C1
N° RG 21/03263
N° Portalis DBVM-V-B7F-K7IJ
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL NICOLAU AVOCATS
la SELARL FTN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 04 JUILLET 2023
Appel d'une décision (N° RG F 19/00460)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VALENCE
en date du 27 mai 2021
suivant déclaration d'appel du 16 juillet 2021
APPELANT :
Monsieur [J] [X]
né le 18 Février 1974 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Alexia NICOLAU de la SELARL NICOLAU AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMEE :
S.A.S. ITM LAI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Florence NERI de la SELARL FTN, avocat au barreau de GRENOBLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 mai 2023,
Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente ont entendu les parties en leurs observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de Mme Emilie CABERO, Greffière stagaire et de M. Victor BAILLY, Juriste assistant, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 04 juillet 2023.
Exposé du litige :
M. [X] a été embauché le 2 juin 2014 par la SAS ITM LAI en qualité de préparateur de commandes, statut employé, niveau 2, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
A la suite d'un entretien préalable qui s'est tenu le 27 juin 2019, M. [X] s'est vu notifier le 11 juillet 2019 une mise à pied disciplinaire du 23 au 25 juillet 2019, qu'il a contestée par courrier du 17 juillet 2019.
A la suite d'un entretien préalable qui s'est tenu le 9 août 2019, M. [X] s'est vu notifier le 23 août 2019 une nouvelle mise à pied disciplinaire de trois jours, du 24 au 26 septembre 2019.
Le 28 novembre 2019, M. [X] a saisi le Conseil de prud'hommes de Valence aux fins de voir prononcer la nullité des deux mises à pieds à titre disciplinaire et obtenir la condamnation de la SAS ITM LAI à lui payer des sommes à titre de rappels de salaire au titre des mises à pied disciplinaires et à titre de dommages et intérêts pour sanctions infondées, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 27 mai 2021, le Conseil de prud'hommes de Valence a débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.
M. [X] en a interjeté appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 19 juillet 2021.
Par conclusions du 22 avril 2022 transmises par le RPVA, M. [X] demande de :
Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Valence rendu le 27 mai 2021,
Et statuant à nouveau,
Juger que les mises à pied disciplinaires de 3 jours que la SAS ITM LAI lui a notifiées le 11 juillet et le 23 août 2019 sont discriminatoires et disproportionnées,
En conséquence,
Annuler les mises à pied disciplinaires notifiées le 11 juillet 2019 et le 23 août 2019,
Condamner la SAS ITM LAI à lui verser la somme de 222,37 euros brut à titre de rappel de salaire sur la mise à pied disciplinaire pour la période du 23 juillet 2019 au 25 juillet 2019, outre 22,37 euros bruts au titre des congés payés afférents,
Condamner la SAS ITM LAI à lui verser la somme de 222,37 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire pour la période du 24 septembre 2019 au 26 septembre 2019, outre 22,37 euros bruts au titre des congés payés afférents,
Condamner la SAS ITM LAI à lui verser la somme de 3 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de cette mise à pied disciplinaire discriminatoire et disproportionnée et du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur,
Condamner la SAS ITM LAI à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et la somme de 2 040 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux paiements des entiers dépens pour la procédure d'appel.
Par conclusions du 20 janvier 2022 transmises par le RPVA, la SAS ITM LAI demande de :
Confirmer le jugement prud'homal en ce qu'il a :
Débouté M. [X] de sa demande de nullité et d'annulation de sa mise à pied à titre disciplinaire du 23 au 25 juillet 2009,
Débouté M. [X] de sa demande de nullité et d'annulation de sa mise à pied à titre disciplinaire du 24 au 26 septembre 2019,
Débouté M. [X] de sa demande de rappel de salaire de 222,37 euros bruts au titre de la mise à pied disciplinaire du 23 au 25 juillet 2019,
Débouté M. [X] de sa demande de rappel de salaire de 222,37 euros bruts au titre de la mise à pied à titre disciplinaire du 24 au 26 septembre 2019,
Débouté M. [X] de sa demande de 3 000 euros nets de dommages et intérêts, pour sanctions infondées, en représailles de l'attestation faite à Monsieur [F], soit en violation de la liberté fondamentale de témoigner, outre la violation de l'article L. 4121-1 du code du travail,
Débouté M. [X] de sa demande de 1 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné M. [X] aux entiers dépens de l'instance,
Infirmer le jugement prud'homal en ce qu'il a :
Rejeté sa demande de condamnation de M. [X] à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
Débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
Condamner M. [X] à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 avril 2023.
