N° RG 21/02527 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K5BG
N° Minute :
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT
Me Christophe ARNAUD
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 4 JUILLET 2023
Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/00909) rendu par le tribunal judiciaire de GAP en date du 19 avril 2021, suivant déclaration d'appel du 04 Juin 2021
APPELANTE :
Compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]
représentée par Me Laurence LIGAS de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIM ÉS :
M. [V] [U]
né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 1]
représenté par Me Christophe ARNAUD, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
Organisme MSA ALPES VAUCLUSE La MSA ALPES VAUCLUSE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle CARDONA, Présidente,
Mme Anne-Laure PLISKINE, Conseillère,
M. Laurent GRAVA, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 mai 2023
Mme Emmanuèle CARDONA, Présidente,
Mme Anne-Laure PLISKINE, Conseillère, a été entendue en son rapport,
Monsieur Laurent GRAVA, Conseiller,
Assistés lors des débats de Caroline BERTOLO, Greffière
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [V] [U] a été victime d'un accident survenu le 19 septembre 2017 au cours duquel il a été blessé par un tracteur propriété du GAEC du Seigneur, dont il est le gérant, ce tracteur étant conduit par son oncle qui était assuré par la société Axa France IARD,
Par ordonnance rendue le 25 septembre 2018, il a été fait droit à la demande d'expertise de Monsieur [U].
Monsieur [U] s'est également vu allouer une somme de 30.000 euros au titre d'une indemnisation provisionnelle et une somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'expert a déposé son rapport le 15 juillet 2019.
Ses conclusions étaient les suivantes :
Soins et intervention en relation directe et certaine avec le fait accidentel du 19 septembre 2017,
Consolidation au 2 janvier 2019.
I Préjudices patrimoniaux
A temporaires avant consolidation
1/ Dépenses de santé actuelles : ont été exposées
2/ Frais divers : seront vus poste par poste ultérieurement
3/ PGPA perte de gains professionnels actuels
. Arrêt travail total 19/09/17 au 16/09/2018 ' 1 an
. Mi temps thérapeutique 17/09/2018 au 2/01/2019 : 3 mois et demi
B- Préjudices patrimoniaux permanents après consolidation
4 / dépenses de santé futures (DSF) : il est à prévoir comme dépenses certaines pour le futur des dépenses de rééducation afin d'entretenir la mobilité articulaire du membre supérieur droit, à raison de 2 séries de 20 séances par an, soit au total 40 séances de rééducation par an à visée d'entretien des amplitudes articulaires.
Il est également à prévoir une attelle de maintien du bras coude au corps pour soutien du cadre paralysé à renouveler une fois par an.
5/ frais de logement adapté : néant
6/ frais de véhicule adapté : l'état de santé de M. [U] nécessite une voiture à boîte automatique avec boule de commande des éléments de direction et d'avertissement type commodo
7/ Assistance tierce personne :(ATP)
. 2 heures 1/4 par jour à visée viagère
A noter qu'en raison de la présence d'enfants en bas âge une période supplémentaire d'une demi- heure par jour doit être comptabilisée jusqu'à ce que le dernier enfant ait 7 ans.
8/ perte de gains professionnels futurs (PGPF) : compte tenu des lésions de M. [U] il est considéré qu'il ne pourra plus jamais effectuer un travail où il a besoin de ses 2 membres supérieurs. A présent il présente une diminution de son activité professionnelle comme décrite dans les doléances.
9/ incidence professionnelle (IP) : Cf supra
10/ Préjudice scolaire universitaire ou de formation (PSU) Néant
II préjudices extra-patrimoniaux :
A préjudices temporaires avant consolidation
11/ déficit fonctionnel temporaire (DFT)
Total 19/09/2017 au 2/12/2017 (74 jours 2 mois et 13 jours) 29/01/2018 au 1/02/2018 (4 jours)
Partiel à 60% du 3/12/2017 au 28/01/2018 (56 jours) et du 2/02/2018 au 2/01/2019 (334 jours)
Pendant cette période de déficit fonctionnel temporaire M. [U] a eu recours a une aide familiale 2 heure 1/4 par jour, une période de 1/2 heure par jour doit être comptabilisée en sus en raison d'enfant en bas âge
12 / souffrances endurées : SE : représentées par le traumatisme initial, les douleurs neuropathiques, l'exploration chirurgicale, et la rééducation : 5/7
13 / Préjudice esthétique temporaire (PET) : 3/7
B/ préjudices extra-patrimoniaux permanents après consolidation
14/ Déficit fonctionnel permanent : DFP : 55%
15/ préjudice d'agrément : néant
16/ préjudice esthétique permanent : 3/7
17/ préjudice sexuel et préjudice d'établissement : PS PE : il n'existe pas de préjudice de procréation mais M. [U] nous déclare que compte tenu de son handicap physique l'approche sexuelle n'est plus la même.
Par jugement en date du 19 avril 2021, le tribunal judiciaire de Gap a :
-condamné la compagnie d'assurances Axa France IARD à payer à Monsieur [V] [U], au titre des préjudices subis consécutivement à l'accident de la circulation dont il a été victime le 19 septembre 2017, la somme totale de 795.417,18 euros se décomposant comme suit, déduction faite de la provision de 30.000 euros précédemment versée au titre de l'ordonnance de référé de :
- Frais de véhicule adapté : 6.680,13 euros.
- Assistance tierce personne permanente : 549.397,05 euros.
- Incidence professionnelle : 20.000,00 euros.
- Déficit fonctionnel temporaire : 7.800,00 euros.
- Assistance tierce personne temporaire : 9.400,00 euros.
- Souffrances endurées : 30.000,00 euros.
- Préjudice esthétique temporaire : 5.000,00 euros.
- Déficit fonctionnel permanent : 189.200,00 euros.
- Préjudice esthétique permanent : 8.000,00 euros.
-dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la date d'assignation le 16 décembre 2019.
-réservé l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs.
-débouté Monsieur [V] [U] de ses demandes indemnitaires formulées au titre du préjudice sexuel et d'établissement.
-dit que la créance de la MSA s'imputera en cascade conformément aux règles du code de la sécurité sociale, soit en priorité sur la perte de revenus futurs qui est réservée, puis sur l'incidence professionnelle et si cette dernière présente un reliquat sur le déficit fonctionnel permanent.
-débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
-condamné la compagnie d'assurances Axa France IARD à payer Monsieur [V] [U] la somme de 2.500 euros sur fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
-condamné la compagnie d'assurances Axa France IARD aux entiers dépens de l'instance et ce compris les frais de l'expertise.
-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration en date du 4 juin 2021, la Société Axa France IARD a interjeté appel de ce jugement.
M.[U] a formé appel incident.
Dans ses conclusions notifiées le 7 décembre 2021, la société Axa France IARD demande à la cour de:
-infirmer le jugement rendu le 19 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Gap
Statuant à nouveau :
-voir appliquer le BCRIV 2018
-débouter Monsieur [V] [U] de ses demandes relatives à l'indemnisation du poste de préjudice de perte de gains professionnels futurs et dire en conséquence n'y avoir lieu à ce qu'ils soient réservés.
-évaluer le préjudice de Monsieur [V] [U] dans les maximums fixés comme il suit:
- Assistance tierce personne temporaire : 19.387,50 euros
- Déficit fonctionnel temporaire : 7.800,00 euros
- Souffrances endurées : 28.000,00 euros
- Préjudice esthétique temporaire : 3.000,00 euros
- Préjudice esthétique permanent : 6.000,00 euros
- Déficit fonctionnel permanent 165.000,00 euros
- Frais de véhicule adapté : 4.307,09 euros
- Incidence professionnelle 20.000,00 euros
-voir fixer l'indemnisation au titre de l'assistance tierce personne après consolidation par le versement d'une somme de 67.500 euros pour la période comprise entre le 2 janvier 2019 et le 10 février 2023 et dire qu'à compter du 10 février 2023, Monsieur [V] [U] sera indemnisé sous la forme d'une rente mensuelle indexée selon les dispositions de l'art. 42 de la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d'hospitalisation supérieure à 45 jours, d'un montant de 1.026,56 euros ;
Subsidiairement, allouer une indemnité en capital de 322.628,06 euros calculée selon le BCRIV 2018 en indemnisation du poste d''assistance tierce personne après consolidation.
-dire que la créance de la MSA doit s'imputer en cascade en priorité sur l'incidence professionnelle et si cette dernière présente un reliquat sur le déficit fonctionnel permanent.
Subsidiairement, si la Cour considérait que la perte de revenus futurs de Monsieur [U] devait faire l'objet d'une évaluation ultérieure :
-réserver l'indemnisation de Monsieur [V] [U] au titre :
-de la perte de gains professionnels futurs.
-du déficit fonctionnel permanent
-de l'incidence professionnelle
-déduire les provisions déjà versées à Monsieur [V] [U] d'un montant total de 30.000 euros ;
-dire que les intérêts au taux légal devront courir sur les sommes dues à compte du rendu de la décision définitive.
-statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de ses demandes, la société Axa énonce s'agissant des préjudices futurs que le versement d'une rente est plus approprié, faisant valoir que l'emploi d'un barème de capitalisation expose la victime à un risque compte tenu de l'écart entre cette capitalisation et la réalité, qu'en outre, la fragilité de Monsieur [V] [U] justifie parfaitement la mise en place d'une indemnisation sous la forme d'une rente indexée qui lui garantira un revenu régulier et revalorisé au fur et à mesure de ses besoins.
Elle propose de retenir le barème du BCRIV 2018 au motif que ce dernier est plus adapté, ce barème s'appuyant sur des tables plus récentes et donc plus favorables aux victimes que celles retenues par le barème « Gazette du Palais » 2016.
Elle déclare que les demandes de Monsieur [V] [U], au titre de l'assistance tierce personne sont manifestement excessives, au regard du montant horaire retenu pour la tierce personne.
S'agissant de la perte de gains professionnels futurs, elle allègue qu'en l'état des pièces communiquées par Monsieur [V] [U] et de la créance de la MSA faisant état du paiement mensuel d'une rente accident du travail, il n'est pas avéré que M.[U] justifie d'une perte de revenus futurs réelle, qu'il n'y avait donc pas lieu de réserver ce poste.
Dans ses conclusions notifiées le 9 septembre 2021, M.[U] demande à la cour de:
- vu le jugement rendu, vu la déclaration d'appel, les conclusions échangées,
- constater la recevabilité de l'appel, vu l'appel incident de M. [U],
Statuant à nouveau,
- vu les dispositions des articles 1, 3 de la loi 85-677 du 5 juillet 1985,
-confirmer le jugement ayant retenu le barème de capitalisation dit Gazette du palais novembre 2017 pour le calcul de la capitalisation des postes de préjudices susceptibles de capitalisation,
- réformer sur le montant des indemnisations,
-condamner la société d'assurances Axa France IARD à payer à Monsieur [U] la somme de 824 116,11 euros poste par poste selon détail développé ci-dessus, au titre des préjudices subis exposés consécutivement à l'accident survenu le 19/09/2017, déduction faite de la provision de 30 000.00 euros précédemment versée au titre de l'ordonnance de référé,
- réserver l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs qui ne peut être évaluée en l'état de la situation actuelle, constater que la rente AT s'impute d'abord sur les pertes de gains professionnels futurs et sur l'incidence professionnelle, si la rente est supérieure aux pertes de gains professionnels et à l'incidence professionnelle, elle doit alors s'imputer subsidiairement sur le déficit fonctionnel permanent, constater que le montant de la rente « accident du travail » versée par la MSA excède le montant de l'incidence professionnelle et du DFT fixé en première instance, suspendre le règlement de ces postes, en attendant la fixation du poste Perte de gains professionnels futurs, pour permettre d'imputer la créance de la MSA.
- vu l'article 1231-7 du code civil, confirmer le jugement ayant décidé que les intérêts au taux légal sont dus à compter de la date de l'assignation.
- débouter Axa de l'ensemble de ses prétentions,
-condamner Axa IARD au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile au titre des frais de première instance par voie de réformation, ainsi que 10 000.00 euros en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.
M.[U] refuse toute indemnisation sous forme de rente viagère.
Au titre de la perte de gains professionnels futurs, il fait valoir que compte tenu de ses lésions il ne pourra plus jamais effectuer un travail où il a besoin de ses 2 membres supérieurs et qu'il présente une diminution de son activité professionnelle. Il affirme qu'il est vraisemblable qu'à terme son associé n'accepte plus cette situation et remette en cause l'association du GAEC.
Il fait état de ses différents préjudices, et notamment d'un préjudice sexuel compte tenu de son handicap.
Il admet que le règlement des postes incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent soit suspendu en attendant la fixation du poste perte de gains professionnels futurs, pour permettre d'imputer la créance de la MSA.
La MSA, citée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat, l'arrêt sera réputé contradictoire.
Elle a toutefois indiqué que le montant définitif de ses débours s'élevait à la somme de 466 097,81 euros.
La clôture a été prononcée le 22 février 2023.
MOTIFS
Sur les préjudices patrimoniaux
-Sur les préjudices patrimoniaux temporaires
Assistance tierce personne temporaire
L'expert a prévu entre le 3 décembre 2017 et le 28 janvier 2018 et du 2 février 2018 au 2 janvier 2019 une assistance par tierce personne à raison de 2 h 15 par jour, outre une demi-heure du fait de la présence d'enfants en bas âge.
Cette durée n'est pas contestée, seul le montant horaire l'étant.
Il est de jurisprudence constante que le taux horaire ne doit pas être minoré au motif que l'aide a été apportée par un membre de la famille, et le taux de 20 euros sollicité par M.[U], qui apparaît raisonnable, sera retenu.
Du 3 décembre 2017 au 28 janvier 2018 : 55 jours
Du 2 février 2018 au 2 janvier 2019 : 334 jours
389 jours x 45 euros= 17505 euros
Toutefois, M.[U] ne sollicitant que la somme de 9 400 euros, seule cette somme lui sera allouée, le jugement sera confirmé.
-Sur les préjudices patrimoniaux permanents
Assistance tierce personne permanente
Arrérages échus
Il est prévu, outre les 2 h 15, une demi-heure supplémentaire jusqu'aux 7 ans d'[F], née le [Date naissance 3] 2016, soit jusqu'au 10 février 2023.
Du 2 janvier 2019 au 10 février 2023: 1500 jours
1 500 x 55 euros = 82 500 euros
Du 11 février 2023 au 5 septembre 2023: 206 jours
206x 45 euros= 9 270 euros.
Arrérages à échoir
Le coût d'une tierce personne sur une année est de 412 jours, pour tenir compte des congés payés x 45 euros par jour = 18 540 euros.
M.[U] sera âgé de 49 ans lors de l'attribution de cette somme.
Selon le barème de capitalisation 2020, qui apparaît le plus adapté à la situation, l'euro de rente viagère est de 30,085 ce qui représente une somme de 557 775, 90 euros.
Soit un total de 649 545, 90 euros.
M.[U] ne sollicitant toutefois que la somme globale de 82 500 + 466 897,05=549 397,05 euros, ce montant sera retenu, le jugement sera confirmé.
Perte de gains professionnels futurs
M.[U] expose qu'à ce jour, il est resté associé au sein du GAEC et ne communique aucune pièce de nature laisser penser que cette situation ne va pas perdurer, étant observé que son état est consolidé depuis plus de quatre ans.
Il n'a communiqué aucune information relative à ses revenus postérieurement à l'accident permettant de prouver l'existence de cette perte de gains, étant observé qu'il perçoit une rente annuelle de 12002,74 euros (pour l'année 2019).
Il sera en conséquence débouté de sa demande, aucun motif ne justifiant de surseoir à statuer sur ce point.
- Frais de véhicule adapté
C'est à juste titre que le premier juge n'a pas pris en compte le coût de l'acquisition d'un véhicule neuf, mais uniquement le coût de l'adaptation dudit véhicule.
Sur la base d'un coût de 2 000 euros, avec un renouvellement tous les 7 ans, le montant annuel est de 285, 71 euros
L'adaptation est intervenue le 20 juin 2018, et le renouvellement interviendra le 20 juin 2025. A cette date, M.[U] sera âgé de 51 ans, avec un euro de rente viagère de 30, 016 selon le barème de la Gazette du Palais 2020, soit une somme de 8 576 euros, le jugement sera infirmé.
- Incidence professionnelle
Cette incidence est manifeste compte du handicap présenté par M.[U].
Au vu des circonstances de l'espèce, le premier juge a fait une exacte appréciation de la situation, le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 20 000 euros.
Compte tenu toutefois des sommes versées par la MSA, qui ont vocation à s'imputer d'abord sur la perte de gains professionnels futurs puis sur l'incidence professionnelle, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer et il faut considérer qu'il a déjà perçu cette somme au titre des prestations MSA, le jugement sera infirmé.
Sur les préjudices extra-patrimoniaux
-Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires
- Déficit fonctionnel temporaire
Total du 19 septembre 2017 au 2 décembre 2017 et du 29 janvier 2018 au 1er février 2018: 78 jours
Partiel à 60% du 3 décembre 2017 au 28 janvier 2018 et du 2 février 2018 au 2 janvier 2019 : 390 jours
Le montant journalier de 25 euros apparaît adapté, ce qui représente un total de:
78 x 25 + 390 x 25 x 60%=1950 + 5850= 7800 euros, le jugement sera confirmé.
- Souffrances endurées :
L'expert les a évaluées à 5/7. La somme de 30 000 euros allouée par le premier juge apparaît adaptée, le jugement sera confirmé.
- Préjudice esthétique temporaire :
L'expert l'a évalué à 3/7. La somme de 5 000 euros allouée par le premier juge apparaît adaptée, le jugement sera confirmé.
-Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents
- Déficit fonctionnel permanent
La rente allouée par la MSA n'a pas à s'imputer sur le déficit fonctionnel permanent, préjudice personnel (Cass ass. plén., 20 janv. 2023, et n° 21-23.673).
L'expert a fixé le DFP à 55%.
Compte tenu de l'âge de la victime au moment de la consolidation, 45 ans, 3785x55=208 175 euros.
M.[U] ne sollicitant toutefois que la somme de 189 200 euros, cette somme lui sera allouée, le jugement sera confirmé.
- Préjudice esthétique permanent
L'expert l'a évalué à 3/7. Compte tenu de la nature de ce préjudice, précisément décrit par le premier juge, le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 8 000 euros.
Sur le préjudice sexuel
Il est réel au vu des séquelles de M.[U] et de son handicap, il lui sera alloué la somme de 3 000 euros, le jugement sera infirmé.
-Sur l'octroi d'une rente
La société Axa allègue que la capitalisation d'un préjudice futur ne permet pas d'appréhender correctement la situation d'une personne et fait état d'une fragilité de M.[U].
Toutefois, les modalités de calcul de la capitalisation permettent justement de tenir compte de l'espérance de vie moyenne. En outre, la société Axa ne rapporte nullement la preuve d'une quelconque fragilité de M.[U], lequel est parfaitement inséré, tant sur le plan familial que sur le plan social et est pleinement en capacité de gérer de manière optimale la somme qui lui sera allouée.
En conséquence, il n'y a pas lieu de lui octroyer une rente en lieu et place d'un capital.
Sur l'application du barème
Il est de jurisprudence constante que les juges choisissent de manière souveraine le barème qu'ils appliquent. Le barème de la Gazette du Palais n'est pas élaboré par les assureurs, contrairement au BCRIV 2018 auquel se réfère la compagnie Axa et apparaît plus à même de prendre en compte l'actualisation des données chiffrées.
Sur le point de départ des intérêts au taux légal
Aux termes de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.
Aucun motif ne justifie de reporter le point de départ à la date de l'assignation, les intérêts courront donc à compter du prononcé du jugement, à l'exception de l'indemnité allouée au titre du préjudice sexuel et au titre des frais de véhicule adapté, pour laquelle les intérêts courront à compter de l'arrêt.
La société Axa France IARD sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a:
-condamné la compagnie d'assurances Axa France IARD à payer à Monsieur [V] [U], au titre des préjudices subis consécutivement à l'accident de la circulation dont il a été victime le 19 septembre 2017, la somme totale de 795.417,18 euros, déduction faite de la provision de 30.000 euros précédemment versée au titre de l'ordonnance de référé,
-fixé à 6.680,13 euros la somme due au titre des frais de véhicule adapté,
-réservé l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs,
-débouté Monsieur [V] [U] de ses demandes indemnitaires formulées au titre du préjudice sexuel et d'établissement,
-dit que la créance de la MSA s'imputera en cascade conformément aux règles du code de la sécurité sociale, soit en priorité sur la perte de revenus futurs qui est réservée, puis sur l'incidence professionnelle et si cette dernière présente un reliquat sur le déficit fonctionnel permanent,
-dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la date d'assignation le 16 décembre 2019,
-débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
Et statuant de nouveau ;
Fixe comme suit le préjudice de M.[U]:
Frais de véhicule adapté: 8 576 euros
Préjudice sexuel : 3 000 euros
Incidence professionnelle : 20.000,00 euros ;
Condamne la société Axa France IARD à verser à M.[U] les sommes de:
- Frais de véhicule adapté : 8 576 euros.
- Assistance tierce personne permanente : 549.397,05 euros.
- Incidence professionnelle : 0 euros.
- Déficit fonctionnel temporaire : 7.800,00 euros.
- Assistance tierce personne temporaire : 9.400,00 euros.
- Souffrances endurées : 30.000,00 euros.
- Préjudice esthétique temporaire : 5.000,00 euros.
- Déficit fonctionnel permanent : 189.200,00 euros
- Préjudice sexuel: 3 000 euros
- Préjudice esthétique permanent : 8.000,00 euros ;
Dit que les sommes dues porteront intérêt à compter du jugement déféré, à l'exception du préjudice sexuel et des frais de véhicule adapté pour lesquels les sommes dues porteront intérêt à compter de l'arrêt ;
Rappelle qu'il devra être tenu compte des provisions déjà versées ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société Axa France IARD à verser à M. [U] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE