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07/03/2024 | FRANCE | N°22/00194

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 07 mars 2024, 22/00194


C 2



N° RG 22/00194



N° Portalis DBVM-V-B7G-LF66



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET



la SELARL A PRIM

AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2024





Appel d'une décision (N° RG 21/00065)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 09 décembre 2021

suivant déclaration d'appel du 10 janvier 2022





APPELANTE :



Madame [FI] [IG]

née le 09 Octobre 1967 à [Localité 6]

de nationalité Fr...

C 2

N° RG 22/00194

N° Portalis DBVM-V-B7G-LF66

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

la SELARL A PRIM

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2024

Appel d'une décision (N° RG 21/00065)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 09 décembre 2021

suivant déclaration d'appel du 10 janvier 2022

APPELANTE :

Madame [FI] [IG]

née le 09 Octobre 1967 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

E.U.R.L. ADRIACO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Sandrine MOUSSY de la SELARL A PRIM, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sylvie ESCALIER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 novembre 2023,

Jean-Yves POURRET, conseiller chargé du rapport et Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 07 mars 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 07 mars 2024.

EXPOSÉ DU LITIGE

Les sociétés Adriaor et Adriaco, dont la gérante est Mme [XL], exploitent des établissements de restauration rapide sous l'enseigne MacDonald's, situés respectivement à [Localité 7] et à [Localité 3].

La convention collective applicable est la convention collective nationale de la restauration rapide du 18 mars 1988.

Mme [FI] [IG] a été embauchée par la société Adriaor le 25 septembre 2014 en qualité d'équipière polyvalente, catégorie employé, niveau 1, échelon 1 suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une durée mensuelle de travail de 103,92 heures.

Selon six avenants au contrat de travail, Mme [IG] a été détachée temporairement au sein du restaurant McDonald's géré par la SARL Lunea à [Localité 5] entre le 15 et le 24 octobre 2014.

Suivant convention de transfert en date du 25 octobre 2014, le contrat de travail de Mme [IG] a été transféré à la société Adriaco à compter du 1er novembre 2014 afin d'exercer ses fonctions au sein du restaurant de [Localité 3].

Par avenant en date du 1er décembre 2014, la durée mensuelle de travail de Mme [IG] est passée à 108,25 heures.

Mme [FI] [IG] a bénéficié d'un arrêt de travail du 2 au 6 février 2015.

Par avenant en date du 1er avril 2015, la durée mensuelle de travail de Mme [IG] est passée à 121,24 heures.

Mme [FI] [IG] a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 29 juillet 2015 renouvelé jusqu'au 15 septembre 2015.

Elle a de nouveau bénéficié d'un arrêt de travail du 16 au 23 novembre 2015, puis d'un nouvel arrêt de travail à compter du 25 novembre, renouvelé jusqu'au 15 mars 2016.

Par avis en date du 16 juin 2016, le médecin du travail a déclaré inapte Mme [FI] [IG] dans les termes suivants : « Inapte définitif à ce poste dans cette entreprise et cet établissement pour danger grave et immédiat. Il n'y aura pas de 2nde visite. Une mutation dans un autre établissement est possible. »

Par courrier en date du 27 juin 2016, la société Adriaco a proposé à Mme [IG] un poste de reclassement au sein de la société Adriaor, que la salariée a refusé par courrier en date du 30 juin 2016.

Par courrier en date du 1er juillet 2016, la société Adriaco a convoqué Mme [FI] [IG] à un entretien préalable le 13 juillet 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 juillet 2016, la société Adriaco a notifié à Mme [FI] [IG] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Dans l'intervalle, par requête du 12 juillet 2016, Mme [FI] [IG] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison d'un harcèlement moral subi.

La société Adriaco s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 9 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu a :

DIT ET JUGÉ que Mme [FI] [IG] n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral ;

DIT ET JUGÉ que la société Adriaco n'a commis aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail de Mme [FI] [IG] ;

DIT ET JUGÉ que le licenciement de Mme [FI] [IG] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTÉ Mme [FI] [IG] de l'ensemble de ses demandes ;

DÉBOUTÉ les parties de toutes leurs autres demandes, tant principales, subsidiaires et infiniment subsidiaires, que reconventionnelles ;

MIS les entiers dépens à la charge de Mme [FI] [IG].

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 14 et 15 décembre 2021.

Par déclaration en date du 10 janvier 2022, Mme [IG] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [IG] demande à la cour d'appel de :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Adriaco de sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner Mme [IG] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

LE REFORMER pour le surplus et, statuant à nouveau,

JUGER que Mme [IG] a été victime d'agissements de harcèlement moral,

JUGER que la société Adriaco a violé ses obligations de prévention et de sécurité,

JUGER que la société Adriaco a manqué à son obligation de reclassement,

A titre principal,

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [IG] aux torts exclusifs de son employeur,

JUGER que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, en raison des manquements de l'employeur à ses obligations à l'origine de celle-ci,

CONDAMNER la société Adriaco à verser Mme [IG] les sommes suivantes :

1 329,59 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 132,95 euros brut au titre des congés payés afférents ;

13 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire,

JUGER que le licenciement notifié à Mme [IG] est nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison des agissements fautifs de l'employeur à l'origine de l'inaptitude,

CONDAMNER la société Adriaco à verser Mme [IG] les sommes suivantes :

1 329,59 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 132,95 euros brut au titre des congés payés afférents ;

13 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre infiniment subsidiaire,

JUGER que le licenciement notifié à Mme [IG] est sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement,

CONDAMNER la société Adriaco à verser Mme [IG] les sommes suivantes :

1 329,59 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre

132,95 euros brut au titre des congés payés afférents ;

13 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

CONDAMNER la société Adriaco à verser à Mme [IG] les sommes suivantes :

15 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral sur le fondement de l'article 1152-1 du Code du travail,

15 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du travail,

CONDAMNER la société Adriaco à verser à Mme [FI] [IG] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la même aux entiers dépens,

DEBOUTER la société Adriaco de l'intégralité de ses demandes.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 juillet 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Adriaco demande à la cour d'appel de :

DIRE ET JUGER régulier mais mal fondé l'appel engagé par Mme [FI] [IG] à l'encontre du jugement du Conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu du 9 décembre 2021 ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que Mme [FI] [IG] n'avait pas été victime de harcèlement moral de la part de la société Adriaco ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la société Adriaco n'avait pas manqué à son obligation de sécurité ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [IG] tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Adriaco ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [IG] reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

CONFIRMER en conséquence le jugement en ce qu'il a débouté Mme [IG] de l'ensemble de ses condamnations formulées à l'encontre de la société Adriaco ;

Et Statuant à nouveau :

ACCUEILLIR son appel incident ;

DONNER ACTE à Mme [IG] de ce qu'elle ne présente pas de demande de dommages et intérêts spécifique au titre d'un manquement de la société Adriaco à l'obligation de sécurité ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la société Adriaco de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de Mme [IG] ;

CONDAMNER en conséquence Mme [IG] à payer à la société Addriaco la somme totale nette de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNER Mme [IG] à payer à la société Addriaco la somme totale nette de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Mme [IG] aux éventuels dépens de première instance et d'appel.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023.

L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 29 novembre 2023 ; la décision a été mise en délibéré le 7 mars 2024.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur les demandes au titre du harcèlement moral et de la prévention du harcèlement moral :

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

À ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

En cas de litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

En l'espèce, Mme [IG] ne matérialise pas les éléments de faits suivants :

(1) En premier lieu, Mme [IG] produit un document relatif, selon elle, au client mystère et à la façon de les détecter et de les servir, qui manque toutefois de valeur probante en ce qu'aucun élément concret ne permet de rattacher ce document à la Société Adriaco et qu'il n'est pas daté, de sorte qu'elle n'établit pas que les salariés devaient identifier la présence d'un client mystère afin de le traiter correctement en vue d'avoir une bonne appréciation.

(2) En deuxième lieu, s'agissant du manquement à l'obligation de sécurité, la salariée verse aux débats l'attestation de Mme [AB] [U] relative à un incident survenu en septembre 2016 au cours duquel elle a glissé devant le grill et dans laquelle elle indique « par réflexe je pose le bras droit sur le grill pour me rattraper, j'avais une marque formée sur la peau à l'emplacement de la brûlure », photo de la blessure produite à l'appui.

Toutefois, il ressort de ladite attestation que Mme [U] « trouve inadmissible l'utilisation de cette photo prise une semaine après cette brûlure sans peau, pour prétendre que le nettoyage de grill est réalisé sans gants » et que « j'ai jugé moi-même que cette blessure n'entrait pas dans le cadre d'un accident de travail et était de ma seule responsabilité. Les soins pratiqués par moi-même ont été bénéfiques puisque je n'ai aucune séquelle. Je ne peux laisser dire n'importe quoi sur l'entreprise McDonalds de [Localité 3]. Sachez que cette entreprise est en adéquation avec ma déontologie concernant la qualité, la sécurité et l'environnement. »

Et Mme [IG] ne produit aucun élément permettant d'établir que Mme [U] serait sous « l'emprise de Mme [XL] » et que son attestation serait de complaisance en faveur de cette dernière.

Dès lors, cet élément de fait propre à Mme [U] n'est pas suffisamment établi et ne permet donc pas de démontrer un manquement à l'obligation de sécurité de la part de la société Adriaco.

(3) En troisième lieu, le seul fait que l'employeur ait porté plainte pour faux témoignages à l'égard des salariés ayant saisi la juridiction prud'homale ne suffit pas à caractériser une hostilité de sa part, quand bien même la plainte a été classée sans suite par le Procureur, dès lors qu'il n'a fait qu'exercer l'un de ses droits et qu'il justifie son dépôt de plainte en raison des témoignages croisés entre les salariés qu'il considère erronés.

(4) En quatrième lieu, le jugement du conseil de prud'hommes dans l'affaire opposant Mme [SW] à la société Adriaor et reconnaissant l'existence d'un harcèlement moral est sans portée probatoire dès lors que la situation individuelle de Mme [SW] est distincte de celle de Mme [IG] et ce d'autant que l'employeur a fait appel de cette décision qui n'a dès lors pas de caractère définitif.

(5) En cinquième lieu, s'agissant de l'achat de chaussures antidérapantes de sécurité, alors que Mme [SW] déclare que « Après sa période d'essai, Mme [IG] a dû acheter une paire de chaussures de sécurité à ses frais. Mme [XL] fournit une paire de surchaussures que pendant la période d'essai, puis exige une paire de chaussures de sécurité, donnant l'adresse de magasins où en trouver. », il ressort de l'annexe au contrat de travail qu'une paire de surchaussures a été remise à Mme [IG].

En outre, le règlement intérieur prévoit uniquement, concernant les dispositifs de protection et de sécurité, que « le port de sur-chaussures antidérapantes est obligatoire ».

Ainsi, l'attestation de Mme [SW] n'apparaît pas suffisante pour objectiver l'obligation d'acheter une paire de chaussures de sécurité, d'autant qu'il ressort des attestations, produites par l'employeur, de Mme [C] [EC], responsable de formation, Mme [W] [NS], Gestionnaire administrative, et M. [J] [DG], équipier, qu'une paire de sur-chaussures est automatiquement distribuée à chaque nouveau salarié lors de leur arrivée au sein de l'entreprise et que l'achat personnel de chaussures de sécurité relève avant tout d'un confort personnel.

En revanche, Mme [IG] objective les éléments de faits développés ci-après.

(1) D'une première part, elle fait valoir dans ses conclusions que la société Adriaco ne justifie d'aucune politique de prévention des risques en matière de harcèlement moral en mettant en avant les points suivants :

Les documents uniques visent simplement le risque d'agression, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sans aucune précision ;

Les moyens de prévention visent uniquement les risques terroristes, de braquage et de violences ;

Aucune action d'information et de formation n'a été dispensée à la salariée.

(2) D'une deuxième part, la salariée soutient que la société Adriaco n'a pas adopté les mesures nécessaires pour faire cesser le harcèlement moral dont elle a informé la direction par courrier en date du 1er juillet 2016 ainsi libellé :

« Dans le cadre de mon licenciement pour inaptitude, indiqué le 16 juin 2016 par la médecine de travail, vous me faites une proposition de reclassement sur le site de St Etienne de St Geoirs (Isère). Je ne peux en l'état des choses, que de refuser cette proposition.

En effet depuis mon retour de maladie le 16 mars 2016, j'ai été victime de plusieurs insultes faites par certains équipiers ([ZD], [N]' et par M. le directeur [F]).

« Autiste, vielle conne, tu sers à rien, tu sais pas travailler, interdiction de passer le comptoir, de faire le drive sauf si je travaille seule, j'ai dû faire que de la plonge, grill et quelque fois la garniture, M. [F] s'est permis de me traiter de folle, incontrôlable, dingue. »

Je ne comprends pas pourquoi ce vocabulaire. »

La salariée précise dans ses écritures que la société n'a convoqué que deux des trois salariés visés et qu'ils ont uniquement dû répondre à quatre questions très générales par écrit. Elle ajoute que la société ne l'a pas entendue, ni d'autres salariés, de sorte que la société Adriaco n'a pas mené une enquête sérieuse concernant les faits allégués par la salariée (page 25 des conclusions).

(3) D'une troisième part, la salariée produit une série d'attestations relatives aux conditions d'hygiène au sein de l'établissement, en particulier quant au fait que les salariés n'avaient pas assez d'équipements individuels de protection à disposition.

Mme [R] [G], ancienne salariée de la société, indique « Conditions d'hygiène très limites : une tenue par équipier, un gant de nettoyage pour tous, chiffons de nettoyage usés par la saleté et réutilisés, nourriture transportée dans une voiture entre les deux restaurants. Avant chaque audit, tout était astiqué à la brosse à dent pour rattraper ce qui n'était pas fait au quotidien. »

M. [HA] [A], ancien salarié de la société entre le 20 octobre 2014 et le 31 mars 2015, énonce que « Ce harcèlement se traduisait ['] ainsi qu'une pression qui conduisait à des fautes d'hygiène et de sécurité alimentaire (steak haché périmé servi au client pour limiter les pertes). Concernant l'hygiène du personnel, une seule tenue était mise à disposition des salariés quel que soit leur nombre de jour de travail dans la semaine et quelles que soit les tâches qu'ils ont à effectuer (nettoyage des toilettes, travail en cuisine, nettoyage de la terrasse ou des bouches d'aérations juste au-dessus des lignes de cuisines). De plus, le nettoyage du grill se faisait avec une tenue spécifique pour la protection des salariés. Cependant la tenue composée d'un casque de protection, de gants de protection et d'un tablier était la même pour tout le personnel. »

Mme [OY] atteste, concernant « l'hygiène et les règles à respecter », que :

« Les employés ne disposent que d'une seule tenue et doivent se fournir des chaussures de sécurité à leurs frais en attendant qu'on leur prête une paire de surchaussures » ;

« Les gants pour la manipulation des viandes ne sont pas changés toutes les 2h mais lorsqu'ils sont hors d'usage et il n'y a qu'un pour toutes les viandes au lieu d'un par sac (soit environ 4 ou 5) » ;

« Nous ne disposons pas de gants pour manipuler la salade et les croques McDonalds ils sont utilisés pour remplir les glaçons quand il y en a » ;

« Les gants pour nettoyer les grills sont la même paire pour tous, ils ne sont jamais nettoyés et dégagent donc une odeur infecte et surtout ils ne sont jamais changés que lors de visites de McDonald's France ou en cas de brûlures ou de remarques d'équipiers » ;

« Lorsque Mme [XL] se rend en cuisine afin d'aider, elle ne se lave pas les mains, se rend en tenue civile dans la cuisine sans filet dans les cheveux, sans tablier et en talons et avec ses bagues aux doigts ».

Mme [SW] déclare également que « En plonge, Mme [IG] n'avait pas le droit de changer l'eau croupie et n'a jamais eu de gants alors que l'eau chaude et les produits lui procuraient des irruptions cutanées ».

(4) D'une quatrième part, Mme [IG] produit plusieurs attestations quant à l'existence, selon elle, de pressions, brimades et dénigrements de la part de la gérante, Mme [XL] et d'autres managers.

M. [JY] [AW] indique avoir travaillé avec Mme [IG] de mars à juillet 2015 et avoir « pu assisté à de nombreuses reprises à des paroles déplacées de la part d'une manager et de Mme [XL] sans raisons particulières. [FI] [IG] était une employée motivée, toujours à l'écoute de ses collègues de travail. Cependant, Mme [XL] était régulièrement derrière elle afin de lui mettre la pression pour qu'elle commette des erreurs. Si Mme [IG] ne faisait pas son travail comme Mme [XL] l'ordonnait (Ordres qui ne respectait souvent pas les procédures McDonald's), cette dernière la rabaissait devant les autres salariés et parfois devant les clients au poste frite. Les paroles de Mme [XL] allaient souvent jusqu'aux insultes. De mon début dans l'entreprise jusqu'à mon départ, j'ai vu la relation entre Mme [IG] et Mme [XL] se dégrader de façon prononcée. »

Mme [SW] précise avoir travaillé avec Mme [IG] à St Etienne de St Geoirs avant que cette dernière ne rejoigne le restaurant de [Localité 3] et qu'elle « a toujours gardé le sourire malgré les nombreuses paroles dénigrantes de Mme [XL] [W] envers elle. Cette dernière lui disait je cite : « Tu es trop lente. Ce travail devrait être fini ». Si Mme [IG] [FI] voulait se justifier ou poser une question, Mme [XL] lui répondait sur un ton très agressif : « Tu ne me parles pas. Tu fais ce que je dis. Depuis quand on me parle ' Ici, c'est moi qui commande ». Mme [XL] entrait alors dans une colère qui la poussait à jeter des choses au sol ou pousser violemment des éléments à roulettes qu'elle avait à portée de main. »

Elle ajoute que « Mme [IG] était souvent au poste « frite » et en plonge. Au poste « frite », elle n'avait que deux cuves maximum d'allumées, ce qui lui rendait le travail pénible et intense au moment de la plus forte fréquentation. Elle n'avait pas le droit de bouger de son poste. ».

Elle rapporte finalement que Mme [IG] lui « a confié son désarroi face aux agissements répétés de Mme [XL] envers elle. Elle ne voulait pas perdre son emploi. Elle a dû avoir recours à plusieurs arrêts maladie car la situation était insupportable. Mme [IG] est souvent venue en larmes à la maison. Son calvaire a pris fin le 16 juin 2016 quand la médecine du travail l'a déclaré inapte. Sur mes conseils, Mme [IG] a alerté l'inspection du travail ainsi que la médecine du travail quelques mois avant son inaptitude. »

Mme [K] [E] indique avoir travaillé avec Mme [IG] à compter d'avril 2015 et que « elle souriait beaucoup, était contente de travailler bien qu'elle soit toujours sur les mêmes postes, des postes physiques et pénibles tel que le poste « frite » et le poste « plonge », elle faisait toutes les fermetures au cours de la semaine. Je l'ai souvent entendu demander à aller boire ou aller aux toilettes et on lui a refusé. Suite à un incident survenu au travail à cause de Mme [W] [XL], Mme [IG] [FI] est partie en arrêt maladie pendant 4 mois. »

Elle ajoute que « A son retour d'arrêt maladie, Mme [IG] était contente de revenir travailler, elle souriait. Elle a été mise au poste grill et plonge, des postes toujours physiques et pénibles. » et qu'elle « a entendu M. [F] dire à Mme [IG] qu'elle était débile et que c'était une handicapée. Mme [IG] était dénigrée et dégradée sans arrêt, on l'envoyait toujours nettoyer les toilettes, les tables, les poubelles, plusieurs fois dans un laps de temps très court qui ne justifiait pas autant de nettoyage. »

Mme [H] [BO] déclare avoir travaillé avec Mme [IG] de mars à octobre 2015 et précise que « Le 26 juillet 2015, j'étais la responsable de quart et j'avais placé [FI] au poste frite pour la durée du rush. Comme souvent, la fille de Mme [XL] ([S] [XL]) était présente et se permettait de prendre des décisions à la place du manager. Ce jour-là, [S] a formellement interdit à [FI] d'allumer la 2ème cuve à frites (sans m'en avoir parlé au préalable). Lors du rush, [FI] s'est alors retrouvée en difficulté à garder son niveau de frite. [S] [XL] s'est donc mise à faire des réflexions à [FI] : « Si tu ne veux pas bosser, va ailleurs », « tu n'avances pas », « tu ne sers à rien ». Mme [XL] [W] est ensuite arrivée pour engueuler [FI] en lui criant dessus, sans même la laisser s'expliquer. [FI] [Y] (ne pouvant s'exprimer) et se dirige vers la pointeuse afin de partir. Je lui ai alors dit de ne pas dépointer car elle risquait l'abandon de poste. Je l'ai alors laissé boire un coup et se calmer avant de revenir sur le terrain. Je n'ai même pas eu le temps de lui dire ou se mettre qu'[W] lui a demandé de venir et lui a dit qu'elle serait punie, puis elle l'a envoyé encore en pleurs en salle pour nettoyer les tables et changer les poubelles. [W] interdisait également à [FI] d'aller boire ou aller aux toilettes lorsqu'elle était en poste aux frites. »

Mme [OY] indique avoir participé à la formation « Nouvelle cuisine » à [Localité 5] avec Mme [IG] avant de rejoindre le restaurant à [Localité 3] en novembre 2014 et atteste qu' « un jour où il y avait beaucoup de clients, elle a eu une altercation avec la fille de la patronne [S] [XL], celle-ci lui a demandé d'éteindre une friteuse. Or ce choix nous a fait perdre du temps et a rendu Mme [XL] furieuse car il n'y avait plus de frites et du coup elle s'en est prise à Mme [IG] qui a voulu se défendre en disant que c'était sa fille qui lui avait donné l'ordre mais celle-ci a démenti. Les esprits s'échauffèrent. Mme [IG], blessée par cette injustice, a voulu partir. Avec Mme [BO], manager présente ce jour-là, nous l'avons retenue en lui expliquant qu'un départ pendant ses heures de travail lui coûterait sa place et que cela conforterait Mme [XL] dans son désir de la faire partir, car celle-ci l'a persécutée depuis quelques temps, à critiquer chacun de ses faits et gestes. A la fin de son service, elle rentra et vint plus tard déposer un arrêt de travail. »

(5) D'une cinquième part, Mme [IG] verse aux débats diverses attestations quant à sa mise à l'écart à son retour d'arrêt maladie.

Mme [E] atteste que « M. [F] [V] a interdit aux équipiers d'adresser la parole à Mme [IG] car selon ses dires, c'était une personne « pas fréquentable et dangereuse pour elle-même ». Mme [W] [XL] n'adressait plus la parole à Mme [IG], elle ne répondait pas aux « bonjour » de Mme [IG], la regardait de haut, il en était de même pour le superviseur M. [V] [F]. »

Mme [Z] [B] indique avoir travaillé avec Mme [FI] [IG] du 25 septembre 2014 au 9 août 2015 et que « Après un incident que m'a relaté Mme [XL] [W], j'ai été dans l'obligation de devenir très distante avec [FI]. Je reconnais que j'ai dit et fait des choses contre ma volonté car ma direction me mettait la pression pour évincer cette dame. Due à la pression que subissait Mme [IG] [FI], c'est souvent que je l'ai retrouvée en pleurs dans les vestiaires après ses heures de travail, elle se démotivait de jours en jours, elle se confiait souvent à moi en m'exprimant son désarroi. »

Mme [OY] déclare que « A l'annonce du retour [de Mme [IG] de son arrêt maladie], on nous demanda de l'isoler au lobby, loin de tous, et de ne surtout pas lui adresser la parole et pareil pour ses autres collègues car elle était dangereuse pour elle. La DRH, Mme [T] [CK] m'a dit qu'elle allait demander une expertise médicale car elle pensait que Mme [IG] pouvait se faire du mal. Quand elle l'a appris, elle fut fortement touchée et abattue par de tels accusations non fondées, ce qui la fit plonger dans une sorte de dépression, elle se mis à douter d'elle-même. »

(6) Finalement, d'une sixième part, Mme [IG] verse aux débats plusieurs éléments médicaux quant à une dégradation de son état de santé qu'elle allègue être en lien avec des conditions dégradées de travail.

Ainsi, l'arrêt de travail en date du 29 juillet 2015 précise : « Souffrance morale : dépression réactionnelle / Vue par Médecine du travail », commentaire réitéré sur le renouvellement du 14 août 2015. L'arrêt de prolongation du 28 août 2015 indique « Souffrance morale : burn-out ».

Il est précisé sur l'arrêt de travail du 25 novembre 2015 « Souffrance morale : rechute dépressive », puis sur l'arrêt de prolongation du 21 décembre 2015 : « Souffrance au travail : Syndrome dépressif » et enfin sur l'arrêt de prolongation du 12 février 2016 : « Asthénie travail ».

Elle produit également une ordonnance datée du 17 novembre 2015 prescrivant des anxiolytiques, ainsi qu'un certificat médical en date du 4 février 2016 qui précise qu'elle est suivie « pour un état anxiogène » depuis le 25 novembre 2015.

En définitive, à l'issue de la visite du 16 juin 2016, la salariée a été déclarée inapte par le médecin du travail « pour danger grave et immédiat » et sans seconde visite, un courrier du médecin du travail en date du 21 juin 2016 adressé à la société précisant qu'« un maintien dans l'établissement actuel pourrait gravement compromettre sa santé » ; l'inaptitude définitive fondant le licenciement notifié à la salariée par courrier en date du 20 juillet 2016.

Pris dans leur ensemble, ces éléments de fait objectivés par Mme [IG] laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils reflètent des conditions de travail dégradées et une atteinte portée aux droits du salarié ainsi qu'à sa santé.

En réponse, l'employeur apporte certaines justifications étrangères à tout harcèlement moral.

Ainsi, en premier lieu, concernant l'interdiction de boire de l'eau ou d'aller aux toilettes pendant le service, l'employeur produit plusieurs attestations de salariés.

Ainsi, M. [J] [DG], équipier, indique qu'il n'a « jamais entendu quelqu'un interdire d'aller aux toilettes ou boire de l'eau, de manger quand c'est nécessaire. »

M. [I] [M], manager responsable, déclare « Envers Mme [IG], aucune consigne n'a jamais été donnée pour interdire quiconque d'aller aux toilettes ou même de boire de l'eau ».

Mme [W] [NS], gestionnaire administrative, énonce qu'elle n'a « jamais entendu un manager, ni aucun membre de la direction, interdire à quelqu'un d'aller boire de l'eau ou d'aller aux toilettes quand cela lui est nécessaire ».

Ainsi, Mme [AB] [U], Formatrice, précise uniquement que « Je n'ai reçu aucune consigne interdisant à Mme [IG] d'aller boire ou aux toilettes lorsque les rushs se calmaient ».

M. [D] [X], manager, indique que « En tant que manager, j'invite les salariés à aller boire ou aller aux toilettes avant de pointer et de rentrer sur le terrain pour ne pas être incommoder sur la période de rush (2 heures maximum) car pour moi c'est une question de bon sens ».

Enfin, Mme [CK] [T], Responsable des ressources humaines, atteste que « En tant que membre de l'équipe de direction, sur les rushs, les salariés me sollicitent pour toutes questions ou demandent qu'ils pourraient adresser éventuellement à leur manager de shift. Il m'arrive donc de répondre ponctuellement aux demandes des salariés souhaitant quitter leur poste de travail pour se rendre aux toilettes ou pour aller boire à la légumerie. Deux contextes se présentent alors à moi : la demande provient en plein pic de production, je me trouve donc contrainte d'accéder à sa demande, mais ne manque pas de lui faire remarquer la difficulté que cela engendre pour l'équipe et lui demande pour une prochaine fois de prendre ces précautions avant. Si la demande est faite en dehors d'un pic de production, je l'autorise et le remplace si nécessaire. Je tiens à ajouter que, dans le premier contexte, en pic de production, qu'il n'est possible de remplacer la personne qui s'absente pour aller boire ou aller aux toilettes qu'au détriment de laisser son propre poste de travail vacant. Lors d'une très forte influence, type dimanche soir, nous pouvons parler de cadence soutenue pendant 2 heures, la précaution d'aller boire ou d'aller aux toilettes avant ou après ne me semble pas insurmontable. Je n'ai jamais entendu un responsable ou un équipier exiger d'un autre équipier de rester sur son poste de travail ».

Ainsi, il ressort de ces attestations qu'il n'existe pas d'interdiction de ne pas aller boire de l'eau ou d'aller aux toilettes, mais uniquement une consigne de prendre ses précautions avant les périodes de rush afin d'éviter toute difficulté.

Dès lors, l'employeur apporte suffisamment des justifications étrangères à tout harcèlement quant à cet élément de fait.

En second lieu, s'agissant de l'interdiction d'utiliser des gants pendant la plonge et de changer l'eau de plonge, l'employeur produit la procédure applicable à cette tâche, une photographie des gants de plonge et une photographie de l'espace dédié dont il ressort que des gants étaient mis à disposition des salariés.

Par ailleurs, M. [I] [M] et [J] [DG] déclarent qu'ils n'ont jamais entendu de consignes quant à l'interdiction de changer l'eau de plonge ou de porter des gants en faisant la plonge.

Dès lors, l'employeur apporte suffisamment des justifications étrangères à tout harcèlement quant à cet élément de fait.

En revanche, l'employeur n'apporte pas les justifications étrangères à tout harcèlement moral concernant les faits matérialisés par la salariée en ce que :

(1) D'une première part, concernant l'obligation de prévention du harcèlement moral, il ressort des documents uniques d'évaluation des risques professionnels pour les années 2014 et 2015, produits par l'employeur, que le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sont uniquement prévu dans le cadre du « Risque d'agression » et qu'aucun moyen de prévention existant n'est relatif au harcèlement mais uniquement au risque d'agression ou de braquage.

En outre, les fiches de formation complétées par la salariée et les annexes au contrat de travail, produites par l'employeur, ne mentionnent pas le harcèlement moral et aucun élément concret n'est produit concernant le contenu des vidéos sur les formations obligatoires.

Ainsi, l'employeur n'apporte aucun élément pertinent permettant d'établir la mise en 'uvre de mesures concrètes quant à son obligation de prévention du harcèlement moral auprès de ses salariés et auxquelles Mme [IG] aurait participé.

Si ce manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral, qui ouvre droit à une indemnisation distincte, ne caractérise pas en soi des faits de harcèlement moral, il n'a pu qu'en faciliter la survenance.

(2) D'une deuxième part, s'agissant de l'enquête menée par la société concernant le courrier de plainte de Mme [IG] en date du 1er juillet 2016, l'employeur produit le courrier de Mme [IG], les convocations et le compte-rendu d'entretien de M. [GE] et de M. [F], ainsi que l'attestation de M. [F] réfutant avoir tenu les propos allégués.

Elle verse également aux débats un courrier du 19 juillet 2016 par lequel la société informe la salariée que « suite aux allégations d'insultes à votre égard dont vous faites état dans votre courrier, nous avons diligenté une enquête/ Au terme de cette enquête, nous constatons qu'aucun des faits invoqués n'est avéré ».

La cour constate, en premier lieu, que, comme le soutient la salariée, la société n'a entendu que deux salariés visés par le courrier du 1er juillet 2016, alors que Mme [IG] cite un troisième salarié, un équipier dénommé [N].

Or, la société n'apporte aucune justification quant à l'absence d'entretien avec ce troisième salarié.

En second lieu, la société ne développe aucun moyen pertinent quant au fait que Mme [IG] n'a pas été reçue en entretien, ni qu'aucun autre salarié de la société n'a été entendu, alors que selon les comptes-rendus d'entretien, le travail avait lieu en équipe, notamment dans la cuisine, et donc que les insultes alléguées auraient été proférées devant d'autres personnes.

Finalement, en troisième lieu, la société ne précise pas la manière dont se sont déroulés les entretiens avec MM. [GE] et [F], le seul élément produit étant le compte-rendu qui constitue les réponses manuscrites des salariés à quatre questions.

Il s'ensuit que, comme le fait valoir Mme [IG], la société Adriaco ne démontre pas avoir mené, de manière sérieuse, une enquête sur les allégations concernant des insultes répétées à son encontre, dont la salariée fait état dans son courrier du 1er juillet 2016, peu importe que ce courrier soit postérieur à l'avis d'inaptitude du 16 juin 2016.

(3) D'une troisième part, s'agissant des manquements de la société à son obligation de sécurité en matière d'hygiène des salariés, l'employeur produit un procès-verbal d'huissier de justice concernant l'hygiène et la sécurité sur l'établissement de [Localité 3] datant du 22 février 2017, qui manque toutefois de pertinence en ce qu'il est postérieur au départ de Mme [IG] de la société dont la lettre de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est datée du 20 juillet 2016.

Il verse ensuite aux débats les attestations de deux managers, de la responsable de formation, de la gestionnaire administrative et de la directrice des ressources humaines de la société qui précisent que les normes d'hygiène et de sécurité sont identiques sur les deux établissements gérés par Mme [XL] via les sociétés Adriaco et Adriaor.

Il produit également des photos des équipements spécifiques utilisés par les salariés, les consignes correspondant à différentes procédures affichées au sein des locaux, ainsi que les factures relatives au réapprovisionnement des équipements de protection individuelle pour les années 2014, 2015 et 2016 et les factures relatives au carrelage antidérapant installé au sein du restaurant.

Les attestations de Mmes [EC] et [NS] n'ont pas de valeur probante en ce qu'elles sont rédigées de manière identique.

Il verse aux débats les attestations de formation en tant que référent hygiène et sécurité alimentaire de trois salariés de la société.

La société Adriaco produit également les comptes-rendus de la Brand Standard Visit du 13 octobre 2015 et du 8 juin 2016 qui précisent que « l'ensemble du restaurant est parfaitement propre » et que « les équipements sont très bien entretenus ».

Il convient toutefois de considérer que ces audits ont une faible valeur probante quant à l'hygiène et la sécurité des salariés, dès lors qu'ils sont prévus et annoncés à l'avance à la société.

De la même manière, les comptes-rendus de suivi du client mystère et les résultats de l'application « mcdoetmoi » manquent de pertinence en ce qu'ils ne mentionnent pas la question de l'hygiène en cuisine et de celle des salariés, mais uniquement du drive, de la salle de restauration et des toilettes.

L'employeur produit des photos relatives, selon lui, à la formation « lavage des mains », mais qui manquent de valeur probante en ce qu'elles ne sont pas datées et que les seules factures relatives à ces formations ne permettent pas d'en établir le contenu.

L'employeur ne produit aucun autre élément pertinent quant au fait que les salariés n'ont pas à leur disposition leurs propres EPI concernant les gants de nettoyage du grill et les gants pour manipuler les aliments.

Ainsi, quand bien même l'employeur établit suffisamment la propreté générale du restaurant, il n'apporte aucun élément objectif suffisant étranger à tout harcèlement quant à l'hygiène, la sécurité de ses salariés et leurs équipements de protection individuelle.

(4) D'une quatrième part, s'agissant des brimades et propos dégradants et humiliants, contrairement à ce qu'avance l'employeur, il importe peu que la salariée ne se soit « jamais plainte d'un harcèlement moral ni même d'une quelconque difficulté pendant l'intégralité de sa relation contractuelle » (page 29 des écritures), d'autant que selon ses courriers du 24 juin et du 1er juillet 2016, elle a mis l'inspection du travail en copie de ses correspondances.

En outre, la reconnaissance d'un harcèlement moral n'est pas subordonnée à la demande de reconnaissance d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ni à la recherche de la faute inexcusable de l'employeur, de sorte que le moyen soulevé par la société Adriaco à cet effet est inopérant (pages 30 et 40 des conclusions).

En premier lieu, l'employeur produit les attestations, difficilement lisibles, d'une équipière polyvalente, d'un manager et de la directrice des ressources humaines de la société, qui manquent toutefois de pertinence en ce qu'ils n'attestent pas des déplacements de la gérante, mais uniquement du fait qu'ils avaient régulièrement des réunions hebdomadaires avec elle concernant la gestion de l'entreprise.

Il verse également aux débats l'attestation de Mme [W] [NS], gestionnaire administrative, qui indique qu'elle travaille « en relation directe avec Mme [XL] » et que cette dernière a régulièrement « des réunions à [Localité 4] ou même dans d'autres pays ».

Toutefois, les absences occasionnelles de Mme [XL] ne permettent pas, en soi, d'écarter les faits allégués quant aux remarques désobligeantes et dégradantes à l'encontre de Mme [IG].

En deuxième lieu, la société fait valoir que les attestations produites par la salariée sont mensongères.

Toutefois, le courrier anonyme produit par l'employeur quant au fait qu'un « complot » se serait organisé contre la gérante de la société n'a aucune valeur probante en l'absence de preuve d'authenticité, telle qu'une date ou un courrier d'envoi, de sorte qu'il ne permet pas d'écarter les attestations produites par Mme [IG] en considérant le fait qu'elles proviennent de salariés en litige avec la société.

En troisième lieu, le fait que Mme [OY] ait adressé un courrier de remerciement à Mme [XL] n'impacte pas la valeur probante de son attestation, dès lors qu'elle atteste de faits concernant Mme [IG].

En outre, les plannings produits sont insuffisamment probants, dès lors que le nom de la salariée n'apparaît pas pour les 25 et 26 juillet 2015, qu'elle apparaît sur le planning du 27 juillet alors que son service est barré sans que l'employeur ne s'en justifie et que les relevés horaires de badgeuse ne sont pas produits, alors même que Mme [IG] soulève le moyen selon lequel les salariés étaient régulièrement amenés à revenir travailler sans être prévus au planning, sans devoir badger et sans être rémunérées des heures supplémentaires effectuées.

Ainsi, la seule mention des congés payés du 25 au 31 juillet sur le bulletin de salaire demeure insuffisante pour écarter l'attestation de Mme [OY].

En quatrième lieu, s'agissant des autres attestations produites par la salariée en ce qu'elles seraient mensongères selon l'employeur, les moyens qu'ils développent dans ses écritures sont inopérants, dès lors qu'ils concernent les attestations produites dans d'autres contentieux pendants devant la présente cour (pages34 à 37).

En cinquième lieu, l'employeur produit une série d'attestations de salariés de la société Adriaco ayant travaillé sur la même période que Mme [IG], manquant toutes de pertinence ou de valeur probante :

M. [EC] indique qu'il travaillait au restaurant de [Localité 8], alors que Mme [IG] a commencé à travailler au restaurant de [Localité 3] à compter du 1er novembre 2014, de sorte que son attestation manque de pertinence ;

M. [DG] atteste simplement ne jamais avoir entendu Mme [XL] insulter ou manquer de respect à un autre collaborateur ;

Mmes [U], [EC] et [NS] étant membres de la direction et de l'équipe de gestion du restaurant, leurs attestations possèdent une valeur probante faible, de sorte que le seul fait qu'elles n'aient jamais assisté à des insultes à l'encontre de Mme [IG] ne permet pas d'écarter l'existence de brimades, de pressions et d'insultes suffisamment matérialisées par la salariée ;

L'attestation de M. [ZD] [RP] manque de valeur probante, dès lors que Mme [IG] l'a cité dans son courrier du 1er juillet 2016 quant au fait qu'il aurait proféré des insultes à son encontre et que la société n'a pas mené une enquête sérieuse et aboutie suite à ce courrier d'alerte.

Ces attestations demeurent donc insuffisantes en ce que certaines ne mentionnent pas Mme [IG] et que les autres manquent de valeur probante en raison de leur auteur.

Ainsi, les seules attestations de Mme [O] [TS] et de MM. [D] [X] et [BB] [P] demeurent insuffisantes pour écarter les brimades et propos dégradants allégués à l'encontre de Mme [IG], d'autant qu'elles demeurent génériques quant au fait qu'ils n'ont jamais vu quelqu'un insulter ou agresser Mme [IG].

De la même manière, les courriers de remerciement et les lettres de démission, produits par l'employeur, ne permettent pas d'écarter l'existence de brimades à l'encontre de Mme [IG], quand bien même les salariés remercient Mme [XL], en ce qu'ils mentionnent simplement l'ambiance générale et ne précisent aucun élément quant à Mme [IG].

En sixième lieu, s'agissant de l'incident du 26 juillet 2015 ou du 27 juillet 2015 selon l'employeur sans que la date ait une incidence particulière dès lors qu'il ressort des pièces et des écritures des parties qu'un incident est survenu alors que Mme [IG] était au poste « Frites », l'employeur produit les attestations de Mme [S] [XL] et de M. [N] [L], ainsi qu'un compte-rendu qu'aurait signé Mme [IG].

D'une part, l'attestation de Mme [S] [XL] n'a aucune valeur probante en ce que, selon les écritures de la salariée, elle est la fille de Mme [W] [XL], gérante de la société, et que celle-ci a indiqué sur l'attestation concernant le lien de parenté « NON », aucun moyen utile en défense n'étant soulevé par l'employeur à ce titre.

D'autre part, l'attestation de M. [N] [L], qui confirme la survenance d'un incident au poste « Frites » entre Mme [IG] et Mme [XL], manque de valeur probante quant aux circonstances de l'incident, étant donné que son prénom était mentionné par Mme [IG] dans son courrier du 1er juillet 2015 quant à des insultes proférées à son encontre et que la société n'a entendu aucune personne dénommée [N].

Finalement, le compte-rendu versé aux débats par la société Adriaco, outre qu'il possède une faible valeur probante en ce qu'il a été rédigé par la directrice des ressources humaines, confirme toutefois le récit de Mme [IG] quant au fait que [S] [XL] lui avait dit de faire le rush avec une seule cuve et, qu'alors elle arrivait en rupture de frites, Mme [XL], la gérante du restaurant, est venue allumer la 2ème cuve et lui a dit « Tu es lente ».

Or, suite à ce compte-rendu, la société ne démontre pas avoir pris les mesures adéquates à l'égard de Mme [S] [XL], aucun élément ne permettant d'établir qu'elle aurait été entendue par la directrice des ressources humaines suite à cet incident.

En septième lieu, l'employeur verse aux débats plusieurs attestations quant au comportement de Mme [IG] à compter de ses reprises au travail après ses arrêts maladie en 2015 et en 2016, en particulier quant au fait qu'elle était particulièrement stressée, faisait des erreurs dans le montage des sandwichs ou des commandes et « se sentait agressée » à la moindre consigne ou au moindre conseil donné par un autre équipier ou un manager.

Plusieurs attestations, en particulier celles rédigées par des membres de l'équipe de direction, mettent en avant l'« état psychologique fragilisé » de Mme [IG] suite à ses retours d'arrêts maladie, de sorte que la hiérarchie de Mme [IG] avait connaissance des difficultés rencontrées par cette dernière.

Toutefois, hormis la visite au restaurant du médecin du travail le 28 avril 2016, ayant fait office d'étude de poste selon l'avis d'inaptitude du 16 juin 2016, l'employeur ne démontre pas avoir pris contact avec le médecin du travail quant à l'état de santé de Mme [IG] en novembre 2015 ou avant le mois d'avril 2016, contrairement à qui est avancé dans les attestations et dans les écritures de l'employeur.

Ainsi, les avis d'aptitudes produits par l'employeur sont les avis émis à la suite d'une visite de reprise après les arrêts maladie de la salariée et aucun autre élément pertinent n'est versé aux débats, les seules attestations de l'équipe de direction étant insuffisantes pour établir l'existence d'échanges avec la médecine du travail.

En outre, la cour constate que la société Adriaco n'a adopté aucune mesure pour aider Mme [IG] dans la gestion de son stress et de ses émotions.

Et en tout état de cause, aucun élément n'est produit quant à une éventuelle sanction à l'encontre de la salariée quant à son comportement et les erreurs alléguées qu'elle aurait commises dans le cadre de ses fonctions.

Il s'ensuit que ces attestations ne constituent pas des éléments suffisants permettant d'écarter l'existence de brimades ou de pressions à son encontre, mais qu'elles démontrent, a contrario, la réaction tardive de la société quant à la dégradation de l'état de santé de Mme [IG] dans le cadre de son travail.

Ainsi, il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur n'apporte aucun élément objectif étranger à tout harcèlement quant à l'existence de brimades et de propos dégradants et humiliants à l'encontre de Mme [FI] [IG].

(5) D'une cinquième part, s'agissant de la mise à l'écart de la salariée, l'employeur produit l'attestation de M. [J] [DG] qui déclare n'avoir « jamais entendu ou reçu de consignes pour isoler Mme [IG] des autres salariés ou de la poster à un poste spécifique. »

Il verse également aux débats plusieurs attestations possédant une faible valeur probante en ce que leurs auteurs font partie de l'équipe encadrante pour attester avoir vu Mme [IG] s'isoler seule en raison de son comportement avec les autres collaborateurs de la société.

Toutefois, malgré un tel constat effectué par des managers et des membres de l'équipe de direction, la société ne démontre pas avoir pris des mesures quant à cet isolement suffisamment caractérisé.

(6) D'une sixième part, l'employeur soutient que la salariée ne démontre pas l'existence d'une dégradation de son état de santé en lien avec son activité professionnelle en ce que ses arrêts de travail n'indiquent pas d'origine professionnelle et ne seraient pas en lien avec son travail.

Toutefois, les éléments médicaux produits par Mme [IG] sont appréciés souverainement par la juridiction s'agissant du lien certain, au moins partiel, entre ses conditions de travail dégradées et la détérioration de son état de santé ayant conduit à sa déclaration d'inaptitude, étant observé qu'il ressort de plusieurs arrêts de travail que le syndrome dépressif est mis en lien avec le travail, et ce, dans une période où celle-ci rencontrait des difficultés professionnelles importantes dont avait connaissance la direction selon les attestations des membres de l'équipe d'encadrants.

En tout état de cause, la détérioration effective de l'état de santé n'est pas une condition de caractérisation du harcèlement moral.

Il suffit que de mauvaises conditions de travail constituent un risque objectif de nature à mettre en péril la santé de la salariée.

Or, il ressort des éléments précédents retenus que Mme [IG] a subi une dégradation de ses conditions de travail.

Dès lors, il résulte de l'ensemble des énonciations précédentes que l'employeur n'apporte pas les justifications étrangères suffisantes à tout harcèlement, de sorte qu'il convient, par infirmation du jugement entrepris, de déclarer que Mme [IG] a été victime d'un harcèlement moral par la société Adriaco.

En conséquence, compte tenu des faits subis par la victime et de la durée du harcèlement, il convient de condamner la société Adriaco à verser à Mme [IG] la somme de 8 000 euros au titre du harcèlement moral.

En outre, en application de l'article L. 1152-4 du code du travail, il convient de condamner la société Adriaco à verser à Mme [IG] la somme de 1 500 euros au titre de l'obligation de prévention du harcèlement moral.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ces chefs.

Sur la rupture du contrat de travail :

Conformément aux dispositions de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1224 du code civil, la condition résolutoire étant toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut demander au juge la résolution du contrat.

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations contractuelles.

Sous la réserve de règles probatoires spécifiques à certains manquements allégués de l'employeur, c'est au salarié d'établir la réalité des manquements reprochés à l'employeur et de démontrer que ceux-ci sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle. En principe, la résiliation prononcée produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur fondée sur des faits de harcèlement moral, produit les effets d'un licenciement nul, conformément aux dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail.

Il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines obligations résultant d'un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.

Le juge, saisi d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l'intervalle de sorte qu'elle produit alors ses effets à la date de l'envoi de la lettre de licenciement.

En l'espèce, il a été précédemment établi que Mme [FI] [IG] a été victime de harcèlement moral, que la société Adriaco a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral et que cette dernière n'a pas mené une enquête sérieuse à la suite du courrier de la salariée du 1er juillet 2016 quant aux insultes proférées à son encontre par trois salariées, dont le superviseur de la société.

Or, ces manquements de l'employeur présentent un tel degré de gravité qu'ils ont empêché la poursuite du contrat de travail en ce que les agissements de harcèlement moral et l'absence de mise en 'uvre des mesures nécessaires dans le cadre de l'obligation de prévention et de sécurité ont eu pour conséquence de manière certaine, peu important que cela ait pu n'être que partiel, une dégradation de la santé psychique de la salariée, ne présentant pas d'état antérieur connu, ce qui a conduit in fine à sa déclaration définitive d'inaptitude au sein de l'entreprise et de l'établissement à l'issue de la visite du 16 juin 2016, le médecin du travail ayant considéré l'existence d'un danger grave et immédiat pour la santé de la salariée, l'inaptitude fondant ensuite le licenciement notifié à la salariée par courrier du 20 juillet 2016.

Dès lors, par infirmation du jugement entrepris, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [FI] [IG] au 20 juillet 2016, date de la notification de son licenciement pour inaptitude et de dire qu'en raison du harcèlement moral retenu, cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul.

Sur les prétentions afférentes à la rupture :

Premièrement, la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul, en application de l'article L. 1234-5 du code du travail, Mme [FI] [IG] est bien fondée à solliciter la condamnation de la société Adriaco à lui payer la somme de 1 329,59 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 132,95 euros brut au titre des congés payés afférents.

Secondement, au visa des articles L. 1235-3-1 et L. 1235-3-2 du code du travail, il y a lieu de condamner la société Adriaco à payer à Mme [IG] la somme de 8 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, étant observé que Mme [IG] percevait un salaire mensuel moyen à hauteur de 1 329,59 euros brut, qu'elle avait plus d'un an d'ancienneté mais qu'elle s'abstient de justifier de sa situation ultérieure à l'égard de l'emploi, la seule pièce produite étant un document d'ouverture des droits à l'allocation d'aide au retour à l'emploi en date d'août 2016.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ces chefs.

Sur la demande de la société au titre de la procédure abusive :

Aux termes des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile, en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés.

L'article 1240 du code civil permet également de sanctionner un demandeur en justice lorsqu'il a sciemment introduit une procédure abusive.

Mme [IG] ayant obtenu gain de cause sur une partie au moins de ses prétentions, la société Adriaco ne rapporte pas la preuve d'une faute de cette dernière dans l'exercice de son droit d'agir en justice.

Confirmant le jugement déféré, elle est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires :

La société Adriaco, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [IG] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de condamner la société Adriaco à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, la demande indemnitaire de la société au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés est rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

Débouté la société Adriaco de sa demande au titre de la procédure abusive ;

Débouté la société Adriaco de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

DIT que Mme [FI] [IG] a été victime d'un harcèlement moral ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [FI] [IG] avec effet au 20 juillet 2016, date de notification de son licenciement pour inaptitude,

DIT que la résiliation produit les effets d'un licenciement nul ;

DIT que la demande de dire que la société Adriaco a manqué à son obligation de reclassement est sans objet ;

CONDAMNE la société Adriaco à payer à Mme [IG] les sommes suivantes :

8 000 euros (huit mille euros) net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

1 500 euros (mille cinq cent euros) net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral ;

1 329,59 euros (mille trois cent vingt-neuf euros et cinquante-neuf centimes) brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 132,95 euros (cent trente-deux euros et quatre-vingt-quinze centimes) brut de congés payés afférents ;

8 000 euros (huit mille euros) brut au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul ;

DÉBOUTE Mme [IG] du surplus de ses prétentions au principal ;

CONDAMNE la société Adriaco à payer à Mme [FI] [IG] la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Adriaco de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Adriaco aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/00194
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.00194 ?
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