L'affaire, appelée à l'audience du 22 mai 2023, a été mise en délibéré au 04 juillet 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
I- Sur les mises à pied disciplinaire :
Moyens des parties,
M. [X] demande l'annulation des deux mises à pied à titre disciplinaire et fait valoir que :
S'agissant de la première sanction du 11 juillet 2019 :
Il a contesté cette mise à pied disciplinaire, en indiquant qu'il avait eu un « coup de fatigue », et qu'il s'était allongé durant la pause sur des cartons de cubi de vin, invoquant la pénibilité de la charge de travail demandée, les horaires et la chaleur,
Il est impossible qu'il se soit endormi en dehors de la pause, l'entrepôt étant en dehors des périodes de pause « une véritable fourmilière »,
La SAS ITM LAI ne démontre pas qu'il se serait allongé en dehors de son temps de pause,
La preuve du respect du temps de pause prévu à l'article L. 3121-33 du code du travail incombe exclusivement à l'employeur,
L'attestation d'un autre salarié est imprécise et ne peut établir la matérialité du fait qui lui est reproché,
Il a été victime de deux accidents du travail, ayant donné lieu à des aménagements de son poste en termes de nombre de colis par la médecine du travail,
Il souffrait de douleurs au dos, de troubles du sommeil, de fatigue,
Il prend un tranquillisant avant de se coucher, ce qui explique notamment son besoin de se reposer,
Aucun espace permettant de s'allonger n'est réservé aux salariés pour faire leur pause.
S'agissant de la seconde mise à pied disciplinaire du 24 juillet 2019 :
Il avait informé sa hiérarchie qu'il rencontrait des problèmes de fonctionnement de son dispositif vocal, qui permet de lui adresser directement des instructions,
Ce problème technique explique les erreurs commises dans les préparations de commandes,
Les contrôles opérés par la société ne sont pas toujours exacts,
Le nombre d'erreurs qui lui sont reprochées est extrêmement faible comparé au nombre de colis qu'il a à traiter,
Le compte-rendu d'entretien réalisé le 14 août 2019 ne contient aucun commentaire et remarque de son manager, aucune erreur ne lui étant reprochée,
Il n'est pas le seul à effectuer des erreurs dans la préparation des commandes du fait des cadences et du dysfonctionnement de la vocale, et les autres salariés concernés ont eu un simple rappel à l'ordre,
Il a toujours obtenu des bons taux de fiabilité dans la préparation des colis,
La sanction prononcée est disproportionnée par rapport à la faute commise,
Tout comme la mise à pied notifiée le 11 juillet 2019, cette mise à pied notifiée le 23 août 2019 s'apparente à une sanction discriminatoire en lien avec son état de santé, puisqu'elle intervient concomitamment aux préconisations du médecin du travail,
Par ailleurs, M. [X] soutient que :
La chronologie des faits laisse à penser que les mises à pied disciplinaire s'apparentent à des sanctions discriminatoires en lien avec son état de santé,
Les sanctions sont intervenues après son témoignage en faveur d'un autre salarié de l'entreprise le 15 février 2019,
Le droit de témoigner est une liberté fondamentale garantie par l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme,
Il a révélé auprès de la responsable des ressources humaines une absence d'égalité des chances au sein de la société lors d'un entretien d'évaluation le 17 mai 2019,
Les mises à pied ont également un caractère discriminatoire pour ces motifs,
Il est fondé à obtenir l'annulation des deux sanctions, des rappels de salaire et la réparation du préjudice subi en résultant.
La SAS ITM LAI fait valoir pour sa part que :
S'agissant de la première sanction :
Elle établit la matérialité du fait qui lui est reproché (sieste hors de son temps de pause) par la production d'une attestation d'un autre salarié,
M. [X] a profité de son temps de travail pour s'accorder un temps de pause supplémentaire en méconnaissance des dispositions du règlement intérieur,
La sieste contrevient également aux règles d'hygiène et de sécurité, car le salarié était en contact avec des cartons de vin, qu'il aurait pu endommager ou dont il aurait pu tomber durant son sommeil et se blesser,
Le salarié produit des explications contradictoires, qui ont évolué avec le temps,
Il a bien été déclaré apte à son poste de préparateur de commandes par le médecin du travail, qui n'a préconisé aucun aménagement de poste en lien avec des troubles du sommeil.
S'agissant de la seconde sanction :
Elle reproche au salarié de ne pas respecter de manière réitérée la quantité de colis contenus dans les commandes qu'il doit préparer,
Ces erreurs démontrent l'absence de prise en compte des remarques faites par le passé,
Elle produit le résultat des contrôles aléatoires effectuées sur les commandes préparées par le salarié et démontre ainsi la preuve des erreurs constatées,
Elle avait à plusieurs reprises attiré l'attention de son salarié sur la nécessité de respecter les quantités des commandes,
Le salarié ne nie pas les erreurs commises,
Le salarié ne rencontrait aucun problème avec son dispositif de communication, et ne rapporte pas la preuve de dysfonctionnements.
Enfin, la SAS ITM LAI soutient par ailleurs que :
Le salarié avait déjà reçu deux rappels à l'ordre avant qu'elle ait connaissance de l'attestation rédigée par M. [X] en faveur d'un autre salarié, M. [F],
Certains faits fautifs du salarié postérieurs à ce témoignage n'ont pas donné lieu à sanction,
Le salarié n'apporte aucun élément laissant supposer un lien de causalité entre son témoignage et les sanctions.
Réponse de la cour,
1-1 Sur la mise à pied disciplinaire du 11 juillet 2019 :
Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
$gt; Sur le bien-fondé et la proportionnalité de la sanction :
M. [X] soutient que la mise à pied disciplinaire prononcée le 11 juillet 2019 n'est ni justifiée ni proportionnée à la faute commise.
Or il résulte des pièces produites par l'employeur que :
- M. [T] Coordinateur Santé Sécurité a établi une attestation, au terme de laquelle il indique que « Lors de contrôle sécurité, j'ai vu Monsieur [X] [J] dormant sur des cartons au Picking ( Sol). Cela le 18/06/2019 à, vers 9h30.
J'ai d'abord pensé qu'il avait pris un malaise mais non, je l'ai bien réveillé. Il avait son portable dans une de ses mains. Peut-être pour une alarme
Après avoir informé mon encadrement par mail, j'ai communiqué des informations complémentaires.
L'opérateur se trouvait sous un rack en charge, allée 82 une photo est prise des lieux où se trouvait M [X] [J]. »
- M. [X] a contesté la sanction par courrier, indiquant à son employeur qu'il avait eu un « coup de fatigue », et qu'il s'était allongé durant la pause sur des cartons de cubi de vin,
- Si l'attestation de M.[T] ne permet pas d'établir formellement, comme l'affirme l'employeur, que M. [X] s'est effectivement allongé en dehors du temps de pause qui s'achevait à 09h30, il est en revanche établi et non contesté que M. [X] s'est bien assoupi sur des cartons de marchandise et ce en méconnaissance des règles d'hygiène et de sécurité de l'entreprise. M.[T] affirme en outre qu'il était endormi.
La cour relève enfin que M. [X] ne peut sérieusement affirmer que la nécessité de reposer son dos l'autorisait à s'allonger, alors que s'installer dans de telles conditions l'exposait à un risque de chute et de dégradation de la marchandise.
Dès lors, les faits reprochés, quoique partiellement établis, constituent une faute, dont la nature et la gravité justifie à elle seule la sanction prononcée.
$gt; Sur la discrimination :
Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.
En l'espèce, M. [X] affirme avoir fait l'objet d'une mesure discriminatoire :
- en raison de son état de santé,
- en représailles d'une attestation qu'il aurait faite le 15 février 2019 en faveur de M.[F], un ancien salarié dans le cadre d'un litige avec l'employeur devant le conseil de prud'hommes de Valence,
- car il avait relevé dans un entretien d'appréciation du 17 mai 2019, une absence d'égalité des chances au sein de la société.
M. [X] a fait l'objet d'une sanction le 11 juillet 2019, pour s'être allongé sur de la marchandise.
Ce fait fautif est démontré.
La cour relève que le fait que M. [X] ait établi une attestation au profit d'un salarié dans le cadre d'un litige prud'hommal, ou qu'il ait fait valoir une absence d'égalité des chances au sein de la société lors d'un entretien d'appréciation, n'est pas prévu par les dispositions précitées comme de nature à caractériser une discrimination directe ou indirecte.
Il convient donc d'examiner uniquement si l'employeur prouve que la sanction prononcée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de son état de santé.
Il résulte des pièces produites que M. [X] a été victime de deux accidents du travail, suite auxquels le médecin du travail a délivré :
- Un avis d'aptitude le 22 novembre 2017 mentionnant « Apte sans dépasser 900 colis »,
- Un avis d'aptitude le 19 mars 2019 mentionnant « Nécessité de maintenir l'aménagement antérieur (cadence et rendement moindres) et de rechercher un poste d'affectation avec moins de manutention. A revoir si besoin. »,
- Un avis d'aptitude le 24 mai 2019 mentionnant « Nécessité de maintenir l'aménagement antérieur (cadence et rendement moindres) et de rechercher un poste d'affectation avec moins de manutention. »
M. [X] produit en outre deux certificats médicaux du 02 septembre 2019, établis par le Dr [Z] médecin traitant, lequel indique avoir vu M. [X] pour des troubles du sommeil, et lui avoir prescrit un médicament à prendre avant le coucher.
Or il résulte de ces éléments que :
- M. [X] était apte au poste qu'il occupait, lequel prenait en compte un aménagement (cadence et rendement moindres),
- La réalité des faits reprochés est partiellement avérée, M. [X] ayant adopté un comportement contraires aux règles d'hygiène et de sécurité de l'entreprise,
- M. [X] ne peut alléguer qu'il prenait un médicament lui causant des troubles du sommeil pour justifier s'être assoupi, alors que le médecin du travail n'évoque aucun problème de cette nature, et que l'ordonnance lui prescrivant le traitement pour le sommeil a été établie trois mois après les faits reprochés.
Dès lors, la sanction prononcée n'apparait ni mal fondée, ni discriminatoire, de sorte que la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire sera rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
1-2 Sur la mise à pied disciplinaire du 23 août 2019 :
$gt; Sur le bien-fondé et la proportionnalité de la sanction :
M. [X] soutient que la mise à pied disciplinaire prononcée le 23 août 2019 n'est pas justifiée et/ou proportionnée à la faute commise.
La notification de la sanction par l'employeur mentionne que :
- Il est reproché au salarié, de manière réitérée, de ne pas respecter la quantité de colis contenus dans les commandes qu'il doit préparer, et notamment le 01 juillet 2019 où un colis était manquant,
- Cette difficulté lui a déjà été signalée lors des contrôles de sa production, les 08 février, 09 mars, 11 mai, 26 juin, et 02 juillet,
En outre, il résulte des pièces produites que :
- Les rapports des contrôles de préparation et le tableau des contrôles des commandes de M. [X] confirment les erreurs relevées aux dates visées,
- Le taux de fiabilité de M. [X] au 01 août 2019 (99,01 %) est inférieur au taux de fiabilité garanti par la société à ses clients (99,70 %),
- La société avait rappelé M. [X] à l'ordre le 12 mars 2019, suite au deux erreurs dj 08 février et du 09 mars dans la préparation de ses commandes, sanction qu'il n'a pas contestée,
- M. [X] ne peut se contenter d'affirmer que les erreurs proviennent d'un problème sur son dispositif de vocale, alors qu'il a soulevé ce problème uniquement pour le dernier incident, et que l'employeur indique dans le rapport procéder à la vérification de l'installation,
- M. [X] ne peut pas non plus soutenir que ces erreurs sont résiduelles compte tenu de la masse de colis pris en charge, eu égard au taux de fiabilité ci-dessus rappelé
- M. [X] ne peut enfin affirmer qu'il est le seul salarié à être sanctionné alors que l'employeur justifie de sanctions prononcées à l'égard d'autres salariés, notamment pour des erreurs constatées dans les commandes, et que d'autres faits fautifs qu'il a lui-même commis n'ont pas pour autant fait l'objet de sanctions (incidents du 17 juillet 2019 et du 13 septembre 2019)
Dès lors, l'ensemble de ces éléments établissent que les faits reprochés sont démontrés, et constituent une faute, dont la nature, la réitération et la gravité justifie la sanction prononcée.
$gt; Sur la discrimination :
M. [X] affirme là encore avoir fait l'objet d'une mesure discriminatoire, en raison de son état de santé.
M. [X] a fait l'objet d'une sanction le 23 août 2019.
Ce fait est établi.
Il convient donc d'examiner si l'employeur prouve que cette sanction est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La cour relève que :
- M. [X] était apte au poste qu'il occupait, lequel prenait en compte un aménagement (cadence et rendement moindres),
- La réalité des faits reprochés est avérée, non contestée par M. [X], et sans rapport avec le fait que le poste de M. [X] nécessitait de prendre en compte un aménagement,
Dès lors, ces éléments établissent que la sanction prononcée n'apparait ni mal fondé, ni discriminatoire, de sorte que la demande d'annulation de cette sanction sera rejetée, et ce par confirmation du jugement entrepris.
II- Sur la demande de dommages et intérêts :
La cour constate que le salarié fonde ses demandes de dommages et intérêts sur la demande d'annulation des deux mises à pied disciplinaires et sur le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité.
La cour ayant jugé que les deux mises à pied disciplinaires étaient fondées, la demande en paiement de dommages et intérêts ne sera examinée qu'au titre de la violation de l'obligation légale de sécurité.
Moyens des parties,
M. [X] soutient que la SAS ITM LAI a manqué à son obligation de sécurité, aux motifs que :
Il a été victime de deux accidents du travail, survenus à son poste de préparateur de commandes, qui lui ont laissé des séquelles, et le médecin du travail a préconisé un aménagement de son poste,
Malgré les restrictions médicales et la demande de recherche d'un poste sans manutention, sa situation n'a pas évolué entre le 19 mars et le 24 mai 2019,
La société ITM LAI a manqué à son obligation de sécurité puisqu'elle n'a pas tenu compte des préconisations du médecin du travail et a maintenu le salarié à son poste,
Il demande réparation du préjudice subi résultant du manquement à l'obligation de sécurité.
La SAS ITM LAI fait valoir pour sa part que :
Le salarié a toujours été déclaré apte à son poste de préparateur de commandes,
Elle a respecté les préconisations du médecin du travail et justifie des raisons pour lesquelles le salarié n'a pas été reclassé sur les postes de cariste et de nettoyeur en APM (après-midi) : un des postes n'a pas été validé par le médecin du travail, et M. [X] a refusé le second poste proposé,
Elle a proposé au salarié de passer son permis poids lourds conformément à son souhait, et a financé une formation à ce permis,
Le salarié exerce d'ailleurs les fonctions de conducteur routier de marchandises au sein d'un établissement de la société.
Réponse de la cour,
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
L'employeur est ainsi tenu, vis-à-vis de son personnel, d'une obligation légale de sécurité, en vertu de laquelle il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de chaque salarié.
En cas de litige, il lui incombe de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [X] a été victime de deux accidents du travail, suite auxquels le médecin du travail a délivré :
- Un avis d'aptitude le 22 novembre 2017 mentionnant « Apte sans dépasser 900 colis »,
- Un avis d'aptitude le 19 mars 2019 mentionnant « Nécessité de maintenir l'aménagement antérieur (cadence et rendement moindres) et de rechercher un poste d'affectation avec moins de manutention. A revoir si besoin. »,
- Un avis d'aptitude le 24 mai 2019 mentionnant « Nécessité de maintenir l'aménagement antérieur (cadence et rendement moindres) et de rechercher un poste d'affectation avec moins de manutention. »
Il résulte de ces pièces que le salarié était apte à son poste, le médecin préconisant uniquement de ne pas dépasser 900 colis, soit une cadence et un rendement moindres, puis de rechercher un poste avec moins de manutention à partir du 19 mars 2019.
L'employeur justifie en outre avoir rapidement recherché et proposé des solutions de reclassement à M. [X], puisque :
- L'entretien professionnel du 17 mai 2019 mentionne : « M.[J] souhaite passer son permis super lourd. Il veut changer de métier car il trouve qu'il n'y a pas d'égalité au sein de l'entreprise et au niveau des chances d'évolution. M. [X] doit revenir vers nous avec les informations sur son CPA pour pouvoir mettre cette formation. »
- L'entretien d'évaluation du 24 mai 2019 mentionne « [J] est un préparateur en restriction médicale à cause d'un AT. Il n'a pas voulu évoluer comme CARDES (à cause du conseil du médecin du travail) ou être nettoyeur en après-midi en remplacement ».
De plus, le souhait de M. [X] de passer son permis poids lourd a été pris en compte par la société qui a financé sa formation, de sorte qu'il occupe désormais la fonction de conducteur routier.
Par conséquent, il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun manquement ne peut être reproché à l'employeur au titre du respect de son obligation légale de sécurité, de sorte que la demande sera rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
Sur les demandes accessoires :
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
M. [X], partie perdante qui sera condamné aux dépens et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à la SAS ITM LAI la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- Débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes,
- Débouté la SAS ITM LAI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [X] aux dépens de l'instance.
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [X] aux dépens d'appel,
CONDAMNE M. [X] à payer la SAS ITM LAI la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,