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07/03/2024 | FRANCE | N°22/00571

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 07 mars 2024, 22/00571


C 2



N° RG 22/00571



N° Portalis DBVM-V-B7G-LHJH



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL A PRIM



la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2024





Appel d'une décision (N° RG 18/00259)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 10 janvier 2022

suivant déclaration d'appel du 08 février 2022





APPELANTE :



E.U.R.L. ADRIAOR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en ce...

C 2

N° RG 22/00571

N° Portalis DBVM-V-B7G-LHJH

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL A PRIM

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2024

Appel d'une décision (N° RG 18/00259)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 10 janvier 2022

suivant déclaration d'appel du 08 février 2022

APPELANTE :

E.U.R.L. ADRIAOR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Sandrine MOUSSY de la SELARL A PRIM, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sylvie ESCALIER, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Madame [IL] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 décembre 2023,

Jean-Yves POURRET, conseiller chargé du rapport et Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 07 mars 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 07 mars 2024.

EXPOSÉ DU LITIGE

Les sociétés Adriaor et Adriaco, dont la gérante est Mme [PJ], exploitent des établissements de restauration rapide sous l'enseigne MacDonald's, situés respectivement à [Localité 7] et à [Localité 4].

La convention collective applicable est la convention collective nationale de la restauration rapide du 18 mars 1988.

Mme [IL] [V] a été embauchée par la société Adriaor le 18 octobre 2013 en qualité d'équipière polyvalente, catégorie employé, niveau 1, échelon 1, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une durée mensuelle de travail de 73,61'heures.

Par avenant en date du 1er mars 2014, la durée mensuelle de travail a été augmentée à hauteur de 86,67'heures de travail, avec une répartition du travail entre le mercredi et le dimanche, les lundis et mardis n'étant pas travaillés.

Par avenant en date du 1er mai 2014, la durée mensuelle de travail a été augmentée à hauteur de 103,92'heures de travail, avec une répartition du travail du vendredi au mardi, les mercredis et jeudis n'étant pas travaillés.

Par avenant en date du 1er septembre 2014, la durée mensuelle de travail a été fixée à temps plein.

Par avenants au contrat de travail, Mme [V] a été détachée au sein du restaurant Lunea dans le cadre d'une formation «'Nouvelle cuisine'» les 27 septembre, 17 et 20 octobre 2014.

À compter du 1er octobre 2015, Mme [IL] [V] a été promue en qualité de responsable opérationnelle, niveau III, échelon 3.

Selon convention de transfert signée le 25 octobre 2014, le contrat de travail de Mme [IL] [V] a été transféré à la société Adriaco à compter du 1er novembre 2014 en qualité d'équipière polyvalente, niveau II, échelon 2.

À compter du 1er octobre 2015, Mme [IL] [V] a été promue en qualité de responsable opérationnelle, niveau III, échelon 3.

La salariée a été réaffectée au restaurant de [Localité 7] exploité par la société Adriaor, à compter du 9 août 2015 selon la salariée et du 1er janvier 2016 selon la société Adriaor.

Mme [IL] [V] a bénéficié d'un arrêt de travail du 23 juin au 2 juillet 2016, puis d'un nouvel arrêt de travail à compter du 8 juillet 2016 jusqu'au 7 octobre 2016.

Deux contre-visites médicales, sollicitées par la société Adriaor, organisées les 22 et 28 septembre 2016 ont conclu au caractère injustifié de l'arrêt de travail.

Par avis en date du 17 octobre 2016, la médecine du travail a déclaré Mme [V] inapte «'à son poste et à tout poste dans l'entreprise'».

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 novembre 2016, la société Adriaor a convoqué Mme [V] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement prévu le 17 novembre 2016.

Par courrier avec accusé de réception en date du 25 novembre 2016, la société Adriaor a notifié à Mme [V] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Antérieurement, le 22 juillet 2016, Mme [IL] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant le non-paiement d'heures supplémentaires et un harcèlement moral.

La société Adriaor s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 10 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

CONSTATE que Mme [IL] [V] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur,

DIT que la société Adriaor a manqué à son obligation de sécurité,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [IL] [V] aux torts exclusifs de l'employeur, à la date du 25 novembre 2016,

CONSTATE que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul,

CONDAMNE la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 3'981,26'euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 398,12 euros au titre des congés payés afférents, lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 26 Juillet 2016,

CONDAMNE la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 11'943 euros net à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, ladite somme avec intérêts de droit à la date du présent jugement,

DEBOUTE Mme [IL] [V] de sa demande formée au titre des heures supplémentaires,

CONDAMNE la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 8'000'euros au titre du préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-1 du code du travail, ladite somme avec intérêts de droit à la date du présent jugement,

DEBOUTE Mme [IL] [V] de sa demande formée au titre du préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du travail,

DEBOUTE Mme [IL] [V] de sa demande formée au titre du préjudice moral sur le fondement du manquement a l'obligation de sécurité de résultat,

DEBOUTE Mme [IL] [V] de ses demandes formées à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire,

CONDAMNE la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, dans la limite de neuf mois de salaires, nonobstant appel et sans caution, en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant de1'990,63 euros brut,

CONDAMNE la société Adriaor au paiement des entiers dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 12 et 13 janvier 2022.

Par déclaration en date du 8 février 2022, la société Adriaor a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Par déclaration en date du 10 février 2022, Mme [IL]-[V] a également interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Selon ordonnance en date du 19 mai 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures N°RG 22/571 et 22/619 sous le seul numéro 22/571.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2022, la société Adriaor demande à la cour d'appel de :

DIRE ET JUGER régulier et bien fondé l'appel engagé par ses soins à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 10 janvier 2022';

PRONONCER la jonction de la présente instance avec l'instance enrôlée sous le numéro de RG 22/00564';

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires de Mme [V]';

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-4 du Code du travail ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité';

INFIRMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que Mme [IL] [V] avait été victime de harcèlement moral et que la société Adriaor avait en outre manqué à son obligation de sécurité ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il a en conséquence prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de de la société Adriaor, produisant les effets d'un licenciement nul, et a condamné cette société à verser à Mme [V] les sommes suivantes':

- Dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-1 du Code du travail': 8'000 euros

- Indemnité compensatrice de préavis': 3'981,26 euros

- Congés payés afférents': 398,12 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement nul': 11'943 euros

- Indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile': 1'500 euros

En conséquence et statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que Mme [V] n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral de la part de la société Adriaor ;

DIRE ET JUGER que la société Adriaor n'a commis aucun manquement au titre de son obligation de sécurité vis-à-vis de Mme [V] ;

DEBOUTER en conséquence Mme [V] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-1 du Code du travail ;

DEBOUTER également Mme [V] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Adriaor et de sa demande de nullité du licenciement ;

DEBOUTER en conséquence Mme [V] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

DEBOUTER également Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

DIRE ET JUGER que le licenciement de Mme [V] est fondé et qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTER en conséquence Mme [V] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

DEBOUTER également Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTER en conséquence Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-1 du Code du travail ;

CONDAMNER Mme [V] à lui payer la somme totale nette de 3'000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Mme [V] aux éventuels dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 juillet 2022, Mme [IL] [V] demande à la cour d'appel de :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

Constaté que Mme [IL] [V] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur,

Dit que la société Adriaor a manqué à son obligation de sécurité,

- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [IL] [V] aux torts exclusifs de l'employeur, à la date du 25 novembre 2016,

Constaté que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul,

Condamné la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 3 981,26 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 398,12 euros brut au titre des congés payés afférents, lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 26 juillet 2016,

Condamné la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Adriaor au paiement des entiers dépens.

LE REFORMER pour le surplus, et statuant à nouveau,

CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] les sommes suivantes :

- 41 823,18 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- 4 182,31 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-1 du Code du travail,

- 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du travail,

- 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la violation de l'obligation de sécurité de résultat et des dispositions relatives aux durées maximales du temps de travail et au repos hebdomadaire,

Si la Cour devait confirmer la décision entreprise en ce qu'elle prononcé la résiliation judiciaire et lui a fait produire les effets d'un licenciement nul';

CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 20'000'euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul';

A titre subsidiaire,

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail et lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

A titre encore plus subsidiaire,

JUGER que le licenciement pour inaptitude notifié à Mme [V] est nul et CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

A titre infiniment subsidiaire,

JUGER que le licenciement pour inaptitude notifié à Mme [V] est sans cause réelle et sérieuse et CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause,

CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTER la société Adriaor de l'intégralité de ses demandes.

CONDAMNER la même aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2023.

L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 20 décembre 2023 ; la décision a été mise en délibéré le 7 mars 2024.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la demande au titre des heures supplémentaires':

Il résulte de l'article L.'3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.

Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

En l'espèce, Mme [V] sollicite un rappel de salaire à hauteur de 41'823,18'euros brut pour heures complémentaires entre les mois de mars et d'août 2014 et pour heures supplémentaires entre le mois de septembre 2014 et le 5 juillet 2016.

Selon l'avenant en date du 1er mars 2014, Mme [IL]-[V] «'percevra une rémunération mensualisée brute de 825,97'euros correspondant à sa durée du travail mensuel de 86,67'heures'», étant précisé que la répartition de la durée de travail est comprise entre le mercredi et le dimanche, les lundis et mardis n'étant pas travaillés.

Puis, selon l'avenant en date du 1er mai 2014, Mme [IL]-[V] «'percevra une rémunération mensualisée brute de 990,36'euros correspondant à sa durée du travail mensuel de 103,92'heures'», étant précisé que la répartition de la durée de travail est comprise entre le vendredi et le mardi, les mercredis et jeudis n'étant pas travaillés.

Enfin, selon l'avenant en date du 1er septembre 2014, la durée de travail est fixée à temps plein pour une rémunération mensualisée brute de 1'445,42'euros, aucun changement n'étant précisé quant à la répartition du temps de travail.

La cour note que les deux conventions de transfert produites n'apportent aucune modification à la durée et à la répartition du temps de travail.

En premier lieu, à l'appui de ses prétentions, Mme [V] produit un calendrier pour les années 2014, 2015 et 2016, ainsi qu'un tableau chiffrant les heures revendiquées.

Il ressort du calendrier que la salariée a indiqué, entre le 1er mars 2014 et le 05 juillet 2016, les repos hebdomadaires, les congés payés, ses arrêts maladie ainsi que l'indication «'+4h'», «'+6h'» ou «'+10h'» représentant, selon les conclusions de la salariée, les heures complémentaires revendiquées entre le 1er mars 2014 et le 31 août 2014 et les heures supplémentaires alléguées à compter du 1er septembre 2014 jusqu'au 5 juillet 2016.

Le tableau versé aux débats précise, par semaine, entre le 24 février 2014 et le 10 juillet 2016, le nombre d'heures complémentaires et supplémentaires sollicitées en fonction de la majoration à appliquer et chiffre ainsi le rappel de salaire sur lesdites heures revendiquées par semaine et par année.

Contrairement à ce que soutient l'employeur dans ses écritures (page 22 des conclusions), les annotations de la salariée, précisant par jour le nombre total d'heures supplémentaires effectuées selon elle, sont suffisantes pour lui permettre d'y répondre utilement quand bien même il n'est pas mentionné les horaires d'arrivée, de départ et de pause pour chaque journée, d'autant qu'il lui appartient d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées.

La circonstance que des calendriers similaires comportant les mêmes annotations soient produits par d'autres salariés dans des affaires analogues actuellement pendantes devant la présente cour n'entache pas la valeur probante desdits calendriers, dès lors que toutes les salariées ont travaillé pour au moins l'une des deux sociétés gérées par Mme [PJ] et qu'elles avaient donc des réunions communes et des abréviations identiques.

De la même manière, le tableau indiquant le rappel de salaire mensuel en fonction du nombre d'heures supplémentaires revendiquées, quand bien même il constituerait «'une simple reconstitution théorique des heures qu'elle aurait prétendument réalisées sur la période litigieuse'» (page 23 des conclusions de l'employeur), suffit à l'employeur pour répondre utilement aux demandes de Mme [V] dès lors que cette dernière a indiqué le nombre d'heures complémentaires ou supplémentaires revendiquées pour chaque semaine et qu'il appartient à l'employeur d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées.

En deuxième lieu, Mme [V] produit les attestations de Mmes [RI], [GF] et [YO] et de MM. [OK] et [XY], anciens salariés de l'établissement de [Localité 4] ou de l'établissement de [Localité 7], qui, bien qu'elles soient générales et non datées, évoquent la question des heures supplémentaires effectuées par la salariée.

Mme [JC] [RI] indique que «'Alors que [[IL] [V]] occupait un poste de responsable opérationnelle au McDonald's de [Localité 7], je l'ai souvent vue les week-ends nous aider sur des rushs au McDonald's de [Localité 4]'».

M. [E] [OK] déclare avoir travaillé du 2 au 10 juin 2015 au McDonald's de [Localité 7] et «'Alors qu'elle venait d'effectuer sa journée de travail à [Localité 5], je voyais [IL] venir travailler ou apporter des fournitures à [Localité 7]'».

M. [ZF] [XY] atteste que «'Avec le temps, je voyais [IL] fatiguée car elle travaillait énormément sans avoir beaucoup de repos, parfois elle fermait le soir et ouvrait le lendemain ou venait pour aider le matin. Parfois [IL] n'avait pas de jour de repos pendant une semaine entière.'».

Mme [OC] [GF] précise que «'Mme [PJ] appelait [[IL] [V]] régulièrement en dehors de ses heures de travail ainsi que ses congés hebdomadaires pour qu'elle vienne finir des papiers. Lorsque [IL] ne terminait pas son travail, c'est parce que Mme [PJ] nous demandait de faire travailler [IL] sur le terrain pendant les rushs et aussi lorsque des employés étaient absents. Ce qui par conséquent la mettait très en retard pour ses tâches administratives. Concrètement, [IL] enchaînait les heures supplémentaires à la demande de Mme [PJ]': «'Tu ne partiras pas d'ici tant que tu n'auras pas fini'» et tentait tant bien que mal de rattraper le retard.'».

Mme [X] [YO] indique que «'En août 2015, [IL] a été mutée à [Localité 7]. Elle venait des fois faire des remplacements à [Localité 4]. [IL] avait l'air souvent fatiguée, épuisée avec les heures qu'elle faisait, mais je n'en savais pas plus'» et que «'Le 1er mai 2016, je pars à [Localité 7] pour commencer une «'formation manager'». A partir de là, je travaillais en binôme avec [IL]. Elle faisait des horaires tellement conséquents et était tellement dévouée à Mme [PJ] qu'elle s'épuisait petit à petit.'».

En troisième lieu, les attestations de Mmes [Y] [P], [J] [HV] et [TG] [PS], qui, nonobstant le fait qu'elles sont salariées en litige avec la société Adriaco ou la société Adriaor, gérées par Mme [PJ], dans d'autres procédures actuellement pendantes devant la présente cour, demeurent suffisamment probantes, en ce qu'elles apportent des faits suffisamment précis, même non datés, ayant perduré au cours de la relation de travail.

En outre, le courrier anonyme produit par l'employeur quant au fait qu'un «'complot'» aurait été organisé contre la gérante de la société n'a aucune valeur probante en l'absence d'éléments d'authenticité, tel qu'une date ou un courrier d'envoi, de sorte que cet élément de fait n'est pas établi et ne permet donc pas d'écarter lesdites attestations sur le seul fait qu'elles proviennent de salariés en litige avec la société.

Ainsi, Mme [Y] [P] indique que «'J'ai travaillé avec Mlle [IL] [V] à partir de mon entrée dans l'entreprise en avril 2015 jusqu'à août 2015, date à laquelle elle a été transférée sur le restaurant de [Localité 7]. J'ai souvent vu Mlle [V] revenir travailler à la demande de Mme [PJ] alors qu'elle était en jours de repos, elle travaillait également en dehors de ses heures, restait souvent après le départ des équipiers.'».

Mme [J] [HV] précise que «'Mme [V] a été au poste d'agent d'accueil et McCafé et par la suite elle est devenue agent administratif. Elle travaillait essentiellement les matins mais il lui arrivait souvent de rester jusque tard dans la soirée afin de finir son travail.'» et que «'Un jour, un collègue manager a eu un accident en se rendant au travail, nous avons donc dû le remplacer pour la fermeture du restaurant de [Localité 4] alors que nous avions toutes deux fait l'ouverture des restaurants de [Localité 7] et [Localité 4]. Mme [V] finissait de travailler à 17h à [Localité 7] et venait directement à [Localité 4] pour travailler jusqu'à 21h. Lorsque j'ai été transférée au restaurant de [Localité 7], j'ai vu Mme [V] obligée de rester durant 3h devant l'écran des caméras afin de trouver qui avait sorti un surplus de gâteau, alors qu'elle n'était pas présente le jour où cela s'est produit. Mme [V] était forcée de revenir durant ses jours de repos et vacances lorsqu'il y avait une visite d'évaluation de McDonald's France car elle était la seule apte à passer cet examen, car elle était très rigoureuse et appliquée.'».

Mme [TG] [PS] atteste que «'Très vite, Mme [PJ] [R] a confié [à Mme [IL] [V]] des tâches administratives en plus de son travail d'équipière. En mai 2014, Mme [V] assistait aux réunions hebdomadaires qui avaient lieu les jeudis. ['] Mme [V] [IL] devait parfois revenir les jours de ses congés hebdomadaires pour faire des contrats ou autres tâches administratives ou tout simplement pour intégrer de nouveaux équipiers polyvalents.'».

Les attestations de Mmes [VJ] [V] et [PB] [KB] et de M. [A] [M] n'ont toutefois pas de valeur probante en raison du lien familial (mère, amie et conjoint) avec Mme [V] et les autres attestations ne sont pas pertinentes en ce qu'elles ne mentionnent pas les horaires effectués par la salariée.

Mme [V] verse également aux débats les feuilles de route du manager du matin et du soir qui, bien que vierges, permettent de démontrer le temps nécessaire pour remplir ces documents compte tenu du nombre d'éléments à remplir et du degré de précision attendu.

Finalement, elle produit plusieurs échanges de SMS permettant d'établir qu'elle était contactée par ses supérieurs hiérarchiques de manière régulière en dehors de ses heures travaillées.

Ainsi, Mme [R] [PJ], la gérante, lui a écrit un SMS jeudi 14 janvier à 1h26 «'Tu as bien l'alarme sur SG'' La Sécurité a appelé parce qu'elle ne répond pas'».

Le 6 février à 22h15, M. [NL] [WI] lui écrit': «'Bonsoir [IL], Peux-tu ouvrir à [Localité 4] demain matin. Merci beaucoup'», «'''», Mme [V] lui répondant': «'Euh oui c'est bon''», puis l'échange suivant s'ensuit': «'Ok pour l'ouverture de [Localité 4], Merci'», «'9h c'est bon'' Tu seras là avec moi'' Je vais être perdue un peu''», «'Nan je suis pas là demain matin c'est pour ça. Sinon j'aurais ouvert moi. Mais c'est comme à SG.'».

Le 16 mai à 14h40, Mme [PJ] sollicite la salariée en ces termes': «'Bonjour [IL], Est-ce que tu peux aider [NL] sur [Localité 4] 1 ou 2 heures ce soir'''».

Le 22 mai à 14h43, M. [NL] [WI] lui demande': «'Hello, si tu es dispo, tu peux venir un peu plus tôt sur Sg on peut continuer la formation sur les commandes. Tiens moi informé. Merci.'».

Par SMS du 27 mai à 09h56, M. [NL] [WI], superviseur du restaurant, échange avec la salariée': «'Bonjour, si tu es disponible ce matin peux-tu venir au Restau'' merci'», «'Je viens de me réveiller. C'est pour quoi'''», «'Travailler sur l'organisation de l'ouverture du restaurant.'», «'Je me prépare et j'arrive », «'Merci'».

Le 29 mai à 13h42, M. [NL] [WI] demande à la salariée': «'Bonjour, peux-tu être au restau pour 13h30 pour faire la transition avec [BD]'' [X] pas là ce soir elle sera là demain elle est soi-disant malade. Je serai là vers 18h le temps de rentrer d'[Localité 2]. Merci'», «'C'est qui qui fait la close alors'''», «'Tu peux assurer'' A défaut je prends le relais quand j'arrive'», «'Ouais'», «'Merci, je te vois tout à l'heure'».

La salariée verse également aux débats plusieurs SMS envoyés par M. [NL] [WI] ou Mme [R] [PJ] concernant la tenue de réunions avec les ordres du jour le matin ou en milieu d'après-midi, l'un d'eux indiquant «'Présence obligatoire merci'».

Ainsi, il résulte de l'ensemble des énonciations précédentes que Mme [V] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse, d'une première part, l'employeur soulève le moyen selon lequel du 1er novembre 2014 au 31 décembre 2015, la salariée était embauchée par la société Adriaco, son contrat de travail n'ayant été de nouveau transféré à la société Adriaor qu'à compter du 1er janvier 2016, de sorte que la demande de la salariée serait mal fondée pour la période susvisée.

Cependant, comme le soulève la salariée, l'article L.'1224-2 du code du travail dispose que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants':

1° procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire';

2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Or, le transfert de Mme [V] vers la société Adriaor en janvier 2016, selon la convention de transfert, ne relève d'aucune des exceptions prévues à l'article L.'1224-2 du code du travail.

Il s'ensuit que la société Adriaor est tenue aux obligations incombant initialement à la société Adriaco entre le 1er novembre 2014 et le 31 décembre 2015, y compris les heures supplémentaires alléguées.

Le moyen soulevé par l'employeur à ce titre est donc inopérant.

D'une deuxième part, l'employeur soutient dans ses écritures que «'lorsque Mme [V] occupait le poste d'équipière polyvalente, elle était soumise à un système de badgeuse'» et que «'lorsque la demanderesse est devenue manager, elle n'utilisait plus la badgeuse, mais remplissait manuellement des fiches sur lesquelles elle mentionnait ses horaires de travail et sur lesquelles elle apposait ensuite sa signature'» (page 25 des conclusions).

Ainsi, l'employeur produit des relevés de badgeuse pour les années 2013, 2014 et à compter du mois de janvier jusqu'au mois d'août 2015, puis des fiches horaires manuscrites et signées par la salariée à compter du 27 septembre 2015 jusqu'au 7 juillet 2016.

La cour constate qu'aucun planning prévisionnel transmis à la salariée n'est produit par les parties, de sorte qu'elle ne peut vérifier la concordance entre les horaires prévus et les horaires badgés ou pointés.

La cour relève plusieurs incohérences quant aux relevés horaires issus de la badgeuse de 2013 à août 2015 pour lesquelles aucune justification pertinente n'est apportée par l'employeur.

Ainsi, la cour constate qu'alors que la salariée est en détachement au sein d'un autre restaurant Lunea dans le cadre d'une formation «'Nouvelle cuisine'» les 27 septembre, 17 et 20 octobre 2014, les relevés horaires indiquent le badgeage de la salariée pour les 27 septembre et 20 octobre, mais aucun élément pour le 17 octobre.

Par ailleurs, alors que le relevé horaire pour le mois de décembre 2014 indique 152,51'heures travaillées, le bulletin de salaire n'indique pas d'heures supplémentaires.

La cour constate également que pour les mois de janvier, avril et mai 2015, le nombre d'heures travaillées pour le mois est indiqué de manière manuscrite sur les relevés horaires de la badgeuse, affaiblissant leur valeur probante.

S'agissant du mois de mars 2015, le relevé de la badgeuse s'arrête au 23 mars et aucun total n'est indiqué sur le relevé produit.

En août 2015, le relevé de la badgeuse du restaurant de [Localité 4] indique uniquement 15,67'heures, alors que, d'une part, le bulletin de salaire rémunère 151,67'heures et ne fait pas état ni de congés payés, ni d'un arrêt maladie ou d'une quelconque absence de la salariée et, d'autre part, la salariée soutient avoir été mutée sur l'établissement de [Localité 7] à compter du mois d'août 2015.

Dès lors, en l'absence d'explications pertinentes par l'employeur sur ces incohérences, un premier doute apparaît sur la fiabilité des relevés horaires qu'il produit quant aux horaires qu'aurait effectués la salariée selon lui.

Par ailleurs, s'agissant des fiches manuscrites de pointage, il apparaît sur la fiche du mois de décembre 2015 que du 27 au 31 décembre est indiqué de manière manuscrite, en dessous du tableau, «'7h'» pour chaque jour et «'pas émargé'», de sorte qu'un doute apparaît sur la réalité des horaires indiqués sur la fiche de pointage.

De surcroît, alors que la salariée met en avant, par la production de plusieurs échanges de SMS, qu'elle était amenée à régulièrement revenir travailler avant le début de ses horaires prévus ou sur des jours non travaillés, l'employeur se contente de reprendre la motivation du jugement entrepris en ce qu'il «'a constaté que «'seuls deux SMS lui demandaient clairement de procéder à l'ouverture du restaurant alors que ce n'était manifestement pas prévu par son planning, celui du 6 février et celui du 16 mai'», sachant que l'un et l'autre se rapportent à l'année 2016'» (page 26 des conclusions).

Pour autant, l'employeur n'apporte aucune justification quant au fait que, pour ces deux SMS, la fiche horaire n'indique pas l'heure exacte d'arrivée de la salariée et que les heures supplémentaires effectuées n'ont pas été rémunérées.

En outre, il ressort d'un SMS du 27 mai que la salariée a été sollicitée à 10h pour venir travailler sur l'organisation de l'ouverture du restaurant et selon la fiche manuscrite, elle aurait commencé à 11h30, de sorte qu'un doute existe sur la réalité de l'heure d'arrivée de Mme [V] ce jour-là.

De la même manière, par SMS du 29 mai, alors que M. [WI] a demandé à la salariée de venir à 16h30 pour faire la transition avec le manager précédent, la fiche de pointage ne comprend pas le dimanche 29 mai, de sorte que l'employeur échoue à rapporter la preuve du contrôle des heures travaillées par la salariée pour ce jour-là.

Finalement, l'employeur ne développe aucun moyen pertinent quant à la circonstance que, par plusieurs SMS, M. [WI] ou Mme [PJ] ont convié la salariée à diverses réunions en milieu d'après-midi à 15h ou le matin à 8h, alors que ces horaires ne sont pas comptabilisés sur les fiches manuscrites de pointage':

- Pour le 8 novembre 2015, par SMS du même jour à 14h04, Mme [PJ] demande à la salariée «'Bonjour, tu peux venir à la réunion à 15h00'», la salariée répond «'Bonjour, Bah je fini de me préparer rapidement et j'arrive'», alors que la fiche de pointage indique 16h';

- Pour le 8 avril 2016, le SMS de Mme [PJ] datant du 4 avril à 10h09 (jour de repos selon la fiche horaire manuscrite) indique': «'Bonjour, RDV pour réunion avant départ Orlando Mercredi 8h00 à SESG. Attente confirmation. [R]'», la salariée ayant répondu «'Bonjour, ok je serais là, Bonne journée'», alors que la fiche de pointage indique 9h';

- Pour le 15 avril 2016, le SMS daté du 14 avril indique «'Bonjour à tous, Réunion demain à 15h, Merci'», la salariée ayant débuté à 16h selon la fiche de pointage';

- Pour le 27 avril 2016, le SMS daté du 24 avril indiquant «'Réunion mercredi matin 8h sur SG. Merci'», alors que la fiche de pointage indique un horaire de début à 9h00';

- Pour le 6 juin 2016, les SMS datés du 5 juin précisant «'Bonjour, réunion demain à 15h'»'» et «'présence obligatoire merci'», alors que la salariée était en jour de repos hebdomadaire selon la fiche de pointage.

Ainsi, en l'absence d'explications pertinentes par l'employeur sur l'absence de différents pointages sur les fiches horaires manuscrites et d'éléments établissant que la salariée n'était pas présente aux différentes réunions, un doute apparaît sur la fiabilité desdites fiches produites par l'employeur quant aux horaires qu'aurait effectués la salariée selon lui.

D'une troisième part, l'employeur produit les attestations de Mme [L] [WR] et de Messieurs [OT] [W], [WZ] [K] et [ID] [N] décrivant leur journée type en tant que managers au sein de la société Adriaor ou de la société Adriaco, occupant, selon les conclusions de l'employeur, des fonctions similaires à celles de Mme [V], responsable opérationnelle (page 46 des écritures de l'employeur).

Selon ces quatre attestations, les salariés arrivent dès 8h pour effectuer les ouvertures, compte tenu des éléments sécuritaires, des livraisons et de l'accueil de différents équipiers entre 8h et 11h pour l'ouverture du restaurant au public et quittent le restaurant entre 23h-00h pour la fermeture.

Or, les plannings produits par l'employeur ne prévoient qu'une arrivée minimale à compter de 9h ou de 9h30, de sorte qu'une contradiction demeure entre les attestations et les fiches horaires versées aux débats par l'employeur.

En résumé, il résulte de l'ensemble de ces éléments que les relevés horaires et les fiches de pointage produits par l'employeur manquent de valeur probante pour déterminer les heures effectivement réalisées par la salariée, compte tenu des incohérences et contradictions précédemment relevées et du contexte relatif à l'absence de pointages de certaines heures travaillées au moment de l'ouverture, de la fermeture du restaurant ou de réunions en dehors des horaires indiqués.

D'une cinquième part, il importe peu que la salariée ne se soit pas plainte pendant la relation de travail auprès de sa hiérarchie ou de la médecine du travail du défaut de paiement de ses heures de travail, d'autant qu'il ressort de certaines attestations produites par la salariée qu'elle ne devait badger que les heures planifiées et qu'elle ne badgeait donc pas les heures complémentaires ou supplémentaires effectuées.

De même, il importe peu qu'elle n'ait pas contesté son solde de tout compte alors qu'il ne mentionne pas le paiement d'heures complémentaires ou supplémentaires.

En conclusion, il ressort des différents éléments énoncés précédemment que Mme [V] était régulièrement amenée à travailler en dehors de ses heures de travail pour commencer ou finir certaines tâches en tant qu'équipière polyvalente, puis responsable opérationnel et que la société Adriaor n'apporte pas d'éléments objectifs permettant de justifier l'absence d'heures complémentaires et supplémentaires effectuées non rémunérées.

Pour autant, comme le met en avant l'employeur, des contradictions apparaissent entre les calendriers produits par la salariée et les relevés horaires et les fiches de pointage produits par l'employeur. Par exemple, pour le mercredi 14 mai 2014, la salariée indique être en repos hebdomadaire sur le calendrier alors que le relevé horaire indique sa présence.

De la même manière, alors qu'elle indique être en repos hebdomadaire les 6 et 7 janvier 2016, la fiche manuscrite de pointage, signée par la salariée, précise ses heures de présence pour les mêmes jours et prévoient les jours de repos hebdomadaires les vendredi 8 et samedi 9 janvier 2016.

Il s'ensuit que, compte tenu des incohérences soulevées par l'employeur quant aux calendriers, produits par la société, relatifs aux heures supplémentaires revendiquées, il convient de considérer que l'intégralité des heures complémentaires et supplémentaires revendiquées par la salariée n'est pas due.

Toutefois, en prenant en compte le contexte suffisamment établi des heures complémentaires et supplémentaires effectuées lors des ouvertures de restaurant et des réunions régulières en dehors des horaires de travail de salariée, les incohérences des relevés et des fiches recensant les horaires pointés produits par l'employeur et celles du calendrier et du tableau versés par la salariée, la cour retient que les heures supplémentaires effectuées par la salariée s'élèvent à la somme de 25'000'euros brut entre le mois de mars 2014 et le mois de juillet 2016.

Par conséquent, il convient de condamner la société Adriaor à payer à Mme [IL] [V] la somme de 25'000'euros brut au titre du rappel de salaire pour heures complémentaires et supplémentaires entre mars 2014 et juillet 2016, outre 2'500'euros brut de congés payés afférents.

Le jugement est donc infirmé à ce titre.

Sur la demande au titre de la violation des durées maximales du temps de travail et du repos hebdomadaires':

Il résulte des dispositions des articles L.'3121-20 et suivants et L.'3121-35 et suivants du code du travail (anciennement L. 3121-10 et suivants L. 3121-35 et suivants du même code) que la durée légale de travail effectif est fixée à 35 heures par semaine et que des heures supplémentaires ne peuvent être effectuées qu'à la double condition de ne pas dépasser sur une même semaine 48 heures et une durée moyenne de travail calculée sur une période de 12 semaines consécutives ne peut excéder 44 heures. En outre, la durée maximale quotidienne de travail effectif ne peut excéder 10 heures.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté cette durée maximale.

De plus, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l'article 6, sous b), de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu'il soit besoin de démontrer en outre l'existence d'un préjudice spécifique (CJUE, 14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 53). Cette directive poursuivant l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant, le législateur de l'Union a considéré que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire, en ce qu'il prive le travailleur d'un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE,14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 54). La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que c'est au droit national des États membres qu'il appartient, dans le respect des principes d'équivalence et d'effectivité, d'une part, de déterminer si la réparation du dommage causé à un particulier par la violation des dispositions de la directive 2003/88 doit être effectuée par l'octroi de temps libre supplémentaire ou d'une indemnité financière et, d'autre part, de définir les règles portant sur le mode de calcul de cette réparation (CJUE, 25 novembre 2010, Fuß c. Stadt Halle, C-429/09, point 94).

En outre, la convention collective nationale de la restauration rapide du 18 mars 1988 prévoit que':

«'Article 30 ' Temps de repos entre deux jours de travail';

Le temps de repos entre 2 jours de travail est fixé pour l'ensemble du personnel à 11'heures consécutives.

Pour les salariés quittant leur poste de travail après ['] 22h en province, le temps de repos entre 2 jours de travail est fixé à 12'heures consécutives. ['].

Article 34 ' Repos hebdomadaire.

Le repos hebdomadaire est de 2 jours. Le repos hebdomadaire n'est pas obligatoirement pris à jour fixe.

Les modalités d'application seront définies au niveau de chaque entreprise par l'employeur en tenant compte des besoins de la clientèle sur la base de':

Pour les établissements ouverts 7 jours sur 7': 2 jours consécutifs. ['].'».

En l'espèce, la salariée soutient avoir régulièrement travaillé plus de 50'heures de travail par semaine, avoir été sollicitée pendant ses jours de repos ou de congés et, entre le mois d'octobre et de novembre 2014, avoir travaillé sans repos hebdomadaire.

L'employeur, sur qui repose la charge de la preuve, produit les relevés horaires issus d'une badgeuse pour les années 2013, 2014 et jusqu'au mois d'août 2015, et des fiches manuscrites de pointage à compter du mois de septembre 2015 jusqu'en juillet 2016.

D'une première part, la Cour rappelle que les relevés horaires et les fiches de pointage contiennent plusieurs incohérences, de sorte qu'elles manquent de valeur probante pour établir la durée effective des heures travaillées par la salariée, cette dernière ayant effectué des heures supplémentaires non badgées, non pointées et non rémunérées comme précédemment retenu.

D'une deuxième part, il ressort des fiches manuscrites de pointage qu'à quatre reprises en 2016, la salariée n'a pas bénéficié des 12'heures consécutives de repos entre deux jours de travail':

- Heure de fin à 23'h le 8 février, Heure de début à 9h le 9 février, soit un temps de repos de 10'heures';

- Heure de fin à 23h30 le 20 mars, Heure de début à 9h30 le 21 mars, soit un temps de repos de 10h,

- Heure de fin à 00h30 le 4 juin, heure de début à 10h15 le 5 juin, soit un temps de repos de 9h45';

- Heure de fin à 23h30 le 6 juillet, heure de début à 7h30 le 7 juillet, soit un temps de repos de 8'heures.

La cour note également que la semaine du 10 novembre 2015, la salariée n'a pas bénéficié de deux jours consécutifs de repos hebdomadaire selon la fiche de pointage.

De la même manière, la salariée ayant dû revenir travailler le 6 juin 2016 pour une réunion selon le SMS produit, elle n'a pas bénéficié cette semaine-là de deux jours de repos consécutifs.

Dès lors, il ressort des énonciations précédentes que l'employeur a manqué à ses obligations en vertu des règles relatives aux durées maximales de travail et aux temps de repos entre deux jours travaillés et de repos hebdomadaires.

Par conséquent, compte tenu de la violation du droit au repos de Mme [IL] [V], il convient de condamner la société Adriaor à lui verser la somme de 2'000'euros pour violation des durées maximales du temps de travail et des temps de repos.

Sur les demandes au titre du harcèlement moral'et de la prévention du harcèlement moral :

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

À ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral':

En cas de litige relatif à l'application des articles L.'1152-1 à L.'1152-3 et L.'1153-1 à L.'1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

En l'espèce, Mme [V] ne matérialise pas les éléments de faits suivants':

(1) En premier lieu, Mme [V] produit un document relatif, selon elle, au client mystère et à la façon de les détecter et de les servir, qui manque toutefois de valeur probante en ce qu'aucun élément concret ne permet de rattacher ce document à la Société Adriaor et qu'il n'est pas daté, de sorte qu'elle n'établit pas que les salariés devaient identifier la présence d'un client mystère afin de le traiter correctement en vue d'avoir une bonne appréciation.

(2) En deuxième lieu, s'agissant du manquement à l'obligation de sécurité, la salariée verse aux débats l'attestation de Mme [BW] [NU] relative à un incident survenu en septembre 2016 au cours duquel elle a glissé devant le grill et dans laquelle elle indique «'par réflexe je pose le bras droit sur le grill pour me rattraper, j'avais une marque formée sur la peau à l'emplacement de la brûlure'», photo de la blessure produite à l'appui.

Toutefois, il ressort de ladite attestation que Mme [NU] «'trouve inadmissible l'utilisation de cette photo prise une semaine après cette brûlure sans peau, pour prétendre que le nettoyage de grill est réalisé sans gants'» et que «'j'ai jugé moi-même que cette blessure n'entrait pas dans le cadre d'un accident de travail et était de ma seule responsabilité. Les soins pratiqués par moi-même ont été bénéfiques puisque je n'ai aucune séquelle. Je ne peux laisser dire n'importe quoi sur l'entreprise McDonalds de [Localité 4]. Sachez que cette entreprise est en adéquation avec ma déontologie concernant la qualité, la sécurité et l'environnement.'».

Et Mme [V] ne produit aucun élément permettant d'établir que Mme [NU] serait sous «'l'emprise de Mme [PJ]'» et que son attestation serait de complaisance en faveur de cette dernière.

Dès lors, cet élément de fait propre à Mme [NU] n'est pas suffisamment établi et ne permet donc pas de démontrer un manquement à l'obligation de sécurité de la part de la société Adriaor.

(3) En troisième lieu, le seul fait que l'employeur ait porté plainte pour faux témoignages à l'égard des salariés ayant saisi la juridiction prud'homale ne suffit pas à caractériser une hostilité de sa part, quand bien même la plainte a été classée sans suite par le Procureur, dès lors qu'il n'a fait qu'exercer l'un de ses droits et qu'il justifie son dépôt de plainte en raison des témoignages croisés entre les salariés qu'il considère erronés.

(4) En quatrième lieu, le jugement du conseil de prud'hommes dans l'affaire opposant Mme [PS] à la société Adriaor et reconnaissant l'existence d'un harcèlement moral est sans portée probatoire dès lors que la situation individuelle de Mme [PS] est distincte de celle de Mme [V] et ce d'autant que l'employeur a fait appel de cette décision qui n'a dès lors pas de caractère définitif.

(5) Les attestations de Mmes [VJ] [V] et [PB] [KB] et de M. [A] [M] n'ont pas de valeur probante en raison du lien familial (mère, amie et conjoint) avec Mme [V].

En revanche, Mme [V] objective les éléments de faits développés ci-après.

(1) D'une première part, elle fait valoir dans ses conclusions que la société Adriaor ne justifie d'aucune politique de prévention des risques en matière de harcèlement moral en mettant en avant les points suivants':

Les documents uniques visent simplement le risque d'agression, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sans aucune précision';

Les moyens de prévention visent uniquement les risques terroristes, de braquage et de violences';

Aucune action d'information et de formation n'a été dispensée à la salariée.

(2) D'une deuxième part, Mme [V] produit plusieurs attestations quant à l'absence de formation et d'adaptation à son poste et soutient qu'elle était «'contrainte d'apprendre sur le tas'» malgré l'obtention des diplômes TBM1 et TBM2 en mai et octobre 2015.

Mme [PS] déclare que «'Mme [PJ] avait très vite décidée de mettre Mme [V] [IL] au McCafé car elle avait, à ses yeux, un visage très agréable pour booster les ventes. Elle avait alors informé les managers, dont je faisais partie. Mme [V] [IL], n'ayant reçu aucune formation pour ce poste, devait avoir un rouge à lèvre afin d'avoir un magnifique sourire et devait appeler le manager pour faire la commande. Très vite, Mme [PJ] [R] lui a confiée des tâches administratives en plus de son travail d'équipière. En mai 2014, Mme [V] assistait aux réunions hebdomadaires qui avait lieu les jeudis. En septembre 2014, Mme [V] [IL] a suivi la formation de toutes les tâches administratives afin d'intégrer le restaurant de [Localité 4] qui s'ouvrait en novembre 2014.'».

Elle ajoute que «'En janvier 2015, Mme [V] [IL], malgré son refus, n'a guère le choix que d'effectuer la formation manager après le départ de Mme [Z] [U]. Mme [PJ] [R] m'a alors chargée de sa formation. Je devais être assise dans le restaurant de [Localité 4], munie d'un casque pour être en communication permanente avec Mme [V] [IL]. Ainsi, j'entendais sa façon de communiquer avec les équipiers et je devais la corriger et l'informer régulièrement de son avancement dans les tâches que le manager a à effectuer.'».

Mme [HV] confirme que «'Par la suite, ils décidèrent de faire passer [à Mme [V]] une formation de manager. Or, personne n'avait le temps pour la former, donc elle m'a demandé si je pouvais lui expliquer commenter faire, elle est donc venue trois soirs d'affilée avec moi pour que je la forme, alors qu'elle avait fait l'ouverture le matin.'».

Mme [GF] indique que «'[IL] était une employée dévouée, agréable et très compétente. C'est pour cela que Mme [PJ] l'a faite évoluer mais sans changer officiellement son statut. [IL] s'occupait désormais des tâches administratives.'».

M. [XY] atteste que «'Nous avons eu en même temps la proposition d'une formation manager et avons suivi cette formation ensemble. Pour cette formation avec [IL], nous avons dû prendre l'initiative de rester deux soirs consécutifs pour regarder et apprendre comment fermer le restaurant en ayant ouvert les matins même. Nous devions nous former nous-même, alors [IL] m'aidait sur les choses qu'elle connaissait mieux que moi et je l'aidais sur ce que je connaissais.'».

(3) D'une troisième part, la salariée produit une série d'attestations relatives aux conditions d'hygiène au sein de l'établissement, en particulier quant au fait que les salariés n'avaient pas assez d'équipements individuels de protection à disposition.

Mme [C] [HE], ancienne salariée de la société, indique «'Conditions d'hygiène très limites': une tenue par équipier, un gant de nettoyage pour tous, chiffons de nettoyage usés par la saleté et réutilisés, nourriture transportée dans une voiture entre les deux restaurants. Avant chaque audit, tout était astiqué à la brosse à dent pour rattraper ce qui n'était pas fait au quotidien.'».

M. [BN] [G], ancien salarié de la société entre le 20 octobre 2014 et le 31 mars 2015, énonce que «'Ce harcèlement se traduisait ['] ainsi qu'une pression qui conduisait à des fautes d'hygiène et de sécurité alimentaire (steak haché périmé servi au client pour limiter les pertes). Concernant l'hygiène du personnel, une seule tenue était mise à disposition des salariés quel que soit leur nombre de jour de travail dans la semaine et quelles que soit les tâches qu'ils ont à effectuer (nettoyage des toilettes, travail en cuisine, nettoyage de la terrasse ou des bouches d'aérations juste au-dessus des lignes de cuisines). De plus, le nettoyage du grill se faisait avec une tenue spécifique pour la protection des salariés. Cependant la tenue composée d'un casque de protection, de gants de protection et d'un tablier était la même pour tout le personnel.'».

Mme [OC] [GF], ancienne salariée de la société, explique que «'En cas de visite de la médecine du travail, inspection des fraudes et tout autre organisme, [J] et nous-même avions reçu l'ordre de Mme [PJ] de ne répondre à aucune question et de respecter les procédures qu'elle nous avait faites inscrire sur une feuille dans notre classeur «'et que «'les conditions de sécurité sont loin d'être réunies au sein des deux restaurants de Mme [PJ]. Les formations sont bâclées voire quasi nulles (2 vidéos visionnées au lieu des 4, intégration en plein rush') pas de gants à disposition ou pas suffisamment afin de faire des économies comme nous le répétait souvent Mme [PJ]'».

Mme [GF] déclare également que «'Le but de Mme [PJ] est simplement de faire du chiffre d'affaires au détriment de la santé de ses employés, de leur bien-être mais aussi celui de l'hygiène ou de la formation. Mme [PJ] se soucie de la propreté seulement en cas de contrôle, annoncé à l'avance, ainsi qu'en présence du client mystère.'».

(4) D'une quatrième part, la cour rappelle avoir accueilli les demandes de la salariée au titre, d'une part, des heures complémentaires et supplémentaires non rémunérées à hauteur de 25'000'euros entre mars 2014 et juillet 2016 et, d'autre part, de la violation par l'employeur des durées maximales de travail et des temps de repos hebdomadaires.

(5) D'une cinquième part, Mme [V] produit plusieurs attestations quant à l'existence, selon elle, de pressions, brimades et dénigrements de la part de la gérante, Mme [PJ].

Mme [T] [UT] atteste que «'Lors de la période du ramadan, [IL] ne se maquille pas, elle est donc venue sans maquillage pendant ses jours de travail. Mme [PJ] lui a demandé d'aller en mettre en lui disant qu'elle n'était pas belle comme ça, qu'elle ne comprenait pas pourquoi elle faisait cela et que cela ne servait à rien'».

Elle ajoute que «'Je l'ai entendu à de nombreuses reprises traiter [IL] comme une enfant devant les équipiers avec toujours les mêmes expressions qui ressortent «'Tu es encore qu'un bébé'» ou bien encore «'tu vas grandir'». Elle avait aussi ce côté un peu bipolaire en lui parlant un jour avec beaucoup d'affect «'ma chérie'», «'tu es belle'», elle la prenait même en photo avec son téléphone portable personnel'! Et puis d'autres jours, elle se montrait très désagréable et agressive avec elle au point de la faire pleurer. J'ai vu [IL] se démotiver petit à petit, elle n'avait pas le moral au travail et dans sa vie personnelle'».

Mme [JC] [RI] déclare que «'J'ai très souvent entendu Mme [PJ] rabaisser les équipiers en disant «'tu n'as pas eu d'éducation'» ou alors «'tu es un bon à rien'»'».

Elle ajoute que «'Connaissant depuis longtemps Mlle [V] [IL], je ne la reconnaissais pas au travail, elle était toujours stressée et angoissée par la pression qu'elle subissait par Mme [PJ]. ['] Alors qu'elle occupait un poste de responsable opérationnel au McDonald's de [Localité 7], je l'ai souvent vu les week-ends nous aider sur des rushs au McDonald's de [Localité 4]. Elle se faisait souvent rabaisser et engueuler par Mme [PJ] alors qu'elle venait seulement nous aider et tout ça devant tout le monde. Elle lui disait': «'[IL], viens ici tout de de suite'», «'Va mettre ton rouge à lèvre tu n'es pas belle comme ça'».

M. [OT] [AZ] indique que Mme [V] était son manager entre mars et juillet 2015 et que «'J'ai pu constater qu'elle était régulièrement sous une surveillance excessive de Mme [PJ]. Mme [PJ] mettait régulièrement une forte pression sur Mlle [V] sans raison particulière. Durant ma période de travail avec Mlle [V], j'ai constaté qu'elle exerçait son métier de façon très professionnelle et rigoureuse. ['] Au fil du temps j'ai vu le comportement de Mlle [V] se dégrader. Elle venait régulièrement se confier aux équipiers polyvalents comme moi de son mal-être au sein de l'entreprise, dû à l'acharnement de Mme [PJ] sur elle qui trouvait n'importe quels moyens de pression dans le but de la faire craquer.'».

M. [GN] [XP] énonce': «'J'ai travaillé avec [IL] d'août 2015 à juillet 2016. Durant cette période, à plusieurs reprises, j'ai entre-entendu des paroles peu recommandables venant de Mme [PJ] envers les équipiers ainsi que les managers dont [IL], pouvant aller jusqu'aux menaces. Bizarrement quand Mme [PJ] n'était pas présente dans l'établissement, tout se passe très bien, mais dès qu'elle arrive ou qu'elle est présente, la dictature est installée. Mme [PJ] demande à ses managers de faire régner l'ordre par la peur, tout comme elle le fait avec ses managers. Mais les managers ne font pas respecter l'ordre comme ça envers les équipiers, à des moments oui ils s'énervent mais toujours dans le respect de la personne physique et morale.'».

Mme [TG] [MV] relate que «'Au début tout allait bien, puis Mlle [IL] a beaucoup changé. Sa direction lui mettait la pression car chez Mme [PJ] [R], de manipuler les gens c'est son passe-temps favori. [']. Plusieurs [fois] [IL] nous criait dessus car la direction lui avait dit de mettre la pression sur certains équipiers. Son caractère a beaucoup changé au fil des mois. Nous avons beaucoup discuté et j'ai compris que finalement Mlle [IL] [V] était une personne bien compréhensive malgré la mauvaise ambiance qui règne au sein du restaurant.'».

Mme [D] [F] affirme que «'Au début il y avait une bonne ambiance et de motivation au travail mais quand la patronne arrivait elle faisait perdre la motivation aux employés en les envoyant tous faire une tâche identique alors que les préparations des différents postes n'étaient pas finies. Donc les employés étaient stressés et étaient dans des délais trop courts pour faire leur travail correctement. La pression retombait donc sur [IL] et la patronne accentuait le négatif sur Marine, alors que c'est elle qui la ralentissait.'».

Elle rajoute que «'La patronne avait des accès d'émotivité dans les deux extrêmes. Il arrivait qu'elle prenne la main de [IL] pour lui faire contrôler son travail, comme une relation mère-fille, ce qui est un peu malsain au sein d'une entreprise. De même pour le langage, elle l'appelait «'Ma chérie'» constamment et la minute d'après, elle pouvait lui parler de manière très rabaissant ce qui était très touchant sur le côté émotif. Cela entend que beaucoup d'employés y compris les managers étaient poussés à bout jusqu'à en pleurer car ils étaient rabaissés'».

M. [E] [OK] expose que «'depuis le premier jour et dès les premières heures, Mme [PJ] se permettait de me faire des réflexions inappropriées et sur un ton très agressif alors que je ne demandais qu'à être formé à mon poste. [']'» et que «'Alors qu'elle venait d'effectuer sa journée de travail à [Localité 4], je voyais [IL] venir travailler ou apporter des fournitures à [Localité 7].'».

Mme [X] [FX] explique que «'J'avais [IL] [V] comme manager. J'occupais le poste d'équipière polyvalente. ['] Quand Mme [PJ] arrivait au restaurant, le stress montait pour moi et le reste de l'équipe. Je voyais Mme [PJ] assise qui appelait sans arrêt [IL] et en passant à côté pour vider les poubelles, j'entendais Mme [PJ] lui mettre la pression d'une manière très agressive. Quand j'occupais le poste au drive qui se trouve près de la cuisine, Mme [PJ] hurlait dans la cuisine sur toute l'équipe, manager compris. Sachant que les clients entendaient tout. C'était humiliant et irrespectueux.'».

M. [ZF] [XY] décrit que «'Je me souviens du jour de son anniversaire, le 17 février 2015, ce jour-là Mme [PJ] lui a crié dessus devant tout le monde, puis elle a pris [IL] par la main pour lui faire plein de tours du restaurant pour lui montrer ce qu'il fallait faire. [IL] pleurait devant les clients, les équipiers, tout le monde présent ce jour-là. Mme [PJ] a forcé [IL] à être confrontée aux regards des gens dans cet état.'».

Mme [TG] [PS] détaille que «'Le mardi 17 février 2015, Mme [V] était d'ouverture du restaurant de [Localité 4]. Ayant une visite le mercredi 18 février 2015, j'étais à [Localité 4] depuis le lundi 16 février 2015. Mme [PJ] [R] voulait que le mardi 17 février 2015, nous fassions une répétition générale en vue de la visite. Elle a alors pris la main de Mme [V] [IL] et lui a exigé de faire continuellement des tours de contrôle de restaurant de 11h45 à 14h00. Mme [V] [IL] n'a pu retenir ses larmes face à la pression que Mme [PJ] [R] lui faisait subir. Tout le personnel et les clients présents ce jour-là ont vu Mme [V] pleurer. De plus, ce jour était celui de son anniversaire et alors qu'elle avait ouvert le restaurant de [Localité 4], elle a pu quitter ce dernier à 20h.'»

M. [AR] [HM] atteste que «'[IL] était régulièrement mon manager pendant mes horaires de travail, que ce soit le matin en open ou le soir en close. Ces deux périodes de travail étaient notamment des plus stressantes car la direction exerçait une certaine pression souvent difficilement supportable, étant donné que le principal facteur était les états d'humeurs de la direction en le nom de Mme [R] [PJ]. Cela pouvait donc se traduire régulièrement par des remarques blessantes, humiliantes et rabaissantes à l'encontre du personnel et parfois plus particulièrement au manager en activité, étant donné qu'on lui rappelle souvent que c'est lui-même et personne d'autre qui est responsable de «'ses équipiers'»'».

Il ajoute que «'A plusieurs reprises, j'ai vu [IL] être traitée comme un enfant à qui on apprenait les choses de la vie. J'ai vu Mme [PJ] prendre [IL] par la main afin de lui faire faire le tour de l'établissement et lui faire remarquer ses oublis et ses erreurs. Parfois on demandait à [IL] plusieurs choses en l'espace de quelques secondes, choses que bien évidemment on ne peut pas faire d'une traite car il s'agissait de plusieurs tâches indépendantes l'une de l'autre. Tant que toutes ces choses n'étaient pas faites [IL] était mis sous une grande pression par Mme [PJ]. Plusieurs fois, j'ai vu [IL] craquer et fondre en larmes sur son lieu de travail'».

Mme [OC] [GF] déclare que «'Depuis [que [IL] s'occupait des tâches administratives], Mme [PJ] était sans arrêt sur son dos. J'ai vu [IL] se renfermer chaque jour un peu plus, perdre toute motivation et aussi son sourire. ['] Lorsque [IL] ne terminait pas son travail, c'est parce que Mme [PJ] nous demandait de faire travailler [IL] sur les rushs et aussi lorsque des employés étaient absents. Ce qui par conséquent la mettait très en retard pour ses tâches administratives. Concrètement, [IL] enchainait les heures supplémentaires à la demande de Mme [PJ]': «'Tu ne partiras pas d'ici tant que tu n'auras pas fini'» et tentait tant que bien mal de rattraper le retard.'».

Elle ajoute que «'malgré tout les efforts fournis par [IL], Mme [PJ] lui hurlait dessus sans arrêt et lui faisait des réflexions très désagréables et sans fondement': «'Mais tu as fait quoi'' Tu n'as rien fait du tout'! Tu te moques de moi'' Je ne vais quand même pas faire le travail à ta place'''». Je l'ai entendu de mes oreilles et beaucoup d'autres aussi ainsi que les clients parfois. [IL] était humiliée. Après ces épisodes, [IL] fondait en larme et avait l'air terrorisée donc s'exécutait.'».

Mme [J] [HV] précise que «'En janvier 2015, Mme [PJ] a décidé que les piercings «'ne servaient à rien'» et que ne les tolérait pas au sein de son restaurant, elle a donc forcé Mme [V] à l'enlever. ['] Lorsque j'ai été transféré au restaurant de [Localité 7], j'ai vu Mme [V] obligé de rester durant 3h devant l'écran des caméras afin de trouver qui avait sorti un surplus de gâteau, alors qu'elle n'était pas présente le jour où cela s'est produit.'».

Mme [Y] [P] énonce que «'J'ai souvent vu [Mme [V]] pleurer car Mme [R] [PJ] lui hurlait dessus régulièrement.'».

Mme [X] [YO] indique que Mme [V] «'faisait des horaires tellement conséquents et était tellement dévouée à Mme [PJ] qu'elle s'épuisait petit à petit. Je la voyais également faire des crises de tachycardie, ça la mettait dans des états pas possibles, elle en pleurait, tremblait, c'était choquant».

(6) D'une sixième part, Mme [V] verse aux débats diverses attestations et des échanges de SMS quant au fait que Mme [PJ], gérante de la société, et M. [WI], superviseur des deux restaurants, s'immisçaient régulièrement dans ses fonctions en la surveillant via les caméras de vidéosurveillance et dans sa vie privée pendant ses jours de repos.

Mme [TG] [MV] indique que «'Mme [PJ] [R] appelait quatre ou cinq fois par soir, car avec son téléphone elle a une application pour surveiller les gens'».

Mme [X] [FX] évoque que «'[IL] venait tout le temps me voir en me disant que Mme [PJ] l'appelait en permanent car elle visionnait aux caméras tous les faits et gestes à distance pour que je reste à mon poste.'».

Mme [OC] [GF] déclare que «'Mme [PJ] appelait [Mme [V]] régulièrement en dehors de ses heures de travail ainsi que ses congés hebdomadaires pour qu'elle vienne finir des papiers.'».

Mme [J] [HV] atteste que «'Mme [V] était forcée de revenir durant ses jours de repos et vacances lorsqu'il y avait une visite d'évaluation de McDonald's France car elle la seule apte à passer cet examen, car elle était très rigoureuse et appliquée.'».

Mme [Y] [P] énonce que «'j'ai souvent vu Mme [V] revenir travailler à la demande de Mme [PJ] alors qu'elle était en jour de repos, elle travaillait également en dehors de ses heures, restait souvent après le départ des équipiers'» et que «'En tant que manager, Mlle [V] était obligée de nous crier dessus sous ordres de Mme [PJ], qui regardait ses caméras de surveillance depuis chez elle, appelait le restaurant et obligeait Mlle [V] à crier sur des équipiers alors qu'elle ne l'aurait pas fait de son plein gré.'».

En outre, la salariée produit plusieurs échanges de SMS de Mme [R] [PJ] quant à la circonstance que cette dernière la surveillait pendant son travail via les caméras de surveillance':

- Le mercredi 14 octobre 2015 à 10h10': «'Bonjour [IL], les tabliers en cuisine, les salades en combreaux'»';

- Le jeudi 15 octobre 2015 à 22h30': «'Bonsoir [IL], Peux-tu écrire sur une feuille toutes les raisons pour avoir les cheveux attachés chez McDonald's. Dater. Donner la feuille demain à [NL]. Merci CBP Bonne fin close.'»';

- Un SMS non daté': «'Stp Rien au sol dans la plonge'!!!'»';

- Un SMS non daté sur lequel figure une capture d'écran de caméra du restaurant «'McDo St-Geoirs-Cam4'» datée du 26 mars 2016 à 17h58, suivi du message suivant': «'J'ai regardé les caméras en même temps'».

La salariée verse finalement aux débats plusieurs échanges de SMS avec Mme [PJ] ou avec M. [WI] quant au fait qu'ils communiquaient avec elles régulièrement en dehors de ses horaires de travail et sur ses jours de repos hebdomadaire':

- Un SMS de Mme [PJ] le dimanche 8 novembre 2015 à 14h04 demandant à la salariée de venir à la réunion à 15h, alors que selon la fiche de pointage, elle a commencé à 16h, et après que la salariée ait répondu «'Bonjour, bah je fini de me préparer rapidement et j'arrive''», Mme [PJ] a écrit «'Fais toi belle'»';

- Un SMS de Mme [PJ] du jeudi 14 janvier 2016 à 01h26 demandant': «'Tu as bien mis l'alarme sur SG'' La sécurité a appelé par ce qu'elle ne répond pas'»';

- Un SMS de M. [WI] du samedi 6 février 2016 à 22h17': «'Bonsoir [IL], Peux-tu ouvrir à [Localité 4] demain matin. Merci beaucoup'» suivi de «'''», alors que, selon la fiche manuscrite de pointage produite par l'employeur, elle était en jour de repos hebdomadaire';

- Un SMS de M. [WI] le samedi 12 mars 2016 à 15h04 quant à une visite de contrôle, alors que selon la fiche manuscrite de pointage produite par l'employeur, elle a commencé à 16h';

- Un SMS de M. [WI] le samedi 2 avril à 13h43 quant à une réunion le mardi 5, alors que le 2 avril, la salariée a débuté à 16h selon la fiche manuscrite de pointage';

- Un SMS de Mme [PJ] le 4 avril à 10h09 quant à une réunion le mercredi 6 et demandant confirmation, alors que selon la fiche manuscrite de pointage, la salariée était en jour de repos hebdomadaire';

- Un SMS de Mme [PJ] le lundi 16 mai 2016 à 14h40': «'Bonjour [IL]. Est-ce que tu peux aider [NL] sur [Localité 4] 1 ou 2 heures ce soir'''», alors que selon la fiche manuscrite de pointage produite par l'employeur, elle était en jour de repos hebdomadaire';

- Un SMS de M. [WI] le dimanche 22 mai à 14h43': «'Hello, si tu es dispo tu peux venir un peu plus tôt sur SG on peut continuer la formation sur les commandes. Tiens-moi informé'», alors que la fiche manuscrite de pointage indique qu'elle a débuté à 17h';

- Un SMS de M. [WI] le vendredi 27 mai à 9h56': «'Bonjour, si tu es disponible ce matin, peux-tu venir au restau'' merci'», alors que selon la fiche manuscrite de pointage produite par l'employeur, elle a débuté à 11h30';

- Un SMS de M. [WI] le dimanche 29 mai à 13h42': «'Bonjour, Peux-tu être Restau pour 16h30 pour faire la transition avec [BD]'' [']'», alors que la fiche de pointage ne mentionne pas cette date';

- Un SMS de M. [WI] le mardi 31 mai à 15h27': «'Réunion sur St Geoirs jeudi 15h. merci de confirmer votre présence'»'; alors que le 31 mai, la salariée bénéficiait de son jour de repos hebdomadaire';

(7) Finalement, d'une septième part, Mme [V] produit plusieurs éléments médicaux quant à la dégradation de son état de santé':

- Un courrier du Dr [S] quant à la prise en charge de Mme [IL] [V] pour la réalisation d'une exploration électrophysiologique de tachycardie paroxystique qui «'confirme bel et bien une dualité nodale avec une tachycardie réciproque par réntrée intranodale facilement déclenchable sous Isuprel. Nous avons procédé à l'ablation de la voie lente avec succès, puisqu'en fin de procédure, plus aucune tachycardie réciproque n'était déclenchable que cela soit à l'état basal ou sous Isuprel'».

Un certificat médical du Dr [I] en date du 1er août 2016 qui certifie que «'Mademoiselle [V] [IL], âgé de 21 ans, présente un syndrome anxieux réactionnel à des conflits professionnels avec harcèlement moral. Ces troubles ont occasionné des arrêts de travail avec retentissement psychique important encore actuellement'»';

- Un certificat médical du Dr [S] en date du 4 août 2016 qui indique «'Mademoiselle [V] [IL] a souffert de stress répété à son travail, ce qui a entrainé la survenue de troubles rythmiques cardiaques invalidants'»';

L'avis d'inaptitude en date du 17 octobre 1016 qui précise': «'Inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise'».

Pris dans leur ensemble, ces éléments de fait sont de nature à présumer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils reflètent des conditions de travail dégradées et une atteinte portée aux droits du salarié.

En réponse, l'employeur apporte certaines justifications objectives étrangères à tout harcèlement moral.

Ainsi, s'agissant de l'adaptation et de la formation de Mme [V] au poste de responsable opérationnelle, la société Adriaor produit les conventions de formation professionnelle pour l'obtention des diplômes TBM1 et TBM2 de mai et d'octobre 2015, ainsi que les attestations de présence de Mme [V] et les feuilles d'émargement pour ces deux formations.

Il s'ensuit que l'employeur établit suffisamment que Mme [V] a bénéficié des formations adéquates au poste de responsable opérationnelle, la seule circonstance que celle-ci ait pu solliciter les autres managers pour des précisions quant à son poste de responsable opérationnelle n'étant pas suffisante pour constituer un manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation et de formation.

En revanche, l'employeur n'apporte pas les justifications étrangères à tout harcèlement moral concernant les faits matérialisés par la salariée en ce que':

(1) D'une première part, concernant l'obligation de prévention du harcèlement moral, la cour constate que la société Adriaor, gérant l'établissement de [Localité 7], ne verse pas le document unique d'évaluation des risques professionnels dans une version complète, puisqu'est seulement versé aux débats la page de présentation pour les années 2015 et 2016.

Quant à l'établissement de [Localité 4], géré par la société Adriaco, il ressort des documents uniques d'évaluation des risques professionnels, versés aux débats pour les années 2014 et 2015, que le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sont uniquement prévus dans le cadre du «'Risque d'agression'» et qu'aucun moyen de prévention existant n'est relatif au harcèlement mais uniquement au risque d'agression ou de braquage.

En outre, les fiches de formation complétées par la salariée et les annexes au contrat de travail, produites par l'employeur, ne mentionnent pas le harcèlement moral et aucun élément concret n'est produit concernant le contenu des vidéos sur les formations obligatoires.

Ainsi, l'employeur n'apporte aucun élément pertinent permettant d'établir la mise en 'uvre de mesures concrètes quant à son obligation de prévention du harcèlement moral auprès de ses salariés et dont Mme [V] aurait bénéficié.

Il est tout au plus observé que ce fait établi ne participe pas en soi du harcèlement moral puisque rattaché à une obligation particulière découlant de l'obligation de prévention et de sécurité mais qu'il est de nature à avoir contribué à la survenance des faits de harcèlement moral.

Ce manquement distinct de l'employeur ouvre par ailleurs droit à une indemnisation spécifique pour la salariée.

(2) D'une deuxième part, s'agissant du manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation et de formation de la salariée à son poste d'équipière polyvalente, l'employeur produit en premier lieu deux fiches de formation sur le McCafé et deux attestations.

Toutefois, la cour constate que ces deux fiches de formation ne sont pas signées par la salariée et qu'aucun élément ne permet d'établir que la société lui a effectivement transmis ces deux fiches de formation.

En outre, les deux attestations n'ont aucune valeur probante en ce que les deux équipières polyvalentes ne mentionnent pas la salariée, mais uniquement leur propre expérience.

Ainsi, l'employeur échoue à établir que Mme [V] a été formée pour le poste au McCafé lors de son arrivée dans l'entreprise en octobre 2013.

En second lieu, alors qu'il ressort de plusieurs attestations produites par la salariée que celle-ci exerçait des tâches administratives dès le début de l'année 2015 sans formation, l'employeur ne développe aucun moyen pertinent à ce titre.

Dès lors, la société Adriaor échoue à établir avoir respecté son obligation d'adaptation et de formation de la salariée à son poste d'équipière polyvalente dès octobre 2013 et aux tâches administratives qu'elle a commencé d'exercer début 2014, aucune formation n'ayant été dispensée à la salariée jusqu'à l'obtention du diplôme TBM1 en mai 2015.

(3) D'une troisième part, s'agissant des manquements de la société à son obligation de sécurité en matière d'hygiène des salariés, l'employeur produit un procès-verbal d'huissier de justice concernant l'hygiène et la sécurité sur l'établissement de [Localité 4] datant du 22 février 2017, qui manque toutefois de pertinence en ce qu'il est postérieur au départ de Mme [V] de la société dont le courrier de rupture a été remis en mains propre le 16 octobre 2015.

Il verse ensuite aux débats les attestations de deux managers, de la responsable de formation, de la gestionnaire administrative et de la directrice des ressources humaines de la société qui précisent que les normes d'hygiène et de sécurité sont identiques sur les deux établissements gérés par Mme [PJ] via les sociétés Adriaco et Adriaor.

Il produit également des photos des équipements spécifiques utilisés par les salariés, les consignes correspondant à différentes procédures affichées au sein des locaux, ainsi que les factures relatives au réapprovisionnement des équipements de protection individuelle pour les années 2014, 2015 et 2016 et les factures relatives au carrelage antidérapant installé au sein du restaurant.

Les attestations de Mmes [IU] et [XH] n'ont pas de valeur probante en ce qu'elles sont rédigées de manière identique.

Il verse aux débats les attestations de formation en tant que référent hygiène et sécurité alimentaire de trois salariés de la société.

La société Adriaor produit également les comptes-rendus de la Brand Standard Visit des 31 mars 2015, 13 octobre 2015 et du 8 juin 2016 qui précisent que «'l'ensemble du restaurant est parfaitement propre'» et que «'les équipements sont très bien entretenus'».

Il convient toutefois de considérer que ces audits ont une faible valeur probante quant à l'hygiène et la sécurité des salariés, dès lors qu'ils sont prévus et annoncés à l'avance à la société.

De la même manière, les comptes-rendus de suivi du client mystère et les résultats de l'application «'mcdoetmoi'» manquent de pertinence en ce qu'ils ne mentionnent pas la question de l'hygiène en cuisine et de celle des salariés, mais uniquement du drive, de la salle de restauration et des toilettes.

L'employeur produit des photos relatives, selon lui, à la formation «'lavage des mains'», mais qui manquent de valeur probante en ce qu'elles ne sont pas datées et que les seules factures relatives à ces formations ne permettent pas d'en établir le contenu.

L'employeur ne produit aucun autre élément pertinent quant au fait que les salariés n'ont pas à leur disposition leurs propres EPI concernant les gants de nettoyage et les gants pour manipuler les aliments.

Ainsi, quand bien même l'employeur établit suffisamment la propreté générale du restaurant, il n'apporte aucun élément objectif suffisant étranger à tout harcèlement quant à l'hygiène, la sécurité de ses salariés et leurs équipements de protection individuelle.

(4) D'une quatrième part, la cour rappelle que la société Adriaor a été condamnée à payer à Mme [V] la somme de 25'000'euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre mars 2014 et juillet 2016, les fiches de pointages et les plannings produits par l'employeur n'étant pas suffisamment probants pour contrôler efficacement les heures effectuées par la salariée en raison des incohérences précédemment constatées.

(5) D'une cinquième part, s'agissant des brimades et propos dégradants et humiliants, contrairement à ce qu'avance l'employeur, il importe peu que la salariée ne se soit «'jamais plainte d'un harcèlement moral ni même d'une quelconque difficulté pendant l'intégralité de sa relation contractuelle'» (page 39 des écritures), ni qu'elle n'ait pas informé le médecin du travail des faits allégués (page 40 des écritures).

En outre, la reconnaissance d'un harcèlement moral n'est pas subordonnée à la demande de reconnaissance d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ni à la recherche de la faute inexcusable de l'employeur, de sorte que le moyen soulevé par la société Adriaor à cet effet est inopérant (pages 40 et 65 des conclusions).

En premier lieu, l'attestation de M. [WI], quant au fait que la salariée aurait sollicité une évolution au poste d'assistante de direction, manque de valeur probante dès lors qu'il émane de la direction de la société et qu'aucun autre élément n'est versé aux débats permettant de corroborer cette affirmation, de sorte que l'employeur échoue à établir qu'en sollicitant une évolution de poste en mai 2016, la salariée ne faisait face à aucun «'malaise au sein de la société'».

En deuxième lieu, la seule circonstance que «'Mme [PJ] organisait des repas, des sorties avec ses équipes et prenait soin de fêter l'anniversaire de ses salariés'» ne permet pas d'écarter l'existence de brimades à l'encontre de Mme [V] au cours de la relation de travail, d'autant que les attestations ne mentionnent pas la salariée et qu'elles proviennent uniquement de membres de l'équipe de gestion.

En troisième lieu, la circonstance que Mme [H] [V], s'ur de l'intimée, ait été recrutée une première fois en mars 2015 et une seconde fois du 4 au 25 juillet 2016 ne permet pas d'écarter l'existence de brimades et pressions à l'encontre de la salariée.

En quatrième lieu, l'employeur produit les attestations, difficilement lisibles, d'une équipière polyvalente, d'un manager et de la directrice des ressources humaines de la société, qui manquent toutefois de pertinence en ce qu'ils n'attestent pas des déplacements de la gérante, mais uniquement du fait qu'ils avaient régulièrement des réunions hebdomadaires avec elle concernant la gestion de l'entreprise.

Il verse également aux débats l'attestation de Mme [R] [XH], gestionnaire administrative, qui indique qu'elle travaille «'en relation directe avec Mme [PJ]'» et que cette dernière a régulièrement «'des réunions à [Localité 6] ou même dans d'autres pays'».

Toutefois, les absences occasionnelles de Mme [PJ] ne permettent pas, en soi, d'écarter les faits allégués quant aux remarques désobligeantes et dégradantes à l'encontre de Mme [V].

En cinquième lieu, la société fait valoir que les attestations produites par la salariée sont mensongères.

Toutefois, le courrier anonyme produit par l'employeur quant au fait qu'un «'complot'» se serait organisé contre la gérante de la société n'a aucune valeur probante en l'absence d'éléments d'authenticité, tel qu'une date ou un courrier d'envoi, de sorte qu'il ne permet pas d'écarter les attestations produites par Mme [V] en considérant le fait qu'elles proviennent de salariés en litige avec la société.

Le courrier de remerciement de Mme [HV] à Mme [PJ] manque de pertinence, dès lors qu'il ne concerne pas Mme [V].

S'agissant des autres attestations, le fait que les salariés n'aient pas fait de difficultés pendant leurs relations de travail ne saurait amoindrir la valeur probante de leur attestation.

En outre, l'employeur développe des moyens concernant la situation particulière de ses salariés ou d'attestations produites dans d'autres litiges actuellement pendants de la présente cour, de sorte que les moyens développés à ce titre sont inopérants à l'égard de la situation de Mme [V].

En sixième lieu, l'employeur produit une série d'attestations de salariés des société Adriaco et Adriaor ayant travaillé sur la même période que Mme [V], manquant toutes de pertinence ou de valeur probante':

- Mmes [AV] et [GW], [NU] et MM. [K] et [IU] attestent dans des termes similaires ne jamais avoir entendu Mme [PJ] dire «'Ferme ta gueule'» ou une autre insulte à un autre salarié sans plus de précision, en particulier quant à Mme [V]';

- MM. [O], [N] et [YG] attestent simplement ne jamais avoir entendu Mme [PJ] insulter ou manquer de respect à un autre collaborateur';

- Les attestations de Mmes [IU], [XH] et [B] sont rédigées dans des termes identiques et à la même date';

Ainsi, ces attestations demeurent insuffisantes en ce qu'aucune ne mentionne Mme [V]. Elles ne permettent donc pas d'écarter les brimades et propos dégradants allégués à l'encontre de celle-ci.

De la même manière, les courriers de remerciement et les lettres de démission, produits par l'employeur, ne permettent pas d'écarter l'existence de brimades à l'encontre de Mme [V], quand bien même les salariés remercient Mme [PJ], en ce qu'ils mentionnent simplement l'ambiance générale et ne précisent aucun élément quant à Mme [V].

Ainsi, il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur n'apporte aucun élément objectif étranger à tout harcèlement quant à l'existence de brimades et de propos dégradants et humiliants à l'encontre de Mme [IL] [V].

(6) D'une sixième part, s'agissant de l'immixtion inappropriée par la direction dans le travail s'analysant en un abus du pouvoir de direction et de contrôle et dans la vie privée de Mme [V], l'employeur soutient en premier lieu que le contrat de travail prévoit une clause de mobilité, la salariée pouvant être affectée de manière temporaire à un autre restaurant de la même enseigne, et que la salariée pouvait faire état d'une éventuelle difficulté, les SMS étant formulés de manière interrogative (page 56 des écritures).

Toutefois, aucun avenant n'a été rédigé quant à une affectation temporaire, même d'un jour, au sein du restaurant de [Localité 4], alors qu'il n'est pas géré par la même société, ce d'autant que lorsque Mme [V] a été temporairement affectée au sein du restaurant Lunea des avenants avaient été signés par les parties.

En outre, quand bien même les questions étaient formulées de manière interrogative, il ressort des attestations produites par la salariée et des conclusions des parties qu'il existait une certaine confusion dans la gestion des deux restaurants de [Localité 7], dès lors qu'ils étaient tous les deux gérés par Mme [PJ], que le superviseur des deux restaurants était M. [WI], et que la salariée a travaillé au sein des deux restaurants entre 2014 et 2016.

En deuxième lieu, l'employeur fait valoir que la salariée a été promue au poste de responsable opérationnel en octobre 2015 et qu'il «'est donc parfaitement logique que Mme [V], en sa qualité de manager, participe aux dites réunions'» (page 56 des conclusions).

Cependant, outre que plusieurs SMS ont été envoyés à des heures non travaillées par la salariée et parfois à des horaires tardifs, la cour constate que Mme [V] a été amenée à venir assister à des réunions sur des jours de repos hebdomadaires sans être rémunérée, de sorte que la société n'a pas respecté, comme il a précédemment été établi, les temps de repos hebdomadaire de la salariée et son obligation de rémunérer les heures supplémentaires.

Et le fait que la salariée ne produise qu'une dizaine de SMS ne constitue pas une justification par des éléments étrangers à tout harcèlement, dès lors que l'envoi des SMS était régulier et sur une période de plusieurs mois en 2016.

En troisième lieu, l'employeur n'apporte aucune justification pertinente quant aux circonstances établies par Mme [V] entourant l'envoi de certains SMS par Mme [PJ], à savoir que cette dernière observait, via les caméras de surveillance, le travail de Mme [V] afin de lui donner ensuite des directives par SMS.

Or, la cour constate que l'employeur ne produit aucun élément permettant d'établir, d'une part, qu'il a effectué les déclarations pertinentes du système de vidéosurveillance et, d'autre part, que les salariés, dont Mme [V], avaient connaissance des finalités de la vidéosurveillance et en particulier de la possibilité pour la société de contrôler les salariés dans l'exécution de leur contrat de travail par ce biais.

Ainsi, l'employeur ne démontre pas que l'envoi des SMS à Mme [V] constitue un «'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur'», dès lors qu'ils ont été envoyés par la gérante de la société à Mme [V] pour lui donner des directives après avoir constaté certains éléments lors de visionnages de la vidéosurveillance.

(8) D'une huitième part, l'employeur soutient que la salariée ne fait pas état d'une dégradation de son état de santé en ce que ses arrêts de travail ne seraient pas en lien avec son travail et que les deux contre-visites médicales ont conclu au caractère injustifié des arrêts de travail litigieux.

Toutefois, la cour constate que, quand bien même les deux contre-visites médicales des 22 et 28 septembre 2016 considèrent que l'arrêt de travail est «'non médicalement justifié'», ils précisent également «'Conseil': voir le médecin du travail'».

Or, Mme [V] a finalement été déclarée inapte par avis du médecin du travail en date du 17 octobre 2016, soit seulement deux à trois semaines après les contre-visites médicales.

Ainsi, les éléments médicaux produits par Mme [V] sont appréciés souverainement par la juridiction s'agissant du lien certain, au moins partiel, entre ses conditions de travail dégradées et la détérioration de son état de santé ayant conduit à sa déclaration d'inaptitude, étant observé qu'il ressort de plusieurs certificats médicaux que les problèmes cardiaques résulteraient de stress au travail et ce, dans une période où celle-ci rencontrait des difficultés professionnelles importantes.

En tout état de cause, aux termes de l'article L.'1152-1, la caractérisation du harcèlement moral n'exige pas le constat de la dégradation effective de l'état de santé de la salariée mais peut également se déduire de conditions de travail dégradées présentant un risque objectif pour la santé de cette dernière.

Or, il ressort des éléments retenus que Mme [V] a subi une dégradation de ses conditions de travail.

Dès lors, il résulte de l'ensemble des énonciations précédentes que l'employeur n'apporte pas les justifications étrangères suffisantes à tout harcèlement, de sorte qu'il convient, par confirmation du jugement entrepris, de déclarer que Mme [V] a été victime d'un harcèlement moral par la société Adriaor.

En conséquence, compte tenu des faits subis par la victime et de la durée du harcèlement, il convient de condamner la société Adriaor à verser à Mme [V] la somme de 12'000'euros net au titre du harcèlement moral, le jugement entrepris étant réformé quant au quantum.

En outre, par infirmation du jugement entrepris, en application de l'article L.'1152-4 du code du travail, il convient de condamner la société Adriaor à verser à Mme [V] la somme de 2'500'euros net au titre de l'obligation de prévention du harcèlement moral, dès lors que la salariée établit suffisamment, contrairement à ce que soutient l'employeur, l'existence d'un préjudice distinct compte tenu de la mise en danger de la salariée et de l'absence de protection de cette dernière au cours de la relation de travail en raison du comportement de la direction à son égard.

Sur la rupture du contrat de travail':

Conformément aux dispositions de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1224 du code civil, la condition résolutoire étant toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut demander au juge la résolution du contrat.

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations contractuelles.

Sous la réserve de règles probatoires spécifiques à certains manquements allégués de l'employeur, c'est au salarié d'établir la réalité des manquements reprochés à l'employeur et de démontrer que ceux-ci sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle. En principe, la résiliation prononcée produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur fondée sur des faits de harcèlement moral, produit les effets d'un licenciement nul, conformément aux dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail.

Il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines obligations résultant d'un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.

Le juge, saisi d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l'intervalle de sorte qu'elle produit alors ses effets à la date de l'envoi de la lettre de licenciement.

En l'espèce, Mme [V] invoque, tout d'abord, deux manquements de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail.

D'une première part, il ressort de plusieurs attestations, produites par la salariée, qu'elle a été mutée sur l'établissement de [Localité 7], tenu par la société Adriaor, à compter du 8 août 2015 et qu'elle travaillait au sein des deux restaurants entre le mois d'août et le mois de décembre 2015 en l'absence de convention de transfert, celle-ci n'ayant été régularisée qu'à compter du mois de janvier 2016.

En réponse à ces éléments, l'employeur soutient que le transfert n'a été opéré qu'à compter du mois de janvier 2016 selon convention de transfert qu'il verse aux débats.

La cour constate toutefois que ladite convention de transfert n'est pas signée par la salariée et qu'elle indique la date du 31 décembre 2016, de sorte qu'elle manque de valeur probante.

En outre, la seule circonstance que la déclaration préalable à l'embauche date de janvier 2016 et que les bulletins de salaire proviennent de la société Adriaco jusqu'en décembre 2015, puis de la société Adriaor à compter du mois de janvier 2016 demeure insuffisante pour établir que le transfert date de janvier 2016, dès lors qu'ils sont unilatéralement établis par l'employeur et que les deux sociétés sont gérées par la même personne, Mme [R] [PJ].

Finalement, alors que la société indique dans ses conclusions que la salariée a arrêté de badger à compter de sa promotion au poste de responsable opérationnelle, la cour constate, d'après les relevés horaires issus de la badgeuse et des fiches manuscrites de pointage produits par l'employeur, que, au moment de la période du transfert alléguée par la salariée, seulement trois badgeages ont été effectués au mois d'août 2015, qu'aucun badgeage n'est recensé au mois de septembre 2015 et que la salariée a commencé à remplir de manière manuscrite les fiches de pointage dès le 27 septembre 2015, soit avant l'obtention du diplôme TBM2 et la promotion de Mme [V] au cours du mois d'octobre 2015.

Ainsi, eu égard à l'ensemble de ces éléments, la salariée établit que son transfert au sein de la société Adriaor pour travailler sur le site de l'établissement de [Localité 7] est intervenu avant l'établissement de la convention de transfert.

Dès lors, la salariée démontre suffisamment que l'employeur n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail à cet égard.

D'une seconde part, la salariée fait valoir qu'au moment de la régularisation du transfert vers la société Adriaor, la société Adriaco a soldé ses droits à congés payés, lui versant ainsi en décembre une indemnité compensatrice de congés payés, de sorte qu'elle a dû prendre des congés sans soldes en février 2016 et que cette somme a impacté son impôt sur le revenu.

Toutefois, la convention par laquelle le contrat de travail d'un salarié est transféré hors application de l'article L. 1224-1 du code du travail, n'emporte pas la transmission au nouvel employeur de l'ensemble des obligations qui incombaient à l'ancien employeur, sauf stipulations expresses en ce sens.

Dans ces conditions, la salariée ne démontre pas suffisamment l'exécution déloyale du contrat de travail à ce titre.

Par ailleurs, il a été précédemment établi que Mme [IL] [V] a été victime de harcèlement moral, que la société Adriaor a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral ainsi qu'à son obligation quant aux durées maximales de travail et de repos hebdomadaire outre que cette dernière n'a pas rémunéré les heures complémentaires et supplémentaires effectuées par la salariée entre le mois de mars 2014 et le mois de juillet 2016.

Or, ces manquements de l'employeur présentent un tel degré de gravité qu'ils ont empêché la poursuite du contrat de travail en ce que les agissements de harcèlement moral et l'absence de mise en 'uvre des mesures nécessaires dans le cadre de l'obligation de prévention et de sécurité ont eu pour conséquence de manière certaine, peu important que cela ait pu n'être que partiel, une dégradation de la santé psychique de la salariée, ne présentant pas d'état antérieur connu, ce qui a conduit in fine à sa déclaration définitive d'inaptitude au sein de l'entreprise à l'issue de la visite du 17 octobre 2016, l'inaptitude fondant ensuite le licenciement notifié à la salariée par courrier du 25 novembre 2016.

Dès lors, par confirmation du jugement entrepris, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [IL] [V] au 25 novembre 2016, date de la notification de son licenciement pour inaptitude et de dire qu'en raison du harcèlement moral retenu, cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul.

Sur les prétentions afférentes à la rupture':

Premièrement, la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul, en application de l'article L.'1234-5 du code du travail, Mme [IL] [V] est bien fondée à solliciter la condamnation de la société Adriaor à lui payer la somme de 3'981,26'euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 398,12'euros brut au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016, date de la rupture dans la mesure où la demande a été formée antérieurement, étant observé que le point de départ des intérêts ne peut être antérieur à la date d'exigibilité de la créance.

Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef, sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts.

Secondement, au visa des articles L.'1235-3-1 et L.'1235-3-2 du code du travail, il y a lieu de condamner la société Adriaor à payer à Mme [V] la somme de 11 943'euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, étant observé que Mme [V] percevait un salaire mensuel moyen à hauteur de 1'990,63'euros brut, qu'elle avait une ancienneté de plus de trois ans et qu'elle justifie de sa situation professionnelle postérieure à la rupture injustifiée de son contrat de travail en versant aux débats un avenant à un contrat de travail établissant une embauche à durée déterminée au 17 février 2017, puis à durée indéterminée à compter du 26 mars 2017.

Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef y compris s'agissant des intérêts au taux légal à compter du jugement, sauf à préciser que la somme allouée est brute.

Sur les demandes accessoires':

La société Adriaor, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [V] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer

le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Adriaor à lui verser la somme de 1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser 1500'euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

En conséquence, la demande indemnitaire de la société Adriaor au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés est rejetée.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- Constaté que Mme [IL] [V] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur';

- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [IL] [V] à la date du 25 novembre 2016, produisant les effets d'un licenciement nul';

- Condamné la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] les sommes de 3'981,26'euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 398,12'euros brut au titre des congés payés afférents, sauf à préciser que les intérêts au taux légal sont dus à compter du 25 novembre 2016';

- Condamné la société Adriaor à verser à Mme [IL] [V] la somme de 11'943'euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, sauf à préciser que la somme est brute,

- Condamné la société Adriaor à verser à Mme [V] la somme de 1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- Débouté la société Adriaor de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- Condamné la société Adriaor aux entiers dépens';

L'INFIRME pour le surplus';

Statuant à nouveau et y ajoutant';

CONDAMNE la société Adriaor à payer à Mme [V] les sommes suivantes':

- 25'000'euros (vingt-cinq mille euros) brut à titre de rappel de salaire pour heures complémentaires et supplémentaires entre le mois de mars 2014 et le mois de juillet 2016';

- 2'500'euros (deux mille cinq cent euros) brut de congés payés afférents';

- 12'000'euros (douze mille euros) net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral';

- 2'500'euros (deux mille cinq cents euros) net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral';

- 2'000'euros (deux mille euros) net à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail et des temps de repos hebdomadaires';

DÉBOUTE Mme [V] du surplus de ses prétentions au principal';

CONDAMNE la société Adriaor à payer à Mme [V] la somme de 1 500'euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel';

DÉBOUTE la société Adriaor de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société Adriaor aux entiers dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/00571
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.00571 ?
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