limite de propriété, et s'agissant des réseaux d'eaux pluviales, soit une évacuation par le collecteur public, soit par épandage sur le terrain.
Le 12 juillet 2013, l'acte de vente en l'état de futur achèvement a été régularisé par devant Me [E], notaire à [Localité 10], avec le concours de Me [L], notaire à [Localité 9]'; cet acte rappelait l'existence de la servitude sus-visée et faisait mention d'un cahier des charges établi par acte de Me [E] lz 10 juillet 2013 pour l'ensemble des maisons individuelles de l'ensemble «'Les [Adresse 6]'» dont une copie avait été remise à M. et Mme [G].
La maison a été livrée le 27 juin 2014 avec réserves.
M. et Mme [G] ont dénoncé par la suite la présence de canalisations en tréfonds de leur parcelle'; le 19 décembre 2014, la réunion organisée entre la société La [Adresse 6], M. et Mme [G] et leurs notaires respectifs en vue d'établir une servitude n'a pas abouti.
M. et Mme [G] ayant fait chiffrer la valeur de la servitude grevant leur terrain à la somme de 80.500€ , en ont réclamé paiement en vain à la société La [Adresse 6] par courrier du 14 novembre 2016..
Après une nouvelle réunion infructueuse le 29 mars 2017 pour voir dresser un acte de servitude, et l'envoi d'une mise en demeure à la société La [Adresse 6] par courrier recommandé avec AR du 24 mai 2017, d'avoir à mettre le terrain qu'elle leur avait vendu en conformité avec l'acte de vente en enlevant les canalisations litigieuses avec remise en état de leur jardin et en raccordant leur maison à un puits perdu, M. et Mme [G] ont assigné cette société devant le tribunal de grande instance de Grenoble suivant acte extrajudiciaire du 1er juin 2018 aux mêmes fins.
Par jugement contradictoire du 4 mars 2021,rectifié par jugement du 19 avril 2021 ce tribunal, devenu tribunal judiciaire, a':
dit que la société La [Adresse 6] a méconnu son obligation de délivrance conforme en modifiant l'implantation des canalisations des eaux usées et des eaux pluviales se trouvant sous la parcelle acquise par M. et Mme [G],
ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats afin d'inviter la dite société à proposer tous travaux propres à permettre le déplacement de ces canalisations sans risque de coupure pour les tiers raccordés audit réseau ou à faire toute proposition propre à indemniser M. et Mme [G] ou à permettre de rémédier à la situation,
dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 27 mai 2021,
sursis à statuer sur les autres demandes dans cette attente.
Par déclaration déposée le 19 avril 2021, la société La [Adresse 6] a relevé appel de ces deux jugements.
Dans ses uniques conclusions déposées le 7 juillet 2021 sur le fondement des articles 1134 et 1147 dans leur version applicable à la date des faits et 1103 du code civil, la société La [Adresse 6] demande à la cour de':
réformer le jugement du 4 mars 2021 rectifié par jugement du 19 avril 2021 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a':
jugé qu'elle a méconnu son obligation de délivrance conforme en modifiant l'implantation des canalisations d'évacuations des eaux usées et des eaux pluviales se trouvant sur la parcelle acquise par M. et Mme [G]
ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats afin de l'inviter à proposer « tous travaux propres à permettre le déplacement de ces canalisations sans risque de coupure pour les tiers raccordés audit réseau ou à faire toute proposition propre à indemniser les consorts [G]/[Y] ou à permettre de remédier à la situation »,
juger qu'elle n'a pas méconnu son obligation de délivrance conforme pour procéder à l'implantation de canalisations prévue au cahier des charges régissant le lotissement « Les Villas de la [Adresse 6] » reçu en l'étude de Me [E], notaire, le 10 juillet 2013, constituant un document contractuel opposable à M. et Mme [G],
débouter en conséquence M. et Mme [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
condamner in solidum M. et Mme [G] à lui verser à une indemnité de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,
à titre subsidiaire,si la cour devait juger qu'elle a manqué à son obligation de délivrance,
débouter M. et Mme [G] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires et confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la réouverture des débats afin de l'inviter à proposer « tous travaux propres à permettre le déplacement de ces canalisations sans risque de coupure pour les tiers raccordés audit réseau ou à faire toute proposition propre à indemniser M. et Mme [G] ou à permettre de remédier à la situation ».
en toute hypothèse,
condamner in solidum M. et Mme [G] à lui verser à une indemnité de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir en substance que':
le cahier des charges d'un lotissement, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qu'il contient, et les servitudes de lotissement sont opposables aux acquéreurs même dans le silence des actes de vente ou des titres de propriété'; le premier juge a donc inexactement jugé qu'elle avait manqué à son obligation de délivrance conforme en implantant sur la parcelle de M. et Mme [G] des canalisations non prévues contractuellement alors que cette implantation était prévue au cahier des charges annexé à l'acte de vente,
les canalisations litigieuses récupèrent l'ensemble des eaux pluviales et eaux usées du lotissement contrairement aux allégations erronées de M. et Mme [G] selon lesquelles elles n'auraient vocation à ne recueillir que les eaux pluviales et eaux usées des propriétés extérieures au lotissement'; ils ne peuvent donc pas contester la présence de ces canalisations dans leur propriété dès lors que le cahier des charges leur est opposable,
compte tenu de la mention de la servitude dans le cahier des charges, aucune régularisation (suppression ou déplacement des canalisations litigieuses) ou indemnisation n'est valablement exigible, M. et Mme [G] ne justifiant pas d'un préjudice, le puits perdu initialement prévu sur leur parcelle n'ayant pas été construit, et l'emprise de la servitude limitée et située à l'extrémité de leur parcelle, ceux-ci ayant été par ailleurs parfaitement informés de l'existence de ces canalisations et des conséquences en découlant conformément aux stipulations du cahier des charges.
Dans leurs uniques conclusions déposées le 23 septembre 2021 sur le fondement des articles 1134,1147, 1603 (dans leur version applicable à la date des faits), 544 et 1343-2 du code civil, M. et Mme [G] sollicitent de la cour qu'elle':
confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
déboute la société La [Adresse 6] de ses entières prétentions,
condamne la société La [Adresse 6] à leur verser indivisément pris entre eux, la somme de 4.500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel,
condamne la même aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Brasseur M'Barek & Payet, avocat, sur son affirmation de droit.
Ils défendent essentiellement que':
l'assiette de la servitude résultant d'un acte du 15 décembre 1981 tel que visé dans le contrat de réservation et dans l'acte de vente, se situe au Sud de leur parcelle alors que les canalisations en cause ont été implantées à l'Est de celle-ci, donc sur une assiette différente et de plus grande emprise,
le cahier des charges est daté du 10 juillet 2013 alors que l'acte de vente est intervenu le 12 juillet suivant et que les canalisations litigieuses ont fait l'objet d'un permis de construire modificatif du 16 décembre 2014'; dès lors, il ne peut être sérieusement soutenu qu'ils ont été informés de l'existence de ces canalisations avant la régularisation de la vente,
le cahier des charges régit le sort des servitudes entre les colotis exclusivement'; or, les eaux usées et pluviales des canalisations s'écoulent depuis une voie extérieure au lotissement «'Les Villas de la [Adresse 6]'», à savoir la [Adresse 8], s'écoulent par voie gravitaire en traversant leur propriété, puis le reste du lotissement en direction de la [Adresse 4] , située en contrebas du lotissement'; ainsi, les propriétaires des fonds dominants ([Adresse 8]) sont tiers au lotissement,
quand bien même ils seraient tenus de supporter les servitudes internes au lotissement, le vendeur ne s'en trouve pas autorisé à modifier unilatéralement la consistance du bien vendu en implantant les canalisations à l'Est et non au Sud de leur propriété comme prévu à l'acte de vente et à se soustraire à son devoir d'information et son obligation de délivrance,
leur préjudice est réel, car l'emprise de cette servitude non prévue à l'acte de vente sur une longueur de 46 mètres et une profondeur de 2 mètres les empêchent d'utiliser pleinement de leur terrain (construire une piscine, planter des arbres ').
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2023.
MOTIFS
Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.
Comme rappelé à bon droit par les premiers juges, le présent litige s'inscrit dans la relation acquéreur / vendeur en tant que fondée sur l'obligation de délivrance conforme'; ainsi, M. et Mme [G] n'excipent pas d'une violation du règlement de copropriété ou du cahier des charges du lotissement.
Il est vérifié que tant dans l'acte de réservation signé par M. et Mme [G] le 4 mai 2012, que dans l'acte de vente en l'état futur d'achèvement du 12 juillet 2013, a été rappelée l'existence d'une servitude ainsi libellée' «'il existe depuis un temps immémorial une canalisation d'égout sur le terrain vendu, en bordure du chemin d'accès et desservant les propriétés en amont'».
ll résulte des indications du notaire Me [E] portées dans son courrier du 21 septembre 2015, que le chemin d'accès au lotissement se situe au Sud/ Ouest du terrain vendu, tandis que les propriétés en amont sont celles situées [Adresse 8], soit en dehors de l'enceinte du lotissement «'Les Villas de la [Adresse 6]'»'; ce qui est d'ailleurs vérifié à l'examen des plans annexés à la pièce 32 des intimés, à savoir que les deux canalisations d'eaux usées et d'eaux pluviales, qui partent de la [Adresse 8], ne sont pas reliées au réseau d'évacuation de la maison de M. et Mme [G] sur toute la longueur traversant leur parcelle, les branchements d'évacuation des eaux usées et pluviales de leur immeuble étant distincts de celles-ci et se situant en bas de parcelle, côté Nord/Est.
Dès lors que les bénéficiaires de cette servitude d'écoulement des eaux sont des tiers au lotissement, la société La [Adresse 6] ne peut pas utilement se prévaloir de la nature contractuelle du cahier des charges du lotissement, celui-ci n'ayant vocation à ne s'appliquer que dans les relations entre colotis. Or, M. et Mme [G] n'excipent pas d'une violation du règlement de copropriété ou du cahier des charges du lotissement, ayant dirigée leur action uniquement contre leur venderesse.
Il n'est pas discuté que les canalisations litigieuses ont été implantées à l'Est de la parcelle de M. et Mme [G] et non pas au Sud/ Ouest de celle-ci comme cela ressortait de leur acte de vente («'sur le terrain vendu, en bordure du chemin d'accès'» ).
Ce seul constat suffit à caractériser un défaut de délivrance conforme à l'encontre de la société La [Adresse 6]'; sans plus ample discussion, le jugement querellé est confirmé en ce qu'il a par d'exacts motifs adoptés par la cour retenu comme caractérisé ce défaut de délivrance conforme à l'encontre de cette société venderesse.
Il est également confirmé pour le surplus, s'agissant des travaux à réaliser pour permettre le déplacement de ces canalisations litigieuses ou des autres solutions pouvant être proposées par la société La [Adresse 6] pour remédier à la situation, étant relevé que sur ce point, les parties sollicitent ensemble cette confirmation.
Sur les dépens et frais irrépétibles de l'instance d'appel,
La société La [Adresse 6], succombant dans son recours, est condamnée aux dépens d'appel avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile'et conserve la charge de ses frais irrépétibles exposés devant la cour ; elle est condamnée à verser à M. et Mme [G] une indemnité de procédure'; le jugement déféré est par ailleurs confirmé en ses dispositions relatives aux mesures accessoires.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement , par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré, tel que rectifié par jugement du 19 avril 2021, en toutes ses dispositions,
Ajoutant,
Condamne la SCCV La [Adresse 6] à payer à M. [J] [G] et Mme [B] [Y] épouse [G], unis d'intérêt, une somme de 2.500€ à titre d'indemnité de procédure pour l'instance d'appel,
Déboute la SCCV La [Adresse 6] de sa demande présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCCV La [Adresse 6] aux dépens d'appel avec recouvrement par la SCP Brasseur M'Barek & Payet, avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT