La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2024 | FRANCE | N°21/03957

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 07 mars 2024, 21/03957


C 4



N° RG 21/03957



N° Portalis DBVM-V-B7F-LBHG



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Catherine LAUSSUCQ



la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES


<

br>SELARL FTN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2024





Appel d'une décision (N° RG 18/01245)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 09 septembre 2021

suivant déclaration d'appel du 16 septembre 2021





APPELANTES :



SELAFA MJA prise en la personne de Maître [G], ès quali...

C 4

N° RG 21/03957

N° Portalis DBVM-V-B7F-LBHG

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Catherine LAUSSUCQ

la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

SELARL FTN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2024

Appel d'une décision (N° RG 18/01245)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 09 septembre 2021

suivant déclaration d'appel du 16 septembre 2021

APPELANTES :

SELAFA MJA prise en la personne de Maître [G], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS ALLIAGE ASSURANCES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

S.E.L.A.R.L. FIDES prise en la personne de Maître [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS ALLIAGE ASSURANCES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentées par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Monsieur [S] [J]

né le 27 Janvier 1980 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Peggy FESSLER de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

Maître [T] [C], ès qualités de mandataire judiciaire (curateur) de la société SECURITIES & FINANCIAL SOLUTIONS EUROPE AGENCY

[Adresse 10]

[Adresse 10] / LUXEMBOURG

non représenté

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 9]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Florence NERI de la SELARL FTN, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 décembre 2023,

Jean-Yves POURRET, conseiller chargé du rapport et Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 15 février 2024, prorogé au 07 mars 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 07 mars 2024.

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [J], né le 27 janvier 1980, a été embauché le 3 septembre 2012 par la société de droit luxembourgeois Securities & Financial Solutions Europe (SFS Europe), dénommée société SFS Europe Agency, dont l'activité principale est le courtage d'assurances, en qualité de chargé de clientèle.

Selon avenants successifs, M. [S] [J] a été promu au poste de responsable d'agence à [Localité 8], directeur territorial pour la délégation territoriale SFS Alpes du Nord à [Localité 8], puis directeur territorial senior en charge de la direction régionale SFS Alpes du Nord et SFS Alpes du Sud.

Selon avenant applicable depuis le'15'mai'2017, M. [S] [J] occupait le poste de directeur régional SFS Alpes à [Localité 8] à titre principal et à [Localité 7] à titre secondaire, statut cadre de la classe E de la convention collective des entreprises de courtage d'assurance et de réassurance.

Il était soumis à une'convention'de forfait en jours prévoyant 216 jours de travail en contrepartie d'une rémunération fixe mensuelle de'3'408'euros augmentée d'une rémunération variable, outre plusieurs rémunérations variables sur objectifs, à savoir une rémunération d'objectifs trimestriels, une rémunération d'objectifs annuels, et une rémunération de super objectif annuel.

Suivant convention tripartite signée le 29 décembre 2017 avec effet au 1er janvier 2018 entre M.'[J] et les sociétés Alliage Assurances et Securities & Financial Solutions Europe le contrat de travail de M. [S] [J] a été transféré au sein de la société Alliage Assurances, avec notamment une reprise d'ancienneté au'3'septembre'2012.

Au mois d'avril 2018, M. [S] [J] s'est vu retenir la somme de 2'000 euros sur son bulletin de paie au titre de la régularisation d'un trop perçu de commissions.

Par courrier en date du 21 mai 2018, M. [S] [J] a notifié à la société SFS France sa démission.

Par courrier en réponse en date du 22 mai 2018, la société SFS France a accepté de le dispenser d'effectuer son préavis à compter du 1er juin 2018.

Lors de l'établissement du solde de tout compte, la société SFS France a retenu la somme de'4'667,74'euros au titre d'un trop perçu de commissions.

Par courrier en date du 2 juillet 2018, M. [S] [J] a contesté ce solde de tout compte et sollicité le paiement des sommes dues par l'employeur au titre de sa rémunération variable.

Le 12 juillet 2018, la société SFS Europe Agency a fait l'objet d'une procédure de liquidation amiable.

Finalement Maître'[T]'[C] a été désigné ès qualités de curateur de la société SFS Europe Agency.

La société Alliage Assurances a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 23 août 2018 puis d'une liquidation judiciaire suivant jugement en date du 27 septembre 2018, la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [I] [G], et la SELARL FIDES, prise en la personne de Maître [M] [O] étant désignées ès qualités de mandataires liquidateurs.

Par requête en date du 27 novembre 2018, M. [S] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble de prétentions dirigées contre la SELAFA MJA et la SELARL FIDES ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société SAS Alliage Assurances dénommée SFS France, et contre le liquidateur de la société SFS Europe Agency, en présence de l'AGS, aux fins d'obtenir la fixation au passif des sociétés SFS Agency Europe et Alliage Assurances de rappels de rémunération variable sur objectifs pour les années 2015 à 2017, la fixation au passif de la SAS Alliage Assurances du remboursement de retenues salariales injustifiées et afin d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte aux torts de l'employeur.

La SELAFA MJA et la SELARL FIDES, ès qualités de mandataires liquidateurs de la SAS Alliage Assurances se sont opposées aux prétentions adverses.

Maître [T] [C], ès qualités de mandataire judiciaire curateur de la société SFS Europe Agency ne s'est pas fait représenter et n'a pas comparu.

L'AGS-CGEA Ile-de-France Ouest a fait assomption de cause avec les mandataires liquidateurs de la société Alliage Assurances.

Par jugement en date du 9 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

Fixé la créance de M. [S] [J] au passif de la SAS Alliage Assurances, en liquidation judiciaire, «'représentée par Me ++'», ès qualités de liquidateur judiciaire, aux sommes suivantes':

- 2 000,00 € brut à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2015,

- 200,00 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 8 000,00 € brut à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2016,

- 800,00 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 6 000,00 € brut à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2017,

- 600,00 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 42 000,00 € brut à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs annuel 2016,

- 4 200,00 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 50 860,00 € brut à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs annuel 2016,

- 5 086,00 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 2 000,00 € brut à titre du remboursement de la retenue salariale effectuée au mois d'avril'2018,

- 200,00 € brut au titre des congés payés afférents,

- 4 667,74 € brut à titre du remboursement de la retenue salariale effectuée au mois de mai'2018 (solde de tout compte)

- 466,77 € brut au titre des congés payés afférents,

Débouté M. [S] [J] de sa demande de remboursement au titre des frais professionnels,

Dit que la démission de M. [S] [J] ne peut pas s'analyser en prise d'acte et débouté ce dernier de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamné la SAS Alliage Assurances au paiement de la somme de': 1 500,00 € au titre de l'article'700 du code de procédure civile,

Déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA [Localité 9] dans les limites des articles L.'3253-6 et suivants du code du travail,

Fixé les dépens au passif de la SAS Alliage Assurances, en liquidation judiciaire.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le'14'septembre 2021 pour la société SELAFA MJA, la SELARL FIDES et l'AGS CGEA [Localité 9], le 16 septembre 2021 pour M. [S] [J] et le 20 septembre 2021 pour Maître'Yann'Baden.

Par déclaration en date du 16 septembre 2021, la SELAFA MJA et la SELARL FIDES, ès qualités de mandataires liquidateurs de la SAS Alliage Assurances ont interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 mars 2023. L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 7 juin 2023, a été mise en délibéré au'14'septembre 2023.

Suivant arrêt avant dire droit en date du 14 septembre 2023, la cour a':

Ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats';

Invité les parties à présenter leurs observations sur le droit applicable et d'inviter l'association Unedic délégation AGS CGEA [Localité 9] à conclure sur la garantie des créances éventuelles du salarié à l'égard de la société de droit luxembourgeois placée en faillite ;

Réservé l'ensemble des prétentions au principal et accessoire ;

Renvoyé l'affaire à l'audience des plaidoiries du 13 décembre 2023';

Dit que les parties communiqueront leurs conclusions avant le 13 novembre 2023 ;

Dit que la clôture sera prononcée à la date du 30 novembre 2023 ;

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 27 octobre 2023, la SELAFA'MJA et la SELARL FIDES, ès qualités de mandataires liquidateurs de la SAS Alliage Assurances sollicitent de la cour de':

«'Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé solidairement au passif des sociétés SFS Europe Agency et Alliage Assurances les sommes suivantes :

- 2 000 € à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2015, outre la somme de'200 € au titre des congés payés y afférents ;

- 8 000 € à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2016, outre la somme de'800 € au titre des congés payés y afférents ;

- 6 000 € à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2017, outre la somme de'800 € au titre des congés payés y afférents ;

- 42 000 € à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs annuel 2016, outre la somme de'4'200€ au titre des congés payés y afférents ;

- 50 860 € à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs annuel 2017, outre la somme de'5'086€ au titre des congés payés y afférents ;

- 8 500, 81 € à titre de rappel de salaire sur prime de super objectif annuel 2015, outre la somme de 850,08 € au titre des congés payés y afférents ;

- Juger que le droit français est le droit applicable concernant strictement le contrat de travail qui a lié M. [J] à la société Alliage Assurances en l'absence de toute situation de co-emploi ayant existé entre la société Alliage Assurances et la société SFS EUROPE';

- Juger que la garantie des créances éventuelles de M. [J] par l'AGS à l'égard de la société SFS Europe, société de droit luxembourgeois se heurte au fait que :

- M. [J] échoue à rapporter la preuve d'une situation de co-emploi qui aurait existé entre la société Alliage Assurances et la société SFS Europe Agency, faute pour M. [J] de rapporter la preuve d'un quelconque prêt de main d''uvre illicite ou d'un quelconque co-emploi qui aurait existé entre les deux sociétés.

- M. [J] a été recruté par la Société SFS Europe puis son contrat de travail a été transférée au sein de la société Alliage dans le cadre d'une convention tripartite, mais ce dernier n'était ni expatrié, ni en position de détachement, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation (Cass. Soc. 28 Mars 2018, n°16-19086).

Dire et juger prescrites les demandes antérieures 21 mai 2015,

Le confirmer en ce qu'il a débouté M. [S] [J] du surplus de ses demandes,

En conséquence :

- Débouter M. [S] [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires aux- présentes ;

- Donner acte à M. [S] [J] de l'abandon des demandes d'indemnités compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis ;

- Condamner M. [S] [J] à verser à la SELAFA MJA et à la SELARL FIDES une somme de'1.000.00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Le condamner aux dépens.'»

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2023, M.'[S]'[J] sollicite de la cour de':

«'Juger que le droit applicable au présent litige est le droit français,

En conséquence,

Juger que l'UNEDIC Délégation AGS CGEA [Localité 9] doit garantir les créances salariales de

M. [J],

Juger que M. [S] [J] a été privé de sa rémunération variable de l'année 2015 à l'année'2017 et ainsi confirmer le jugement, sauf à rectifier l'erreur matérielle quant à la somme de 5.860 € au titre du rappel de salaire sur prime d'objectifs annuels 2017, et à rectifier l'omission de statuer quant au rappel de salaire sur prime de super objectifs annuels 2015 à hauteur de 8.500, 81 €,

En conséquence,

Juger que la créance de M. [S] [J], au titre de ses objectifs trimestriels, annuels, et super annuels, de 2015 à 2017 est commune aux sociétés Alliage Assurance et Securities & Financial Solutions Europe Agency,

Ordonner la fixation au passif de la SAS Alliage Assurances et condamner la société Securities & Financial Solutions Europe Agency, les/aux mêmes sommes, soit les sommes suivantes :

- 2.000 € à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2015, outre la somme de'200 € au titre des congés payés y afférents ;

- 8.000 € à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2016, outre la somme de'800 € au titre des congés payés y afférents ;

- 6.000 € à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2017, outre la somme de'600 € au titre des congés payés y afférents ;

- 42.000 € à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs annuel 2016, outre la somme de'4.200€ au titre des congés payés y afférents ;

- 50.860 € à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs annuel 2017, outre la somme de'5.086€ au titre des congés payés y afférents ;

- 8.500,81 € à titre de rappel de salaire sur prime de super objectif annuel 2015, outre la somme de 850, 08€ au titre des congés payés y afférents ;

Juger que la SAS Alliage Assurance a opéré des retenues injustifiées sur le salaire et le solde de tout compte de M. [S] [J];

Et ainsi confirmer le jugement quant au remboursement des retenues salariales effectuées sur les mois d'avril et mai 2018, et l'infirmer pour le surplus quant au remboursement des frais professionnels,

En conséquence,

Ordonner la fixation au passif de la SAS Alliage Assurances des sommes suivantes :

- 2.000 € bruts au titre du remboursement de la retenue salariale effectuée au mois d'avril'2018, outre la somme de 200 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 128,90 € au titre du remboursement des frais professionnels engagés au mois de mai'2018';

- 4.667,74 € bruts au titre du remboursement de la retenue salariale effectuée sur le solde de tout compte au mois de mai 2018, outre la somme de 466,77 € bruts au titre des congés payés afférents ;

Juger que la démission de M. [S] [J] doit s'analyser en prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ainsi infirmer le jugement dont appel,

En conséquence,

Infirmer le jugement et ordonner la fixation au passif de la SAS Alliage Assurances les sommes suivantes :

- 10.400 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 50.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Condamner en outre, la société Securities & Financial Solutions Europe Agency à payer à M.'[S]'[J] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'

Juger que la décision à intervenir sera opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA [Localité 9], Association déclarée, représentée par sa Directrice nationale, Madame'[L]'[N].'»

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2023, l'UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile-de-France Ouest rappelle les conditions de mise en 'uvre de sa garantie et sollicite de la cour de':

«'L'AGS fait expressément assomption de cause avec la SELAFA MJA et la SELARL FIDES,

ès-qualités en ce que celles-ci concluent à l'infirmation partielle du jugement déféré et au

débouté de l'ensemble des demandes de Monsieur [S] [J].

En conséquence,

Mettre l'AGS hors de cause.

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- Débouté M. [S] [J] de sa demande de remboursement au titre des frais professionnels,

- Dit que la démission de M. [S] [J] ne peut pas s'analyser en prise d'acte et déboute ce dernier de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 9 septembre 2021 en ce qu'il a :

- Fixé la créance de M. [S] [J] au passif de la SAS Alliage Assurances, représentée par la SELAFA MJA -prise en la personne de Maître [G]- et la SELARL FIDES -prise en la personne de Maître [M] [O]-, ès qualités de liquidateurs judiciaires, aux sommes suivantes':

- 2 000 € brut à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2015, outre la somme de 200 € brut au titre des congés payés y afférents ;

- 8 000 € brut à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2016, outre la somme de 800 € brut au titre des congés payés y afférents ;

- 6 000 € brut à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs trimestriel 2017, outre la somme de 800 € brut au titre des congés payés y afférents ;

- 42 000 € brut à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs annuel 2016, outre la somme de'4 200 € brut au titre des congés payés y afférents ;

- 50 860 € brut à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs annuel 2017, outre la somme de'5 086 € brut au titre des congés payés y afférents ;

- 2 000 € bruts au titre du remboursement de la retenue salariale effectuée au mois d'avril 2018, outre la somme de 200 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 4 667, 74 € bruts au titre du remboursement de la retenue salariale effectuée sur le solde de tout compte au mois de mai 2018 outre 466, 77 € bruts au titre des congés payés afférents.

Statuant à nouveau :

Vu l'article L. 3245-1 du code du travail,

Débouter M. [S] [J] de ses demandes de rappel de salaire pour la période antérieure au'18'mai'2015, celles-ci étant prescrites.

A titre subsidiaire,

Ramener le montant des dommages et intérêts sollicités par M. [S] [J] pour licenciement abusif au plancher bas fixé par l'article L. 1235-3 du code du travail soit 20.048,58 € (3 mois de salaire), cette somme ne pouvant, en tout état de cause, excéder l'indemnité maximale fixée audit article, soit'40.097,16 € (6 mois de salaire).

Sur les demandes à l'encontre de la société Securities & Financial Solutions Europe Agency :

Dire que le droit luxembourgeois est applicable au contrat de travail conclu entre M. [S] [J] et la société Securities & Financial Solutions Europe Agency,

Mettre l'AGS hors de cause

Subsidiairement,

Si par impossible la Cour devait considérer que le droit français est applicable au contrat de travail entre le salarié et la société SFS Europe Agency,

Constater que M. [S] [J] ne démontre pas avoir respecté les formalités de déclaration de créances dans le cadre de la procédure de faillite de la société Securities & Financial Solutions Europe Agency au Luxembourg.

En conséquence, pour le cas où la Cour ferait droit aux demandes de M. [S] [J], dire et juger que ses créances sont exclues du champ de garantie de l'AGS.

A titre très subsidiaire,

Si par impossible la Cour devait dire que les créances de M. [S] [J] à l'encontre de la société SFS Europe Agency relèvent du champ de garantie de l'AGS.

Vu les articles L.3253-18-4 et L.3253-18-5 du Code du travail,

Juger que la garantie de l'AGS est subsidiaire et ne saurait intervenir que sur production d'un relevé de créances et d'un document attestant de l'indisponibilité des fonds établis par l'organe compétent de la procédure ouverte à l'encontre de la société Securities & Financial Solutions Europe Agency

En tout état de cause,

Débouter le salarié de sa demande de condamnation à l'encontre de l'AGS, la décision à intervenir pouvant seulement lui être déclarée opposable (Cass. Soc. 26 janvier 2000 n° 494 P / Cass. Soc.'18 mars 2008 n° 554 FD), celle-ci étant attraite en la cause sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de commerce.

Débouter le salarié de toutes demandes de prise en charge par l'AGS excédant l'étendue de sa garantie, laquelle est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, lequel inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale ou d'origine conventionnelle imposée par la loi ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts.

Débouter le salarié de toute demande directe à l'encontre de l'AGS, l'obligation de l'AGS de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pouvant s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire (Art. L. 3253-20 du code du travail), les intérêts légaux étant arrêtés au jour du jugement déclaratif (Art. L. 621-48 du code de commerce).

Débouter le salarié de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette créance ne constituant pas une créance découlant du contrat de travail et, partant, se situe hors le champ de garantie de l'AGS ce conformément aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail.

Débouter le salarié de sa demande de condamnation de l'AGS aux dépens.'»

Par actes d'huissier en date du 16 février 2022 pour la SELAFA MJA et la SELARL FIDES, des 27 janvier 2022 et 28 novembre 2023 pour M. [S] [J] et des 21 janvier 2022 et 15 novembre 2023 pour l'Unedic délégation AGS-CGEA Ile-de-France Ouest, les parties ont signifié leurs conclusions à Me [T] [C], ès qualités de curateur de la société SFS Europe Agency, qui s'était vu signifier la déclaration d'appel par acte du 16 novembre 2021 en application du réglement CE 1393/2007 du 13 novembre 2007, le courrier recommandé adressé par l'huissier ayant été signé 18 novembre 2021 par Me [C] et Me [H], huissier de justice Luxembourgeois, mandaté par l'huissier français ayant remis ledit acte par exploit du 24 novembre 2021 à une personne présente à l'étude de Me [C] es qualités en son absence.

Me [C] es qualités n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 décembre 2023.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 13 décembre 2023, a été mise en délibéré au'15 février 2024, prorogé au 7 mars 2024.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire il convient de constater que les mandataires liquidateurs de la société Alliage Assurance ne sont pas contredits dans leur affirmation selon laquelle la société Alliage Assurance est devenue cessionnaire du contrat de travail du salarié à compter du'1er janvier 2018 en indiquant': «'A compter du 1er janvier 2018, le contrat de travail de Monsieur [J] était transféré au sein de la société Alliage Assurances (SFS FRANCE) avec une reprise d'ancienneté au 3 septembre 2012'».

1 ' Sur les demandes en paiement de rémunérations variables

1.1 ' Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Aux termes de'l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Les mandataires liquidateurs opposent une fin de non-recevoir tirée de la prescription aux demandes en rappel de salaire de M. [J] concernant les primes réclamées sur l'exercice'2015 pour les périodes antérieures au 18 mai 2015, eu égard à la date de sa démission intervenue le'18'mai 2018.

Or, sur l'exercice 2015, les demandes de M. [J] portent des rappels de salaires au titre d'une prime d'objectifs trimestriels et d'une prime de super objectif annuel pour lesquelles le contrat de travail prévoit qu'elles seront payées au salarié «'concomitamment à son salaire du mois de mars de l'année civile suivante'».

Il s'en déduit que les primes sollicitées sur l'exercice 2015 n'étaient pas exigibles avant le mois de mars'2016 de sorte que le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à cette date.

Les demandes en rappel de salaire sur primes d'objectifs se rapportant à l'année 2015 ne sont donc pas atteintes par la prescription triennale et la fin de non-recevoir doit être rejetée.

1.2 ' Sur les effets du transfert du contrat de travail

A titre liminaire la cour observe qu'au terme du dispositif qui seul lie la cour par application de l'article 954 du code de procédure civile, M. [J] sollicite paiement de rappels de salaire au titre de plusieurs primes sur objectifs des exercices 2015, 2016 et 2017 en demandant à voir «'ordonner la fixation au passif de la société Alliage Assurances'et'condamner la société SFS Europe Agency aux mêmes sommes'» sans solliciter de condamnation solidaire ni invoquer de co-emploi.

Dès lors, les moyens soulevés par les mandataires liquidateurs relatifs aux obligations solidaires et au co-emploi ne sont pas pertinents.

Aux termes de l'article L 1224-1 du code du travail lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

L'article L 1224-2 du même code énonce':

Le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants:

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.

Il résulte de ces dispositions que, sauf substitution d'employeurs intervenue dans le cadre d'une procédure collective ou sans qu'il existe de convention entre eux, le nouvel employeur est tenu, à l'égard du salarié dont le contrat subsiste, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification.

Ces dispositions d'ordre public s'imposent en cas de transfert d'une entité économique autonome, laquelle est caractérisée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

M. [J], qui soutient que le nouvel employeur est tenu des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date du transfert du contrat, vise des décisions appliquant ces dispositions dans le cadre du transfert d'une entité économique autonome.

Aussi, il verse aux débats la convention tripartite signée le'29'décembre'2017 qui précise « La direction générale de SFS Europe Agency ayant informé le salarié du transfert des activités françaises au sein de SFS France via une note d'information diffusée le 20 décembre 2017, considérant que préalablement les membres de la Délégation Unique du Personnel Elargie, réunis en Comité d'entreprise extraordinaire en date du 12 décembre 2017, ont émis un avis favorable sur le transfert des collaborateurs relevant du droit français dans le cadre d'une information-consultation, considérant enfin que le Salarié a été informé via la note précitée des raisons et motifs du transfert envisagé, les Parties se sont donc rapprochées et ont décidé de rédiger le présent de contrat de travail tripartite à durée indéterminée opérant transfert du salarié au sein de SFS France'['] ».

Il ressort en outre des termes cette convention que le lieu de travail du salarié était fixé dans les mêmes locaux et bureaux et que le salarié bénéficiait des mêmes clauses de rémunération variable sur objectifs fixés en fonction des chiffres d'affaires encaissés par la direction régionale SFS Alpes.

Ces éléments mettant en évidence le transfert de l'ensemble des éléments relatifs aux activités françaises d'une société de droit luxembourgeois vers une société française avec les personnel et les moyens afférents poursuivant un objectif propre suffisent à caractériser le transfert d'une entité économique autonome de sorte que les dispositions des articles L 1224-1 et L 1224-2 sont applicables.

Dès lors, si la société Alliage Assurance est seule tenue envers M. [J] aux obligations et au paiement des créances résultant de la poursuite du contrat de travail après la prise d'effet du transfert le 1er janvier 2018, le salarié peut agir à l'encontre des deux employeurs successifs pour obtenir paiement des créances salariales échues à la date du transfert.

1.3 ' Sur les demandes en rappels de rémunération

En application de l'article 1134, devenu 1103 du code civil, une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, qu'elle ne fait pas porter le risque d'entreprise sur le salarié et n'a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels.

Lorsque la part variable de rémunération est subordonnée à la réalisation d'un objectif fixé d'un commun accord et qu'aucun accord n'est intervenu entre l'employeur et le salarié à ce sujet, il incombe alors au juge de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes.

Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

Contrairement à ce que soutiennent les mandataires appelants, il appartient donc à l'employeur de justifier des résultats comptables réalisés pendant les périodes sur lesquelles portent les rémunérations variables revendiquées.

En premier lieu, les avenants applicables au cours des années 2015 à 2017 prévoient le paiement d'une rémunération au titre d'objectifs trimestriels, fixée forfaitairement à la somme de'2.000'euros pour chacun des quatre trimestres civils de l'année considérée, sous la condition de réalisation d'un chiffre d'affaires net encaissé.

Or, pour les périodes de janvier 2015 à juillet 2015, de juillet 2015 à mars 2017 et de mars 2017 à janvier 2018, les employeurs successifs n'apportent aucun élément pertinent sur la réalisation des objectifs trimestriels, sans s'expliquer sur le fait qu'il n'a pas perçu de rémunération des objectifs trimestriels pour le quatrième trimestre 2015, ni pour les quatre trimestres de l'année 2016, ni pour trois des quatre trimestres de l'année 2017.

En conséquence, confirmant le jugement déféré, il y a lieu de fixer la créance de M. [J] au passif de la procédure collective suivie contre la société Alliage Assurance à la somme de'16'000'euros brut à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable des objectifs trimestriels des exercices 2015, 2016 et 2017, outre 1'600 euros brut au titre des congés payés afférents.

En second lieu, les avenants applicables au cours des années 2016 et 2017 définissent une rémunération des objectifs annuels, fixée à hauteur de 2% du chiffre d'affaires net encaissé par la direction régionale SFS compétente pour la zone régionale Alpes du Nord pour l'exercice 2016 et à hauteur de 2% pour la zone Alpes pour l'exercice 2017.

Or les employeurs successifs n'apportent pas d'élément sur les sommes encaissées sur cette période ni ne justifient s'être acquittés du paiement de cette rémunération variable, alors que pour sa part, le salarié justifie du chiffre d'affaires réalisé en 2016 (2'100'907 €) ainsi qu'en 2017 (2'543'000 €),

En conséquence, confirmant le jugement déféré, il y a lieu de fixer la créance de M. [J] au passif de la procédure collective suivie contre la société Alliage Assurance aux sommes de':

- 42'000,00 euros brut au titre de la rémunération variable sur l'objectif annuel de l'année'2016, outre 4'200,00 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 50'860,00 euros brut au titre de la rémunération variable sur l'objectif annuel de l'année'2017, outre 5'086,00 euros bruts au titre des congés payés afférents.

En troisième lieu, les avenants applicables définissent une rémunération variable de super objectif annuel fixée à 2% calculée sur l'excédent de «'CA net, net SFS'» encaissé par la direction régionale compétente pour l'année civile de référence, si cet excédent de «'CA net SFS'» est supérieur à 144% du minimum de production annuel fixé.

Or, les employeurs successifs n'apportent pas d'élément sur le chiffre d'affaires net SFS encaissé alors que pour sa part, le salarié produit le chiffre d'affaires réalisé concernant l'exercice 2015 (1.939.516€) représentant 147 % de l'objectif fixé (1.315.000 €) justifiant le versement d'une rémunération de super objectif de 12'490,32 euros pour l'année 2015.

Tenant compte du versement d'un montant de'3'989,51 euros au lieu de 12'490,32 euros, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a omis de statuer de ce chef en son dispositif, et de fixer la créance de M. [J] au passif de la procédure collective suivie contre la société Alliage Assurance à la somme de'8'500,81 euros brut au titre au titre du solde de rémunération variable sur objectif annuel pour l'année 2015, outre 850,08 euros brut au titre des congés payés afférents.

1.4 ' Sur les prétentions dirigées contre la société SFS Europe Agency

D'une première part, en application des dispositions de l'article L 1224-2 précitées, la société SFS Europe Agency est tenue au paiement des mêmes sommes.

D'une seconde part, le Règlement européen n° 2015-848 du 20 mai 2015 qui permet de régler les conflits de loi entre Etats membres en matière de faillites transnationales énonce'en son article'7':

«'1. la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel cette procédure est ouverte (ci-après dénommé « Etat d'ouverture »).

2. La loi de l'Etat d'ouverture détermine les conditions liées à l'ouverture, au déroulement et à la clôture de la procédure d'insolvabilité. Elle détermine notamment les éléments suivants':

(.-1 h) les règles régissant la production, la vérification et l'admission des créances ».

Or, par jugement en date du 27 juillet 2018, désormais versé aux débats, le tribunal de commerce de Luxembourg a :

- Déclaré sur aveu en état de faillite la société SFS Europe ;

- Fixé provisoirement la date de cessation de paiement au 27 janvier 2018 ;

- Désigné Madame [P] [R] ès qualité de juge commissaire, et Maître [T] [C], Avocat à la Cour, ès-qualité de curateur de la société SFS Europe.

L'article 466 du Code de commerce du Luxembourg dispose :

« Par le jugement qui déclarera la faillite, le tribunal d'arrondissement siégeant en matière commerciale nommera un juge-commissaire et ordonnera l'apposition des scellés. Il désignera un ou plusieurs curateurs, selon l'importance de la faillite. Il ordonnera aux créanciers du failli de faire au greffe la déclaration de leurs créances dans un délai qui ne pourra excéder vingt jours à compter du jugement déclaratif, et il indiquera les journaux dans lesquels ce jugement et celui qui pourra fixer ultérieurement l'époque de la cessation de paiement seront publiés, conformément à l'article 472 ».

Si le jugement du Tribunal de Commerce de Luxembourg du 27 juillet 2018 a fixé la date limite pour procéder à la déclaration des créances au 10 août 2018, il n'est pas justifié de la notification et de l'opposabilité de ce délai à M. [J].

Au contraire, par courrier en date du 1er mars 2019, Maître [T] [C], avisé de la présente procédure engagée devant le conseil de prud'hommes de Grenoble a informé le conseil de M.'[J] de la nécessité de déclarer la créance devant le tribunal de Luxembourg.

Et le conseil de M. [J] justifie désormais avoir déclaré sa créance auprès du tribunal de commerce de Luxembourg, par courrier recommandé visé le 8 avril 2019 pour un montant total de'83'600 euros au titre de la requête déposée devant le conseil de prud'hommes de Grenoble.

Dès lors il convient de fixer les mêmes sommes au passif de la procédure collective suivie contre la société de droit luxembourgeois SFS Europe Agency.

2 ' Sur les prétentions relatives aux retenues salariales dirigées contre la société Alliage Assurance

Il ressort des circonstances de l'espèce que la société Alliage Assurance a procédé, sur le salaire d'avril 2018 et sur le solde de tout compte de mai 2018, à des retenues salariales représentant un montant total de 6'667,74 euros bruts.

Les mandataires appelants se réfèrent à un courriel de la société SFS Europe Agency en date du'30'mai 2017 faisant état d'erreurs commises sur «'le taux de commissionnement d'un certain nombre d'affaires en renouvellement'» en produisant un nouveau calcul de ces commissions sur la période de janvier 2015 à mars 2017.

Toutefois ils n'explicitent et encore moins ne prouvent le bien-fondé de la rectification alléguée, ni ne versent d'élément concernant le taux de commissionnement applicable.

Aussi, il est indifférent que le salarié ne justifie pas avoir réclamé le remboursement de cette somme avant l'introduction de l'instance.

En conséquence, confirmant le jugement déféré, il y a lieu de fixer la créance de M. [J] au passif de la procédure collective suivie contre la société Alliage Assurance à la somme de'6'667,74'euros brut au titre de cette retenue sur salaire injustifiée, outre 666,77 euros bruts au titre des congés payés afférents.

3 ' Sur les prétentions relatives au remboursement de frais professionnels de mai 2018 dirigées contre la société Alliage Assurance

Aux termes de l'article 6 de la convention tripartite du 29 décembre 2017 les frais professionnels du salarié étaient remboursés sur la base d'un tableau standardisé complété de leur détail et transmis électroniquement le dernier jour ouvré de chaque mois, le salarié devant remettre au plus tard le 5 du mois suivant, les justificatifs se rapportant aux frais supportés le mois précédent.

En l'espèce M. [J] produit le tableau établi le 3 juin 2018 au titre des frais engagés en mai'2018'se chiffrant à 128,90 euros mais s'abstient de produire les justificatifs des frais détaillés dans ce tableau de sorte qu'il échoue à établir le bien fondé de sa demande.

Par confirmation du jugement entrepris, il est donc débouté de ce chef de prétention.

4 ' Sur les prétentions relatives à la rupture du contrat de travail dirigées contre la société Alliage Assurance

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, la remet en cause en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, il appartient à la cour d'apprécier s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque.

Dans cette hypothèse, la démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient et dans le cas contraire d'une démission.

L'existence d'un lien de causalité entre les manquements imputés à l'employeur et l'acte de démission est nécessaire. Ce lien est établi si lesdits manquements sont antérieurs ou au moins contemporains de la démission, et s'ils avaient donné lieu à une réclamation, directe ou indirecte du salarié afin que l'employeur puisse rectifier la situation.

Ainsi, même émise sans réserve, une démission est nécessairement équivoque si le salarié parvient à démontrer qu'elle trouve sa cause dans des manquements antérieurs ou concomitants de l'employeur.

Il incombe au salarié d'établir, que les manquements reprochés à l'employeur, ont donné lieu à un différend antérieur ou contemporain à la démission.

En l'espèce le salarié a présenté sa démission par courrier daté du 21 mai 2018 ne mentionnant aucune réserve ou grief à l'encontre de son employeur.

Puis, par courrier recommandé en date du 2 juillet 2018, M. [J] a mis en demeure la société'Alliage Assurances de lui verser les retenues sur salaire opérées en avril et mai 2018 ainsi que des rémunérations variables en précisant notamment «'Cette saisie sur mon salaire d'avril 2018 a fini par me contraindre à donner ma démission car cela m'a mis dans des difficultés financières, et vous a permis d'arriver à vos fins' sans que cela ne vous coûte un euro' et cela malgré mes plus de 5 années de dévouement total à la création de richesse pour le groupe SFS' [']'».

Aussi, il ressort des échanges de courriels de mai 2017 relatifs à une rectification du taux de commissionnement, que le salarié avait contesté la régularisation de commissions qui lui était réclamée par l'employeur pour un montant équivalent aux retenues de salaire opérées en avril et mai 2018.

En tout état de cause, ces reproches exprimés dès le 2 juillet 2018, soit moins de deux mois après la lettre de démission du 21 mai 2018, caractérisent un différend contemporain à la démission puisqu'ils sont exprimés dans un temps proche de cette décision.

En outre ces reproches ne visent pas des manquements anciens mais une retenue opérée sur le salaire d'avril 2018, soit dans le mois précédent sa démission.

Or, il est jugé que cette retenue a été opérée de manière injustifiée par l'employeur.

Ce manquement de l'employeur se révèle suffisamment grave pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail en ce qu'il affecte des droits essentiels du salarié, s'agissant d'une part conséquente de la rémunération mensuelle due.

Aussi, il est indifférent que le salarié ait pu obtenir un nouvel emploi dès le mois de juin 2018, tel que le mentionne les informations enregistrées sur son profil LinkedIn.

En conséquence, la démission de M. [J] s'analyse en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

La rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [J] est fondé à obtenir paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement dont le montant ne fait l'objet d'aucune critique utile par les représentants de l'employeur.

En conséquence, infirmant le jugement déféré, il y a lieu de fixer la créance de M. [J] au passif de la procédure collective suivie contre la société Alliage Assurance à la somme de'10'400 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Par ailleurs, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte.

En l'espèce M. [J] disposait d'une ancienneté de cinq années entières au sein de l'entreprise et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois et six mois de salaire.

Âgé de 38 ans à la date de la rupture, il percevait un salaire mensuel moyen de 6'682,86 euros brut.

Il ne justifie aucunement de sa situation ultérieure au regard de l'emploi alors que les informations enregistrées sur son profil LinkedIn, produit par les appelants, mentionnent une embauche à compter de juin 2018 par le cabinet de courtage [Adresse 6] en qualité de directeur du développement.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer la créance de M. [S] [J] au passif de la procédure collective suivie contre la société Alliages Assurances à un montant de'21'000 euros brut à titre de dommages et intérêts.

Le jugement dont appel est donc infirmé de ce chef.

5 ' Sur la garantie de l'AGS

L'association UNEDIC délégation AGS conteste devoir garantir les créances salariales de M.'[J] à l'encontre de la société SFS Europe Agency et soutient, sans être critiquée sur ce point par M. [J], que la directive 2001/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001, concernant l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurance, n'est pas applicable au regard de la spécificité de l'activité principale de la société SFS Europe Agency, courtier en assurances.

D'une première part, il résulte des dispositions de'l'article L. 3253-18-1 du code du travail, que les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du même code assurent le règlement des créances impayées des salariés qui exercent ou exerçaient habituellement leur activité sur le territoire français, pour le compte d'un employeur dont le siège social, s'il s'agit d'une personne morale, ou, s'il s'agit d'une personne physique, l'activité ou l'adresse de l'entreprise est située dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen, lorsque cet employeur se trouve en état d'insolvabilité.

L'article L. 3253-18-2 prévoit qu'un employeur est considéré comme se trouvant en état d'insolvabilité au sens de l'article L. 3253-18-1 lorsqu'a été demandée l'ouverture d'une procédure collective fondée sur son insolvabilité, prévue par les dispositions législatives, réglementaires et administratives d'un Etat membre de la Communauté européenne ou de l'espace économique européen, qui entraîne le dessaisissement partiel ou total de cet employeur ainsi que la désignation d'un syndic ou de toute personne exerçant une fonction similaire à celle du mandataire judiciaire, de l'administrateur judiciaire ou du liquidateur, et que l'autorité compétente en application de ces dispositions a, soit décidé l'ouverture de la procédure, soit constaté la fermeture de l'entreprise ou de l'établissement de l'employeur ainsi que l'insuffisance de l'actif disponible pour justifier l'ouverture de la procédure.

Il ressort des circonstances de l'espèce que la société SFS Europe Agency, employeur, a son siège au Luxembourg, membre de l'Union européenne, qu'elle fait l'objet d'une procédure de faillite, et que M. [J] a exercé son activité en France.

Il s'en déduit que ces dispositions, lesquelles prévoient notamment la subsidiarité de l'intervention de l'AGS uniquement lorsque les créances ne peuvent être réglées sur les fonds disponibles, sont applicables.

L'article L. 3253-18-4 prévoit en particulier que les fonds sont versés par l'AGS sur présentation par le syndic étranger ou par toute autre personne exerçant une fonction similaire à celle du mandataire judiciaire, de l'administrateur judiciaire ou du liquidateur, des relevés de créances impayées.

Dès lors, il convient de rejeter la demande de mise hors de cause formée de ce chef par l'UNEDIC délégation AGS CGEA [Localité 9], de déclarer le jugement commun et opposable à l'AGS et de dire que l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA [Localité 9] doit sa garantie selon les modalités explicitées au dispositif du présent arrêt, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux'articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, étant précisé qu'en application de l'article L.'3253-17 du code du travail tel que modifié par loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016, le plafond de garantie de l'AGS s'entend en montants bruts et retenue à la source de l'article 204 A du code général des impôts incluse.

La décision entreprise est infirmée de ce chef.

7 ' Sur les prétentions accessoires

La société Alliage Assurance partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

En conséquence, il convient de rejeter la demande indemnitaire des appelants au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M [J] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société Alliage Assurance à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- Fixé la créance de M. [S] [J] au passif de la procédure collective suivie contre la société Alliage Assurances (SAS) aux sommes de :

- 16 000,00 euros brut à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable d'objectif trimestriel des exercices 2015, 2016 et 2017, outre 1 600 euros brut au titre des congés payés afférents

- 42 000,00 euros brut au titre de la rémunération variable sur objectif annuel pour l'année'2016, outre 4 200,00 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 50 860,00 euros brut au titre de la rémunération variable sur objectif annuel pour l'année'2017, outre 5 086,00 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 6 667,74 euros brut au titre des retenues injustifiées sur salaire, outre 666,77 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 8 500,81 euros brut au titre au titre du solde de rémunération variable sur objectif annuel pour l'année 2015 outre 850,08 euros brut au titre des congés payés afférents,

- Débouté M. [S] [J] de sa demande en remboursement de frais professionnels,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs d'infirmation et y ajoutant,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

FIXE la créance de M. [S] [J] au passif de la procédure collective suivie contre la société Alliage Assurances (SAS) à la somme de 8 500,81 euros brut au titre au titre du solde de rémunération variable sur objectif annuel pour l'année 2015 outre 850,08 euros brut au titre des congés payés afférents,

FIXE la créance de M. [S] [J] au passif de la procédure collective suivie contre la société de droit luxembourgeois Securities & Financial Solutions Europe Agency aux mêmes sommes s'agissant des créances de :

- 16 000,00 euros brut à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable au titre des objectifs trimestriels des exercices 2015, 2016 et 2017, outre 1 600 euros brut au titre des congés payés afférents

- 42 000,00 euros brut au titre de la rémunération variable sur objectif annuel pour l'année'2016, outre 4 200,00 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 50 860,00 euros brut au titre de la rémunération variable sur objectif annuel pour l'année'2017, outre 5 086,00 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 8 500,81 euros brut au titre au titre du solde de rémunération variable sur objectif annuel pour l'année 2015 outre 850,08 euros brut au titre des congés payés afférents,

DIT que les sommes fixées à la fois au passif de la société de droit Luxembourgeois Securities & Financial Solutions Europe Agency et de celui société Alliage Assurances au bénéfice de M. [J] sont des créances conjointes

DIT que la démission de M. [S] [J] par courrier du 21 mai 2018 s'analyse en prise d'acte de la rupture qui emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

FIXE la créance de M. [S] [J] au passif de la procédure collective suivie contre la société Alliage Assurance aux sommes de :

- dix mille quatre cents euros (10 400 euros) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- vingt-et-un mille euros (21 000 euros) brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

REJETTE la demande de mise hors de cause de l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA [Localité 9]';

DECLARE le présent arrêt commun et opposable de plein droit à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA [Localité 9]';

DIT que l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA [Localité 9]'doit sa garantie dans les conditions des articles L 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes, retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts incluse ;

DEBOUTE la SELAFA MJA et la SELARL FIDES, ès qualités de mandataires liquidateurs de la SAS Alliage Assurances de leurs prétentions au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Alliage Assurances (SAS) à payer à M. [S] [J] la somme de'2'500'euros au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la société Alliage Assurances (SAS) aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/03957
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;21.03957 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award