N° RG 21/01666 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K2FY
C2
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Johanna ABAD
la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 30 MAI 2023
Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/00605)
rendu par le Tribunal judiciaire de BOURGOIN JALLIEU
en date du 04 février 2021
suivant déclaration d'appel du 12 avril 2021
APPELANT :
M. [D] [H]
né le 01 juillet 1970 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Johanna ABAD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉES :
S.A. CIC LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Franck BENHAMOU de la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me Elsa Benhamou avocat au même cabinet
LA SELARL [J] [B], demeurant [Adresse 7], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ECORENOVE, Société par actions simplifiée au capital de 866 670,00 €, immatriculée au RCS de LYON sous le n°753322767, dont le siège social était les [Adresse 9], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 5]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR: LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Mme Catherine Clerc, présidente,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier
DÉBATS :
A l'audience publique du 3 avril 2023, madame Blatry a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
******
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Dans le cadre d'une vente hors établissement et suivant bon de commande du 15 mars 2017, M. [D] [H] a conclu avec la société Ecorenove un contrat de fourniture et pose d'un système aéro-volt composé de 24 panneaux aérothermiques moyennant le prix de 28.800€.
Pour le financement de ce bien, la société CIC Lyonnaise de Banque (CIC) lui a consenti, le 14 août 2017, un crédit accessoire d'un montant en capital de 29.950,00€.
Suivant exploits d'huissier du 14 octobre 2019, M. [H] a fait citer la société Ecorenove et la société CIC en nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté.
Par assignation du 3 mars 2020, M. [H] a appelé à la cause le liquidateur judiciaire de la société Ecorenove, la SELARL [J] [B].
Par jugement du 4 février 2021 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu a :
prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la société Ecorénove et M. [H],
constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit conclu entre la société CIC et M. [H],
condamné M. [H] à payer à la société CIC la somme de 28.800€ après déduction des sommes versées par lui, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
ordonné la capitalisation des intérêts,
fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Ecorénove la somme de 28.800€au titre de la créance de M. [H],
débouté M. [H] de ses demandes en paiement au titre de la dépose et de la remise en état de la toiture,
débouté la société CIC de sa demande au titre des intérêts contractuels,
condamné in solidum la société Ecorénove prise en la personne de son liquidateur et la société CIC à payer à M. [H] une indemnité de procédure de 2.000€ et à supporter les dépens de l'instance.
Suivant déclaration du 12 avril 2021, M. [H] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 14 février 2023, M. [H] demande à la cour de confirmer le jugement déféré sur la nullité des contrats pour non respect du droit de la consommation, à défaut, de prononcer la nullité pour dol et, plus subsidiairement, de prononcer la résolution des contrats, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer à la société CIC la somme de 28.800€ et de :
dire que la société CIC a commis une faute en débloquant les fonds et priver la banque de son droit à restitution des fonds,
condamner la société CIC à lui restituer l'ensemble des échéances réglées par lui,
fixer sa créance au passif de la société Ecorénove à la somme de 3.943,50€ au titre de la dépose et de la remise en état de l'installation,
si la faute de la société CIC n'était pas retenue fixer sa créance d'un montant de 28.800€ au passif de la société Ecorénove et priver rétroactivement la société CIC de son droit aux intérêts pour octroi d'un crédit abusif,
condamner la société CIC et la SELARL [B] ès qualités à lui payer une indemnité de procédure de 3.000€.
Il expose que :
la société CIC a commis diverses fautes la privant de son droit à restitution du capital emprunté,
elle a libéré les fonds alors que le contrat de vente était entaché de nombreuses et grossières violations du code de la consommation,
la Cour de cassation retient que commet une faute la banque qui s'abstient, avant de verser les fonds empruntés de vérifier la régularité du contrat principal,
en s'abstenant de vérifier les nombreuses irrégularités présentes sur le bon de livraison et d'en déduire le manque de sérieux de la société Ecorenove, la banque a manqué à ses obligations professionnelles,
il a été privé de son droit à l'information pré-contractuelle et le prêteur a donné son appui à une opération illégale au détriment du consommateur,
il se retrouve contraint de payer le capital emprunté pour une installation qui ne vend pas l'électricité produite puisqu'il n'a pu contraindre la société Ecorénove à lui remettre l'attestation sur l'honneur,
l'installation est irrégulière en ce qu'elle dépasse la limite de puissance autorisée de 3KWC pour les installations en autoconsommation,
au regard de la liquidation judiciaire de l'installateur, il se trouve privé de sa créance en restitution du prix de vente pour une installation inachevée dont il n'est plus le propriétaire,
la nullité des contrats impose que les panneaux photovoltaïques soient déposés et le toit remis en état.
Au dernier état de ses écritures en date du 10 février 2022, la société CIC Lyonnaise de Banque demande à la cour de :
1) à titre principal, réformer le jugement déféré en ce qu'il a annulé le contrat de crédit et le dire valide,
2) subsidiairement, réformer le jugement déféré en ce qu'il a limité la condamnation à la seule somme de 28.800€ et condamner M. [H] à lui payer la somme de 29.950€, sous déduction des règlements effectués avec intérêts au taux légal à compter du jugement déféré et capitalisation,
3) en toutes hypothèses :
débouter M. [H] de sa demande au titre de la dépose des panneaux,
condamner M. [H] à lui payer une indemnité de procédure de 3.000€.
Elle fait valoir que :
elle n'a commis aucune faute dans le déblocage des fonds,
l'attitude de M. [H] est de parfaite mauvaise foi,
les préjudices supposés de M. [H] ne peuvent avoir aucun lien avec une faute de sa part,
M. [H] affirme mensongèrement qu'il n'a pas signé de contrat avec EDF parce que son installation ne serait pas conforme alors qu'en première instance, il a reconnu qu'il a refusé de retourner le contrat signé à EDF car il estimait que le prix de revente était trop faible.
La SELARL [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ecorénove, citée le 20 juillet 2021 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
La décision sera réputée contradictoire.
La clôture de la procédure est intervenue le 28 février 2023.
MOTIFS
En l'absence d'appel du liquidateur judiciaire de la société Ecorénove et de M. [H] sur la nullité des contrats de vente et de crédit, ces points sont définitivement tranchés, étant relevé que les contrats de vente et de crédit étant, aux termes de l'article L.312-55 du code de la consommation issu de l'article L.311-32, interdépendants, et le prêteur étant à la procédure, l'annulation du contrat principal entraîne l'annulation du contrat de prêt subséquent.
Dès lors, le litige porte uniquement sur la question de la restitution par M. [H] du capital emprunté à la société CIC et sur sa demande au titre de l'enlèvement de l'installation et de la remise en état de sa toiture.
1/ sur la demande en paiement de la société CIC
L'annulation d'un contrat de prêt emporte l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté, sauf à démontrer le déblocage fautif des fonds par l'organisme financier ainsi que le préjudice subi par l'emprunteur.
Pour justifier le déblocage des fonds, la banque ne verse pas le moindre document ce qui ne permet pas de vérifier si le raccordement et la mise en service de la centrale photovoltaïque étaient effectifs à la date du déblocage des fonds.
Par ailleurs, le prêteur n'a communiqué aucun justificatif de la délivrance d'explications pertinentes et personnalisées visée à l'article L. 312-14 du code de la consommation, ni la démonstration de la transmission de la notice d'assurance visée à l'article L.312-29 du même code.
La banque, si elle a bien transmis la fiche d'information-précontractuelle et consulté le FICP, ne justifie pas avoir vérifié les capacités financières de M. [H].
De surcroît, la banque a financé un contrat de vente nul, ce dont elle pouvait facilement se convaincre à sa seule lecture.
Ces diverses fautes de la banque ne suffisent pas à la priver de la restitution du capital emprunté, l'acquéreur devant également justifier de l'existence d'un préjudice.
En l'espèce, M. [H], qui prétend qu'EDF ne lui rachète pas l'électricité dont il ne conteste pas qu'elle est produite par l'installation litigieuse, a refusé de signer le contrat en raison de son désaccord sur le prix de rachat ainsi que cela ressort de ses écritures de première instance et de ses pièces 1, 2 et 3.
Il est également produit par la banque l'attestation de conformité signée électroniquement par la société Ecorenove qui peremet la conclusion du contrat de revente.
Par voie de conséquence, le défaut de rachat d'électricité est imputable uniquement à M. [H] qui refuse de signer le contrat avec EDF.
Dès lors, M. [H] ne rapporte la preuve d'aucun préjudice justifiant de priver la banque de son droit à restitution du capital et de la condamner à lui restituer les sommes déjà acquittées au titre du remboursement du prêt, étant relevé que l'annulation des contrats de vente et de crédit dispense l'appelant du paiement des intérêts.
Le jugement déféré sera néanmoins réformé sur le montant du capital emprunté qui était supérieur à celui du prix de vente de l'installation photovoltaïque.
Par voie de conséquence, il convient de condamner M. [H] à restituer à la société CIC la somme de 29.950€, sous déduction des règlements effectués avec intérêts au taux légal à compter du jugement déféré, la capitalisation ordonnée étant confirmée.
2/ sur la demande de M. [H] au titre de la dépose de l'installation et des frais de remise en état de la toiture
En cause d'appel, M. [H] justifie en pièce 13 par devis du 26 mars 2020 du montant des frais de dépose de l'installation et remise en état de sa toiture pour la somme de 3.943,50€.
Par voie de conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré sur ce point et de fixer la somme de 3.943,50€ au passif de la société Ecorénove.
3/ sur les mesures accessoires
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, les dépens de la procédure d'appel seront supportés par M. [H] avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement déféré uniquement sur le montant de la restitution du capital emprunté et sur la demande de M. [D] [H] au titre des frais de dépose de l'installation et remise en état de sa toiture,
Statuant à nouveau sur ces points,
Condamne M. [D] [H] à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque la somme de 29.950€ en deniers ou quittances, sous déduction des mensualités acquittées,
Fixe au passif de la société Ecorénove la somme de 3.943,50€ au titre de la dépose de l'installation et en remise en état de la toiture,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [D] [H] aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT