N° RG 21/04707 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LDND
C4
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL IDEOJ AVOCATS
Me Charlotte DU PELOUX DE SAINT ROMAIN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 29 JUIN 2023
Appel d'une décision (N° RG 2017J00152)
rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE
en date du 14 octobre 2021
suivant déclaration d'appel du 05 novembre 2021
APPELANTES :
S.A.S. DM REGULATION au capital de 304.900 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VIENNE sous le numéro 703 680 504, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités de droit audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 2]
S.A.R.L. GRENOT HTI au capital de 50.000 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VIENNE, sous le numéro 808 017 792, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentées et plaidant par Me Sophie DELON de la SELARL IDEOJ AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE
INTIMÉE :
S.A. FACTOFRANCE immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 063 802 466, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités de droit audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Charlotte DU PELOUX DE SAINT ROMAIN, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Alain DAHAN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 mars 2023, M. Lionel BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et Me DELON en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure :
1. Le 6 juillet 2015, la société Sodicâbles a délivré une quittance subrogative permanente à la société Factofrance. La société Sodicâbles a été placée en liquidation judiciaire le 14 septembre 2016. Dans le cadre de cette subrogation, la société Factofrance a acquis diverses factures libellées au nom des sociétés Grenot HTI et DM Régulation. Par lettres recommandées des 16 septembre 2016 et 23 novembre 2016, la société Factofrance a adressé à ces deux sociétés le décompte des sommes dues et leur a notifié la subrogation conventionnelle de ses créances. Par lettres recommandées avec accusé de réception du 2 décembre 2016, la société Factofrance a mis en demeure ces deux sociétés de lui régler les sommes dues.
2. Après plusieurs relances, les sociétés Grenot HTI et DM Régulation ont répondu de façon identique, à savoir l'absence de trace de livraison dans leur système ERP donc aucune facture en leur possession qui ait été comptabilisée. La société Factofrance s'est adressée au mandataire judiciaire de la société Sodicâbles, maître [N], afin qu'il réclame à l'ancien dirigeant de la société la copie des bons de livraison. Maître [N] a pris contact avec les dirigeants des sociétés Grenot HTI et DM Régulation mais n'a jamais obtenu de réponse. Le 25 juillet 2017, la société Factofrance a ainsi assigné ces deux sociétés devant le tribunal de commerce de Vienne.
3. Par jugement du 14 octobre 2021, le tribunal de commerce de Vienne a':
- déclaré recevables et fondées les demandes en paiement formées par la société Factofrance';
- condamné la société DM Régulation à payer à la société Factofrance la somme de 9.758,10 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2016';
- condamné la société Grenot HTI à payer à la société Factofrance la somme de 11.313,02 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2016';
- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties';
- dit que la présente affaire ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- ordonné l'exécution provisoire de la décision, nonobstant appel et sans caution';
- condamné solidairement les sociétés DM Régulation et Grenot HTI aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile, liquidés conformément à l'article 701 du code de procédure civile.
4. Les sociétés Grenot HTI et DM Régulation ont interjeté appel de cette décision le 5 novembre 2021, en ce qu'elle a':
- déclaré recevables et fondées les demandes en paiement formées par la société Factofrance';
- condamné la société DM Régulation à payer à la société Factofrance la somme de 9.758,10 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2016';
- condamné la société Grenot HTI à payer à la société Factofrance la somme de 11.313,02 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2016';
- débouté la société DM Régulation de sa demande tendant à voir la société Factofrance lui régler la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire';
- débouté la société Grenot HTI de sa demande tendant à voir la société Factofrance lui régler la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire';
- débouté la société DM Régulation de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- débouté la société Grenot HTI de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné solidairement les sociétés DM Régulation et Grenot HTI aux dépens.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 9 février 2023.
Prétentions et moyens des sociétés Grenot HTI et DM Régulation':
5. Selon leurs conclusions remises le 13 juillet 2022, elles demandent à la cour, au visa des articles 1120 et 1353 du code civil, de l'article L123-23 du code de commerce de réformer le jugement déféré en ce qu'il a:
- déclaré recevables et fondées les demandes en paiement formées par la société Factofrance';
- condamné la société DM Régulation à payer à la société Factofrance la somme de 9.758,10 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2016';
- condamné la société Grenot HTI à payer à la société Factofrance la somme de 11.313,02 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2016';
- débouté la société DM Régulation de sa demande tendant à voir la société Factofrance lui régler la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire';
- débouté la société Grenot HTI de sa demande tendant à voir la société Factofrance lui régler la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire';
- débouté la société DM Régulation de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- débouté la société Grenot HTI de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné solidairement les sociétés DM Régulation et Grenot HTI aux dépens.
6. Elles demandent à la cour, statuant à nouveau':
- de constater que la comptabilité de la société Sodicâbles n'apparaît pas régulière';
- de dire et juger que le grand livre clients de la société Sodicâbles n'est pas probant';
- de dire que la seule production de factures est insuffisante;
- de constater que les sociétés DM Régulation et Grenot HTI justifient de leurs contestations et les dire bien fondées';
- en conséquence, de constater la carence de la société Factofrance dans la charge de la preuve d'une créance certaine, liquide et exigible';
- de juger que la créance invoquée par la société Factofrance à l'encontre de la société Grenot HTI n'est pas certaine, liquide et exigible';
- de juger que la créance invoquée par la société Factofrance à l'encontre de la société DM Régulation n'est pas certaine, liquide et exigible';
- de débouter la société Factofrance de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions';
- de condamner la société Factofrance à payer aux sociétés DM Régulation et Grenot HTI la somme de 10.000 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire';
- de condamner la société Factofrance à payer aux sociétés DM Régulation et Grenot HTI la somme de 1.500 euros chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la 1ère instance';
- de condamner la société Factofrance à payer aux sociétés DM Régulation et Grenot HTI la somme de 1.500 euros chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel';
- de condamner la société Factofrance aux dépens de 1ère instance et d'appel.
7. Sur l'appel incident de la société Factofrance, elles demandent':
- de débouter la société Factofrance de sa demande incidente tendant à la condamnation de la société DM Régulation à lui régler une somme de 4.029,72 euros, avec intérêts de retard à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2016';
- de débouter la société Factofrance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Les appelantes exposent':
8. - qu'en application de l'article 1353 du code civil, la seule production d'une facture est insuffisante pour prouver le caractère certain et exigible d'une créance, nul ne pouvant se constituer à lui-même une preuve, selon l'article 1363 du même code'; qu'en matière de cession de créance, lorsque la réalité de la créance est contestée, la preuve de son existence repose sur le cessionnaire'; que si la preuve est libre entre commerçants, encore faut-il qu'elle existe'; que si selon l'article L123-23 du code de commerce, la comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce, le grand-livre ne justifie pas de la cause ou de l'absence de cause des factures enregistrées, mais que des opérations qu'il relate';
9. - qu'en l'espèce, l'intimée demande le paiement de 30 factures en produisant leur copie, la liste intitulée relevé de compte, une quittance subrogative permanente, la notification de la cession des factures listées, le grand-livre de la société Sodicâbles'; que le tribunal n'a pu estimer que seul le grand-livre prouve le caractère certain de la créance invoquée';
10. - que tous les éléments produits par l'intimée proviennent soit d'elle-même, soit de la société Sodicâbles, ce qui est la même chose dans la mesure où l'intimée vient aux droits de cette société'; que maître [N], produisant le grand-livre, n'est pas un tiers puisqu'il est le liquidateur judiciaire de la société Sodicâbles';
11. - que cet élément de comptabilité est irrégulier, ainsi qu'il résulte de sa comparaison avec les factures produites, puisque ne figurent pas au grand-livre les six factures supposées avoir été émises sur la société DM Régulation, réclamées par l'intimée, pour un total de 4.029,72 euros TTC, ni deux factures émises sur la société Siel Sarl, deux factures émises sur la société Auger et 17 factures émises sur la société Moovelec Distribution, toutes cédées à l'intimée'; que le grand-livre mentionne, mais sans être corroboré par les factures correspondantes, six factures prétendument émises sur la société Grenot HTI et sept factures sur une société Maël'; que le compte de la société DM Régulation dans le grand-livre client ne comporte aucun paiement, alors que six règlements ont été réalisés entre le 8 janvier et le 5 août 2016'; qu'il en est de même concernant 4 factures pour la société Grenot HTI'; que si les factures mentionnent un numéro de commande et de livraison comme retenu par le tribunal, cela est insuffisant'; que tant le dirigeant de la société Sodicâbles que maître [N] ont indiqué ne pas être en mesure de produire les factures';
12. - que si l'intimée soutient que les concluantes n'ont pas réagi lors de la réception de la liste des factures, ce silence ne vaut pas acquiescement au sens de l'article 1120 du code civil'; que les documents notifiés sont obscurs,
alors que l'absence de paiement vaut contestation de la dette'; que le 3 janvier 2017, les concluantes ont refusé le relevé du compte présenté, en raison de l'absence de traces de livraison et ont sollicité la communication des doubles des bons de livraison signés de leur part ainsi que les factures'; qu'elles ont produit un extrait de leur comptabilité tout aussi probant que le grand-livre de la société Sodicâbles';
13. - que si le tribunal a rejeté les demandes reconventionnelles des concluantes concernant le caractère abusif de la procédure, l'intimée est seule à l'origine de son préjudice et refuse depuis cinq ans d'admettre sa faute qu'elle connaissait avant d'assigner'; qu'elle n'a réclamé aucun justificatif lorsqu'elle a acquis les factures de la société Sodicâbles'; que cette société n'existait que depuis un an avant la subrogration permanente'; que ces négligences fautives ont entraîné des pertes de temps et un préjudice moral';
14. Concernant l'appel incident de l'intimée, que le jugement déféré ne peut qu'être infirmé sur le principe même des condamnations prononcées à l'encontre des concluantes, de sorte que la demande portant sur le paiement de 4.029,72 euros outre intérêts contre la société DM Régulation ne peut qu'être rejetée.
Prétentions et moyens de la société Factofrance :
15. Selon ses conclusions remises le 8 novembre 2022, elle demande à la cour':
- de débouter les sociétés Grenot HTI et DM Régulation de leur appel';
- de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le principe des créances de la société Factofrance à l'égard des sociétés Grenot HTI et DM Régulation et en ce que la société DM Régulation a été condamnée au moins au paiement de la somme de 9.758,10 euros avec intérêts de retard à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2016, et en ce que la société Grenot a été condamnée au moins au paiement de la somme de 6.349,48 euros avec intérêts de retard à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2016';
- compte tenu de l'erreur matérielle invoquée en pages 1 et 2 de ces écritures, de constater que la dette de la société Grenot est en réalité de 6.369,48 euros et non pas 6.349,48 euros et en conséquence, de condamner la société Grenot HTI à la différence de 20 euros supplémentaires';
- faisant droit à l'appel incident de la concluante, de réformer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas condamné la société DM Régulation à la créance totale de 13.787,82 euros';
- par conséquent, de condamner la société DM Régulation au paiement du solde de la créance, soit la somme de 4.029,72 euros avec intérêts de retard à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2016';
- y ajoutant, de condamner in solidum les appelantes au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
L'intimée soutient':
16. - qu'en raison d'une mauvaise rédaction des chiffres depuis l'introduction de l'affaire en 2017, une erreur a été commise concernant la dette de la société Grenot HTI, qui est en réalité de 6.369,48 euros, soit une erreur de 20 euros';
17. - que la concluante n'a pu obtenir du liquidateur judiciaire ni de la société Sodicâbles les factures en cause, en raison de la procédure collective, le dirigeant de cette société se trouvant dessaisi'; qu'elle n'a ainsi commis aucune faute';
18. - que si les appelantes soutiennent que la comptabilité de la société Sodicâbles n'est pas régulière, ni cette société ni son dirigeant n'ont été poursuivis notamment dans le cadre d'une sanction de faillite personnelle ou pénalement';
19. - que la concluante n'avait aucune raison de se méfier de la société Sodicâbles ni de réclamer des justificatifs supplémentaires par rapport aux factures dont elle a acquis la propriété'; qu'elle n'est pas la rédactrice de ces factures, alors qu'il existait une relation d'affaires entre la société Sodicâbles et les appelantes';
20. - que la subrogation a été notifiée aux appelantes les 16 septembre et 23 novembre 2016, avec un décompte des sommes dues et la liste des factures, alors que ce n'est que le 3 janvier 2017 que les appelantes ont indiqué n'avoir aucune trace des factures dans leur comptabilité';
21. - que les éléments comptables produits par les appelantes n'ont aucun caractère sincère et authentifiable et ainsi aucune valeur probante, émanant d'elles-mêmes, et n'étant pas certifiées, alors que le grand-livre communiqué par maître [N] émane d'un tiers'; que la concluante a fait son possible afin d'avoir les éléments concernant les opérations portées dans le grand-livre et n'a pas été négligente'; que toutes les factures en litige ont bien été enregistrées concernant la société Grenot HTI, alors que six factures concernant la société DM Régulation ne l'ont pas été sur un total de 24 ; que cependant, la concluante rapporte la preuve de la réalité de sa créance au vu des pièces communiquées par le mandataire judiciaire, au titre des articles L110-3 et L123-23 du code de commerce';
22. - que le tribunal de commerce a commis seulement une erreur de calcul concernant la société DM Régulation, puisque la créance est d'un montant total de 13.787,82 euros, alors que le tribunal n'a retenu que 9.758,10 euros, somme réglée dans le cadre de la présente procédure'; qu'il reste ainsi un solde de 4.029,72 euros à la charge de cette société';
23. - concernant la demande reconventionnelle des appelantes, que la concluante n'a commis aucune faute, n'ayant fait qu'exercer ses droits de créancier subrogé.
*****
24. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION':
25. Le tribunal de commerce a constaté que ni maître [N] ni son successeur n'ont obtenu la moindre réponse de l'ancien dirigeant de la société Sodicâbles; qu'en l'état du dossier, la seule pièce où apparaissent les créances Sodicâbles à l'égard des sociétés DM Régulation et Grenot HTI est le grand livre client édité le 19 septembre 2016; qu'à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens; qu'il est précisé par l'article L 123-23 du code de commerce que la comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce; que ledit grand livre de la société Sodicâbles fait apparaître une créance sur DM Régulation d'un montant de 9.758,10 euros et une créance sur Grenot HTI de 11.313,02 euros; que cette pièce justifie l'existence des créances de la société Sodicâbles à l'égard des sociétés DM Régulation et Grenot HTI; que la société Factofrance a acquis de la société Sodicâbles les factures litigieuses et est donc créancière, subrogée dans les droits de la société Sodicâbles, des sociétés DM Régulation et Grenot HTI, respectivement pour les sommes de 9.758,10 euros et 11.313,02 euros.
26. La cour observe que les pièces produites par la société Factofrance à l'appui de sa demande en paiement consistent principalement en':
- un relevé du compte de chaque société';
- la quittance subrogative permanente';
- des extraits des listes des factures dues par ces sociétés';
- le grand livre de la société Sodicâbles';
- quelques factures.
27. La cour constate que concernant le relevé du compte de chaque société, il s'agit d'un document interne à la société Factofrance, établi par son service contentieux. En lui-même, ce document ne permet pas de rapporter la preuve de l'existence des factures qu'il énonce, émanant de la partie qui s'en prévaut. Il ne s'agit pas d'un document comptable au sens des articles L123-12 et suivants du code du commerce. Il ne peut ainsi établir la preuve entre commerçants de faits de commerce au titre de l'article L123-23 du même code.
28. La quittance subrogative permanente ne contient l'indication d'aucune créance cédée au factor par la société Sodicâbles': il est seulement indiqué qu'un contrat a été signé avec le factor, dont l'objet est notamment la cession à son profit de certaines créances détenues à l'encontre de clients sans aucune précision, lesquels clients ne sont pas énumérés. Cette quittance ne contient aucun élément financier. Elle est antérieure aux factures détaillées par le factor dans son relevé de compte. Si l'intimée produit une pièce intitulée «'liste des pièces annexées à la quittance subrogative'», cette liste n'a pu être établie à l'époque de la signature de cette quittance le 6 juillet 2015, puisque les factures figurant dans cette liste sont datées de 2016. Cette liste mentionne en outre plusieurs numéros de quittances subrogatives, indiquant ainsi qu'il y en a eu plusieurs.
29. La cour indique également que les factures produites ne peuvent, à elles-seules, permettre de rapporter la preuve d'une obligation au profit de celui qui les a émises, s'agissant de documents établis unilatéralement par celui se prétendant créancier, au sens de l'article 1363 du code civil, même si en matière commerciale, la preuve est libre, notamment en l'absence d'autres éléments comme un bon de commande ou de livraison, la charge de la preuve de l'existence de l'obligation constatée par une facture reposant sur le créancier selon l'article 1353 du code civil.
30. Au titre des factures, la société Factofrance se trouve en effet placée dans la position de la société Sodicâbles, puisque c'est d'elle dont elle détient ses droits par l'effet de l'acquisition des factures et de la subrogation. Ces factures ne peuvent ainsi être vues comme étant des pièces émanant d'un tiers à la présente instance.
31. Du reste, la société Factofrance n'a pas produit l'intégralité des factures dont elle demande le paiement, alors qu'elle se prévaut de 24 factures pour la société DM Régulation. Concernant cette dernière société, l'intimée ne produit ainsi, en pièce 3, que la facture du 8 avril 2016 pour 335,52 euros, et reconnaît dans ses conclusions n'avoir pu obtenir les factures du liquidateur judiciaire.
