RG N° : 07 / 01667
AFFAIRE :
EDF
GDF
C /
Nicolas X...
Sté ELECTRICITE RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE,
Sté GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE
Licenciement
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2008
A l'audience publique de la Chambre sociale de la cour d'appel de LIMOGES, le seize septembre deux mille huit, a été rendu l'arrêt dont la teneur suit ;
ENTRE :
- La société (EDF) ELECTRICITE DE FRANCE, société anonyme dont le siège social est 22-30, avenue de Wagram, 75382 PARIS CEDEX 8, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317
- La société (GDF) GAZ DE FRANCE, société anonyme dont le siège social est 23, rue Philibert Delorme, 75017 PARIS, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 542 107 651
APPELANTES d'un jugement rendu le 19 novembre 2007 par le Conseil de Prud'hommes de TULLE
Représentées par Maître Michel JOLLY, avocat au barreau de TOULOUSE
ET :
- Nicolas X..., demeurant ...
Intimé au principal, appelant incident,
Représenté par Maître Eric DIAS, avocat substituant Maître Martine GOUT, avocat au barreau de TULLE
- La Société ELECTRICITE RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE, société anonyme dont le siège social est Tour Winterhur, 92085 LA DÉFENSE CEDEX, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 444 608 442
- La Société GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE, société anonyme dont le siège social est 6, Rue Condorcet, 75009 PARIS, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 444 786 511
Intervenantes volontaires
Représentées par Maître Michel JOLLY, avocat au barreau de TOULOUSE
A l'audience publique du 17 juin 2008, la Cour étant composée de Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, de Monsieur Philippe NERVÉ et de Madame Anne-Marie DUBILLOT-BAILLY, Conseillers, assistés de Madame Geneviève BOYER, Greffier, Maître Michel JOLLY et Maître Eric DIAS, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis, Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 16 septembre 2008 ;
A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.
LA COUR
Nicolas X... a été engagé par les sociétés EDF et GDF à compter du 3 août 1992 en qualité de monteur distribution et est devenu technicien de réseaux électriques à compter du 1er avril 1999.
Dans la nuit du 19 au 20 août 2002, d'importantes dégradations ont été commises dans les locaux de l'agence d'USSEL. Par jugement du 29 juin 2004, le tribunal correctionnel de TULLE a déclaré Nicolas X... coupable de ces agissements constitutifs du délit de dégradation volontaire et l'a condamné à payer à la société EDF 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et 400 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Des poursuites disciplinaires ont été engagées contre Nicolas X... . Au vu de l'avis donné par les membres de la commission secondaire du personnel le 2 décembre 2004, le directeur de l'établissement EDF-GDF DISTRIBUTION CORREZE-CANTAL, dont il dépendait, lui a notifié la sanction de mise à la retraite d'office par lettre recommandée avec accusé réception du 29 décembre 2004.
Nicolas X... a formé un recours contre cette sanction.
Au vu de l'avis de la commission supérieure nationale du personnel, le directeur des ressources humaines de la société EDF et le directeur des relations sociales de la société GDF lui ont notifié une sanction de rétrogradation en groupe fonctionnel 2 et l'affectation à l'unité des fonctions centrales d'EGD par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mai 2006.
Nicolas X... a saisi le conseil de prud'hommes de TULLE le 4 janvier 2007 aux fins de voir condamner la société EDF à lui payer les sommes suivantes :
rappels de salaire : 17 450, 55 €
reconstitution de carrière : 17 021, 68 €
dommages-intérêts pour rupture abusive : 17 500, 00 €
préjudice moral : 15 000, 00 €
indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile : 1 500, 00 €
Les sociétés EDF et GDF ont conclu au débouté de l'intégralité de ces demandes.
Par jugement du 19 novembre 2007, le conseil de prud'hommes de TULLE a condamné la société EDF à payer à Nicolas X... 22 123, 86 € de rappel de salaires et 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et débouté Nicolas X... du surplus de ses demandes.
Les sociétés EDF et GDF ont relevé appel de ce jugement par lettre recommandée avec accusé réception du 17 décembre 2007 parvenue au greffe de la cour le 18 décembre 2007.
Par écritures soutenues oralement à l'audience, lesdites sociétés et les sociétés ELECTRICITE RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE et GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE, qui interviennent volontairement devant la cour, concluent au débouté de l'intégralité des demandes de Nicolas X... et réclament à son encontre 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en exposant l'argumentation suivante :
La sanction de mise à la retraite d'office n'est pas critiquable eu égard à la gravité des faits, s'agissant du saccage des locaux de travail, et les agents qui y travaillaient en ont été profondément et durablement choqués. Le directeur général peut décider de faire rétroagir la sanction qu'il prononce à la date de la première décision mais il ne l'a en l'espèce pas prévu et les circonstances ne le justifiaient pas. Nicolas X... ne peut pas prétendre au paiement des salaires qu'il aurait reçus entre les deux sanctions.
Nicolas X... n'a pas eu une évolution de carrière aussi favorable que ses autres collègues mais, contrairement à ce qu'il prétend, son comportement donnait lieu à critique de façon récurrente et il avait fait l'objet d'une mise à pied de cinq jours le 11 février 2001 pour une absence inopinée et injustifiée, qui faisait suite à plusieurs autres. Il ressort des appréciations de sa hiérarchie l'existence de multiples difficultés avec lui.
Par écritures soutenues oralement à l'audience, Nicolas X..., formant appel incident, reprend l'intégralité des demandes qu'il avait présentées en première instance et réclame 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en exposant l'argumentation suivante :
Dès lors que la sanction initiale a été atténuée, il ne peut pas être soutenu que la mise à la retraite d'office était justifiée, d'autant plus que les faits qui lui sont reprochés n'ont pas été commis dans le cadre de son activité professionnelle, puisqu'il était en arrêt de maladie. Il était alors dans une totale dépendance de l'alcool, qui était connue de ses collègues et de ses supérieurs. Les délais de procédure ne sauraient être opposables au salarié et il est donc équitable et justifié en droit qu'il perçoive son salaire du 12 janvier 2005 au 5 mai 2006. Nicolas X... subit un préjudice matériel et moral dont il demande la réparation, eu égard à l'attitude de l'employeur devant son problème de santé. Quatorze ans après son embauche il a été gravement pénalisé dans l'évolution de sa carrière par rapport à ses collègues. Les absences injustifiées qui sont invoquées étaient en fait liées à son problème de santé.
SUR QUOI, LA COUR
ATTENDU que le tribunal correctionnel a retenu la culpabilité de Nicolas X..., excluant toute atténuation de responsabilité ;
ATTENDU que les faits ont été commis en dehors de l'exercice de sa profession mais, s'agissant du saccage des locaux professionnels, l'intention de nuire à l'employeur n'apparaît pas contestable ;
Que, dès lors, la mise à la retraite d'office ne paraît pas une sanction excessive et, si l'employeur a finalement fait preuve de bienveillance en ne prononçant qu'une rétrogradation, Nicolas X... ne saurait en tirer argument pour soutenir que son employeur aurait ainsi reconnu que la sanction initiale était excessive ;
Que dans ces conditions il était loisible à l'employeur de ne pas donner d'effet rétroactif à la sanction de rétrogradation, ce qui ne permet pas à Nicolas X... de réclamer le paiement d'un salaire entre la notification de la mise à la retraite d'office et celle de la rétrogradation ;
ATTENDU que, la sanction de mise à la retraite d'officie n'étant pas critiquable, elle ne peut pas engager la responsabilité de l'employeur à raison du préjudice moral et matériel qu'elle aurait causé à son salarié ;
ATTENDU, en ce qui concerne le préjudice de carrière, que Nicolas X... ne peut pas prétendre à une évolution de carrière correspondant à la moyenne de ses collègues ayant une ancienneté comparable à la sienne s'il est établi que sa manière de servir présente des insuffisances ou qu'il a fait l'objet de sanctions disciplinaires ;
ATTENDU, en l'espèce, que Nicolas X... a fait l'objet d'une observation écrite de son supérieur hiérarchique le 12 décembre 1996 pour absences injustifiées et d'un avertissement le 10 juin 1999 pour une absence injustifiée constatée le même jour, laquelle faisait suite à plusieurs autres ;
Que son supérieur hiérarchique, Alain A..., signale que dans le courant de l'année 2000 Nicolas X... lui a demandé à être intégré dans le groupe exploitation et à se voir confier d'autres tâches que celles de monteur, qu'il lui a proposé un travail de préparation et de consignation mais que le travail confié le premier jour n'a pas été réalisé et qu'une procédure disciplinaire a été engagée ;
Que, le comportement professionnel de Nicolas X... ayant donné lieu à critique, il n'est pas fondé à se plaindre d'un préjudice de carrière ;
ATTENDU qu'il y a lieu de condamner Nicolas X... aux dépens de première instance et d'appel et aux frais irrépétibles supportés par l'employeur, étant précisé qu'à défaut de diligences distinctes des sociétés appelantes et intervenantes une seule indemnité sera allouée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société ELECTRICITE RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE et à la société GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE de leur intervention devant la Cour ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de TULLE en date du 19 novembre 2007 en ce qu'il a débouté Nicolas X... de ses demandes de dommages-intérêts et de sa demande en paiement de la somme de 17 021, 68 euros pour reconstitution de carrière ;
Réforme ledit jugement pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare Nicolas X... mal fondé en sa demande de rappel de salaires et l'en déboute ;
Dit que Nicolas X... devra restituer à son employeur les sommes qui lui ont été versées en exécution du jugement dont appel ;
Déclare Nicolas X... mal fondé en ses demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'en déboute ;
Condamne Nicolas X... à payer aux sociétés ELECTRICITE DE FRANCE, GAZ DE FRANCE, ELECTRICITE RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE et GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE MILLE HUIT CENTS (1 800) EUROS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Nicolas X... aux dépens de première instance et d'appel.
Cet arrêt a été prononcé à l'audience publique de la Chambre sociale de la cour d'appel de LIMOGES en date du seize septembre deux mille huit par Monsieur Jacques LEFLAIVE, président de chambre.