N° RG 20/01009 et
RG 20/01078- N° Portalis DBVM-V-B7E-KMCX
C3
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP GOURRET JULIEN
la SELARL TUMERELLE
la SELARL DAVID-COLLET CARTIER-MILLON REVEL-MOUROZ
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 27 JUIN 2023
Appel d'une décision (N° RG 14/00963)
rendue par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE
en date du 12 décembre 2019
suivant déclaration d'appel du 27 février 2020
APPELANTE et intimés dans le RG 20/01078 :
Mme [T] [L]
née le 07 décembre 1962 à [Localité 35]
de nationalité Française
[Adresse 27]
[Localité 28]
M. [X] [M]
né le 29 novembre 1948 à [Localité 30]
de nationalité Française
[Adresse 17]
[Localité 28]
représentés par Me Olivier JULIEN de la SCP GOURRET JULIEN, avocat au barreau de VALENCE
INTIMES:
M. [H] [W] [Y]
né le 02 avril 1946 à [Localité 31]
de nationalité Française
[Adresse 17] - LOSCENSE
[Localité 28]
Mme [U] [G] [V] [Y]
née le 05 août 1947 à [Localité 34]
de nationalité Française
[Adresse 17] - LOSCENCE
[Localité 28]
Mme [F] [E] [J]
née le 02 juillet 1946 à [Localité 28]
de nationalité Française
[Adresse 17]
[Localité 28]
M. [A] [B]
né le 11 septembre 1963 à [Localité 33]
de nationalité Française
[Localité 1]
[Localité 28]
représentés par Me Mickael LOVERA de la SELARL TUMERELLE, avocat au barreau de VALENCE et par Me Ludovic DALOZ, avocat au barreau de VALENCE
S.C.I. LES RONINS DE LOSCENCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 14]
[Localité 25]
représentée par Me Sandra CARTIER-MILLON de la SELARL DAVID-COLLET CARTIER-MILLON REVEL-MOUROZ, avocat au barreau de GRENOBLE
M. [CF] [J]
de nationalité Française
[Adresse 32]
[Localité 28]
Non représenté
Mme [O] [J]
de nationalité Française
[Adresse 18]
[Localité 15]
Non représentée
M. [K] [J]
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 12]
Non représenté
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, présidente,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 mai 2023 madame Clerc présidente de chambre chargée du rapport en présence de madame Blatry conseiller, assistées de Frédéric Sticker, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Sur la commune de la [Localité 28]':
M. [H] [Y] et son épouse Mme [U] [Y] née [I] sont des parcelles cadastrées A [Cadastre 6], A [Cadastre 22], A [Cadastre 24] et A [Cadastre 2].
Mme [F] [J] et ses enfants [O], [CF] et [K] [J] sont propriétaires des parcelles cadastrées A[Cadastre 5], A[Cadastre 3] et A [Cadastre 4].
M. [A] [B] est propriétaire des parcelles A[Cadastre 20] et A [Cadastre 26].
M. [X] [M] et Mme [T] [L] sont propriétaires des parcelles A [Cadastre 23], A[Cadastre 9], A[Cadastre 10], A[Cadastre 11] et A [Cadastre 19].
Les consorts [M] [L] ont acquis le 23 janvier 2004 auprès de Mme [AL] une parcelle cadastrée A [Cadastre 16] sur la commune de la [Localité 28].
Selon protocole d'accord signé le 9 novembre 2010 revêtu de la formule exécutoire par ordonnance du président du tribunal d'instance de Romans-sur-Isère du 15 décembre 2010, ils ont accordé sur leur parcelle A [Cadastre 21] un droit de passage à M. [S] [C] pour lui permettre d'accéder à sa parcelle cadastrée A [Cadastre 7] «'aux seules fins de lui permettre l'exploitation et la pâture de ses ovins'» étant prévu que ce droit de passage deviendrait caduc à la cessation de son activité professionnelle.
Le 27 janvier 2012, la SCI Les Ronins de Loscence a acquis auprès de M. [C] la parcelle A111 qu'elle a donné à bail rural à Mme [Z] [N] et M. [D] [P] selon acte du 20 avril 2012.
Les consorts [M]-[L] ayant obstrué le passage sur leur parcelle A [Cadastre 16], la SCI Les Ronins de Loscence les a assignés devant le tribunal de grande instance de Valence pour se faire reconnaître un droit de passage permettant d'accéder à sa parcelle A[Cadastre 7].
Par jugement du 12 décembre 2019, ce tribunal, statuant au vu de l'expertise de M. [R], géomètre-expert désigné par le juge de la mise en état, a
dit qu'une servitude de passage doit être instaurée sur la commune de la [Localité 28] au lieu dit [Localité 29], au bénéfice de la parcelle A111 située en état d'enclave,
dit que le tracé B défini par l'expert judiciaire constituera l'assiette de la servitude de passage au bénéfice de la parcelle A111,
dit que cette servitude devra permettre l'accès à la parcelle A [Cadastre 7], à pied, en voiture et véhicules agricoles et ce afin de permettre l'exploitation de la parcelle,
condamné la SCI Les Ronins de Loscence à verser à M. [M] et Mme [L] une indemnité de 10.000€ en réparation des dommages occasionnés,
dit que le jugement constitutif de servitude , devra être transmis à un notaire afin qu'il puisse établir l'acte authentique de servitude contenant l'intégralité des mentions obligatoires puis publié au service de la publicité foncière en application de l'article 30 du décret n°55-1350 du 14 octobre 1955 afin que la servitude ainsi constituée soit opposable à tous,
débouté les parties de leurs demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté toute prétention plus ample ou contraire des parties,
condamné la SCI Les Ronins de Loscence aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire, avec recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration déposée le 27 février 2020, les consorts [M] [L] ont relevé appel.
Selon ordonnance juridictionnelle du 22 mars 2022, confirmée sur déféré par arrêt de la cour de céans du 4 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a dit recevable l'action des consorts [B], [J] et [Y] et de la SCI Les Ronins de Loscence en rejetant la fin de non-recevoir des consorts [M]-[L] tirée du défaut d'intérêt à agir des parties adverses.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 13 décembre 2022, les consorts [M]-[L] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de':
rejeter l'action aux fins de désenclavement de la parcelle A[Cadastre 7], initiée par la SCI Les Ronins de Loscence, suivant assignation en date du 25 février 2014, en présence d'une tolérance de passage consentie par M. [B] et Mme [F] [J] depuis 2012, et dénoncée par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 29 juin 2020,
en toutes hypothèses,
écarter les tracés A, A', B, E, F, G' tels qu'ils figurent sur le plan annexé au rapport de l'expertise judiciaire pour asseoir une servitude légale de désenclavement de la parcelle A [Cadastre 7], eu égard à leur caractère excessivement dommageable pour le fonds servant,
annuler le rapport d'expertise de M. [R], pour n'avoir pas rempli sa mission, n'avoir pas respecté le principe du contradictoire, n'avoir pas répondu aux dires des concluants.
le cas échéant et, avant dire droit :
ordonner une nouvelle expertise ou à tout le moins, un complément d'expertise afin de répondre aux questions, auxquelles il n'a pas été répondu par le rapport du 31 juillet 2017, à savoir :
en cas de constatation d'un état d'enclave, indiquer les différents passages pouvant être envisagés et préciser quel serait le trajet le plus court et le moins dommageable pour les fonds voisins,
indiquer, le cas échéant, s'il existe sur les lieux des indices matériels permettant de révéler l'existence d'un passage habituellement utilisé par les parties,
donner tous les éléments utiles (valeur des terrains servant d'assiette au passage, dommages occasionnés par le passage...) pour permettre au tribunal de fixer l'indemnité prévue par l'article 682 du code civil,
à défaut de meilleure expertise, dire en toutes hypothèses, que la parcelle A111 sera desservie par les tracés D et G préférables à tout autre, comme étant utilisés ou utilisables par des engins agricoles, sans aucuns travaux supplémentaires,
si par impossible, leur tènement immobilier devait supporter l'assiette de cette servitude, condamner la SCI Les Ronins de Loscence à leur payer une indemnité d'un montant de 75.000 €,
condamner la SCI Les Ronins de Loscence à leur payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la même aux entiers dépens d'instance et d'appel, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire initiale et complémentaire s'il y avait.
Dans ses dernières conclusions déposées le 11 avril 2023 sur le fondement des articles 682 et suivants du code civil,L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution, la SCI Les Ronins de Loscence demande que la cour':
déboute les consorts [M]-[L] de l'intégralité de leur demande y compris de leur demande avant dire droit,
confirme le jugement intervenu en ce qu'il a jugé
qu'une servitude de passage devait être instaurée sur la commune de la [Localité 28] au lieudit « [Localité 29] » au bénéfice de la parcelle section A numéro [Cadastre 7] situé en état d'enclave,
que cette servitude de passage devra permettre l'accès des personnes et des animaux à la parcelle section A n°[Cadastre 7] à pied, en voiture et véhicules agricoles modernes dont la largeur peut aller jusqu'à quatre mètres et ce afin de permettre l'exploitation de la parcelle,
infirme le jugement en ce qu'il a jugé que l'assiette de la servitude serait constituée par le passage B,
à titre principal sur ce point, juger que l'assiette de la servitude sera le tracé F défini par l'expert dans son rapport,
à titre subsidiaire sur ce point, si par impossible le tracé F n'était pas retenu, juger que l'assiette de la servitude sera le tracé E défini par l'expert dans son rapport,
condamne les consorts [M]-[L] sous astreinte de 100€ par jour de retard à libérer le passage à établir sur leur parcelle en déplaçant ou ôtant tout ce qui empêcherait le passage et ce dans un délai maximal d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
juge que la SCI Les Ronins de Loscence organisera et prendra à sa charge les travaux à effectuer sur la parcelle afin de permettre la mise en 'uvre de ce droit de passage,
infirme le jugement intervenu quant à la fixation d'une indemnité de 10.000€ au bénéfice des consorts [M]-[L],
juge que l'indemnité qui pourrait leur être allouée ne pourra excéder la somme de 200 €,
confirme le jugement en ce qu'il a jugé que la décision à intervenir, constitutive de servitude, devra être transmise à un notaire afin qu'il établisse l'acte authentique de servitude contenant l'intégralité des mentions obligatoires puis publié au service de la publicité foncière en application de l'article 30 du décret n°55-1350 du 14 octobre 1955 afin que la servitude ainsi constituée soit opposable à tous,
condamne les consorts [M]-[L] au paiement d'une somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.
Par dernières conclusions déposées le 7 avril 2023 sur le fondement des articles 682 et suivants du code civil, M. et Mme [Y], Mme [F] [J] et M. [B] sollicitent'que la cour':
confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'état d'enclavement de la parcelle A [Cadastre 7],
infirme le même jugement en ce qu'il a retenu le passage B comme assiette de la servitude de passage,
y faisant droit et statuant à nouveau,
déclare les consorts [M]-[L] irrecevables et mal fondée en toutes leurs demandes, et les en débouter,
rejette les demandes des consorts [M]-[L],
retienne le chemin F, tel que décrit dans le rapport d'expertise, comme assiette de la servitude légale de passage, en ce qu'il a une largeur suffisante de 5 mètres pour permettre la circulation et les man'uvres des engins agricoles et en ce qu'il remplit les critères des dispositions des articles 682 et suivants du code civil, outre son usage ancien,
ordonne l'enlèvement, sur le chemin retenu, de tous les obstacles installés par les consorts [M]-[L], et ce, à leur charge, sous astreinte de 100€ par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir,
à titre subsidiaire,
si par extraordinaire, le passage F ne serait pas retenu par la juridiction de céans,
retienne le passage E comme assiette de la servitude de passage,
en tout état de cause,
fixe le montant de l'indemnisation que devra régler la SCI Les Ronins de Loscence à leur à régler en fonction du trouble subi par chacun des fonds servants et au besoin la condamner à régler cette somme,
condamne des consorts [M]-[L] in solidum à leur payer à chacun la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
condamne les consorts [M]-[L] in solidum à payer la somme de 5.000€ à chacun d'eux, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne les mêmes in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Guillaume Tumerelle, dans son affirmation de droit.
La déclaration d'appel a été signifiée le 4 août 2020 à M. [K] [J] (PV 659 du code de procédure civile) , le 7 août 2020 à M. [CF] [J] (à l'étude) et le 18 août 2020 à Mme [O] [J] (PV 659 du code de procédure civile. Ces intimés n'ayant pas constitué avocat, l'arrêt sera rendu par défaut.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2023.
MOTIFS
Sur la demande d'annulation de l'expertise judiciaire de M. [R]
C'est à bon droit que la SCI Les Ronins de Loscence s'oppose à cette demande de nullité et de complément d'expertise formulée par les consorts [M]-[L] en relevant qu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel, donc irrecevable, cette prétention n'ayant pas été soumise au premier juge.
Sur l'état d'enclave de la parcelle A[Cadastre 7]
Les consorts [M] [L] contestent cet état d'enclavement au motif qu' à l'époque de son action en désenclavement, la SCI Les Ronins de Loscence bénéficiait depuis 2012 d'une tolérance de passage pour accéder à sa parcelle A [Cadastre 7] qui lui était accordée par les propriétaires des parcelles voisines, à savoir M. [B] et Mme [F] [J], qui l'ont dénoncée le 29 juin 2020.
La SCI Les Ronins de Loscence oppose qu'il n'existe aucun chemin ou route permettant d'accéder à sa parcelle et qu'elle ne bénéficie pas d'un acte établissant une tolérance de passage sur un chemin viabilisé, ses fermiers étant contraints de traverser les parcelles de M. [B] et de l'indivision [J] en leur demandant l'autorisation «'au coup par coup'», en tenant compte de leurs périodes de culture et de leurs travaux agricoles afin de ne pas abîmer les parcelles de ces voisins et de compromettre les récoltes de ceux-ci.
Il est constant que la parcelle A[Cadastre 7] est géographiquement enclavée, se trouvant sans accès direct et personnel sur la voie publique.
En droit, l'état d'enclave ne peut pas être retenu lorsque le fonds bénéficie d'une tolérance de passage permettant un libre accès à la voie publique tant que cette tolérance est maintenue.
Pour autant, il résulte des pièces communiquées que si M. [B] avait accordé une tolérance de passage sur ses parcelles A [Cadastre 8], A[Cadastre 26] et A[Cadastre 20] aux fermiers de la SCI Les Ronins de Loscence pour qu'ils puissent accéder à la parcelle A [Cadastre 7], et ce à partir de leur bail rural en 2012, c'était uniquement pour leur laisser le temps de régler le problème de leurs droits de passage et que se retrouvant lui-même impliqué dans ce litige, il a décidé de révoquer à partir du 31 juillet 2020 ladite tolérance.
De même, l'indivision [J] a mis fin à la tolérance de passage accordé auxdits fermiers sur ses parcelles A [Cadastre 3] et A [Cadastre 4] à partir du 1er août 2020.
Ces tolérances faisaient suite à la suppression du droit de passage consenti sur leur parcelle A [Cadastre 21] par les consorts [M]-[L] à M. [C], auteur de la SCI Les Ronins de Loscence, suivant accord du 9 novembre 2010 revêtu de la force exécutoire par ordonnance juridictionnelle du 14 décembre 2010.
Les tolérances de passage en cause étaient donc précaires, ponctuelles et provisoires et s'exerçaient en dehors de tout chemin ou voie terrassée pour la circulation d'engins agricoles, les fermiers de la SCI Les Ronins de Loscence étant tenus de passer à travers champs sur les parcelles des voisins [B] et [J] au risque d'endommager les cultures de ceux-ci, ce qui les obligeaient eux-mêmes à adapter leur exploitation de la parcelle A [Cadastre 7] en fonction du calendrier des travaux agricoles sur les parcelles A [Cadastre 8], A[Cadastre 26], A[Cadastre 20] d'une part et A[Cadastre 3] et A[Cadastre 4] d'autre part.
Ces contraintes établissent que les tolérances de passage dont excipent les consorts [M]-[L] n'étaient pas de nature à assurer un passage suffisant au sens de l'article 682 du code civil.
Par ailleurs, l'affirmation des consorts [M]-[L] selon laquelle «'la parcelle A [Cadastre 7] continue à être exploitée encore à ce jour, en empruntant la même tolérance de passage, bien qu'elle soit révoquée'» ne peut être retenue, étant faite sans offre de preuve.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré qui a reconnu l'état d'enclavement de la parcelle A [Cadastre 7] et de dire l'action de la SCI Les Ronins de Loscence recevable.
Sur l'assiette de la servitude de passage
Conformément à l'article 683 du code civil, le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins, il doit être fixé à l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.
L'expert judiciaire a identifié sept passages possibles matérialisés sur le plan annexé à son rapport par les lettres A et A' B, C, D, E, F, G et G''.
Aucune des parties à hauteur d'appel ne sollicite les passages proposés en points A et A', B, C et G'.
Le tracé B qui traverse la parcelle A [Cadastre 10] des consorts [M]- [L] tel que retenu par le tribunal ne peut pas être validé dans la mesure où il passe sur un mur en pierres sèches qui devra être détruit dans le potager de ceux-ci, nécessite l'élagage d'arbres dont l'âge respectable est souligné par les consorts [M]-[L] ; en outre, l'accès au passage figuré par le tracé B implique d'emprunter depuis la voie publique un virage à angle droit entre une chapelle et un monument (une stalagmite datant de 1851) au risque de les fragiliser' (cf procès-verbal de constat du 12 février 2020) il ne peut donc être qualifié de passage le moins dommageable, quand bien même il est le plus court depuis la voie publique.
Les passages D et G revendiqués par les consorts [M]-[L] ne peuvent pas être validés dans la mesure où ils ne répondent pas aux prescriptions de l'article 683 précité, n'étant pas les plus courts depuis la voie publique'; surtout, ils mettent en cause plusieurs parcelles dont les propriétaires sont étrangers au litige ayant opposé la SCI Les Ronins de Loscence aux consorts [M]-[L] qui trouve son origine dans la suppression du droit de passage sur la parcelle A [Cadastre 21] de ces derniers.
Ainsi, le tracé D traverse les parcelles A [Cadastre 3], A[Cadastre 5] et A[Cadastre 4] appartenant à l'indivision [J] mais également la parcelle A[Cadastre 6], propriété [Y], tandis que le tracé G traverse les parcelles A[Cadastre 21] et A [Cadastre 20] appartenant à M. [B], ce dernier n'ayant pas été de surcroît appelé aux opérations d'expertise.
Les intimés s'accordent pour solliciter l'application du tracé F sur la parcelle A [Cadastre 21] des consorts [M]-[L]'; ces derniers s'y opposent en faisant valoir que ce tracé traverse leur parcelle à usage touristique où est implantée une zone de bivouac (roulotte et yourte).
Or, il apparaît au vu des pièces communiquées , notamment le site internet des consorts [M]-[L] que la roulotte et la yourte servent à l'hébergement de touristes uniquement de juin à fin août, un hébergement en gîtes meublés étant proposé les autres mois de l'année. Par ailleurs, il est vérifié en l'état des constats d'huissier que la roulotte est toujours équipée de ses roues et peut être en conséquence déplacée sur la parcelle A [Cadastre 21], voire sur une autre parcelle appartenant aux appelants, au même titre que la yourte qui est démontée chaque hiver; il en est de même des toilettes sèches agrémentant cette zone de bivouac'.
L'affirmation des consorts [M]-[L] en page 22 de leurs dernières écritures selon laquelle le tracé F (et le tracé E) n'aboutiraient pas directement à la parcelle A [Cadastre 7] mais nécessiterait de «'prendre un angle droit à droite pour accéder à la parcelle A [Cadastre 10] en détruisant un mur en pierres derrière la roulotte puis tourner à nouveau à angle droit à gauche pour aboutir à la parcelle A111'» ne résulte d'aucune constatation objective et aucunement de la page 4 du procès-verbal de constat du 12 février 2020 visé en référence, sachant que ce constat ne concerne que les tracés B et G.
Au surplus, le tracé F qui présente l'avantage d'être situé sur un chemin déjà accessible car correspondant à un ancien passage qui a été utilisé de manière continue depuis plus de trente ans ainsi qu'en attestent plusieurs témoins'.'
Dès lors, il y a lieu de faire application du tracé F en ce qu'il est le plus direct et le plus court et qui contrairement aux affirmations des consorts [M]-[L] ne coupe pas la parcelle A [Cadastre 21] mais longe ses limites et n'empiète pas sur la zone de repos du bivouac. Au demeurant, ils avaient consenti en 2010 à M. [C] un droit de passage sur cette même assiette alors même qu'ils exploitaient déjà cette zone de bivouac sans qu'ils en dénoncent un quelconque désagrément.
Le jugement est infirmé en conséquence, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande subsidiaire de la SCI Les Ronins de Loscence et des autres intimés (retenir le point E) dès lors que leur demande à titre principal est satisfaite.
Les consorts [M]-[L] devront enlever les obstacles de toute nature qu'ils ont installés sur le passage en tracé F dans un délai de 3 mois à compter de la signification du présent arrêt'; à l'issue de ce délai, cette obligation sera assortie d'une astreinte de 50€ par jour de retard, pendant un délai de six mois.
Conformément au dernier alinéa de l'article 682 du code civil, la SCI Les Ronins de Loscence doit payer aux consorts [M]-[L] une indemnité proportionnelle au dommage que le passage peut leur occasionner.
Sur ce point, les consorts [M]-[L] ne produisent pas d'éléments comptables objectifs (hormis un décompte manuscrit des revenus d'été 2010 à 2014 non étayé par des justificatifs comptables) pour fonder leur réclamation à hauteur de 75.000€'; considérant que l'usage du passage en tracé F pour accéder à la parcelle A [Cadastre 7] par les machines agricoles de la SCI Les Ronins de Loscence est limité dans le temps (fauchage au printemps, apport du réservoir d'eau au bétail en fin d'été et épandage de fumier à l'automne) l'indemnité de désenclavement allouée par le tribunal doit être jugée satisfactoire et confirmée.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
M. et Mme [Y] , M. [B] et Mme [F] [J] sont déboutés de leur demande indemnitaire pour procédure abusive dirigée à l'encontre des consorts [M]-[L] (prétention sur laquelle le premier juge n'a pas statué) dès lors l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constitue pas en soi une faute caractérisant un'abus'du droit d'agir'en justice et que d'autre part ils ne démontrent pas en avoir subi un préjudice spécifique.
Sur les mesures accessoires
Succombant dans leur recours, les consorts [M]-[L] sont condamnés in solidum aux dépens d'appel et conservent la charge de leurs frais irrépétibles exposés devant la cour'; ils sont dispensés en équité de verser une indemnité de procédure aux intimés à hauteur d'appel.
Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions relatives aux mesures accessoires.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,
Rejetant les demandes en nullité de l'expertise judiciaire de M. [R] et de nouvelle expertise présentées par M.[X] [M] et Mme [T] [L],
Confirme le jugement déféré sauf sur l'assiette de la servitude de passage fixée selon le tracé B,
Statuant à nouveau sur ce seul point et ajoutant,
Dit que le tracé F défini par l'expert judiciaire constituera l'assiette de la servitude de passage au bénéfice de la parcelle A111,
Fait obligation à M. [X] [M] et Mme [T] [L] d' enlever les obstacles de toute nature qu'ils ont installés sur le passage en tracé F dans un délai de 3 mois à compter de la signification du présent arrêt'; dit qu'à l'issue de ce délai, cette obligation sera assortie d'une astreinte de 50€ par jour de retard, pendant un délai de six mois,
Déboute M. [H] [Y] et Mme [U] [Y] née [I], Mme [F] [J] et M. [A] [B] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
Condamne in solidum M. [X] [M] et Mme [T] [L] aux dépens d'appel avec recouvrement par Me Guillaume Tumerelle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT