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N° RG 22/00195
N° Portalis DBVM-V-B7G-LF7L
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET
la SELARL A PRIM
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2024
Appel d'une décision (N° RG 21/00061)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU
en date du 09 décembre 2021
suivant déclaration d'appel du 10 janvier 2022
APPELANT :
Monsieur [X] [OJ]
né le 28 Janvier 1997 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
E.U.R.L. ADRIACO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Sandrine MOUSSY de la SELARL A PRIM, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sylvie ESCALIER, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 novembre 2023,
Jean-Yves POURRET, conseiller chargé du rapport et Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 07 mars 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 07 mars 2024.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Les sociétés Adriaor et Adriaco, dont la gérante est Mme [R], exploitent des établissements de restauration rapide sous l'enseigne MacDonald's, situés respectivement à [Localité 7] et à [Localité 4].
La convention collective applicable est celle de la restauration rapide du 18 mars 1988.
M. [X] [OJ] a été embauché le 21 mars 2015 en qualité d'équipier polyvalent, catégorie employé, niveau A, échelon 1, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une durée mensuelle de 64,95 h.
M. [OJ] a bénéficié d'un arrêt de travail du 22 au 25 juin, puis du 30 juin au 5 juillet 2015.
Par lettre recommandée en date du 30 juin 2015, la société Adriaco a convoqué M. [OJ] à un entretien préalable prévu le 9 juillet 2015
Par lettre recommandée en date du 15 juillet 2015, la société Adriaco a notifié à M. [OJ] son licenciement pour faute grave ainsi libellée : « Les motifs de cette décision peuvent être résumés de la manière suivante : Abandon de poste le 28 juin 2015, Lettre de convocation à entretien préalable du 30 juin 2015, Absence à l'entretien préalable du 9 juillet 2015. De ce fait, compte tenu de la gravité de la situation, nous considérons l'ensemble de ces évènements comme constitutifs d'une faute justifiant votre licenciement pour faute grave ».
Le 24 août 2015, M. [X] [OJ] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu d'une contestation de la rupture de son contrat de travail et des demandes afférentes, ainsi que d'une demande de dommages et intérêts à titre de harcèlement moral.
La société Adriaco s'est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 9 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu a :
DIT ET JUGE que M. [X] [OJ] n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral ;
DIT ET JUGE que la Société Adriaco n'a commis aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail de M. [X] [OJ] ;
DIT ET JUGE que le licenciement de M. [X] [OJ] est sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société Adriaco à verser à M. [X] [OJ] la somme de 166,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 16,54 euros au titre des congés payés afférents ;
CONDAMNE la société Adriaco à verser à M. [X] [OJ] la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société Adriaco à verser à M. [X] [OJ] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE M. [X] [OJ] du surplus de ses demandes ;
DEBOUTE la Société ADRIACO de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 15 et 18 décembre 2021.
Par déclaration en date du 10 janvier 2022, M. [OJ] a interjeté appel dudit jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [OJ] demande à la cour d'appel de :
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
Condamné la société Adriaco à verser à M. [X] [OJ] la somme de 166,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 16,54 euros au titre des congés payés afférents,
Condamné la société Adriaco à verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouté la société Adriaco de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.
LE REFORMER pour le surplus et, statuant à nouveau,
JUGER que M. [OJ] a été victime d'agissements de harcèlement moral,
JUGER que la société Adriaco a manqué à son obligation de sécurité de résultat,
JUGER en tout état de cause que le licenciement de M. [OJ] est injustifié,
En conséquence,
A titre principal,
PRONONCER la nullité du licenciement de M. [OJ],
CONDAMNER la société Adriaco à verser à M. [OJ] la somme de 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire,
DIRE ET JUGER que le licenciement de M. [OJ] est sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la société Adriaco à verser à M. [OJ] la somme de 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
CONDAMNER la société Adriaco à verser à M. [OJ] les sommes suivantes :
8 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi sur le fondement de l'article L. 1152-1 du code du travail,
8 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du travail,
700 euros net à titre de dommages et intérêt pour licenciement irrégulier,
DEBOUTER la société Adriaco de toutes ses demandes et prétentions.
CONDAMNER la société Adriaco à verser à M. [OJ] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 juillet 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Adriaco demande à la cour d'appel de :
DIRE ET JUGER régulier mais mal fondé l'appel engagé par M. [X] [OJ] à l'encontre du jugement du Conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu du 9 décembre 2021 ;
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que M. [X] [OJ] n'avait pas été victime de harcèlement moral de la part de la société Adriaco ;
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la société Adriaco avait loyalement exécuté le contrat de travail et n'avait pas manqué à son obligation de sécurité ;
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté M. [OJ] de toutes demandes de dommages et intérêts au titre de l'exécution de son contrat de travail ;
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a estimé que le licenciement de M. [OJ] n'était pas nul ;
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté M. [OJ] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
Et statuant à nouveau :
ACCUEILLIR son appel incident ;
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [OJ] était abusif et ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse ;
INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société Adriaco à payer à M. [OJ] une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DEBOUTER M. [OJ] de ces demandes en lien avec la rupture de son contrat de travail ;
INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la société Adriaco de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de M. [OJ] ;
CONDAMNER conséquence M. [OJ] à payer à la société Addriaco la somme totale nette de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNER également M. [OJ] à payer à la société Addriaco la somme totale nette de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER M. [OJ] aux éventuels dépens de première instance et d'appel ;
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023.
L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 29 novembre 2023 ; la décision a été mise en délibéré le 7 mars 2024.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur les demandes au titre du harcèlement moral et de la prévention du harcèlement moral :
L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.
La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.
Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.
Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.
À ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.
L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :
En cas de litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.
En l'espèce, M. [OJ] ne matérialise pas les éléments de faits suivants :
(1) En premier lieu, M. [OJ] produit un document relatif, selon lui, au client mystère et à la façon de les détecter et de les servir, qui manque toutefois de valeur probante en ce qu'aucun élément concret ne permet de rattacher ce document à la société Adriaco et qu'il n'est pas daté, de sorte qu'il n'établit pas que les salariés devaient identifier la présence d'un client mystère afin de le traiter correctement en vue d'avoir une bonne appréciation.
(2) En deuxième lieu, s'agissant du manquement à l'obligation de sécurité, le salarié verse aux débats l'attestation de Mme [TC] [H] relative à un incident survenu en septembre 2016 au cours duquel elle a glissé devant le grill et dans laquelle elle indique « par réflexe je pose le bras droit sur le grill pour me rattraper, j'avais une marque formée sur la peau à l'emplacement de la brûlure », photo de la blessure produite à l'appui.
Toutefois, il ressort de ladite attestation que Mme [H] « trouve inadmissible l'utilisation de cette photo prise une semaine après cette brûlure sans peau, pour prétendre que le nettoyage de grill est réalisé sans gants » et que « j'ai jugé moi-même que cette blessure n'entrait pas dans le cadre d'un accident de travail et était de ma seule responsabilité. Les soins pratiqués par moi-même ont été bénéfiques puisque je n'ai aucune séquelle. Je ne peux laisser dire n'importe quoi sur l'entreprise McDonalds de [Localité 4]. Sachez que cette entreprise est en adéquation avec ma déontologie concernant la qualité, la sécurité et l'environnement. »
Et M. [OJ] ne produit aucun élément permettant d'établir que Mme [H] serait sous « l'emprise de Mme [R] » et que son attestation serait de complaisance en faveur de cette dernière.
Dès lors, cet élément de fait propre à Mme [H] n'est pas suffisamment établi et ne permet donc pas de démontrer un manquement à l'obligation de sécurité de la part de la société Adriaco.
(3) En troisième lieu, le seul fait que l'employeur ait porté plainte pour faux témoignages à l'égard des salariés ayant saisi la juridiction prud'homale ne suffit pas à caractériser une hostilité de sa part, quand bien même la plainte a été classée sans suite par le Procureur, dès lors qu'il n'a fait qu'exercer l'un de ses droits et qu'il justifie son dépôt de plainte en raison des témoignages croisés entre les salariés qu'il considère erronés.
(4) En quatrième lieu, le jugement du conseil de prud'hommes dans l'affaire opposant Mme [B] à la société Adriaor et reconnaissant l'existence d'un harcèlement moral est sans portée probatoire dès lors que la situation individuelle de Mme [B] est distincte de celle de M. [OJ] et ce d'autant que l'employeur a fait appel de cette décision qui n'a dès lors pas de caractère définitif.
(5) En cinquième lieu, les attestations de Mme [A] [OJ] et de Mme [B] n'ont pas de valeur probante :
En raison du lien familial (mère) avec M. [OJ] pour la première ;
Quant à la seconde, Mme [B] ne mentionne pas M. [OJ] mais une autre salariée.
En revanche, M. [OJ] objective les éléments de faits développés ci-après.
(1) D'une première part, il fait valoir dans ses conclusions que la société Adriaco ne justifie d'aucune politique de prévention des risques en matière de harcèlement moral en mettant en avant les points suivants :
Les documents uniques visent simplement le risque d'agression, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sans aucune précision ;
Les moyens de prévention visent uniquement les risques terroristes, de braquage et de violences ;
Aucune action d'information et de formation n'a été dispensée à la salariée.
(2) D'une deuxième part, M. [OJ] fait valoir qu'il n'a pas bénéficié d'une visite médicale d'embauche en violation des dispositions de l'article R. 4624-10 du code du travail, de sorte que la société Adriaco a manqué à son obligation de sécurité (pages 29-30 des conclusions).
(3) D'une troisième part, le salarié produit une série d'attestations relatives aux conditions d'hygiène au sein de l'établissement, en particulier quant au fait que les salariés n'avaient pas assez d'équipements individuels de protection à disposition.
Mme [D] [N], ancienne salariée de la société, indique « Conditions d'hygiène très limites : une tenue par équipier, un gant de nettoyage pour tous, chiffons de nettoyage usés par la saleté et réutilisés, nourriture transportée dans une voiture entre les deux restaurants. Avant chaque audit, tout était astiqué à la brosse à dent pour rattraper ce qui n'était pas fait au quotidien. »
M. [GJ] [O], ancien salarié de la société entre le 20 octobre 2014 et le 31 mars 2015, énonce que « Ce harcèlement se traduisait ['] ainsi qu'une pression qui conduisait à des fautes d'hygiène et de sécurité alimentaire (steak haché périmé servi au client pour limiter les pertes). Concernant l'hygiène du personnel, une seule tenue était mise à disposition des salariés quel que soit leur nombre de jour de travail dans la semaine et quelles que soit les tâches qu'ils ont à effectuer (nettoyage des toilettes, travail en cuisine, nettoyage de la terrasse ou des bouches d'aérations juste au-dessus des lignes de cuisines). De plus, le nettoyage du grill se faisait avec une tenue spécifique pour la protection des salariés. Cependant la tenue composée d'un casque de protection, de gants de protection et d'un tablier était la même pour tout le personnel. »
Mme [K] [S], ancienne salariée de la société, explique que « En cas de visite de la médecine du travail, inspection des fraudes et tout autre organisme, [P] et nous-même avions reçu l'ordre de Mme [R] de ne répondre à aucune question et de respecter les procédures qu'elle nous avait faites inscrire sur une feuille dans notre classeur « et que « les conditions de sécurité sont loin d'être réunies au sein des deux restaurants de Mme [R]. Les formations sont bâclées voire quasi nulles (2 vidéos visionnées au lieu des 4, intégration en plein rush') pas de gants à disposition ou pas suffisamment afin de faire des économies comme nous le répétait souvent Mme [R] ».
Mme [S] déclare également que « Le but de Mme [R] est simplement de faire du chiffre d'affaires au détriment de la santé de ses employés, de leur bien-être mais aussi celui de l'hygiène ou de la formation. Mme [R] se soucie de la propreté seulement en cas de contrôle, annoncé à l'avance, ainsi qu'en présence du client mystère. »
Mme [T] atteste, concernant « l'hygiène et les règles à respecter », que :
« Les employés ne disposent que d'une seule tenue et doivent se fournir des chaussures de sécurité à leurs frais en attendant qu'on leur prête une paire de surchaussures » ;
« Les gants pour la manipulation des viandes ne sont pas changés toutes les 2h mais lorsqu'ils sont hors d'usage et il n'y en a qu'un pour toutes les viandes au lieu d'un par sac (soit environ 4 ou 5) » ;
« Nous ne disposons pas de gants pour manipuler la salade et les croques McDonalds ils sont utilisés pour remplir les glaçons quand il y en a » ;
« Les gants pour nettoyer les grills sont la même paire pour tous, ils ne sont jamais nettoyés et dégagent donc une odeur infecte et surtout ils ne sont jamais changés que lors de visites de McDonald's France ou en cas de brûlures ou de remarques d'équipiers » ;
« Lorsque Mme [R] se rend en cuisine afin d'aider, elle ne se lave pas les mains, se rend en tenue civile dans la cuisine sans filet dans les cheveux, sans tablier et en talons et avec ses bagues aux doigts ».
(4) D'une quatrième part, M. [OJ] produit plusieurs attestations quant à l'existence, selon lui, de pressions, brimades et dénigrements de la part de la gérante, Mme [R].
M. [GJ] [O], dont le contrat de travail s'est terminé le 31 mars 2015 et n'a donc partagé qu'une semaine de travail avec l'appelant, le planning produit par l'employeur pour établir qu'ils n'auraient pas travaillé ensemble n'étant pas pertinent, les horaires de M. [O] n'y apparaissant pas, énonce que « durant ma période de travail dans cette société, nous subissions du harcèlement moral de la part de nos supérieurs hiérarchiques (managers et directrice de la société). Ce harcèlement se traduisait par un vocabulaire injurieux et non approprié à des relations de travail ainsi qu'une pression qui conduisait à des fautes d'hygiène et de sécurité alimentaire. »
Mme [M] [VC] explique que « [X] était un très bon élément. Il travaillait très bien, il était discipliné et respectait les consignes qui lui étaient données. Tout se passait bien avec les équipiers. Les choses ont changé pour M. [OJ] lorsqu'il a décidé de se faire pousser la barbe. Il m'a demandé dans un souci d'hygiène à disposer d'un masque avant de prendre son poste. Lorsque Madame [R] l'a vu, elle est venue me voir très énervée et m'a demandé pourquoi M. [OJ] portait ce masque. Je lui ai indiqué qu'il le portait dans un souci d'hygiène. Elle a apostrophé M. [OJ] en lui donnant ordre de se raser immédiatement. Elle lui a donné un rasoir jetable. Il a refusé de se raser en indiquant qu'il était propre. Elle l'a très mal pris, l'a traité de dégueulasse, elle a donné ordre à tous les managers de faire craquer M. [OJ] jusqu'à ce qu'il se rase ou qu'il parte.
Elle ajoute que « Son quotidien est devenu très difficile pendant plus de deux mois, il était régulièrement pris à parti par Madame [R] et Madame [V]. Il était traité de bon à rien, clochard. Son travail était toujours dénigré alors qu'il travaillait très correctement. J'ai vu M. [OJ] profondément déstabilisé par ce traitement. Mme [R] est même allée jusqu'à afficher un article sur les hommes à barbe décrite comme plus sale que la cuvette des toilettes. »
Mme [XJ] déclare que « J'ai été équipière polyvalente avec [X] de mars 2015 à juillet 2015. Je travaillais avec [X] en cuisine. Mme [R] a horreur des poils. [X] avait une barbe de deux jours, elle lui a demandé d'aller se raser « à sec ». [X] voulait mettre un masque comme s'est indiqué dans notre contrat de travail. [EJ], une manager, lui a dit qu'il ressemblait à un clochard. [X] n'a rien dit de mal et est retourné travailler. Dès que l'on se parlait, [C] [R] lui a dit « ferme ta gueule ». [EJ] lui faisait laver le grill à l'eau alors qu'il n'a jamais été formé au grill. »
Mme [T] précise que, pendant qu'elle a travaillé avec M. [OJ], « un jour il est arrivé avec une barbe de quelques jours et a demandé au manager présent ce soir-là, mais lorsque Mme [R] s'en est aperçu elle a exigé qu'il se rase, avec un rasoir jetable sans mousse ou autre, mais il a refusé. [X] savait qu'elle ne pouvait pas l'obliger à se raser, que c'était son droit. Mme [R] voulait mater la rébellion par peur que cela donne des idées aux autres, c'est pourquoi Mme [R] et Mme [V] [EJ] (manager) se sont mises à l'humilier en public, injurié, son travail était critiqué, on le traitait de bon à rien, d'idiot, un article a même été affiché en cuisine sur le panneau information employé « La barbe de ces messieurs, un vrai nid à bactéries » afin de l'humilier un peu plus. »
Mme [D] [N] indique que « Nous ne sommes que « des chiens à éduquer » selon les dires de Mme [R]. Nous étions traités avec grand mépris par trois des managers ».
M. [Y] [W] indique, bien que cela concerne sa situation et non celle de M. [OJ], que « la direction a une fois refusé que je pointe pour commencer mon travail car je n'étais pas rasé. Cependant le contrat de travail mentionne que les personnes ayant une pilosité ont le droit à un masque de protection. »
(5) D'une cinquième part, M. [OJ] soutient que son licenciement pour faute grave est injustifié et « constitue un agissement de harcèlement moral supplémentaire » (page 38 des conclusions).
(6) Finalement, d'une sixième part, M. [OJ] produit deux arrêts de travail pour les périodes du 22 au 25 juin et du 30 juin au 5 juillet qu'il attribue, selon ses conclusions, aux « conditions de travail mettant en danger sa sécurité et sa santé » et à la circonstance d'avoir été injurié par Mme [R] le 28 juin 2015 (page 25 des conclusions).
Pris dans leur ensemble, ces éléments de fait sont de nature à présumer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils reflètent des conditions de travail dégradées et une atteinte portée aux droits du salarié.
En réponse, l'employeur apporte des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement :
Ainsi, s'agissant des manquements de la société à son obligation de sécurité en matière d'hygiène des salariés, l'employeur produit un procès-verbal d'huissier de justice concernant l'hygiène et la sécurité sur l'établissement de [Localité 4] datant du 22 février 2017, qui manque toutefois de pertinence en ce qu'il est postérieur au départ de M. [OJ] de la société, la lettre de notification étant daté du 15 juillet 2015.
Il verse ensuite aux débats les attestations de deux managers, de la responsable de formation, de la gestionnaire administrative et de la directrice des ressources humaines de la société qui précisent que les normes d'hygiène et de sécurité sont identiques sur les deux établissements gérés par Mme [R] via les sociétés Adriaco et Adriaor.
Il produit également des photos des équipements spécifiques utilisés par les salariés, les consignes correspondant à différentes procédures affichées au sein des locaux, ainsi que les factures relatives au réapprovisionnement des équipements de protection individuelle pour les années 2014, 2015 et 2016 et les factures relatives au carrelage antidérapant installé au sein du restaurant.
Les attestations de Mmes [TJ] et [Z] n'ont pas de valeur probante en ce qu'elles sont rédigées de manière identique.
Il verse aux débats les attestations de formation en tant que référent hygiène et sécurité alimentaire de trois salariés de la société.
La société Adriaco produit également les comptes-rendus de la Brand Standard Visit du 13 octobre 2015 et du 8 juin 2016 qui précisent que « l'ensemble du restaurant est parfaitement propre » et que « les équipements sont très bien entretenus ».
Il convient toutefois de considérer que ces audits ont une faible valeur probante quant à l'hygiène et la sécurité des salariés, dès lors qu'ils sont prévus et annoncés à l'avance à la société.
De la même manière, les comptes-rendus de suivi du client mystère et les résultats de l'application « mcdoetmoi » manquent de pertinence en ce qu'ils ne mentionnent pas la question de l'hygiène en cuisine et de celle des salariés, mais uniquement du drive, de la salle de restauration et des toilettes.
L'employeur produit des photos relatives, selon lui, à la formation « lavage des mains », mais qui manquent de valeur probante en ce qu'elles ne sont pas datées, et que les seules factures relatives à ces formations ne permettent pas d'en établir le contenu.
Finalement, il produit les attestations de plusieurs salariés de la société, employés polyvalents, qui attestent sur la présence de gants bleus pour manipuler la viande crue disponibles dans un distributeur dans la cuisine, d'une paire de gants rouges, ou marrons en fonction des attestations, pour nettoyer le grill, partagée entre les salariés, et de chiffons de nettoyage et indiquent qu'ils étaient changés régulièrement quand ils étaient usés.
Plusieurs des salariés ajoutent également qu'ils devaient se laver les mains toutes les heures, la pointeuse émettant une sonnerie de rappel à cet effet.
Bien que ces vingt-cinq attestations, qui concernent toutes uniquement ce sujet, ont été rédigées les mêmes jours, soit le 6 février 2017, entre le 22 et le 24 février 2017 ou début mars 2017, il ressort de leur contenu que des gants de protection individuelle étaient mis à disposition des salariés et que ces derniers pouvaient les changer.
Ainsi, il ressort de l'ensemble des éléments que l'employeur établit suffisamment, par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la propreté générale du restaurant ainsi que l'existence de gants à destination des salariés, en tant qu'équipements de protection individuelle.
En revanche, l'employeur n'apporte pas d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral concernant les autres faits matérialisés par la salariée en ce que :
(1) D'une première part, concernant l'obligation de prévention du harcèlement moral, il ressort des documents uniques d'évaluation des risques professionnels pour les années 2014 et 2015, produits par l'employeur, que le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sont uniquement prévu dans le cadre du « Risque d'agression » et qu'aucun moyen de prévention existant n'est relatif au harcèlement mais uniquement au risque d'agression ou de braquage.
En outre, les fiches de formation complétées par la salariée et les annexes au contrat de travail, produites par l'employeur, ne mentionnent pas le harcèlement moral et aucun élément concret n'est produit concernant le contenu des vidéos sur les formations obligatoires.
Ainsi, l'employeur n'apporte aucun élément pertinent permettant d'établir la mise en 'uvre de mesures concrètes quant à son obligation de prévention du harcèlement moral auprès de ses salariés et dont M. [OJ] aurait bénéficié.
Si ce manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement, qui ouvre droit à une indemnisation distincte, ne caractérise pas en soi des agissements de harcèlement, il est de nature à les avoir facilités.
(2) D'une deuxième part, s'agissant du manquement de la société à son obligation de sécurité concernant la visite médicale, la société Adriaco produit uniquement la déclaration préalable à l'embauche du 16 mars 2015.
Toutefois, comme le soutient le salarié, l'employeur ne produit aucun autre élément permettant d'établir qu'il s'est assuré de l'effectivité de la visite médicale au moment de l'embauche de M. [OJ] en conformité avec l'article R. 4624-10 du code du travail, soit avant la fin de la période d'essai.
(3) D'une troisième part, s'agissant des brimades et propos dégradants et humiliants, contrairement à ce qu'avance l'employeur, il importe peu que le salarié ne se soit « jamais plaint d'un harcèlement moral ni même d'une quelconque difficulté pendant l'intégralité de sa relation contractuelle » (page 33 des écritures), ni qu'il n'ait pas informé le médecin du travail ou son médecin traitant des faits allégués (page 34 des écritures).
En premier lieu, l'employeur produit les attestations, difficilement lisibles, d'une équipière polyvalente, d'un manager et de la directrice des ressources humaines de la société, qui manquent toutefois de pertinence en ce qu'ils n'attestent pas des déplacements de la gérante, mais uniquement du fait qu'ils avaient régulièrement des réunions hebdomadaires avec elle concernant la gestion de l'entreprise.
Il verse également aux débats l'attestation de Mme [C] [Z], gestionnaire administrative, qui indique qu'elle travaille « en relation directe avec Mme [R] » et que cette dernière a régulièrement « des réunions à [Localité 6] ou même dans d'autres pays ».
Toutefois, les absences occasionnelles de Mme [R] ne permettent pas, en soi, d'écarter les faits allégués quant aux remarques désobligeantes et dégradantes à l'encontre de M. [OJ], d'autant qu'une manager est également visée dans les attestations, Mme [V].
En deuxième lieu, la société fait valoir que les attestations produites par le salarié sont mensongères.
Toutefois, le courrier anonyme produit par l'employeur quant au fait qu'un « complot » se serait organisé contre la gérante de la société n'a aucune valeur probante en l'absence d'éléments d'authenticité, tel qu'une date ou un courrier d'envoi, de sorte qu'il ne permet pas d'écarter les attestations produites par M. [OJ] en considérant le fait qu'elles proviennent de salariés en litige avec la société.
En outre, les moyens développés par l'employeur sont inopérants, dès lors que :
Ils concernent des attestations produites dans d'autres litiges pendants devant la présente cour ou les moyens soulevés par d'autres salariés dans leur propre litige ;
La seule circonstance que Mme [T] ait rédigé un courrier de remerciement à l'égard de Mme [R] et de ses collègues de travail ne permet pas d'écarter l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de M. [OJ].
En troisième lieu, l'employeur produit une série d'attestations de salariés de la société Adriaco ayant travaillé sur la même période que M. [OJ], manquant toutes de pertinence ou de valeur probante :
M. [TJ] indique qu'il travaillait au restaurant de St-Etienne de St-Geoirs, alors que M. [OJ] était positionné sur le restaurant de [Localité 4] ;
Mme [F] n'a commencé à travailler qu'en janvier 2016, soit plusieurs mois après le départ de M. [OJ] ;
Mmes [E] et [H] et M. [J] attestent dans des termes similaires ne jamais avoir entendu Mme [R] dire « Ferme ta gueule » à un autre salarié sans plus de précision ;
MM. [I], [U] et [G] attestent simplement ne jamais avoir entendu Mme [R] insulter ou manquer de respect à un autre collaborateur.
Ainsi, ces attestations demeurent insuffisantes en ce qu'aucune ne mentionne M. [OJ]. Elles ne permettent donc pas d'écarter les brimades et propos dégradants allégués à l'encontre de celui-ci, la seule attestation de M. [J], manager, n'étant donc pas suffisante en ce qu'il est le seul à mentionner le salarié en indiquant : « J'ai travaillé sur ma même période que [X] [OJ] et durant cette période, je n'ai pas été témoin d'injures portés à son attestation de la part de Mme [R] ou de toute personne appartenant à l'équipe de gestion ».
De la même manière, les courriers de remerciement et les lettres de démission, produits par l'employeur, ne permettent pas d'écarter l'existence de brimades à l'encontre de M. [OJ], quand bien même les salariés remercient Mme [R], en ce qu'ils mentionnent simplement l'ambiance générale et ne précisent aucun élément quant au salarié.
En quatrième lieu, la société Adriaco produit un document intitulé « Session Débat : la barbe de ces messieurs, un vrai nid à bactérie » et comprenant les mentions manuscrites : « Dates : Avril 2015 ' Dates : Novembre 2015 ; Dates : Avril 2016 ».
La cour note que le titre vise de manière négative et réprobatrice une partie spécifique de personnes pouvant être salariés de l'entreprise dont faisait partie M. [OJ].
L'employeur verse également l'attestation de Mme [H], formatrice au sein de la société Adriaco, qui indique « lorsque celui-ci a commencé à porter la barbe (environ deux semaines avant son départ), un masque lui a été remis immédiatement par le manager présent. »
Toutefois, cette attestation entre en contradiction avec l'attestation de Mme [VC], produite par le salarié, qui indique que « [Le] quotidien [M. [OJ]] est devenu très difficile pendant plus de deux mois, il était régulièrement pris à parti par Madame [R] et Madame [V]. ».
Les autres attestations produites par la société manquent de pertinence en ce qu'il est uniquement précisé que les hommes portant la barbe doivent, soit porter un masque en cuisine, soit se raser, « la société leur fournissant un rasoir gratuitement ».
Or, en cas de doute, celui-ci doit profiter au salarié, de sorte qu'il y a lieu de considérer que M. [OJ] a commencé à porter la barbe au mois d'avril 2015, soit pendant plus de deux mois avant la rupture de son contrat de travail, à la même période où l'affiche sur le port de barbe a été posée.
En outre, la société Adriaco ne justifie pas l'intérêt de cette session-débat sur le port de barbe, dès lors que, comme elle l'indique, il est prévu selon le règlement intérieur que les hommes portant la barbe ou la moustache doivent porter un masque.
L'employeur ne démontre donc pas que la pose de cet affichage, concomitant au port de barbe de M. [OJ], n'est pas en lien direct avec cette circonstance propre au salarié.
Ainsi, il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur n'apporte aucun élément objectif étranger à tout harcèlement quant à l'existence de brimades et de propos dégradants et humiliants à l'encontre de M. [X] [OJ].
(4) D'une quatrième part, la société Adriaco soutient que le licenciement pour faute grave notifié par courrier en date du 15 juillet 2015 est justifié, de sorte qu'il convient d'examiner les griefs reprochés.
Il convient tout d'abord de rappeler que la faute grave est définie comme celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'un importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur.
Il ressort de la lettre de licenciement du 15 juillet 2015, qui fixe les limites du litige, qu'il est reproché au salarié un abandon de poste de M. [OJ] le 28 juin 2015, de sorte que son absence à compter du 5 juillet, reprochée par l'employeur dans ses conclusions, ne constitue pas un grief pouvant justifier son licenciement.
De la même manière, la lettre de convocation à un entretien préalable et l'absence à l'entretien préalable ne peuvent constituer des griefs, dès lors que la lettre de convocation constitue une obligation pour l'employeur dans le cadre d'une procédure disciplinaire et que la présence du salarié à l'entretien préalable n'est pas obligatoire, cet entretien étant un droit en faveur du salarié.
Il s'ensuit que l'abandon de poste du 28 juin 2015 est le seul grief reproché à M. [OJ] dans le cadre de son licenciement notifié par courrier en date du 15 juillet 2015.
A cet égard, M. [OJ] reconnaît cet abandon de poste, mais il l'explique par la nécessité de se préserver des faits de harcèlement lorsqu'il indique dans ses écritures que le 28 juin 2015, il « est de nouveau insulté par la gérante de la société » qui « n'hésite pas à [le] traiter de « petit con », « clochard », « dégueulasse » » et que « face à ces insultes et à cette situation portant gravement atteinte à l'état de santé physique moral du salarié, ['] il n'a pas d'autre choix de se retirer de son poste de travail, peu de temps avant la fin de son service, pour préserver sa santé et sa sécurité » (page 37 des conclusions). Il justifie également avoir été placé en arrêt maladie le 30 juin 2015, soit deux jours après les faits.
En ce qui la concerne, la société Adriaco produit le relevé des horaires de M. [OJ] dont il ressort que le 28 juin le salarié a pointé de 9h30 à 10h30. En revanche, elle ne produit pas le planning des horaires prévus de M. [OJ], de sorte que la cour est dans l'impossibilité de vérifier le temps de travail prévu pour le salarié à la date du 28 juin 2015.
Elle verse aux débats un document sur lequel est écrit de manière manuscrite « Abandon de poste » et qui mentionne « [OJ] [X], Sortie A, Nouveau=10 :30, Ancien=- :- par MGR#17 le 28/06/2015 11 :18 :28 », sans toutefois que l'employeur n'apporte d'explications quant à cet écrit.
La société Adriaco produit finalement l'attestation de Mme [L] et une attestation de Mme [V], qui manquent toutefois de valeur probante.
En effet, Mme [L] indique avoir repris le 1er juillet et ne pas avoir été présente lors des faits survenus le 28 juin, de sorte qu'elle ne peut attester de l'abandon de poste de M. [OJ].
S'agissant de l'attestation de Mme [V], outre qu'elle n'est pas datée, il ressort de l'attestation de Mme [L] qu'elle : « voi[t] donc Mme [V] [EJ] le 3 juillet 2015 et lui demande d'écrire ce qu'il s'est passé pour qu'une trace soit mise dans son dossier. N'étant pas à l'aise dans la rédaction, Mme [V] me demande si je peux écrire les faits pendant qu'elle relate l'histoire. Acceptant, à l'issue de notre entretien, je relis une dernière fois et entièrement le compte rendu que j'ai écrit et Mme [V] [EJ] le signe ».
Il s'ensuit que l'attestation signée par Mme [V] concernant les faits date du 3 juillet a en réalité été rédigée par une autre personne, au moins 5 jours après les faits, postérieurement à l'arrêt maladie du salarié.
En outre, l'employeur ne verse aux débats aucun élément permettant d'établir que Mme [V] était bien la manager présente ce jour-là.
Compte tenu des éléments précédemment retenus relatifs à l'existence de brimades ainsi que de propos dégradants et humiliants, l'employeur ne démontre pas suffisamment l'abandon de poste de M. [OJ] le 28 juin 2015.
Dans ces conditions, la société Adriaco échoue à établir que la mesure de licenciement pour faute grave notifiée à M. [OJ] le 15 juillet 2015 est étrangère à tout agissement de harcèlement moral.
(5) D'une cinquième part, l'employeur soutient que le salarié ne fait pas état d'une dégradation de son état de santé en ce qu'il ne produit pas de certificat médical attestant de son état de santé et que ces arrêts de travail, qui ne couvrent qu'une dizaine de jours, ne fait état d'aucune mention de leur origine professionnelle.
Toutefois, l'existence du harcèlement moral n'est pas conditionnée par la preuve d'une dégradation effective de l'état de santé du salarié, la seule circonstance que les mauvaises conditions de travail subies par le salarié l'exposent à un risque pour sa santé étant suffisante.
Or, il ressort des éléments précédemment retenus que M. [OJ] a subi une dégradation de ses conditions de travail.
Dès lors, il résulte de l'ensemble des énonciations précédentes que l'employeur n'apporte pas les éléments justificatifs étrangers suffisantes à tout harcèlement, de sorte qu'il convient, par infirmation du jugement entrepris, de déclarer que M. [OJ] a été victime d'un harcèlement moral par la société Adriaco.
En conséquence, compte tenu des faits subis par la victime et de la durée du harcèlement, il convient de condamner la société Adriaco à verser à M. [OJ] la somme de 3 000 euros net au titre du harcèlement moral.
En outre, en application de l'article L. 1152-4 du code du travail, il convient de condamner la société Adriaco à verser à M. [OJ] la somme de 1 000 euros net au titre de l'obligation de prévention du harcèlement moral.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ces chefs.
Sur la rupture du contrat de travail :
Il résulte de ce qui précède que le licenciement pour faute grave notifié à M. [OJ] par la société Adriaco par courrier en date du 15 juillet 2015 n'est pas justifié et est intervenu dans un contexte de harcèlement moral.
Au visé de l'article 1152-3 du code du travail, il convient ainsi d'infirmer le jugement dont appel et de prononcer la nullité du licenciement de M. [OJ].
Par confirmation du jugement entrepris, la société Adriaco est condamnée à lui verser la somme de 166,54 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 16,54 euros brut au titre des congés payés afférents.
Par infirmation du jugement entrepris, au visa de l'article 1235-3-1 du code du travail, il convient de condamner la société Adriaco à payer à M. [OJ] la somme de 4 800 euros brut à titre des dommages et intérêts pour licenciement nul, étant donné que le salaire brut moyen de M. [OJ] était de 787,97 euros, qu'il avait une ancienneté de moins d'un an mais qu'il s'abstient de produire tout justificatif permettant d'évaluer le préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi.
Enfin, par confirmation du jugement entrepris, en application de l'article L. 1235-2 du code du travail, il convient de débouter M. [OJ] de sa demande d'indemnité au titre de la procédure irrégulière de licenciement dès lors qu'elle n'est pas cumulable avec les dommages et intérêts pour licenciement non justifié.
Sur la demande de la société au titre de la procédure abusive :
Aux termes des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile, en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés.
L'abus du droit d'agir en justice est également une faute engageant son auteur en application de l'article 1240 du code civil.
M. [OJ] ayant obtenu gain de cause sur une partie au moins de ses prétentions, la société Adriaco ne rapporte pas la preuve d'une faute de cette dernière dans l'exercice de son droit d'agir en justice.
Confirmant le jugement déféré, elle est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur les demandes accessoires :
La société Adriaco, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.
Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [OJ] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant de condamner la société Adriaco à lui payer la somme de 800 euros pour la procédure de première instance et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
En conséquence, la demande indemnitaire de la société au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
Condamné la société Adriaco à verser à M. [X] [OJ] la somme de 166,54 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 16,54 euros brut au titre des congés payés afférents ;
Condamné la somme Adriaco à verser M. [X] [OJ] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté M. [OJ] de sa demande d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement ;
Débouté la société Adriaco de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Débouté la société Adriaco de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Adriaco aux dépens de première instance,
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
DÉCLARE que M. [X] [OJ] a été victime d'un harcèlement moral ;
REQUALIFIE le licenciement pour faute grave notifié à M. [X] [OJ] par courrier en date du 15 juillet 2015 en licenciement nul ;
DIT que les sommes allouées par les premiers juges au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents sont brutes ;
CONDAMNE la société Adriaco à payer à M. [OJ] les sommes suivantes :
3 000 euros (trois mille euros) net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
1 00 euros (mille euros) net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral ;
4 800 euros (quatre mille huit cents euros) brut au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul ;
DÉBOUTE M. [OJ] du surplus de ses prétentions au principal ;
CONDAMNE la société Adriaco à payer à M. [X] [OJ] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Adriaco de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Adriaco aux entiers dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président