32. Si dans le cadre de la présente procédure, il a été demandé au liquidateur de la société Sodicâbles de fournir les éléments en sa possession concernant les factures en souffrance, ce dernier a indiqué, le 6 décembre 2019, ne plus être chargé du dossier de cette entreprise, en raison de la clôture de la liquidation. Il a cependant adressé un extrait du grand livre de cette société, concernant le compte des clients de la société Sodicâbles. Selon cet extrait, la société DM Régulation serait débitrice de 9.758,10 euros au titre
de factures émises entre juillet et septembre 2016, sans qu'aucun paiement n'ait été porté à son crédit. La société Grenot HTI serait débitrice de 11.313,02 euros, sans qu'aucun paiement ne soit également porté à son crédit.
33. La cour relève, concernant ce grand livre, que s'il a été adressé par le liquidateur, il a cependant été renseigné par la société Sodicâbles. La société Factofrance venant aux droits de la société Sodicâbles suite à une cession de créances, se trouve donc dans la même position que la subrogeante. Elle est en conséquence mal fondée à soutenir que ce document constitue en lui-même la preuve de l'existence des obligations mentionnées dans les factures, cet extrait devant être regardé également comme émanant de la partie qui s'en prévaut. Le grand livre ne répertorie que des opérations par le commerçant qui l'édite, et ne contient aucun document relatif à ces opérations, comme des bons de commande ou de livraison.
34. La cour observe en outre que les sommes imputées au titre du grand livre au débit des appelantes sont d'ailleurs différentes de celles faisant l'objet de l'action en paiement, alors que le grand livre ne porte aucune trace de paiement des appelantes. La seule facture produite par l'intimée concernant la société DM Régulation ne figure d'ailleurs pas dans ce grand livre, lequel ne peut être regardé ainsi comme étant probant.
35. Les appelantes n'ont pas reconnu le bien fondé, au moins partiel, de la demande en paiement de la société Factofrance, et les pièces produites par la société Factofrance sont insuffisantes à rapporter la preuve des obligations qu'elle invoque, même si l'existence d'une relation d'affaires entre les appelantes et la société Sodicâbles n'est pas contestée, cette relation étant cependant insuffisante en l'espèce à établir la preuve des créances.
36. Il en résulte que le jugement déféré ne peut qu'être réformé en ce qu'il a fait droit partiellement à la demande en paiement de l'intimée. Statuant à nouveau, la cour ne peut ainsi que débouter la société Factofrance de l'intégralité de ses demandes. En conséquence, le jugement déféré sera également infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes des appelantes concernant la charge des frais irrépétibles et des dépens.
37. Concernant la demande reconventionnelle des appelantes reposant sur une action abusive de la société Factofrance, il n'est justifié d'aucun préjudice découlant de cette action. En outre, il ne peut être fait grief à l'intimée de n'avoir pu obtenir des pièces complémentaires, en raison de la liquidation judiciaire de la société Sodicâbles. Cette demande, déjà formée devant le tribunal de commerce, ne peut ainsi qu'être rejetée.
38. En conséquence, la société Factofrance sera condamnée à payer à chacune des appelantes la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, outre pareille somme au titre de la procédure d'appel, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1353 et 1363 du code civil, les articles L123-12 et suivants, l'article L123-23 du code de commerce';
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a':
- déclaré recevables et fondées les demandes en paiement formées par la société Factofrance';
- condamné la société DM Régulation à payer à la société Factofrance la somme de 9.758,10 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2016';
- condamné la société Grenot HTI à payer à la société Factofrance la somme de 11.313,02 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2016';
- dit que la présente affaire ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné solidairement les sociétés DM Régulation et Grenot HTI aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile, liquidés conformément à l'article 701 du code de procédure civile';
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions;
statuant à nouveau';
Déboute la société Factofrance de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les sociétés Grenot HTI et DM Régulation';
Condamne la société Factofrance à payer à la société Grenot HTI la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure suivie en première instance';
Condamne la société Factofrance à payer à la société DM Régulation la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure suivie en première instance';
y ajoutant';
Déboute les sociétés Grenot HTI et DM Régulation de leur demande reconventionnelle dirigée contre la société Factofrance pour procédure abusive';
Condamne la société Factofrance à payer à la société Grenot HTI la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure suivie en cause d'appel;
Condamne la société Factofrance à payer à la société DM Régulation la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure suivie en cause d'appel;
Condamne la société Factofrance aux dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel';
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente