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30/05/2023 | FRANCE | N°21/02102

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 30 mai 2023, 21/02102


C1



N° RG 21/02102



N° Portalis DBVM-V-B7F-K3SU



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LIGIER & DE MAUROY



la SCP PYRAMIDE AVOCATS

AU NOM DU P

EUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 30 MAI 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/105)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 02 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 05 mai 2021





APPELANTE :



SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, prise en la personne de ses ...

C1

N° RG 21/02102

N° Portalis DBVM-V-B7F-K3SU

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LIGIER & DE MAUROY

la SCP PYRAMIDE AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 30 MAI 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/105)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 02 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 05 mai 2021

APPELANTE :

SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,

et par Me Aude MILLIAT-FREREJEAN, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

INTIME :

Monsieur [B] [R]

né le 20 Avril 1981 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Philippe ROMULUS de la SCP PYRAMIDE AVOCATS, avocat postulant inscrit au barreau de VIENNE,

Me Véronique MASSOT-PELLET de la SELARL SELARL YDES, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 avril 2023,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de M. Victor BAILLY, Juriste assistant et Mme [N] [T], Assistante de justice, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 30 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 30 mai 2023.

Exposé du litige :

M. [R] a été engagé en qualité de journaliste stagiaire à compter du 11 décembre 2007, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la SARL L'ESSOR Loire Rhône Isère.

La société L'ESSOR appartient au groupe dénommé « Le Tout [Localité 4] ».

M. [R] a été promu à plusieurs reprises et en dernier lieu, il occupait le poste de rédacteur en chef adjoint de l'ESSOR tribune de [Localité 7].

Le 04 Octobre 2018, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable qui s'est déroulé le 17 octobre 2018.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 22 octobre 2018, M. [R] a été licencié pour faute grave.

M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne en date du 20 mars 2019, aux fins de contester son licenciement pour faute grave et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 02 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Vienne a :

Dit et jugé M. [R] partiellement bien fondé en ses demandes,

Dit et jugé abusif le licenciement de M. [R],

Condamné la SARL L'Essor à verser à M. [R] les sommes suivantes :

5 970,92 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

592,02 euros bruts au titre des congés payés afférents,

31 347,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

29 415,77 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires,

2 941,57 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires,

9 859,00 euros à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur obligatoire non pris,

2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelé que les intérêts au taux légal sont de droit à compter de la date de la convocation de la partie défenderesse à la première audience [signature de l'avis de réception] sur les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé du jugement pour les dommages et intérêts,

Condamné la SARL L'Essor à rembourser à Pôle Emploi, les indemnités chômage éventuellement perçues par M. [R] dans la limite de six mois, ce en application des dispositions de l'article L 1235-4 au code du travail,

Rappelé que l'exécution provisoire est de droit en application des dispositions de l'article L1454-28 au code du travail, ce dans la limite de neuf mois de salaire. Le Conseil fixe à la somme de 2985,46 € la rémunération mensuelle brute perçue par M. [R],

Débouté M. [R] de ses demandes relatives :

Aux dommages et intérêts pour préjudice moral,

Au rappel pour baisse de salaire injustifiée et congés payés afférents,

Au rappel de salaire au titre de l'ancienneté et congés payés afférents,

A l'indemnité pour travail dissimulé.

Débouté la SARL L'Essor de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 au code de procédure civile,

Condamné la SARL L'Essor aux entiers dépens de l'instance.

La décision a été notifiée aux parties et la SARL L'ESSOR en a interjeté appel.

Par conclusions du 26 janvier 2022, la SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR à la suite d'une fusion-absorption en date du 1er janvier 2022, demande à la cour d'appel de :

A titre liminaire :

Constater que la société TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, reprend l'instance en ses lieux et place par les présentes conclusions :

* S'agissant de la rupture du contrat de travail :

A titre principal:

Dire et juger que la faute grave est établie et que le licenciement repose, sans aucun doute, sur une cause réelle et sérieuse

Infirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE en ce qu'il a :

Dit et jugé abusif le licenciement de M. [R]

Condamné la Société L'ESSOR au paiement des sommes suivantes :

5.970,92 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

592,02 € bruts à titre de congés payés afférents

31.347 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamné la Société L'ESSOR à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités chômage éventuellement perçues par M. [R], dans la limite de 6 mois

Ordonner la restitution, par M. [R], des sommes perçues en application du jugement rendu le 2 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de VIENNE et de l'exécution provisoire de droit

Débouter M. [R] de l'intégralité de ses prétentions

Condamner M. [R] au versement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE en ce qu'il a :

Condamné la Société L'ESSOR au paiement des sommes suivantes :

31.347 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamné la Société L'ESSOR à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités chômage éventuellement perçues par M. [R], dans la limite de 6 mois

Ordonner la restitution, par M. [R], des sommes perçues en application du jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE et de l'exécution de droit à titre provisoire

Débouter M. [R] du surplus de ses demandes

En tout état de cause :

Confirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande d'indemnité pour préjudice moral dû aux conditions vexatoires de son licenciement

* S'agissant de la durée du travail :

A titre principal :

Infirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE en ce qu'il a :

Dit et jugé bien-fondé les demandes de M. [R] au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires, des congés payés afférents aux heures supplémentaires et des dommages et intérêts pour repos compensateur obligatoire non pris

Condamné la Société L'ESSOR au paiement des sommes suivantes :

29.415,77 bruts au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires

2.941,57 € bruts au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires

9.859 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur obligatoire non pris

2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Ordonner la restitution, par M. [R], des sommes perçues en application du jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE et de l'exécution de droit à titre provisoire

Débouter M. [R] de l'intégralité de ses prétentions en lien avec les prétendues heures supplémentaires, les congés payés afférents et les dommages et intérêts en lien avec la contrepartie obligatoire en repos

Condamner M. [R] au versement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens

A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE en ce qu'il a :

Dit et jugé bien-fondé les demandes de Monsieur [R] au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires, des congés payés afférents aux heures supplémentaires et des dommages et intérêts pour repos compensateur obligatoire non pris

Condamné la Société L'ESSOR au paiement des sommes suivantes :

29.415,77 bruts au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires

2.941,57 € bruts au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires

9.859 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur obligatoire non pris

2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Ordonner la restitution, par M. [R], des sommes perçues en application du jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE et de l'exécution de droit à titre provisoire

Dire et juger que :

Les demandes de M. [R] doivent donc se limiter aux éventuelles heures non rémunérées prétendument accomplies sur la période de 9 semaines de mails transmis

Toute condamnation doit, en conséquence, être limitée aux sommes suivantes :

Par principe, 975,51 € bruts de rappels de salaire au titre des prétendues heures supplémentaires, outre 97,55 € bruts de congés payés afférents ;

Par exception, si par extraordinaire la Cour n'entendait pas tenir compte des jours de RTT octroyés, 2.040,93 € bruts de rappels de salaire au titre des prétendues heures supplémentaires, outre 204,09 € bruts de congés payés afférents.

En tout état de cause, débouter M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris, en ce qu'il n'apporte aucunement la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice, ni même de l'étendue dudit préjudice à ce stade inexistant

A titre infiniment subsidiaire :

Dire et juger que les demandes formulées au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, s'agissant de la période 26 octobre 2015 / 30 septembre 2016, sont prescrites

Infirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE en ce qu'il a :

Dit et jugé bien-fondé les demandes de M. [R] au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires, des congés payés afférents aux heures supplémentaires et des dommages et intérêts pour repos compensateur obligatoire non pris

Condamné la Société L'ESSOR au paiement des sommes suivantes :

29.415,77 bruts au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires

2.941,57 € bruts au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires

9.859 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur obligatoire non pris

2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonner la restitution, par M. [R], des sommes perçues en application du jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE et de l'exécution de droit à titre provisoire

Dire et juger que :

Les demandes de M. [R] doivent se limiter aux périodes non prescrites

Toute condamnation doit, en conséquence, être limitée aux sommes suivantes :

15.273,32 € bruts s'agissant des rappels de salaire au titre des prétendues heures supplémentaires

1.526,76 € bruts, s'agissant des congés payés afférents aux prétendues heures supplémentaires

En tout état de cause, débouter M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris, en ce que ce dernier n'apporte aucunement la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice, ni même de l'étendue dudit préjudice à ce stade inexistant

En tout état de cause, s'agissant du prétendu travail dissimulé :

Dire et juger que la société n'a jamais intentionnellement dissimulé l'emploi de M. [R]

En conséquence, confirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE en ce qu'il a :

Considéré qu'il n'y avait pas de caractère intentionnel de l'employeur de réduire le nombre d'heures effectuées par M. [R]

Débouté M. [R] de sa demande à ce titre

*S'agissant des demandes de rappels de salaire au titre de la baisse inexpliquée et des congés payés afférents :

Constater que M. [R] n'a pas interjeté appel de ces chefs de demande, dont il a été débouté par le Conseil de prud'hommes de VIENNE dans son jugement du 2 mars 2021 ;

En conséquence, dire et juger que le jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE est, s'agissant de ces chefs de demande, définitif.

*S'agissant des demandes de rappels de salaire au titre de l'ancienneté et des congés payés afférents :

Constater que M. [R] n'a pas interjeté appel de ces chefs de demande, dont il a été débouté par le Conseil de prud'hommes de VIENNE dans son jugement du 2 mars 2021 ;

En conséquence, dire et juger que le jugement rendu le 2 mars 2021 par le Conseil de prud'hommes de VIENNE est, s'agissant de ces chefs de demande, définitif.

Par conclusions en réponse du 26 décembre 2022, M. [R] demande à la cour d'appel de :

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

Débouté M. [R] de ses demandes tendant à faire condamner la Société L'ESSOR à lui payer les sommes suivantes :

5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral compte tenu des conditions vexatoires de la rupture,

17.912.76 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Confirmer le jugement en ce qu'il a:

Dit et jugé abusif le licenciement de M. [R]

Condamné la société L'ESSOR à payer à M. [R] les sommes suivantes :

5.970,92 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

592,02 € bruts au titre des congés payés afférents,

31.347 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

29.415,77 € bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires,

2.941,57 € bruts à titre d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires,

9.859 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur obligatoire non pris,

2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Débouté la SARL L'ESSOR de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la SARL L'ESSOR aux entiers dépens de l'instance

Statuant à nouveau :

Juger que le licenciement pour faute grave de M. [R] est abusif,

Débouter la société L'ESSOR de l'intégralité de ses demandes,

Condamner la société L'ESSOR à payer à M. [R] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 mars 2023, et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 03 avril 2023.

La décision a été mise en délibéré au 30 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

1- Sur l'exécution du contrat de travail :

1-1 Sur les heures supplémentaires :

Moyens des parties :

M. [R] soutient que l'employeur lui est redevable d'un rappel d'heures supplémentaires aux motifs que :

- L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

- Il effectuait généralement 7 heures supplémentaires par semaine qui ne lui étaient pas payées au-delà de 37,5 h par semaine.

- Les lundis, mardis, jeudis et vendredis, il exerçait son activité professionnelle de 9h15 à 13 et de 14h à 19h ; le mercredi, de 9h à 13h et de 14h à 20h.

- Il bénéficiait de 12 jours de RTT par an en compensation des 2,5 heures supplémentaires exécutées par semaine, qu'il ne pouvait bien souvent pas prendre.

- A compter de l'automne 2017, il travaillait 30 minutes les samedis afin de mettre à jour le site internet.

- Pour les besoins des bouclages, il était parfois contraint de travailler pendant ses arrêts maladies, ses jours de RTT pris ou ses congés

- Sa charge de travail ne pouvait être effectuée dans les seuls horaires officiels.

La SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, conteste, au visa de l'article L.3171-4 du code du travail, être redevable d'une somme quelconque au titre d'un rappel d'heures supplémentaires. Elle expose que :

- M. [R] n'apporte pas d'élément suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées.

- Il ne s'est jamais manifesté pendant onze années auprès de son employeur quant à la réalisation d'heures supplémentaires.

- Il a indiqué sur son reçu pour solde de tout compte « Bon pour acquit des sommes, sous réserve d'encaissement ».

- Il ne démontre pas avoir dû renoncer à de nombreux jours de RTT.

- Ses affirmations sont approximatives et sans fondement.

- Il fait état d'interventions non demandées par son employeur ou ayant eu lieu pendant ses horaires habituels de travail

A titre subsidiaire, l'employeur fait valoir, au visa de l'article L. 3245-1 du code du travail, que:

- La périodicité sur laquelle les créances salariales, objets de l'action, peuvent porter, est la suivante : 22 octobre 2018, date du licenciement, au 22 octobre 2015.

- Sur le délai d'engagement de l'action, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne le 10 octobre 2019, de sorte que ses demandes de rappels d'heures supplémentaires réalisées antérieurement au mois d'octobre 2016 sont prescrites.

Réponse de la cour,

Sur la prescription :

Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.

Ce texte issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 comporte deux mentions relatives au temps :

- la première mention fixe un délai de trois pour la prescription de l'action

- la seconde mention temporelle impose une limite relativement à la période sur laquelle peut porter la demande des arriérés de salaires.

Autrement dit, l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, instaure, dans le cas d'une rupture du contrat de travail, une déconnexion entre le délai pour agir en paiement du salaire (trois ans) et la période sur laquelle la demande au titre des créances salariales peut porter, soit, au choix du demandeur, sur les trois années précédant la saisine de la juridiction prud'homale ou sur les trois années précédant la rupture du contrat de travail.

En l'espèce, M. [R] sollicite le paiement de rappels de salaire pour la période du 26 octobre 2015 au 22 octobre 2018.

Son contrat de travail a été rompu le 22 octobre 2018, date de son licenciement et de son dernier bulletin de salaire.

Il a saisi le conseil de prud'hommes le 20 mars 2019.

En conséquence, M. [R] peut solliciter le paiement de salaires nés postérieurement au 22 octobre 2015 (3 ans avant la date de la rupture).

Il y a donc lieu de déclarer ses demandes à ce titre recevables car non prescrites.

Sur les heures réclamées :

Constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente. Cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.

En application de ces dispositions, il est constant que l'exécution d'heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l'employeur de sorte que le salarié ne peut pas les exécuter de sa propre autorité. En revanche, le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I).

En l'espèce, M. [R] expose qu'il était payé pour un horaire de 35 heures par semaine et qu'il bénéficiait de 12 jours de RTT par an en compensation des 2,5 heures supplémentaires exécutées chaque semaine, ce qui n'est pas contesté.

Il affirme qu'il effectuait en réalité au moins 45 heures par semaine, soit au moins 7 heures supplémentaires par semaine qui ne lui étaient pas payées, étant précisé que sur l'ensemble de la période, il affirme avoir réalisé les heures supplémentaires suivantes, dont 159,25 heures au-delà de 8 heures supplémentaires par semaine :

Pour l'année 2015/2016 ( du 26 Octobre 2015 au 6 novembre 2016)

388 heures

Pour l'année 2016/2017

330 heures

Pour l'année 2017/2018

443 heures

Soit sur 3 ans

1 161 heures

Il produit pour en justifier :

- Son contrat de travail et les avenants successifs, dont il ressort une durée de travail dans l'entreprise de 35 heures par semaine, soit 151,37 heures par mois ;

- Ses bulletins de salaire, lesquels mettent en évidence l'acquisition de RTT, qu'il prenait en partie. (Novembre 2017 : 8 jours dont 7 pris, septembre 2018 : 9 jours dont 3 pris).

- Ses agendas,

- Des tableaux récapitulatifs détaillés des heures de travail effectuées, comportant, jour par jour et pour chaque semaine, l'amplitude de ses horaires, et le nombre d'heures supplémentaires, et ce depuis le mois d'Octobre 2015, étant observé que ces pièces mentionnent à plusieurs reprises des missions réalisées en soirées (Conseil municipal, Soirée présentation Jazz à [Localité 7], Trophée Nord Isère, Préparation Supplément) ou le samedi (gestion Web),

- Des courriels établissant qu'il répondait ou transmettait des messages durant des jours fériés (14 juillet 2017, dimanche 15 avril 2018), ses congés (19 et 25 février 2018), tôt le matin ou en soirée (10 septembre 2018, 1 Octobre 2018, 2 Octobre 2018, 9 Octobre 2018),

- Des attestations faisant état des éléments suivants :

* Mme [J], graphiste indique que : « (') J'ai travaillé de 2011 à 2017 pour l'hebdomadaire L'Essor. Affiches à [Localité 5], dont 5 ans en binôme avec [B] [R](...) [B] [R] était dévoué et s'impliquait beaucoup sans compter les heures de travail, que cela soit en semaines (bouclage tardif, rédaction d'articles, dossiers, suppléments, compte rendu conseil municipal ou communautaire...) mais aussi en week-end (élections présidentielles, départementales, ...) pour pouvoir faire paraitre le journal avec un contenu de qualité, la rédaction n'avait pas d'autres choix que de faire de nombreuses heures supplémentaires. (...)

* Mme [S] [L], ancienne infographiste, mentionne que : « Le mercredi, jour du bouclage, il venait très fréquemment sur [Localité 5] car il n'y avait pas d'infographiste à l'agence de [Localité 7]. Ce jour-là, on ne finissait jamais avant 20 heures, voire 21 heures, en sachant que les heures supplémentaires ne sont pas payées pour les journalistes. Il était également en charge du supplément ISERE ECO qui lui prenait beaucoup de temps et toujours non rémunéré et devait travailler à d'autres suppléments de L'ESSOR et du TOUT [Localité 4]. Il était impossible de faire tout ce travail dans les horaires officiels. (...) ».

* M. [D] [P], rédacteur en chef de l'ESSOR de juillet 2010 à février 2017, indique que : (...) Je peux témoigner que nous travaillons en étroite collaboration avec [B] [R](...). Il a toujours été très engagé professionnellement, assurant des charges de travail qui dépassaient le cadre strict de sa fiche de poste.

Il en a été ainsi quand le nouveau site internet a été mis en ligne. Il fallait l'animer quotidiennement avec également les réseaux sociaux, en plus du travail que nous demandait l'hebdomadaire et ses 4 suppléments annuels.

Une charge de travail conséquente, d'autant plus en période électorale.

En effet, la rédaction travaillait le dimanche soir depuis la préfecture de la Loire afin de couvrir les résultats des élections. Il fallait ajouter la réalisation de suppléments internes à L'ESSOR et la participation à des suppléments du Groupe.

Cette surcharge de travail entrainait inévitablement des heures de travail supplémentaires chaque semaine, mais encore plus en particulier dans les périodes de préparation des suppléments trimestriels. Qui plus est, les départs de nombreux journalistes du Groupe, notamment au TOUT [Localité 4] AFFICHES n'ont pas été remplacés (de 2014 à 2016, de mémoire, cinq temps plein en moins ».

La cour rappelle que peu importe que le salarié produise des décomptes d'heures établis unilatéralement, postérieurement à la relation de travail, non signés par l'employeur, dès lors que ces tableaux comportent des éléments précis sur la nature des missions et les horaires réalisés permettant à l'employeur d'y répondre, étant observé qu'en l'espèce ils sont étayés par d'autres éléments objectifs, tels que les attestations et les échanges de courriels produits aux débats.

Dès lors, la cour constate que M. [R] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées dont le paiement est réclamé, permettant à son ex employeur, chargé d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR :

- Affirme que les tableaux récapitulatifs ont été établis pour les besoins de la cause, sans apporter aucun élément de réponse sur les missions précises mentionnées à plusieurs reprises en soirée ou le week end,

- Soutient que les courriels établis à des horaires tardifs ne présentaient pas de caractère d'urgence et/ou ne concernaient pas des interventions demandées par l'employeur, sans le justifier, et sans démontrer que M. [R] pouvait réaliser ses tâches dans le cadre du temps prévu à son contrat de travail, étant observé sur ce point que les trois attestations font état d'une charge de travail importante, imposant la réalisation d'heures supplémentaires,

- Affirme que tous les collaborateurs et journalistes étaient en charge de suppléments, ou alimentaient le site internet de la société, ce qui n'est pas de nature à remettre en cause la réalité des heures déclarées comme ayant été effectuées à ce titre,

- N'apporte strictement aucune pièce ni aucun élément objectif sur le suivi des horaires du salarié, de nature à démontrer le caractère erroné des décomptes versés.

Dès lors, la demande d'heures supplémentaires sera retenue pour un montant total de 1 161 heures sur la période, conformément aux décomptes produits par le salarié, et ce pour les montants suivants :

1001,75 heures (1161 ' 159,25) x 24,6 € (19,68 x 25%)

= 24 643,05 €

159,25 heures majorées à 50 % x 29,97 € (19,68 x 50%)

= 4 772,72 €

Soit un total de

29 415,77 €

Soit au titre des Congés payés afférents

2 941 € bruts

La SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, sera ainsi condamnée à payer à M. [R] une somme de 29 415,77 € bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 2 941,57 € bruts à titre d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires, et ce par confirmation du jugement entrepris.

1-2 Sur la contrepartie obligatoire en repos :

Selon l'article L 3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au- delà de la durée légale. Les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur équivalent mentionné à l'article L. 3121-28 et celles accomplies dans les cas de travaux urgents énumérés à l'article L. 3132-4 ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires.

En application de ces dispositions, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ouvrent droit à un repos obligatoire, qui s'ajoute au paiement des heures. Les modalités de prise de cette contrepartie obligatoire en repos sont définies par accord collectif. L'accord, prioritairement d'entreprise ou d'établissement ou seulement à défaut un accord de branche, peut fixer l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire sous forme de repos. Il peut également prévoir la prise d'un repos obligatoire pour des heures effectuées en-deçà du contingent.

À défaut de stipulations conventionnelles, les dispositions supplétives du code du travail s'appliquent, soit une contrepartie obligatoire en repos égale à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel pour les entreprises de 20 salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés.

En l'espèce, au-delà des 220 heures supplémentaires par an, M. [R] pouvait prétendre à une contrepartie obligatoire en repos, laquelle correspond, sur toute la période à : 1161- (220x3) = 501 heures.

La SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, doit donc être condamnée à payer à M. [R] une somme de (501x 19,68 euros) = 9 858 euros à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur obligatoire non pris, et ce par confirmation du jugement entrepris.

1-3 Sur le travail dissimulé :

Moyens des parties :

M. [R] soutient que l'employeur a volontairement dissimulé ses heures de travail, puisque :

- Les heures supplémentaires ne sont jamais apparues sur son bulletin de salaire,

- la société L'ESSOR n'a jamais tenu un relevé de ses horaires comme elle y était tenue,

La SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR affirme que :

- Les demandes de M. [R] relatives aux heures supplémentaires sont infondées,

- Aucun élément intentionnel n'est démontré.

Réponse de la cour,

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 2°du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l'espèce, M. [R] ne démontre pas avoir sollicité le paiement des heures supplémentaires effectuées auprès de son employeur.

En outre, il ne résulte pas des éléments du dossier que l'employeur a entendu se soustraire à ses obligations déclaratives et qu'il aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont il avait connaissance qu'elles avaient été accomplies.

Dès lors, M. [R] doit être débouté de sa demande, par confirmation du jugement entrepris.

2- Sur la rupture du contrat de travail :

2-1 Sur le bien-fondé du licenciement :

Moyens des parties :

La SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, soutient, au visa de l'article L. 1222-1 du code du travail, que M. [R] a délibérément et gravement manqué à son obligation de loyauté et que son licenciement pour faute grave est justifié, aux motifs que :

- Trois collaborateurs travaillaient à l'agence de [Localité 7]

- M. [R] était le plus élevé hiérarchiquement, et il occupait des fonctions d'encadrement,

- Le courrier de l'agence était ouvert par M. [R] lorsqu'il était présent

- M. [R] s'est abstenu pendant près de deux années de remonter des informations extrêmement impactantes à sa direction, et de lui transmettre des courriers qui lui étaient pourtant destinés

- Compte tenu de l'absence de réponse à ces courriers, la société L'ESSOR a été condamnée par le tribunal d'instance de Vienne

- En n'informant pas la société L'ESSOR, M. [R] a renvoyé une image négative de la société à ses partenaires qui ont constaté que la société L'Essor:

* Ne répondait pas aux correspondances officielles adressées par une juridiction,

* N'exécutait pas les décisions de justice rendues à son encontre,

* Ne donnait aucune suite à des actes signifiés par voie d'huissier.

La SAS TOUT [Localité 4] ajoute que le conseil de prud'hommes n'est pas tenu par la motivation de la Commission Arbitrale, qui n'a autorité de chose jugée qu'au regard de l'indemnité de licenciement,

Elle indique enfin que M. [R] a commis un excès de vitesse le 18 mai 2018 et n'en a pas informé sa direction, de sorte que le représentant légal de la société a été condamné pour non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur.

M. [R] soutient, au visa des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail, que son licenciement pour faute grave est abusif, aux motifs que :

- La commission arbitrale des journalistes a compétence pour apprécier l'existence et la gravité des fautes alléguées et sa décision ne peut être frappée d'appel,

- Elle a jugé que M. [R] n'a commis aucune faute grave,

- Il n'a pas manqué à son obligation de loyauté,

- Il n'a pas sciemment dissimulé des informations essentielles à l'entreprise,

- Il a agi de façon raisonnable et sans mauvaise foi, ni esprit de complaisance,

- Il n'était pas en charge de la gestion du courrier réceptionné dans les locaux situés à [Localité 7].

- Il n'avait que des responsabilités éditoriales et non des responsabilités dans la gestion administrative de l'agence,

- Il n'a pas réceptionné l'intégralité des lettres listées dans la lettre de licenciement,

- Il a lui-même communiqué les coordonnées des interlocuteurs du groupe qui s'occupaient de la paie pour la société L'ESSOR à l'huissier de justice.

Réponse de la cour :

Sur la décision de la commission arbitrale :

Selon l'article L. 7112-3 du code du travail, qui s'applique aux journalistes professionnels, si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze.

Selon l'article L 7112-4 du même code, lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due. Cette commission est composée paritairement d'arbitres désignés par les organisations professionnelles d'employeurs et de salariés. Elle est présidée par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité. Si les parties ou l'une d'elles ne désignent pas d'arbitres, ceux-ci sont nommés par le président du tribunal judiciaire, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. Si les arbitres désignés par les parties ne s'entendent pas pour choisir le président de la commission arbitrale, celui-ci est désigné à la requête de la partie la plus diligente par le président du tribunal judiciaire. En cas de faute grave ou de fautes répétées, l'indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée. La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d'appel.

En application de ces dispositions, il est constant qu'en raison des règles dérogatoires au droit commun auxquelles obéit la détermination de l'indemnité de licenciement des journalistes professionnels, la portée de la sentence rendue par la commission arbitrale est limitée au domaine de compétence de cette commission, soit la fixation et le montant de l'indemnité de licenciement.

En l'espèce, par décision en date du 19 août 2020, la commission arbitrale des journalistes a statué en indiquant que M. [R] n'avait pas commis de faute grave et lui alloué une indemnité de licenciement en application des dispositions précitées.

Pour autant, les faits considérés comme n'étant pas constitutifs d'une faute grave par la commission arbitrale peuvent être analysés par la juridiction prud'homale, comme constitutifs d'une faute grave.

Il convient donc d'apprécier si les faits reprochés à M. [R] sont constitutifs d'une faute, et dans l'affirmative, la gravité de cette faute.

Sur le bien-fondé du licenciement :

En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Selon les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.

Cette lettre, qui fixe les limites du litige, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux griefs et au juge d'examiner d'autres griefs non évoqués dans cette lettre, doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux.

Il est de principe que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires. L'existence d'un préjudice subi par l'employeur en conséquence du comportement reproché au salarié n'est pas une condition de la faute grave.

Si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à M. [R] le 22 Octobre 2018, qui fixe les termes du litige, mentionne :

« Monsieur, (')

Le vendredi 28 septembre 2018, l'Etude d'huissier KAZOURIAN & LARGOT a contacté Madame [F] [V], cadre responsable au sein du service comptabilité de l'ESSOR, afin de lui faire part de son étonnement quant à l'absence de réaction de la société suite au commandement de payer signifié le 14 septembre 2018.

Cette dernière, ne voyant et ne comprenant absolument pas de quoi il était question, a sollicité la transmission par l'Etude d'huissier des documents évoqués.

C'est dans ce cadre que, par email du 1er octobre 2018, la SCP KAZOURIAN & LARGOT a transmis à Madame [V], les documents suivants :

- Une décision du 20 octobre 2016 autorisant la saisie des rémunérations de Madame [W], salariée au sein de la société et exerçant, comme vous, ses fonctions au sein de l'Agence de [Localité 7] ;

- Une ordonnance rendue par le Tribunal d'Instance de Vienne le 14 juin 2018 et condamnant la société L'ESSOR au versement d'une somme de près de 3.000 € ;

- Un commandement de payer signifié à la société L'ESSOR le 14 septembre 2018.

A la lecture de l'ordonnance rendue le 14 juin 2018 par le Tribunal d'instance de Vienne, nous avons eu la surprise, pour ne pas dire la stupeur, de lire :

« A ce jour, l'Essor AG [Localité 7] n'a ni adressé au tribunal la déclaration prévue à l'article L.3252-9 du code du travail, ni versé les retenus visées à l'article L.3252-10 du même code, malgré plusieurs relances qui lui ont été adressées les 13 mars 2017, le 2 novembre 2017 et 22 janvier 2018.

En conséquence, il convient de déclarer l'Essor AG [Localité 7] personnellement débiteur des sommes qui auraient dû être retenues sur le salaire de Madame [U] [W], sa salariée (')

La saisie arrêt a été notifié à l'employeur le 4 novembre 2016.

Compte tenu de ce qui précède, il convient de condamner l'Essor AG [Localité 7], personnellement, à payer les sommes suivantes, lesquelles auraient dû être versées au greffe du tribunal d'instance de Vienne en exécution de la saisie arrêt des rémunérations du travail de Madame [U] [W] ordonnée le 20 octobre 2016 (')

Conformément aux dispositions de l'article R.3252-28 du code du travail, la présente ordonnance sera notifiée à l'employeur et portée à la connaissance du créancier, de son mandataire et du débiteur par le greffe ; à défaut d'opposition dans les quinze jours de sa notification, l'ordonnance sera exécutoire et son exécution pourra être poursuivie à la requête de la partie la plus diligente ».

Force est de constater qu'effectivement, notre société n'a absolument pas pu mettre en place la saisie des rémunérations de Madame [W], dans la mesure où, jusqu'au 1 er octobre 2018, personne, en dehors de Madame [W] et vous-même, n'était au courant de l'existence de ces courriers ainsi que de ces actes et décisions de justice !

Le 15 octobre 2018, le Tribunal d'instance de Vienne nous a transmis les copies des accusés de réception des courriers adressés à la société L'ESSOR, copies à l'appui desquelles nous avons pu constater que vous aviez, à plusieurs reprises, signé lesdits accusés de réception.

Il est totalement effarant de constater que notre société a été destinataire :

-D'une saisie arrêt adressée par le Tribunal d'instance de Vienne le 4 novembre 2016 ;

-D'une relance adressée par le Tribunal d'instance de Vienne le 13 mars 2017 ;

-D'une relance adressée par le Tribunal d'instance de Vienne le 29 août 2017;

-D'une relance adressée par le Tribunal d'instance de Vienne le 19 mai 2017;

-D'une relance adressée par le Tribunal d'instance de Vienne le 2 novembre 2017 ;

-D'une relance adressée par le Tribunal d'instance de Vienne le 22 janvier 2018;

-De la notification de l'ordonnance rendue le 14 juin 2018 par le Tribunal d'instance de Vienne;

-D'un commandement de payer signifié par voie d'huissier le 14 septembre 2018.

Et qu'à aucun moment, pendant ces presque 2 années, vous n'ayez jugé utile de nous informer de la réception de ces documents, incluant notamment une décision de justice et un acte d'huissier !

Lors de l'entretien préalable, au cours duquel vous avez pleinement reconnu les faits, vous avez tenté de justifier votre comportement en indiquant notamment n'avoir pas compris l'objet de ces courriers, avoir fait confiance à Madame [W] ou encore n'avoir jamais voulu dissimuler ces courriers.

Vous comprendrez toutefois que vos justifications ne sont absolument pas de nature à atténuer la gravité de votre comportement.

Vous vous êtes, de tout évidence, délibérément abstenu d'informer la société de la réception de courriers qui lui étaient, sans le moindre doute, destinés, et ceci pendant près de 2 années.

Cette abstention délibérée a eu pour conséquence d'entraîner une condamnation judiciaire prononcée le 14 juin 2018 par le Tribunal d'instance de Vienne, à l'encontre de la société.

A la suite de cette condamnation que nous n'avons bien évidemment pas pu exécuter spontanément dans la mesure où, compte tenu de vos agissements, nous n'en étions pas informés, nous avons reçu la visite d'un huissier, le 14 septembre 2018, afin de signifier à la société un commandement de payer.

Vous êtes le destinataire identifié dans la signification de cet acte.

Et vous ne jugez pourtant toujours pas utile de nous informer !

Ce ne sera que par l'heureuse et opportune intervention de l'Etude KAZOURIAN &LARGOT que nous commencerons à découvrir la situation et, au fur et à mesure, l'ampleur de celle-ci.

Vous comprendrez aisément qu'un tel comportement est intolérable.

Vous n'êtes enfin pas sans ignorer que notre société intervient dans le secteur juridique et judiciaire.

Quelle image renvoyons-nous aux magistrats, aux greffes aux huissiers' lorsque notre société ne répond pas aux multiples relances qui lui sont adressées par un Tribunal, n'exécute pas une condamnation judiciaire ou encore ne répond pas à un commandement de payer '

L'ensemble des faits ci-dessus rappelés sont, sans aucun doute, constitutifs d'une faute grave rendant impossible la poursuite de nos relations contractuelles, même pendant la durée limitée du préavis ».

La SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, reproche à M. [R] d'avoir commis un excès de vitesse le 18 mai 2018 sans l'en informer. Or ce grief n'apparait pas dans la lettre de licenciement, de sorte qu'il ne peut être retenu.

La SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR reproche en outre à M. [R] de ne pas l'avoir informée des courriers adressés à L'ESSOR AG [Localité 7] par le tribunal d'instance de Vienne.

Elle produit l'avenant au contrat de travail de M. [R] du 30 juin 2015, lequel mentionne :

« (..) ARTICLE 1 FONCTIONS

A compter du 01 juillet 2015, le SALARIE est promu au poste de Rédacteur en Chef Adjoint de l'ESSOR Tribune de [Localité 7], statut cadre, coefficient 175 au sens de la Convention Collective Nationale des Journalistes.

En cette qualité, le SALARIE est notamment chargé :

- De la responsabilité de l'édition de l'ESSOR Tribune de [Localité 7],

- De la gestion des journalistes,

- De l'animation du réseau des correspondants,

- Du suivi du budget des correspondants,

- De la rédaction des articles

- Des relations avec les acteurs institutionnels économiques et juridiques.

Ces attributions sont exercées par le SALARIE sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par Monsieur [H] [O] ou par toute autre personne qui lui serait substituée.

Pour lui permettre d'être en liaison constante avec la SOCIETE, le SALARIE doit rendre compte de son activité selon les prescriptions et périodicités qui lui sont fixées et qui peuvent être modifiées en fonction de l'organisation de la SOCIETE. Le SALARIE devra notamment participer aux réunions de rédaction qui se dérouleront sur le site de [Localité 4].

Cette définition de fonction n'étant pas exhaustive, le SALARIE sera susceptible de réaliser toute autre mission en relation avec ses fonctions souhaitée par la Direction, sans que ces modifications puissent remettre en cause sa qualification et son statut, tels qu'arrêtés dans le présent contrat de travail. (') »

Il est en outre versé aux débats:

- Une notification au tiers saisi et une notification d'intervention au tiers saisi en date du 20 Octobre 2016, adressés en recommandé par le tribunal d'instance de Vienne, et réceptionnés le 04 novembre 2016 ;

-Une relance tiers saisi du Tribunal d'instance de Vienne du 13 mars 2017 adressée en lettre simple ;

-Une notification d'intervention tiers saisi du 19 mai 2017, adressée en recommandé par le Tribunal d'instance de Vienne et réceptionnée le 29 mai 2017 ;

-Une lettre de rappel du 02 novembre 2017 adressée en recommandé par le tribunal d'instance de Vienne et réceptionnée le 3 novembre 2017 ;

-Une lettre de dernier rappel avant contrainte du 22 janvier 2018, adressée en recommandé par le Tribunal d'instance de Vienne et réceptionnée le 23 janvier 2018 ;

-Une ordonnance rendue le 14 juin 2018 par le Tribunal d'instance de Vienne, condamnant la société L'ESSOR à payer des sommes en exécution de la saisie des rémunérations de sa salariée, Mme [W], adressée en recommandé et réceptionnée le 19 juin 2018 ;

- Un commandement aux fins de saisie vente établi le 14 septembre 2018 à l'encontre de la SARL L'ESSOR AGENCE DE [Localité 7], en vertu de l'ordonnance sur requête rendue par le tribunal d'instance de Vienne le 14 juin 2018, signifié par voie d'huissier à la SARL L'ESSOR, à l'agence de Vienne, et remis à M. [R] [B], lequel a donné à l'huissier son numéro de téléphone portable personnel.

Il résulte en outre des pièces produites que :

- Ces courriers concernaient une procédure de saisie des rémunérations visant Mme [W], laquelle occupait des fonctions commerciale et administrative pour plusieurs titres du groupe « LE TOUT [Localité 4] », et venait régulièrement dans les locaux de l'agence de [Localité 7],

- Mme [W] s'occupait de la transmission des correspondances administratives à [Localité 4] puisqu'elle se rendait régulièrement dans les locaux du groupe à [Localité 4] où se situe le service du personnel de la société mère,

- Selon l'employeur non contredit, le courrier était ouvert indistinctement par les salariés travaillant à l'agence de [Localité 7], soit M. [R], ou Mme [W], ou Mme [J],

- Six des sept courriers ont été adressés en recommandé à la société L'ESSOR, dont trois ont été réceptionnés par M. [R], le 29 mai 2017, le 23 janvier 2018, et le 19 juin 2018,

- M. [R] a admis lors de son entretien préalable qu'il avait remis les courriers à Mme [W] en lui faisant confiance, car elle l'avait rassuré en lui disant qu'elle s'en occupait.

- Concernant le commandement aux fins de saisie-vente, M. [R] précise avoir averti téléphoniquement Mme [W] après le passage de l'huissier, laquelle lui a laissé un mot mentionnant: « (') Je te remercie pour ton message. Je te rassure après discussion avec la personne que tu as vue tu n'as aucune inquiétude à avoir vis-à-vis de toi-même. Je me suis mise en contact avec l'interlocuteur. (') ».

Dès lors, il ressort de ces éléments que :

- M. [R] avait uniquement des responsabilités éditoriales et n'avait pas de responsabilités dans la gestion administrative de l'agence de [Localité 7], ni de fonction d'encadrement du personnel,

- La gestion du courrier réceptionné à l'agence de [Localité 7] ne faisait pas l'objet d'une organisation spécifique,

- M. [R] a réceptionné trois des six courriers recommandés objets du litige, outre le commandement aux fins de saisie vente.

- Après le passage de l'huissier, il a appelé Mme [W], mais pas son employeur.

Ainsi, la cour constate que M. [R] n'avait ni autorité sur Mme [W], ni aucune responsabilité dans la gestion administrative de l'agence, de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir remis des courriers qui ne relevaient pas de ses attributions à Mme [W], laquelle était habituellement chargée d'acheminer le courrier administratif de la société dans ses locaux de [Localité 4].

Pour autant, la cour constate que M. [R] indique avoir fait confiance à Mme [W] laquelle 'le rassurait', alors qu'il a réceptionné quatre documents relatifs à la procédure de saisie rémunérations de cette salariée, entre le 23 mai 2017 et le 14 septembre 2018, dont les deux derniers sont un jugement de condamnation de la société L'ESSOR et un commandement aux fins de saisie vente établi au nom cette société, remis par un huissier de justice.

Or, la cour observe que la décision de condamnation du 14 juin 2018 sanctionne la carence de la société ESSOR AG [Localité 7] suite aux relances qui lui ont été adressées, ce que M. [R] ne pouvait ignorer puisqu'il a pris connaissance de cette décision.

Ainsi, la réception de ces courriers, à plusieurs mois d'intervalle, démontrait que Mme [W] ne s'en était manifestement pas occupée, et surtout que l'employeur n'était toujours pas informé.

Dès lors, M. [R] ne peut se contenter d'invoquer sa naïveté alors que la répétition de ces courriers et l'importance claire des deux derniers justifiaient qu'il s'assure a minima les démarches réalisées par Mme [W] auprès de l'employeur ou qu'il l'informe lui-même dès la réception des courriers, et ce dans l'intérêt de l'employeur.

Dans ces conditions, la négligence fautive de M. [R] constitue un manquement du salarié à son obligation de loyauté, justifiant son licenciement, sans pour autant que cette faute empêche le maintien du salarié dans l'entreprise, faute de preuve d'une volonté délibérée par M. [R] de dissimuler les informations mentionnées dans ces courriers adressés à la société L'ESSOR.

La faute grave ne sera donc pas retenue et la cour constate que le licenciement de M. [R] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce par infirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes financières :

Ensuite de la requalification du licenciement, M. [R] doit être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement entrepris.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes versées par la société TOUT [Localité 4], le présent arrêt infirmatif sur ce point constituant un titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement rendu le 02 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Vienne assorti de l'exécution provisoire.

La SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, sera condamnée à payer au salarié les sommes de 5 970,92 euros d'indemnité de préavis outre 592,02 euros au titre des congés afférents, et ce par confirmation du jugement entrepris.

2-2 Sur le caractère vexatoire de la procédure :

Moyens des parties :

M. [R] soutient que son licenciement pour faute grave est intervenu dans des conditions vexatoires. Il expose que :

- Il a subi des souffrances au travail et notamment des atteintes psychiques qui ont entraîné une perte de l'estime de soi et un sentiment de dévalorisation,

- Le licenciement pour faute grave est injustifié,

- Du jour au lendemain, il a dû quitter l'entreprise à la surprise des autres salariés qui étaient amenés à s'interroger sur ce qu'il avait dû faire et sur sa probité en tant que journaliste et ancien représentant du personnel,

- Alors qu'il n'avait pas reçu sa lettre de licenciement par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, on lui a ordonné de ne plus se présenter à l'entreprise.

La SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR soutient que le licenciement de M. [R] n'est pas intervenu dans des conditions vexatoires. En effet, elle expose que:

M. [R] ne rapporte pas la preuve du caractère vexatoire de son licenciement,

Il se prévaut d'une consultation chez une psychologue intervenue 1 an après son licenciement,

Le licenciement pour faute grave n'ouvre droit à aucun préavis.

Réponse de la cour,

Il est de principe que le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi à la condition de justifier d'une faute de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement et de justifier de l'existence de ce préjudice et ce que le licenciement soit ou non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

M. [R] ne justifie d'aucune faute de son employeur dans les circonstances entourant son licenciement, et ne fait la démonstration d'aucun préjudice en résultant, distinct du préjudice résultant de la perte de son emploi en conséquence de son licenciement.

Dès lors, M. [R] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le remboursement des allocations chômage :

Il convient d'infirmer la décision de première instance, rendue conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, ayant ordonné à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié.

Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

Sur les demandes accessoires :

La décision de première instance sera confirmée s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Les parties ayant été partiellement accueillies en leur demande, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

Il convient de laisser à chacune des parties les dépens par elles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE la SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, et M. [R] recevables en leur appel,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- Condamné la SAS TOUT [Localité 4], venant aux droits de la société L'ESSOR, à verser à M. [R] les sommes suivantes :

5 970,92 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

592,02 euros bruts au titre des congés payés afférents,

29 415,77 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires,

2 941,57 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires,

9 859,00 euros à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur obligatoire non pris,

2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rappelé que les intérêts au taux légal sont de droit à compter de la date de la convocation de la partie défenderesse à la première audience sur les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé du jugement pour les dommages et intérêts,

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit en application des dispositions de l'article L1454-28 au code du travail, ce dans la limite de neuf mois de salaire,

- Fixé à la somme de 2 985,46 € la rémunération mensuelle brute perçue par M. [R],

- Débouté M. [R] de ses demandes relatives :

Au rappel pour baisse de salaire injustifiée et congés payés afférents,

Au rappel de salaire au titre de l'ancienneté et congés payés afférents,

A l'indemnité pour travail dissimulé,

Au paiement de dommages et intérêts pour procédure vexatoire de licenciement.

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

DIT que les demandes de M. [R] au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, s'agissant de la période 26 octobre 2015 - 30 septembre 2016 sont recevables, comme étant non prescrites,

DIT que le licenciement de M. [R] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [R] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT qu'une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi par les soins du greffe,

DIT n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chaque partie supportera la charge des frais et dépens qu'elles ont engagé en appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 21/02102
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;21.02102 ?
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