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07/03/2024 | FRANCE | N°22/00572

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 07 mars 2024, 22/00572


C 2



N° RG 22/00572



N° Portalis DBVM-V-B7G-LHJJ



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL A PRIM



la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

AU NOM DU PEUPL

E FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2024





Appel d'une décision (N° RG 18/00259)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 10 janvier 2022

suivant déclaration d'appel du 08 février 2022





APPELANTE :



E.U.R.L. ADRIAOR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cet...

C 2

N° RG 22/00572

N° Portalis DBVM-V-B7G-LHJJ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL A PRIM

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2024

Appel d'une décision (N° RG 18/00259)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 10 janvier 2022

suivant déclaration d'appel du 08 février 2022

APPELANTE :

E.U.R.L. ADRIAOR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Sandrine MOUSSY de la SELARL A PRIM, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sylvie ESCALIER, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Madame [UW] [CG]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 décembre 2023,

Jean-Yves POURRET, conseiller chargé du rapport et Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 07 mars 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 07 mars 2024.

EXPOSÉ DU LITIGE

Les sociétés Adriaor et Adriaco, dont la gérante est Mme [RG], exploitent des établissements de restauration rapide sous l'enseigne McDonald's, situés respectivement à [Localité 7] et à [Localité 3].

La convention collective applicable est la convention collective nationale de la restauration rapide du 18 mars 1988.

Mme [UW] [CG] a été embauchée par la société Adriaor le 10 septembre 2008 en qualité d'équipière polyvalente, catégorie employé, niveau 1, échelon 1, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une durée mensuelle de travail de 87 heures.

Par avenant en date du 1er octobre 2008, la durée mensuelle de travail a été augmentée à hauteur de 130 heures de travail, avec une répartition du travail entre le mercredi et le dimanche, les lundis et mardis n'étant pas travaillés.

Par avenant en date du 1er janvier 2009, Mme [UW] [CG] a été promue responsable de zones, catégorie employé, Niveau 2, échelon 1.

Par avenant en date du 1er juin 2010, Mme [UW] [CG] a été promue responsable opérationnel, catégorie employé, niveau 3, échelon 2

Par avenants au contrat de travail, Mme [CG] a été détachée au sein du restaurant Lunea dans le cadre d'une formation « Nouvelle cuisine » les 11 juillet, du 15 au 17, les 20, 27, et du 29 au 31 octobre 2014.

Par avenant au contrat en date du 1er novembre 2014, Mme [UW] [CG] a été détachée au sein du restaurant de [Localité 3], géré par la Société Adriaco du 1er novembre 2014 au 30 juin 2015.

Par un second avenant au contrat de travail en date du 1er novembre 2014, la durée de travail de Mme [CG] a été fixée à temps plein de manière temporaire du 1er novembre 2014 au 30 avril 2015 dans le cadre de son détachement sur le restaurant de [Localité 3].

Mme [UW] [CG] a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 9 avril 2015, renouvelé de manière ininterrompue.

Par avis en date du 10 octobre 2016, la médecine du travail a déclaré Mme [CG] inapte « à son poste et à tout poste dans l'entreprise ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 novembre 2016, la société Adriaor a convoqué Mme [CG] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement prévu le 16 novembre 2016.

Par courrier avec accusé de réception en date du 19 novembre 2016, la société Adriaor a notifié à Mme [CG] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 22 juillet 2016, Mme [UW] [CG] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant le non-paiement d'heures supplémentaires et un harcèlement moral.

La société Adriaor s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 10 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Grenoble a :

CONSTATE que Mme [UW] [CG] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur ;

DIT que la société Adriaor a manqué à son obligation de sécurité ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [UW] [CG] aux torts exclusifs de l'employeur, à la date du 19 novembre 2016 ;

CONSTATE que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul ;

CONDAMNE la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 3 120 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 312 euros brut au titre des congés payés afférents, lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 26 Juillet 2016 ;

CONDAMNE la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 15 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, ladite somme avec intérêts de droit à la date du présent jugement ;

DEBOUTE Mme [UW] [CG] de sa demande formée au titre des heures supplémentaires ;

DEBOUTE Mme [UW] [CG] de sa demande formée au titre des frais de déplacement ;

CONDAMNE la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral sur le fondement de 1'article L 1152-1 du code du travail, ladite somme avec intérêts de droit à la date du présent jugement ;

DEBOUTE Mme [UW] [CG] de sa demande formée au titre du préjudice moral sur le fondement de1'article L 1152-4 du code du travail ;

DEBOUTE Mme [UW] [CG] de sa demande formée au titre du préjudice moral sur le fondement du manquement a l'obligation de sécurité de résultat ;

DEBOUTE Mme [UW] [CG] de ses demandes formées à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire ;

CONDAMNE la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, dans la limite de neuf mois de salaires, nonobstant appel et sans caution, en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant de 560 euros brut ;

CONDAMNE la société Adriaor au paiement des entiers dépens ;

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 12 janvier 2022.

Par déclaration en date du 8 février 2022, la société Adriaor a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Par déclaration en date du 10 février 2022, Mme [UW] [CG] a également interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Selon ordonnance en date du 19 mai 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures N°RG 22/572 et 22/617 sous le seul numéro 22/572.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Adriaor demande à la cour d'appel de :

DIRE ET JUGER régulier et bien fondé l'appel engagé par ses soins à l'encontre du jugement du Conseil de prud'hommes de Grenoble du 10 janvier 2022 ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires de Mme[CG] ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement de frais de déplacement de Mme[CG] ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article 1152-4 du Code du travail ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que Mme [UW] [CG] avait été victime de harcèlement moral et que la société Adriaor avait en outre manqué à son obligation de sécurité ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il a en conséquence prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de de la société Adriaor, produisant les effets d'un licenciement nul, et a condamné cette société à verser à Mme [CG] les sommes suivantes :

Dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article 1152-1 du Code du travail : 15 000 euros

Indemnité compensatrice de préavis : 3 120 euros

Congés payés afférents : 312 euros

Dommages et intérêts pour licenciement nul : 15 000 euros

Indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros

En conséquence et statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que Mme [CG] n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral de la part de la société Adriaor ;

DIRE ET JUGER que la société Adriaor n'a commis aucun manquement au titre de son obligation de sécurité vis-à-vis de Mme [CG] ;

DEBOUTER en conséquence Mme [CG] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1152-1 du code du travail ;

DEBOUTER également Mme [CG] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Adriaor et de sa demande de nullité du licenciement ;

DEBOUTER en conséquence Mme [CG] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

DEBOUTER également Mme [CG] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul;

DIRE ET JUGER que le licenciement de Mme [CG] est fondé et qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTER en conséquence Mme [CG] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

DEBOUTER également Mme [CG] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTER en conséquence Mme [CG] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article 1152-1 du Code du travail ;

CONDAMNER Mme [CG] à lui payer la somme totale nette de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER Mme [CG] aux éventuels dépens de première instance et d'appel ;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 juillet 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [UW] [CG] demande à la cour d'appel de :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

Constaté que Mme [UW] [CG] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur,

Dit que la société Adriaor a manqué à son obligation de sécurité,

Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [UW] [CG] aux torts exclusifs de l'employeur, à la date du 19 novembre 2016,

Constaté que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul,

Condamné la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 3 120 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 312 euros brut au titre des congés payés afférents, lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 26 juillet 2016,

Condamné la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Adriaor au paiement des entiers dépens.

LE REFORMER pour le surplus, et statuant à nouveau,

CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] les sommes suivantes :

26 970,21 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

2 697,02 euros brut au titre des congés payés afférents,

226,70 euros net à titre de remboursement de frais de déplacement,

20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-1 du Code du travail,

20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du travail,

Si la cour devait confirmer la décision entreprise en ce qu'elle prononcé la résiliation judiciaire et lui a fait produire les effets d'un licenciement nul :

CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 25 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire :

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail et lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 25 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre encore plus subsidiaire :

JUGER que le licenciement pour inaptitude notifié à Mme [CG] est nul et CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [CG] la somme de 25 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

A titre infiniment subsidiaire :

JUGER que le licenciement pour inaptitude notifié à Mme [CG] est sans cause réelle et sérieuse et CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [CG] la somme de 25 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

CONDAMNER la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTER la société Adriaor de l'intégralité de ses demandes,

CONDAMNER la même aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2023.

L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 20 décembre 2023 ; la décision a été mise en délibéré le 7 mars 2024.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la demande au titre des heures complémentaires et supplémentaires :

Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.

Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

En l'espèce, Mme [UW] [CG] sollicite un rappel de salaire à hauteur de 26 970,21 euros brut pour heures complémentaires entre 12 juillet 2013 et le 31 octobre 2014 et pour heures supplémentaires entre le 1er novembre 2014 et le 7 avril 2015.

Selon l'avenant en date du 1er juin 2010, Mme [UW] [CG] « percevra une rémunération mensualisée brute de 1 315,6 euros correspondant à sa durée du travail mensuel de 130 heures », étant précisé que la répartition de la durée de travail est comprise entre le mardi et le samedi, les dimanche et lundi n'étant pas travaillés.

Selon l'avenant en date du 1er novembre 2014, la durée de travail est fixée de manière temporaire entre le 1er novembre 2014 et le 30 avril 2015 à temps plein pour une rémunération mensualisée brute de 1 668,37 euros, aucun changement n'étant précisé quant à la répartition du temps de travail.

En premier lieu, à l'appui de ses prétentions, Mme [CG] produit un calendrier pour les années 2013, 2014 et 2015 ainsi qu'un tableau chiffrant les heures revendiquées.

Il ressort du calendrier que la salariée a indiqué, entre le 3 janvier 2013 et le 7 juillet 2015, les repos hebdomadaires, les congés payés, ses arrêts maladie ainsi que l'indication « + 3h », « +4h », « +6h » ou « +10h » représentant, selon les conclusions de la salariée, les heures complémentaires revendiquées entre le 3 janvier 2013 et le 31 octobre 2014 et les heures supplémentaires alléguées à compter du 1er novembre 2014 jusqu'au 7 juillet 2015.

Le tableau versé aux débats précise, par semaine, entre le 15 juillet 2013 et le 6 avril 2015, le nombre d'heures complémentaires et supplémentaires sollicitées en fonction de la majoration à appliquer et chiffre ainsi le rappel de salaire sur lesdites heures revendiquées par semaine et par année.

Contrairement à ce que l'employeur soutient dans ses écritures (page 20 des conclusions), les annotations de la salariée, précisant par jour le nombre total d'heures supplémentaires effectuées selon elle, sont suffisantes pour lui permettre d'y répondre utilement quand bien même il n'est pas mentionné les horaires d'arrivée, de départ et de pause pour chaque journée, d'autant qu'il lui appartient d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées.

La circonstance que des calendriers similaires comportant les mêmes annotations soient produits par d'autres salariés dans des affaires analogues actuellement pendantes devant la présente cour n'entache pas la valeur probante desdits calendriers, dès lors que toutes les salariées ont travaillé pour au moins l'une des deux sociétés gérées par Mme [RG] et qu'elles avaient donc des réunions communes et des abréviations identiques.

De la même manière, le tableau indiquant le rappel de salaire mensuel en fonction du nombre d'heures supplémentaires revendiquées, quand bien même il constituerait « une simple reconstitution théorique des heures qu'elle aurait prétendument réalisées sur la période litigieuse » (page 20 des conclusions de l'employeur), suffit à l'employeur pour répondre utilement aux demandes de Mme [CG] dès lors que cette dernière a indiqué le nombre d'heures complémentaires et supplémentaires revendiquées pour chaque semaine et qu'il appartient à l'employeur d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées.

En deuxième lieu, les attestations de Mmes [MW] [S], [F] [JZ] et [UW] [SS], qui, nonobstant le fait qu'elles sont salariées en litige avec la société Adriaco ou la société Adriaor, gérées par Mme [RG], dans d'autres procédures actuellement pendantes devant la présente cour, demeurent suffisamment probantes, en ce qu'elles apportent des faits suffisamment précis, même non datés, ayant perduré au cours de la relation de travail.

En outre, le courrier anonyme produit par l'employeur quant au fait qu'un « complot » aurait été organisé contre la gérante de la société n'a aucune valeur probante en l'absence d'éléments d'authenticité, tel qu'une date ou un courrier d'envoi, de sorte que cet élément de fait n'est pas établi et ne permet donc pas d'écarter lesdites attestations sur le seul fait qu'elles proviennent de salariés en litige avec la société.

Ainsi, Mme [MW] [S] atteste que « Mme [CG] était très souvent présente au sein du restaurant en dehors de ses heures de travail planifiées et de ses congés hebdomadaires. Par l'obligation de Mme [RG] [U], tous les managers étaient tenus d'appeler Mme [CG] [UW] pour les soucis qu'on rencontrait n'importe quel jour à n'importe quelle heure. C'est donc souvent qu'elle revenait afin d'intervenir au sein des restaurants. J'ai constaté un grand changement de Mme [CG] [UW] au moment de l'ouverture du restaurant de [Localité 3]. Il faut dire que pendant deux mois ['] elle était présente du matin au soir, sept jours sur sept sur les restaurants de [Localité 3] et de [Localité 7] pour de la formation ou du nettoyage. »

Mme [F] [JZ] précise que « A chaque fois que Mme [CG] devait être en congés, il survenait un évènement exceptionnel qui l'obligeait à revenir au restaurant (accident de Mme [RG], visite impromptue de McDonald's France, maladie ou départ d'un manager). »

Mme [UW] [SS] indique que Mme [CG] « avait des horaires de fou, plus de 8h par jour. Madame [CG] devait former des équipiers mais elle n'avait pas le temps car Mme [U] [RG] lui donner des missions toute la journée. »

En troisième lieu, Mme [CG] produit les attestations de Mme [J] et de M. [FW], anciens salariés, qui, bien qu'elles soient générales et non datées, évoquent la question des heures supplémentaires effectuées par la salariée.

Mme [XA] [J] indique « Je faisais toutes les closes des jours de semaines et je voyais [UW] très souvent aux closes avec moi. [UW] était régulièrement rappelée hors de ses heures de plannings (pendant les vacances, jours de repos). »

M. [FW] atteste que « [UW] aidait beaucoup, elle restait tard pour les autres managers ou venait plus tôt pour préparer le terrain avec le manager d'avant. J'avais l'impression de la voir sans arrêt au travail tant le midi que le soir. Ensuite j'ai été transféré au McDonald's de [Localité 3], au mois de décembre on m'a fait passer en formation manager et [UW] m'a encore formé. Tout comme à mon arrivée au McDonald's, [UW] m'a une fois de plus beaucoup aidé. Cette fois-ci elle venait pour moi plus tôt ou rester plus tard. »

Contrairement à ce qu'avance l'employeur, il ne ressort pas de l'attestation de M. [FW] que Mme [CG] restait de son plein gré faire des heures complémentaires ou supplémentaires, dès lors qu'elle devait former le salarié en plus de ses autres tâches, pouvant ainsi être l'origine d'une surcharge de travail telle que la salariée le fait valoir dans ses écritures.

En quatrième lieu, Mmes [K] [PT] et [AU] [B], membres de la troupe de théâtre dont faisait partie la salariée, attestent que Mme [CG] ne pouvait plus venir aux répétitions le mercredi soir en raison de son travail, celle-ci étant régulièrement appelé pour retourner au restaurant y compris ses jours de congés.

En revanche, les attestations de Mme [YG] [CG] et de MM. [SX] [CG] et [UD] [CG] manquent de valeur probante compte tenu du lien familial avec l'intimée (belle-s'ur, enfants).

Ainsi, il résulte de l'ensemble des énonciations précédentes que Mme [CG] présente un décompte suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en justifiant des horaires effectivement réalisés.

En réponse, d'une première part, l'employeur soutient dans ses écritures que « lorsque Mme [CG] occupait le poste d'équipière polyvalente, elle était soumise à un système de badgeuse » et que « lorsque la demanderesse est devenue manager en juin 2010, elle n'utilisait plus la badgeuse, mais remplissait manuellement des fiches sur lesquelles elle mentionnait ses horaires de travail et sur lesquelles elle apposait ensuite sa signature » (page 25 des conclusions).

Toutefois, l'employeur produit uniquement des relevés issus d'une badgeuse pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015, les seules fiches manuscrites produites correspondant aux mois de novembre et de décembre 2014, de sorte que la méthode de contrôle de la durée de travail de la salariée avancée par l'employeur dans ses écritures ne correspond pas aux pièces produites.

La cour constate qu'alors que l'employeur indique que Mme [CG] se voyait communiquer ses plannings hebdomadaires de travail (page 22 des écritures), aucun planning prévisionnel n'est produit par les parties, de sorte qu'elle ne peut vérifier la concordance entre les horaires prévus et les horaires badgés ou pointés.

D'une deuxième part, s'agissant des relevés horaires issus de la badgeuse, la cour relève, tout d'abord, qu'aucun relevé horaire n'est produit pour les mois d'août à décembre 2013 sans que l'employeur ne justifie de cette absence, de sorte qu'elle est dans l'impossibilité de vérifier la durée de travail de Mme [CG] pour cette période.

Elle relève, ensuite, plusieurs incohérences quant aux relevés horaires issus de la badgeuse de 2014 à juillet 2015 pour lesquelles aucune justification pertinente n'est apportée par l'employeur.

Ainsi, la cour constate qu'est indiqué de manière manuscrite pour le mois de mai 2014 « Val = 79,64 + 64,96 = 144,60 heures », sans qu'aucune explication ne soit développée par l'employeur quant au fait que l'intégralité des heures n'apparaît pas sur le système de badgeuse, quand bien même les heures complémentaires effectuées au mois de mai 2014 ont bien été payées.

Alors que le relevé issu de la badgeuse indique 129,25 heures pour le mois d'août 2014 correspondant à la durée de travail de 130 heures mensuelles de Mme [CG], le bulletin de salaire indique 4.25 heures complémentaires ; celles-ci n'apparaissent donc pas sur le relevé horaire.

Pour les mois de septembre et octobre 2014, les relevés de badgeuse indiquent respectivement, 78.83 heures et 77.71 heures, alors que selon les bulletins de salaire, Mme [CG] n'a pas été absente, de sorte que les relevés horaires demeurent insuffisamment précis et complets quant à la durée de travail effectivement réalisée par la salariée.

S'agissant des fiches de pointage, la cour constate que certains horaires ont été rajoutés de manière manuscrite, ne correspondant pas à l'écriture initiale, de sorte qu'il n'est pas exclu que les fiches de pointages étaient préremplies par une autre personne que Mme [CG] relativement aux heures de début et de fin.

La cour constate également que deux fiches manuscrites, pour le mois de novembre 2014, sont produites, l'une correspondant au restaurant de [Localité 3] et l'autre au restaurant de [Localité 7].

Or, par exemple pour le 6 novembre, il est indiqué que Mme [CG] était au restaurant de [Localité 3] de 12h à 14h et de 17h30 à 21h30 et sur la fiche correspondant au restaurant de [Localité 7], avec un encadré rajouté avec l'inscription manuscrite, il est indiqué les horaires suivants : 11h-14h et 17h30-21h30, la même erreur étant constatée pour le 7 novembre.

Il s'ensuit que cette incohérence crée un doute quant à l'authenticité des horaires indiqués sur les fiches manuscrites de pointage.

La cour constate que le relevé horaire du mois de janvier 2015 pour l'établissement de [Localité 3] indique uniquement 52,78 heures et qu'un relevé horaire pour l'établissement de [Localité 7] est également produit pour le mois de janvier alors que la salariée était en détachement à plein temps sur le restaurant de [Localité 3] selon l'avenant du 1er novembre 2014, de sorte que ces éléments confirment le fait que Mme [CG] était amenée à travailler sur les deux restaurants pendant son détachement.

Finalement, la cour relève que la société produit des relevés horaires de la société Adriaor pour les mois de février, mars et avril 2015, alors que la salariée était en détachement pour la société Adriaco, de sorte qu'une incohérence subsiste quant à la réalité des horaires badgés.

Dès lors, en l'absence d'explications pertinentes par l'employeur sur ces incohérences, un doute certain apparaît sur la fiabilité des relevés horaires produits par lui quant aux horaires qu'aurait effectués la salariée selon lui.

D'une troisième part, l'employeur produit les attestations de Mme [I] [MD] et de Messieurs [PA] [C], [AS] [Z] et [XT] [A] décrivant leur journée type en tant que managers au sein de la société Adriaor ou de la société Adriaco, occupant, selon les conclusions de l'employeur, des fonctions similaires à celles de Mme [CG], responsable opérationnelle (page 24 des écritures de l'employeur).

Selon ces quatre attestations, les salariés arrivent dès 8h pour effectuer les ouvertures, compte tenu des éléments sécuritaires, des livraisons et de l'accueil de différents équipiers entre 8h et 11h pour l'ouverture du restaurant au public et quittent le restaurant entre 23h-00h pour la fermeture.

Or, les plannings produits par l'employeur ne prévoient qu'une arrivée minimale à compter de 9h ou de 9h30 ou un départ maximal vers 23h avec quelques exceptions, de sorte qu'une contradiction demeure entre les attestations et les fiches horaires qu'il verse aux débats.

En résumé, il résulte de l'ensemble de ces éléments que les relevés horaires et les fiches de pointage produits par l'employeur manquent de valeur probante pour déterminer les heures effectivement réalisées par la salariée, compte tenu des incohérences et contradictions précédemment relevées et du contexte relatif à l'absence de pointage de certaines heures travaillées au moment de l'ouverture, de la fermeture du restaurant ou de réunions en dehors des horaires indiqués.

D'une quatrième part, il importe peu que la salariée ne se soit pas plainte pendant la relation de travail auprès de sa hiérarchie ou de la médecine du travail du défaut de paiement de ses heures de travail, d'autant qu'il ressort de certaines attestations produites par la salariée qu'elle ne devait badger que les heures planifiées et qu'elle ne badgeait donc pas les heures complémentaires ou supplémentaires effectuées.

En conclusion, il ressort des différents éléments énoncés précédemment que Mme [CG] était régulièrement amenée à travailler en dehors de ses heures de travail pour commencer ou finir certaines tâches en tant qu'équipière polyvalente, puis responsable opérationnel et que la société Adriaor n'apporte pas d'éléments objectifs permettant de justifier l'absence d'heures complémentaires et supplémentaires effectuées non rémunérées.

Pour autant, comme le met en avant l'employeur, des contradictions apparaissent entre les calendriers produits par la salariée ainsi que les relevés horaires et encore les fiches de pointage produits par l'employeur. Par exemple, pour les 3 et 10 décembre, la salariée indique être en repos hebdomadaire sur le calendrier alors que les fiches manuscrites signées font état de sa présence.

Il s'ensuit que, compte tenu des incohérences soulevées par l'employeur quant aux calendriers, produits par la société, relatifs aux heures complémentaires/supplémentaires revendiquées, il convient de considérer qu'il ne ressort pas des pièces produites par les parties que la salariée aurait effectué l'intégralité des heures complémentaires et supplémentaires pour lesquelles elle sollicite un rappel de salaires.

Toutefois, en prenant en compte les heures complémentaires et supplémentaires suffisamment établies effectuées lors des ouvertures et des fermetures de restaurant, les incohérences des relevés et des fiches recensant les horaires pointés produits par l'employeur et celles du calendrier et du tableau versés par la salariée, la cour estime que les heures supplémentaires effectuées par la salariée s'élèvent à la somme de 15 000 euros brut entre le mois de juillet 2013 et d'avril 2015.

Par conséquent, il convient de condamner la société Adriaor à payer à Mme [UW] [CG] la somme de 15 000 euros brut au titre du rappel de salaire pour heures complémentaires et supplémentaires entre juillet 2013 et avril 2015, outre 1 500 euros brut de congés payés afférents.

Le jugement est donc infirmé à ce titre.

Sur la demande au titre des frais de déplacement :

Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC.

Conformément à l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Il est de principe qu'il appartient au salarié d'établir qu'il a exposé des frais pour l'exercice de son activité professionnel, et une fois que cela a été fait, c'est à l'employeur de justifier qu'il s'est acquitté du paiement.

En l'espèce, Mme [CG] soutient avoir eu « l'ordre de venir récupérer des équipiers du restaurant de [Localité 7] pour les amener avec elle à [Localité 6], puis les ramener pour finir de faire la fermeture du restaurant » et que « ces frais de déplacement ne sont absolument pas indemnisés » (pages 28 de ses écritures).

Elle soulève le fait que la clause de mobilité serait nulle et son exécution déloyale en ce quel l'employeur ne peut, par le biais d'une telle clause, imposer unilatéralement un changement d'employeur au salarié, de sorte que « la société Adriaor ne pouvait pas imposer à Mme [CG] d'aller travailler dans d'autres établissements de l'enseigne McDonald's » (page 30 des écritures).

Elle produit l'attestation de Mme [MW] [S] qui indique « J'ai constaté un grand changement de Mme [CG] [UW] au moment de l'ouverture de [Localité 3]. Il faut dire que pendant deux mois, quant Mme [CG] [UW] n'était pas à amener l'équipe en formation à [Localité 6], était présente du matin au soir, sept jours sur sept, sur les restaurants de [Localité 3] et de [Localité 7] pour de la formation et du nettoyage. »

La salariée produit finalement un tableau récapitulant les frais de déplacement allégué entre le 11 juillet et le 31 octobre 2014.

Toutefois, comme l'employeur le fait valoir dans ses écritures (page 23 des conclusions), la salariée ne produit aucun justificatif de ses dépenses, le tableau n'étant corroboré par aucune pièce pertinente.

Par ailleurs, outre que la salariée ne sollicite pas la nullité de la clause de mobilité dans son dispositif, la cour constate qu'il n'y a pas eu de changement d'employeur, puisque la société Adriaor est demeurée l'employeur de Mme [CG] lors des détachements temporaires.

Au surplus, elle ne produit aucune attestation rédigée par les personnes qu'elle aurait véhiculées entre les deux restaurants et l'attestation précédemment citée n'est corroborée par aucun autre élément, de sorte qu'elle n'établit pas suffisamment avoir transporté avec son propre véhicule des collaborateurs entre deux restaurants McDonald's.

Par conséquent, compte tenu des énonciations précédentes, il convient de débouter Mme [CG] de sa demande de remboursement de frais de déplacement, le jugement étant ainsi confirmé de ce chef.

Sur les demandes au titre du harcèlement moral et de la prévention du harcèlement moral :

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

À ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

En cas de litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

En l'espèce, Mme [CG] ne matérialise pas les éléments de faits suivants :

(1) En premier lieu, Mme [CG] produit un document relatif, selon elle, au client mystère et à la façon de les détecter et de les servir, qui manque toutefois de valeur probante en ce qu'aucun élément concret ne permet de rattacher ce document à la Société Adriaor et qu'il n'est pas daté, de sorte qu'elle n'établit pas que les salariés devaient identifier la présence d'un client mystère afin de le traiter correctement en vue d'avoir une bonne appréciation.

(2) En deuxième lieu, s'agissant du manquement à l'obligation de sécurité, la salariée verse aux débats l'attestation de Mme [HH] [ZS] relative à un incident survenu en septembre 2016 au cours duquel elle a glissé devant le grill et dans laquelle elle indique « par réflexe je pose le bras droit sur le grill pour me rattraper, j'avais une marque formée sur la peau à l'emplacement de la brûlure », photo de la blessure produite à l'appui.

Toutefois, il ressort de ladite attestation que Mme [ZS] « trouve inadmissible l'utilisation de cette photo prise une semaine après cette brûlure sans peau, pour prétendre que le nettoyage de grill est réalisé sans gants » et que « j'ai jugé moi-même que cette blessure n'entrait pas dans le cadre d'un accident de travail et était de ma seule responsabilité. Les soins pratiqués par moi-même ont été bénéfiques puisque je n'ai aucune séquelle. Je ne peux laisser dire n'importe quoi sur l'entreprise McDonalds de [Localité 3]. Sachez que cette entreprise est en adéquation avec ma déontologie concernant la qualité, la sécurité et l'environnement. »

Et Mme [CG] ne produit aucun élément permettant d'établir que Mme [ZS] serait sous « l'emprise de Mme [RG] » et que son attestation serait de complaisance en faveur de cette dernière.

Dès lors, cet élément de fait propre à Mme [ZS] n'est pas suffisamment établi et ne permet donc pas de démontrer un manquement à l'obligation de sécurité de la part de la société Adriaor.

(3) En troisième lieu, le seul fait que l'employeur ait porté plainte pour faux témoignages à l'égard des salariés ayant saisi la juridiction prud'homale ne suffit pas à caractériser une hostilité de sa part, quand bien même la plainte a été classée sans suite par le Procureur, dès lors qu'il n'a fait qu'exercer l'un de ses droits et qu'il justifie son dépôt de plainte en raison des témoignages croisés entre les salariés qu'il considère erronés.

(4) En quatrième lieu, les photos produites par la salariée, relatives au manque de respect des conditions d'hygiènes et de sécurité, manquent de valeur probante en ce qu'elles ne sont pas datées et aucun élément ne permet d'établir qu'elles ont été prises dans le McDonald's de [Localité 7] où travaillait Mme [CG].

(5) En cinquième lieu, les attestations de Mme [YG] [CG] et de MM. [SX] [CG] et [UD] [CG] manquent de valeur probante compte tenu du lien familial avec l'intimée (belle-s'ur, enfants).

(6) En sixième lieu, les attestations de Mmes [D] [O] et [DS] [FD] manquent de valeur probante quant aux conditions de travail de la salariée, celles-ci ne faisant que relater les dires de Mme [CG].

(7) En septième lieu, la cour rappelle que Mme [CG] a été déboutée de sa demande au titre du remboursement des frais de déplacement.

En revanche, Mme [CG] objective les éléments de faits développés ci-après.

(1) D'une première part, elle fait valoir dans ses conclusions que la société Adriaor ne justifie d'aucune politique de prévention des risques en matière de harcèlement moral en mettant en avant les points suivants :

Les documents uniques visent simplement le risque d'agression, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sans aucune précision ;

Les moyens de prévention visent uniquement les risques terroristes, de braquage et de violences ;

Aucune action d'information et de formation n'a été dispensée à la salariée.

(2) D'une deuxième part, la salariée produit une série d'attestations relatives aux conditions d'hygiène au sein de l'établissement, en particulier quant au fait que les salariés n'avaient pas assez d'équipements individuels de protection à disposition.

Mme [M] [V], ancienne salariée, indique « Conditions d'hygiène très limites : une tenue par équipier, un gant de nettoyage pour tous, chiffons de nettoyage usés par la saleté et réutilisés, nourriture transportée dans une voiture entre les deux restaurants. Avant chaque audit, tout était astiqué à la brosse à dent pour rattraper ce qui n'était pas fait au quotidien. »

M. [ZX] [N], ancien salarié, entre le 20 octobre 2014 et le 31 mars 2015, énonce que « Ce harcèlement se traduisait ['] ainsi qu'une pression qui conduisait à des fautes d'hygiène et de sécurité alimentaire (steak haché périmé servi au client pour limiter les pertes). Concernant l'hygiène du personnel, une seule tenue était mise à disposition des salariés quel que soit leur nombre de jour de travail dans la semaine et quelles que soit les tâches qu'ils ont à effectuer (nettoyage des toilettes, travail en cuisine, nettoyage de la terrasse ou des bouches d'aérations juste au-dessus des lignes de cuisines). De plus, le nettoyage du grill se faisait avec une tenue spécifique pour la protection des salariés. Cependant la tenue composée d'un casque de protection, de gants de protection et d'un tablier était la même pour tout le personnel. »

Mme [WH] [VO], ancienne salariée, explique que « En cas de visite de la médecine du travail, inspection des fraudes et tout autre organisme, [F] et nous-même avions reçu l'ordre de Mme [RG] de ne répondre à aucune question et de respecter les procédures qu'elle nous avait faites inscrire sur une feuille dans notre classeur « et que « les conditions de sécurité sont loin d'être réunies au sein des deux restaurants de Mme [RG]. Les formations sont bâclées voire quasi nulles (2 vidéos visionnées au lieu des 4, intégration en plein rush') pas de gants à disposition ou pas suffisamment afin de faire des économies comme nous le répétait souvent Mme [RG] ».

Mme [VO] déclare également que « Le but de Mme [RG] est simplement de faire du chiffre d'affaires au détriment de la santé de ses employés, de leur bien-être mais aussi celui de l'hygiène ou de la formation. Mme [RG] se soucie de la propreté seulement en cas de contrôle, annoncé à l'avance, ainsi qu'en présence du client mystère. »

Mme [LK] [T], ancienne salariée, indique que « Concernant les procédures, beaucoup n'étaient pas respectées. Par exemple, lorsque je nettoyais le grill, il fallait le faire en 15 minutes (temps normalement consacré au refroidissement du grill) alors que le temps réglementaire est de 45 minutes. Obligée de porter des gants de protection contre la chaleur usés et sales (j'ai souvent eu des plaques d'exéma) et on se fait envoyer « bouler » si on avait le malheur de demander à les laver ou les changer ».

Finalement, il ressort du document relatif au suivi de sécurité alimentaire réalisé le 27 janvier 2015 lors d'une visite de contrôle par McDonald's France, à la suite d'une première visite le 7 janvier 2015, que de nombreuses règles n'étaient pas respectées quant à la sécurité alimentaire, en particulier s'agissant des dates limites de consommation et de la protection des aliments.

(3) D'une troisième part, la cour rappelle avoir accueilli les demandes de la salariée au titre, des heures complémentaires et supplémentaires non rémunérées à hauteur de 15 000 euros entre juillet 2013 et avril 2015.

(4) D'une quatrième part, Mme [UW] [CG] produit plusieurs attestations quant à l'existence, selon elle, de pressions, brimades et dénigrements de la part de la gérante, Mme [RG].

Mme [WH] [VO] indique que « Je peux certifier que j'ai été témoin de scènes de violences verbales et d'humiliation que subissait quotidiennement Mme [CG] de la part de Mme [RG]. [UW] était traitée de nulle, de bonne à rien. Pourtant je trouve qu'elle faisait bien son travail. [UW] était consciencieuse dans son travail et suivait tant que possible les normes imposées par McDonald's France. Mais lorsque la patronne était présente, [UW] n'était plus la même. Elle était comme possédée par Mme [RG]. Il était très difficile de travailler avec de telles tensions. Mme [RG] lui a souvent demandé de changer les dates des produits. [R] cela est interdit. Mais [UW] était obligée de suivre les ordres de Mme [RG] pour éviter de se faire insulter encore une fois. »

Elle ajoute que « Après chaque réunion, où j'étais présente dans le restaurant, j'ai pu voir mes supérieurs se lever de table. Les larmes aux yeux, [UW] était en pleurs et avait beaucoup de mal à se reprendre. Cela me faisait beaucoup de peine mais je ne pouvais rien faire pour lui venir en aide. Mme [RG] lui criait sans arrêt dessus et lui parlait sur un ton plus qu'irrespectueux. Tout ceci à la vue de tous les employés et des clients. »

Mme [F] [JZ] atteste que « je travaillais avec elle le week-end et je ne compte plus le nombre de fois que je l'ai vu pleurer. Tous les jours, je la voyais se faire réprimander par Mme [RG], étant la plus ancienne manager, celle-ci lui reprochait les erreurs des jeunes managers, elle était son bouc émissaire. ['] Mme [CG] était une très bonne formatrice et en cas de problèmes, on pouvait compter sur son aide, mais à force d'acharnement, Mme [RG] l'a détruite, elle doutait d'elle et je l'ai même vu sombrer petit à petit dans une profonde dépression. »

M. [EK] [FW] précise que « J'atteste du harcèlement subi par [Mme [CG]]. Je suis arrivé en avril 2014 et cela faisait déjà longtemps que [UW] était présente. [UW] connaissant son travail par c'ur, sur le bout des doigts. Elle m'a formé en tant qu'équipier quand je suis arrivé. Elle m'a donné beaucoup de méthode pour mémoriser les recettes ou pour m'organiser dans mon travail. [UW] aidait beaucoup, elle restait tard pour aider les autres managers ou venait plus tôt pour préparer le terrain avec le manager d'avant. J'avais l'impression de la voir sans arrêt au travail tant le midi que le soir. »

Il ajoute qu'après avoir été transférer au McDonald's de [Localité 3], « au mois de décembre, on m'a fait passer en formation manager et [UW] m'a encore formé. Tout comme à mon arrivée au McDonald's [UW] m'a une fois de plus beaucoup aidé. Cette-fois ci elle venait pour moi plus tôt ou rester plus tard mais je n'étais qu'en formation alors il est normal que je fasse quelques erreurs, mais les erreurs que je faisais se répercutaient sur [UW] car Mme [RG] lui criait tout le temps dessus et devant tout le monde. J'étais mal de voir [UW] qui prenait tout pour moi et malgré ça elle continuait à m'aider et elle cela durait sans cesse. [UW] se faisait crier dessus dès le moindre faux pas. De plus, [UW] était qualifiée elle connaissait toutes les normes à appliquer, mais quant cela n'allait pas dans l'intérêt de Mme [RG], [UW] se faisait reprendre et parfois crier dessus. »

Mme [S] déclare que « En janvier 2015, Mme [UW] [CG] était chargée de ma formation responsable opérationnelle. En plus de ma formation, elle subissait une forte pression car elle avait d'autres tâches de Responsable à contrôler en permanence. Elle était souvent sollicitée par Mme [RG] [U], parfois même de manière très agressive la poussant aux larmes. ['] J'ai constaté un grand changement de Mme [CG] [UW] au moment de l'ouverture du restaurant de [Localité 3]. ['] A ce moment-là, j'ai remarqué une fatigue très importante qui se lisait sur son visage. Elle pleurait très régulièrement, ce qui n'était pas dans son habitude. »

Mme [UW] [SS] évoque qu'elle a « travaillé avec Mme [UW] [CG] pendant quelques mois en 2014.2014, c'était une bonne manager. La direction lui mettait la pression quotidiennement. Mme [CG] pleurait souvent. Elle avait des horaires de fou, plus de 8h par jour. Mme [CG] devait former des équipiers mais elle n'avait pas le temps car Mme [U] [RG] lui donner des missions toute la journée et dès que Mme [CG] nous parlait gentiment, elle était convoquée dans le bureau, puis elle venait nous voir pour nous dire qu'[U] [RG] lui avait dit qu'il fallait qu'elle nous parle mal. Mme [CG] mangeait souvent debout tellement elle avait du travail. Elle a fini par craquer, tellement la pression était grande ».

Elle ajoute que « Mme [CG] [UW] devait souvent faire double journée car la quantité de travail quotidien était impossible à faire » et que « la direction du McDo [Localité 7] et [Localité 3] ont un management pour leurs employés qui est basé sur la peur et les insultes ».

Mme [X] [NO] énonce que « Vu pleurer, ordres agressifs de Mme [RG] devant le personnel et surtout les clients. Ayant eu deux postes pendant une période de 5 mois (décembre 2014 à avril 2015) et ayant fait une lettre de modification d'horaires pour cette période à Mme [RG], qu'elle a accepté, elle a forcé Mme [CG] à me téléphoner pour savoir pourquoi je n'étais pas présente sur mon poste et ceci à plusieurs reprises alors que Mme [RG] avait mon planning donc elle connaissait la raison de mon absence. Contradictions par Mme [RG] envers les ordres de Mme [CG] qui appliquait les modes opératoires ».

Mme [G] [E] indique que « J'ai travaillé un an et demi au McDonald's. J'ai pu voir plusieurs fois Mme [CG] [UW] pleurer durant ces heures de travail suite au harcèlement moral qu'elle subissait de la part de sa manageuse. De plus, Mme [CG] était ma formatrice pour ce travail, mais ses ordres ou ses conseils étaient remis constamment en question par la manageuse. »

Mme [LK] [T] précise, de manière générale quant à l'ambiance de travail, que : « Etat de stress permanent sur le lieu de travail mais aussi en dehors dans ma vie privée (pareil pour l'ensemble de l'équipe). Nous subissions très souvent les colères de notre gérante, Mme [RG], en général très violente oralement, allant parfois jusqu'au harcèlement moral. Je n'ai pas été concernée par ce dernier point mais l'ai observé pour certains collègues. Pas de demi-mesures, si quelque chose n'allait pas exactement comme elle le voulait, elle était capable de se montrer très agressive envers nous, parfois même devant les clients. Les âmes sensibles (dont je faisais partie) finissaient en pleurs. Les principaux concernés étaient les managers, qui semblaient très fréquemment poussés à bout, ce qui se répercutait ensuite sur les équipiers. »

Elle ajoute : « Soucis au niveau des formations. Formations superficielles, il fallait se débrouiller, prendre les devants, ce qui ne me dérangeait pas forcément à part quand on se faisait réprimander ou limite insulte (par exemple de « bon à rien ») si quelque chose n'allait pas ou si nous avions des questions. ».

Mme [XA] [H] indique de manière générale que « Comme beaucoup de personnes, [UW] était dénigrée, rabaissée, bousculée », que « Malgré qu'elle pleurait énormément, elle exécutait tout ce qu'[U] [RG] lui demandait » et que « Quand [UW] venait nous donner des consignes, [U] revenait à la charge pour nous faire faire autre chose. »

(5) D'une cinquième part, Mme [CG] verse aux débats plusieurs attestations quant à une immixtion dans sa vie privée en ce qu'elle devait revenir régulièrement sur son lieu de travail pendant ses jours de repos hebdomadaire ou ses congés.

Mme [F] [JZ] indique que « A chaque fois que Mme [CG] devait être en congés, il survenait un évènement exceptionnel qui l'obligeait à revenir au restaurant (accident de Mme [RG], visite impromptue de McDonald's France, maladie ou départ d'un manager). »

Mme [S] atteste que « Mme [CG] était très souvent présente au sein du restaurant en dehors de ses heures de travail et de ses congés hebdomadaires. Par l'obligation de Mme [RG] [U], tous les managers étaient tenus d'appeler Mme [CG] [UW] pour les soucis qu'on rencontrait n'importe quel jour à n'importe quelle heure. C'est donc souvent qu'elle revenait afin d'intervenir au sein des restaurants. »

Mme [XA] [J] énonce que « Je faisais toutes les closes des jours de semaine et je voyais [UW] très souvent aux closes avec moi. [UW] était régulièrement rappelée hors ses heures de plannings (pendant les vacances, jours de repos) ».

Mmes [K] [PT] et [AU] [B], membres de la troupe de théâtre à laquelle appartenait la salariée, indiquent que Mme [CG] ne pouvait plus venir aux répétitions le mercredi soir, car elle était souvent appelée pour aller travailler, même si c'était son jour de repos.

La cour rappelle également que la société Adriaor a été condamnée à payer un rappel de salaire à la salariée pour heures ne figurant pas sur les bulletins de paie en raison, à la fois, des heures non compatibilisées pour les ouvertures et fermetures et le fait que la salariée a été amenée à travailler sur les deux restaurants, alors qu'elle était en détachement à temps plein sur le restaurant de [Localité 3] à compter du 1er novembre 2014.

(6) Finalement, d'une sixième part, Mme [CG] produit plusieurs éléments quant à la dégradation de son état de santé :

Les attestations de Mmes [DS] [FD] de [D] [O], nonobstant les faits non probants qu'elles énoncent sur les conditions de travail de la salariée, qui indiquent avoir trouvé Mme [CG] « dans un état de détresse totale et limite suicidaire » le 8 avril 2015 au retour de son travail et avoir appelé un médecin de garde en raison de son état de santé ce jour-là ;

Un bulletin de sortie, daté du 7 décembre 2015, de la clinique [4] de [Localité 8] pour une hospitalisation du 8 septembre 2015 au 7 décembre 2015 ;

Un certificat médical en date du 12 juillet 2016 du Dr [P], médecin conventionné, qui indique que Mme [UW] [CG] « est en arrêt maladie depuis le 9 avril 2015 et pour une durée indéterminée. Son arrêt est la conséquence d'un trouble dépressif réactionnel majeur à la suite d'un conflit professionnel, ayant nécessité un séjour en centre spécialisé. » ;

Un certificat médical en date du 22 juillet 2016 du Dr [W], Psychiatre, qui « certifie suivre en psychothérapie Mme [CG] [UW] depuis le 24 avril 2015 pour un état dépressif qui a nécessité une hospitalisation à la clinique [4] à [Localité 8] du 8 septembre 2015 au 7 décembre 2015. Son état psychique est actuellement en cours de stabilisation. »

Un avis d'inaptitude en date du 10 octobre 2016 indiquant « Inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise » et un courrier du médecin du travail en date du 21 octobre 2016, adressé à la société Adriaor, qui confirme « que Mme [CG] est inapte à tout poste au sein des restaurants de [Localité 7] et de [Localité 3], même en cas de réduction de la durée de travail ».

Pris dans leur ensemble, ces éléments de fait sont de nature à présumer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils reflètent des conditions de travail dégradées et une atteinte portée aux droits du salarié avec des répercutions péjorative sur l'état de santé de la salariée.

En réponse, l'employeur n'apporte pas les justifications étrangères à tout harcèlement moral concernant les faits matérialisés par la salariée en ce que :

(1) D'une première part, concernant l'obligation de prévention du harcèlement moral, la cour constate que la société Adriaor, gérant l'établissement de [Localité 7], ne verse pas le document unique d'évaluation des risques professionnels pour l'année 2013 et pour les années 2015 et 2016, le document produit constitue seulement la page de présentation.

Quant à l'établissement de [Localité 3], géré par la société Adriaco, il ressort des documents uniques d'évaluation des risques professionnels, versés aux débats pour les années 2014 et 2015, que le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sont uniquement prévus dans le cadre du « Risque d'agression » et qu'aucun moyen de prévention existant n'est relatif au harcèlement mais uniquement au risque d'agression ou de braquage.

En outre, les fiches de formation complétées par la salariée et les annexes au contrat de travail, produites par l'employeur, ne mentionnent pas le harcèlement moral et aucun élément concret n'est produit concernant le contenu des vidéos sur les formations obligatoires.

Ainsi, l'employeur n'apporte aucun élément pertinent permettant d'établir la mise en 'uvre de mesures concrètes quant à son obligation de prévention du harcèlement moral auprès de ses salariés et dont Mme [CG] aurait bénéficié.

Il s'agit d'un manquement distinct de l'employeur aux faits de harcèlement moral, de nature à avoir favoriser ceux-ci.

(2) D'une deuxième part, s'agissant des manquements de la société à son obligation de sécurité en matière d'hygiène des salariés, l'employeur produit un procès-verbal d'huissier de justice concernant l'hygiène et la sécurité sur l'établissement de [Localité 3] datant du 22 février 2017, qui manque toutefois de pertinence en ce qu'il est postérieur au départ de Mme [CG] de la société, le courrier de rupture ayant été notifié le 19 novembre 2016.

Il verse ensuite aux débats les attestations de deux managers, de la responsable de formation, de la gestionnaire administrative et de la directrice des ressources humaines de la société qui précisent que les normes d'hygiène et de sécurité sont identiques sur les deux établissements gérés par Mme [RG] via les sociétés Adriaco et Adriaor.

Il produit les justificatifs de l'ensemble des formations suivies par Mme [CG] au cours de la relation de travail entre mai 2010 et janvier 2015.

Il produit également des photos des équipements spécifiques utilisés par les salariés, les consignes correspondant à différentes procédures affichées au sein des locaux, ainsi que les factures relatives au réapprovisionnement des équipements de protection individuelle pour les années 2014, 2015 et 2016 et les factures relatives au carrelage antidérapant installé au sein du restaurant.

La société fait valoir que le rapport produit par la salariée quant à une visite de sécurité alimentaire réalisée le 27 janvier 2015 fait état de « l'excellent état de propreté du restaurant, et en particulier celui des équipements » et que la société a acheté une timeuse pour corriger les erreurs quant aux dates limites de consommation, la facture d'achat au 20 janvier 2015 étant produite.

Les attestations de Mmes [KS] et [GO] n'ont pas de valeur probante en ce qu'elles sont rédigées de manière identique.

Il verse aux débats les attestations de formation en tant que référent hygiène et sécurité alimentaire de trois salariés de la société.

La société Adriaor produit également les comptes-rendus de la Brand Standard Visit des 31 mars 2015, 13 octobre 2015 et du 8 juin 2016 qui précisent que « l'ensemble du restaurant est parfaitement propre » et que « les équipements sont très bien entretenus ».

Il convient toutefois de considérer que ces audits ont une faible valeur probante quant à l'hygiène et la sécurité des salariés, dès lors qu'ils sont prévus et annoncés à l'avance à la société.

De la même manière, les comptes-rendus de suivi du client mystère et les résultats de l'application « mcdoetmoi » manquent de pertinence en ce qu'ils ne mentionnent pas la question de l'hygiène en cuisine et de celle des salariés, mais uniquement du drive, de la salle de restauration et des toilettes.

L'employeur produit des photos relatives, selon lui, à la formation « lavage des mains », mais qui manquent de valeur probante en ce qu'elles ne sont pas datées et que les seules factures relatives à ces formations ne permettent pas d'en établir le contenu.

L'employeur ne produit aucun autre élément pertinent quant au fait que les salariés n'ont pas à leur disposition leurs propres EPI concernant les gants de nettoyage et les gants pour manipuler les aliments.

Ainsi, quand bien même l'employeur établit suffisamment la propreté générale du restaurant, il n'apporte aucun élément objectif suffisant étranger à tout harcèlement quant à l'hygiène, la sécurité de ses salariés et leurs équipements de protection individuelle.

(3) D'une troisième part, la cour rappelle que la société Adriaor a été condamnée à payer à Mme [CG] la somme de 15 000 euros au titre des heures supplémentaires/complémentaires effectuées entre juillet 2013 et avril 2015, les relevés horaires et les fiches de pointage produits par l'employeur n'étant pas suffisamment probants pour contrôler efficacement les heures effectuées par la salariée en raison des incohérences précédemment constatées.

(4) D'une quatrième part, s'agissant des brimades et propos dégradants et humiliants, contrairement à ce qu'avance l'employeur, il importe peu que la salariée ne se soit « jamais plainte d'un harcèlement moral ni même d'une quelconque difficulté pendant l'intégralité de sa relation contractuelle » (page 38 des écritures), ni qu'elle n'ait pas informé le médecin du travail des faits allégués (pages 40 et 59 des écritures).

En outre, la reconnaissance d'un harcèlement moral n'est pas subordonnée à la demande de reconnaissance d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ni à la recherche de la faute inexcusable de l'employeur, de sorte que le moyen soulevé par la société Adriaor à cet effet est inopérant (pages 38 et 65 des conclusions).

En premier lieu, concernant le bilan attribué à Mme [CG] et les remerciements à destination de Mme [RG], la cour constate que le document n'est pas daté et qu'il n'est pas signé par Mme [CG], le seul fait d'accoler la pièce d'identité au document manuscrit, sur des feuilles à part, ne permettant pas d'établir qu'elle en est l'autrice.

De plus, la seule existence de ce courrier de remerciement ne remet pas en cause l'existence des brimades et pressions alléguées par la salariée, d'autant qu'il ressort des attestations produites par celle-ci qu'elle était « sous la dépendance » de Mme [RG].

En deuxième lieu, la circonstance que Mme [CG] ait évolué au sein de la société entre 2008 et 2015 et qu'elle a bénéficié de diverses formations au sein de la société ne permet pas d'écarter l'existence de brimades ou de pressions, dès lors que l'employeur a une obligation de formation et d'adaptation de la salariée à son poste et que la dernière promotion de la salariée date de 2010, soit plusieurs années avant la dégradation des conditions de travail et de son état de santé objectivée par Mme [CG].

En troisième lieu, l'employeur fait valoir que les évaluations annuelles de performance de la salariée « ont toujours été positives et encourageantes pour Mme [CG] qui recevait des conseils de la part de Mme[RG] ».

Toutefois, outre que la cour note qu'une évaluation annuelle contient « Tu peux mieux faire » et que l'évaluation pour l'année 2014 n'est pas produite, la seule circonstance que les évaluations annuelles soient positives ne permet pas d'écarter l'existence de brimades ou de pressions à l'encontre de la salariée.

En troisième lieu, l'employeur produit les attestations, difficilement lisibles, d'une équipière polyvalente, d'un manager et de la directrice des ressources humaines de la société, qui manquent toutefois de pertinence en ce qu'ils n'attestent pas des déplacements de la gérante, mais uniquement du fait qu'ils avaient régulièrement des réunions hebdomadaires avec elle concernant la gestion de l'entreprise.

Il verse également aux débats l'attestation de Mme [U] [GO], gestionnaire administrative, qui indique qu'elle travaille « en relation directe avec Mme [RG] » et que cette dernière a régulièrement « des réunions à [Localité 5] ou même dans d'autres pays ».

Toutefois, les absences occasionnelles de Mme [RG] ne permettent pas, en soi, d'écarter les faits allégués quant aux remarques désobligeantes et dégradantes à l'encontre de Mme [CG].

En quatrième lieu, la société fait valoir que les attestations produites par la salariée sont mensongères.

Toutefois, le courrier anonyme produit par l'employeur quant au fait qu'un « complot » se serait organisé contre la gérante de la société n'a aucune valeur probante en l'absence d'éléments d'authenticité, tel qu'une date ou un courrier d'envoi, de sorte qu'il ne permet pas d'écarter les attestations produites par Mme [CG] en considérant le fait qu'elles proviennent de salariés en litige avec la société.

Le courrier de remerciement de Mme [JZ] à Mme [RG] manque de pertinence, dès lors qu'il ne concerne pas Mme [CG].

S'agissant des autres attestations, le fait que les salariés n'aient pas fait état de difficultés pendant leurs relations de travail ne saurait amoindrir la valeur probante de leur attestation.

En outre, l'employeur développe des moyens concernant la situation particulière de ces salariés ou d'attestations produites dans d'autres litiges actuellement pendants devant la présente cour, de sorte que les moyens développés à ce titre sont inopérants à l'égard de la situation de Mme [CG].

En cinquième lieu, le fait que Mme [RG] ait organisé l'anniversaire de Mme [CG] le 15 décembre 2012 au sein du restaurant avec toute l'équipe et qu'un bouquet de fleur et un gâteau lui ont été offerts ne permet pas en soi d'écarter l'existence de brimades à l'encontre de Mme [CG], la majorité des faits allégués ayant eu lieu après 2012.

De plus, la circonstance que « Mme [RG] organisait des repas, des sorties avec ses équipes et prenait soin de fêter l'anniversaire de ses salariés » ne permet pas d'écarter l'existence de brimades à l'encontre de Mme [CG] au cours de la relation de travail, d'autant que les attestations ne mentionnent pas la salariée et qu'elles proviennent uniquement de membres de l'équipe de gestion.

En sixième lieu, l'employeur produit une série d'attestations de salariés des sociétés Adriaco et Adriaor ayant travaillé sur la même période que Mme [CG], manquant toutes de pertinence ou de valeur probante :

Mmes [BX] et [ZE], [ZS] et MM. [Z] et [KS] attestent dans des termes similaires ne jamais avoir entendu Mme [RG] dire « Ferme ta gueule » ou une autre insulte à un autre salarié sans plus de précision, en particulier quant à Mme [CG] ;

MM. [L], [A] et [TK] attestent simplement ne jamais avoir entendu Mme [RG] insulter ou manquer de respect à un autre collaborateur ;

Les attestations de Mmes [KS], [GO] et [Y] sont rédigées dans des termes identiques et à la même date ;

Ainsi, ces attestations demeurent insuffisantes en ce qu'aucune ne mentionne Mme [CG]. Elles ne permettent donc pas d'écarter les brimades et propos dégradants allégués à l'encontre de celle-ci.

De la même manière, les courriers de remerciement et les lettres de démission, produits par l'employeur, ne permettent pas d'écarter l'existence de brimades à l'encontre de Mme [CG], quand bien même les salariés remercient Mme [RG], en ce qu'ils mentionnent simplement l'ambiance générale et ne précisent aucun élément quant à Mme [CG].

Ainsi, il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur n'apporte aucun élément objectif étranger à tout harcèlement quant à l'existence de brimades et de propos dégradants et humiliants à l'encontre de Mme [UW] [CG].

(6) D'une sixième part, s'agissant de l'immixtion inappropriée par la direction dans la vie privée de Mme [CG] en ce qu'elle devait revenir travailler en dehors de ses heures de travail, la cour rappelle à nouveau que l'employeur échoue à rapporter la preuve des horaires effectifs de travail de la salariée et que celle-ci a été amenée à travailler sur les deux restaurants, alors que selon l'avenant du 1er novembre 2014, elle était détachée à temps plein uniquement sur le restaurant de [Localité 3], de sorte qu'il est suffisamment établi que la salariée était régulièrement rappelée pour travailler en dehors de ses heures de travail initialement planifiées.

(7) D'une septième part, l'employeur soutient que la salariée ne fait pas état d'une dégradation de son état de santé en ce que ses arrêts de travail ne seraient pas en lien avec son travail et que la salariée avait des problèmes de santé antérieurs à la relation de travail.

En premier lieu, l'attestation de Mme [Y] quant au comportement de la salariée au cours de la relation de travail n'a aucune valeur probante, dès lors qu'elle affirme qu'à compter de fin 2014, la salariée était à [Localité 7] et elle-même à [Localité 3] jusqu'en février 2015, alors qu'il ressort de l'avenant produit par l'employeur que Mme [CG] était détachée sur l'établissement de [Localité 3] de novembre 2014 à avril 2015.

En deuxième lieu, la cour rappelle que le bilan attribué à Mme [CG] n'a aucune valeur probante en ce qu'il n'est ni daté, ni signé par la salariée et le « Book personnel Talentoday de Mme [CG] du 30 mai 2014 » n'est pas suffisant pour établir que la dégradation de l'état de santé serait uniquement dû au comportement de la salariée, en ce qu'il indique simplement que Mme [CG] pouvait être sujet à un certain stress dans l'urgence et d'autant que l'employeur, qui avait connaissance de cet élément, ne démontre pas avoir proposé à Mme [CG] des formations de gestion du stress.

En troisième lieu, les difficultés financières de la salariée, quand bien même elles sont avérées compte tenu des avis à tiers détenteurs du 5 juin 2013, 10 février et 30 avril 2015 et des deux acomptes versés par la salariée, ne permettent pas, en tant que tel, de démontrer que la dégradation de l'état de santé de la salariée n'aurait aucun lien avec la relation de travail.

Finalement, quand bien même la salariée bénéficiait d'une déclaration d'invalidité antérieure à la conclusion du contrat de travail en 2008, cette seule circonstance ne permet pas de démontrer que la dégradation de la santé de la salariée n'aurait aucun lien avec la relation de travail.

Ainsi, les éléments médicaux produits par Mme [CG] sont appréciés souverainement par la juridiction s'agissant du lien certain, au moins partiel, entre ses conditions de travail dégradées et la détérioration de son état de santé ayant conduit à sa déclaration d'inaptitude, étant observé qu'il ressort de plusieurs certificats médicaux que la dégradation de son état de santé résulterait d'un stress important au travail et ce, dans une période où celle-ci rencontrait des difficultés professionnelles importantes dont l'employeur avait connaissance compte tenu des attestations de l'équipe de gestion et du « Book personnel Talentoday du 30 avril 2014 ».

En tout état de cause, la caractérisation du harcèlement moral n'impose pas que l'état de santé de la salariée se soit effectivement dégradé mais que les agissements subis constituent un risque objectif pour sa santé.

Or, il ressort des éléments précédents retenus que Mme [CG] a subi une dégradation de ses conditions de travail.

Dès lors, il résulte de l'ensemble des énonciations précédentes que l'employeur n'apporte pas les justifications étrangères suffisantes à tout harcèlement, de sorte qu'il convient, par confirmation du jugement entrepris, de déclarer que Mme [CG] a été victime d'un harcèlement moral par la société Adriaor.

En conséquence, compte tenu des faits subis par la victime et de la durée du harcèlement, il convient de condamner la société Adriaor à verser à Mme [CG] la somme de 15 000 euros net avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre du harcèlement moral, le jugement entrepris étant confirmé à ce titre.

En outre, par infirmation du jugement entrepris, en application de l'article L. 1152-4 du code du travail, il convient de condamner la société Adriaor à verser à Mme [CG] la somme de 3 000 euros au titre de l'obligation de prévention du harcèlement moral, dès lors que la salariée établit suffisamment, contrairement à ce que soutient l'employeur, l'existence d'un préjudice distinct compte tenu de la mise en danger de la salariée et de l'absence de protection de cette dernière au cours de la relation de travail en raison du comportement de la direction à son égard.

Sur la rupture du contrat de travail :

Conformément aux dispositions de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1224 du code civil, la condition résolutoire étant toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut demander au juge la résolution du contrat.

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations contractuelles.

Sous la réserve de règles probatoires spécifiques à certains manquements allégués de l'employeur, c'est au salarié d'établir la réalité des manquements reprochés à l'employeur et de démontrer que ceux-ci sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle. En principe, la résiliation prononcée produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur fondée sur des faits de harcèlement moral, produit les effets d'un licenciement nul, conformément aux dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail.

Il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines obligations résultant d'un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.

Le juge, saisi d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l'intervalle de sorte qu'elle produit alors ses effets à la date de l'envoi de la lettre de licenciement.

En l'espèce, il a été précédemment établi que Mme [UW] [CG] a été victime de harcèlement moral, que la société Adriaor a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral et que cette dernière n'a pas rémunéré les heures complémentaires et supplémentaires effectuées par la salariée entre le mois de juillet 2013 et d'avril 2015.

Or, ces manquements de l'employeur présentent un tel degré de gravité qu'ils ont empêché la poursuite du contrat de travail en ce que les agissements de harcèlement moral et l'absence de mise en 'uvre des mesures nécessaires dans le cadre de l'obligation de prévention et de sécurité ont eu pour conséquence de manière certaine, peu important que cela ait pu n'être que partiel, une dégradation de la santé psychique de la salariée ; ce qui a conduit in fine à sa déclaration définitive d'inaptitude au sein de l'entreprise à l'issue de la visite du 10 octobre 2016, l'inaptitude fondant ensuite le licenciement notifié à la salariée par courrier du 19 novembre 2016.

Dès lors, par confirmation du jugement entrepris, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [UW] [CG] au 19 novembre 2016, date de la notification de son licenciement pour inaptitude et de dire qu'en raison du harcèlement moral retenu, cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul.

Sur les prétentions afférentes à la rupture :

Premièrement, la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul, en application de l'article L. 1234-5 du code du travail, Mme [UW] [CG] est bien fondée à solliciter la condamnation de la société Adriaor à lui payer la somme de 3 120 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 312 euros brut au titre des congés payés afférents, lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2016, étant observé que le point de départ des intérêts ne peut être antérieur à la date d'exigibilité de la créance et que la demande a été formulée antérieurement.

Secondement, au visa des articles L. 1235-3-1 et L. 1235-3-2 du code du travail, il y a lieu de condamner la société Adriaor à payer à Mme [CG] la somme de 15 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul avec intérêts au taux légal à compter du jugement, étant observé que Mme [CG] percevait un salaire mensuel moyen à hauteur de 1 560 euros, qu'elle avait une ancienneté de plus de huit ans et qu'elle justifie de sa situation professionnelle postérieure à la rupture injustifiée de son contrat de travail en versant aux débats un avenant à un contrat de travail en date du 1er janvier 2021 quant à une promotion au poste de directrice de restaurant.

Le jugement entrepris est donc confirmé de ces chefs, sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts.

Sur les demandes accessoires :

La société Adriaor, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [CG] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Adriaor à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

En conséquence, la demande indemnitaire de la société au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés est rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

Débouté Mme [UW] [CG] de sa demande au titre des frais de déplacement ;

Constaté que Mme [UW] [CG] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur ;

Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [UW] [CG] à la date du 19 novembre 2016, produisant les effets d'un licenciement nul ;

Condamné la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 15 000 euros net au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

Condamné la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 3 120 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 312 euros brut au titre des congés payés afférents lesdites sommes avec intérêts au taux légal, sauf à préciser que le point de départ des intérêts à compter du 19 novembre 2016,

Condamné la société Adriaor à verser à Mme [UW] [CG] la somme de 15 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul avec intérêts au taux légal à compter du jugement, sauf à préciser que cette somme est brute ;

Condamné la société Adriaor à verser à Mme [CG] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté la société Adriaor de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société Adriaor aux entiers dépens ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

CONDAMNE la société Adriaor à payer à Mme [UW] [CG] les sommes suivantes :

15 000 euros (quinze mille euros) brut à titre de rappel de salaire pour heures complémentaires et supplémentaires entre le mois de juillet 2013 et le mois d'avril 2015, outre 1 500 euros (mille cinq cents euros) de congés payés afférents ;

3 000 euros (trois mille euros) net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral ;

DÉBOUTE Mme [CG] du surplus de ses prétentions au principal ;

CONDAMNE la société Adriaor à payer à Mme [CG] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Adriaor de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Adriaor aux entiers dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/00572
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.00572 ?
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