ARRET N.
RG N : 11/ 01522
AFFAIRE :
Société PHARMACIE DE LA NATION Société en commandite par actions
C/
Me Christian X...Agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société PHARMACIE DE LA NATION, SAS ALLIANCE HELTHCARE REPARTITION Prise en la personne de son représentant légal
MJ-iB
procédure de sauvegarde
Grosse délivrée à Maître Garnerie, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 20 DECEMBRE 2012--- = = = oOo = = =---
Le VINGT DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Société PHARMACIE de la NATION Société en commandite par actions dont le siège social est 16, place de la Nation-87500 SAINT YRIEIX LA PERCHE
représentée par SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT, avocats au barreau de LIMOGES, Me Christophe DEJEAN, avocat au barreau de BORDEAUX
APPELANTE d'un jugement rendu le 09 NOVEMBRE 2011 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES
ET :
Maître Christian X...Agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société PHARMACIE DE LA NATION de nationalité Française demeurant ...-87000 LIMOGES
représenté par la SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT, avocats au barreau de LIMOGES
SAS ALLIANCE HELTHCARE REPARTITION Prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est 222, Rue des Caboeufs-92230 GENNEVILLIERS
représentée par Me Jean-Pierre GARNERIE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Maryline OLIVIE, avocat au barreau de PARIS.
INTIMES
--- = = oO § Oo = =---
Communication a été faite au Ministère Public le 20 septembre 2012 et visa de celui-ci a été donné le 24 septembre 2012.
Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 25 Octobre 2012 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 20 Décembre 2012. L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2012.
A l'audience de plaidoirie du 25 Octobre 2012, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Madame le Président a été entendue en son rapport, Maîtres DEJEAN et OLIVIE, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie et maître COUDAMY, avocat, a déposé son dossier.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 20 Décembre 2012 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Selon jugement du 21 juillet 2010, le tribunal de commerce de Limoges a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SCA PHARMACIE DE LA NATION (la Pharmacie). Cette même juridiction a homologué le plan de sauvegarde par jugement du 7 septembre 2011.
Suite à la demande en revendication formée par la société ALLIANCE HEALTH CARE REPARTITION (société AHR), le juge commissaire a rendu le 15 avril 2011 une ordonnance au terme de laquelle il a débouté cette société.
Sur opposition de la société AHR, le tribunal de commerce, selon jugement du 9 novembre 2011, a notamment " vu l'inventaire établi le 30 août 2010 (et) la convention signée entre les parties le 18 février 2009 " reçu la société AHR en son opposition, dit celle-ci bien fondée, confirmé l'ordonnance du juge commissaire en ce qu'elle a retenu la recevabilité de la demande en revendication de la société AHR et en ce qu'elle a reconnu le droit de propriété de cette société sur l'ensemble des produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques livrés par elle et demeurés impayés, confirmé le caractère conforme du seul inventaire des stocks établis le 30 août 2010, constaté la fongibilité des produits livrés par la société AHR, ordonné la restitution sans délai desdits produits ou de tous autres produits interchangeables présents en nature dans le stock de l'officine à hauteur de la somme de 285. 261, 79 €, organisé les modalités de la restitution, condamné la Pharmacie à payer à la société AHR la somme de 2. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La Pharmacie a interjeté appel de cette décision selon déclaration du 30 novembre 2011.
Les dernières écritures des parties, auxquelles la Cour renvoie pour plus ample information sur leurs demandes et moyens, ont été transmises à la cour les 29 février 2012 par la Pharmacie, 7 septembre 2012 par la société AHR et 23 mai 2012 par Me X...en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan.
La Pharmacie, reprenant ses arguments de première instance, conteste l'application de la clause de réserve de propriété contenue dans les factures de la société AHR, estime que seul l'inventaire établi par Me X...le 21 juillet 2010 doit être retenu et qu'il en résulte que le montant des produits correspondant aux factures impayées qui se trouvaient dans l'officine à cette date s'élève à 25. 216, 08 €, remet en cause en tout cas le montant des prétentions de la société AHR, conteste enfin la fongibilité alléguée par la société AHR observant à cet égard que cette société n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la présence en nature des biens vendus sous réserve de propriété dans ses stocks et de la fongibilité des produits livrés avec ceux répertoriés par l'huissier. Elle demande en conséquence à la cour de réformer le jugement ayant confirmé le caractère conforme du seul inventaire des stocks établi le 30 août 2010 et ordonné la restitution sans délai des produits ou de tous autres produits interchangeables présents en nature dans le stock de l'officine à hauteur de 285. 261, 79 € et de débouter en conséquence la société AHR de sa demande en revendication ; elle sollicite par ailleurs la condamnation de la société AHR à lui payer la somme de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société AHR conclut à la confirmation de la décision et sollicite paiement de la somme de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; elle exclut l'application de l'inventaire du 21 juillet 2010 qu'elle estime non conforme aux articles L 622-1 et L 622 5ème du Code de commerce, considère faire la preuve de sa créance par la production d'un acte sous seing privé d'acquiescement à la dette de 975. 000 €, conclut à la recevabilité et l'opposabilité de la clause de réserve de propriété, enfin relève la fongibilité des produits par elle livrés qui, conformément aux dispositions de l'article L 624-16 du Code de Commerce, justifie selon elle son action en revendication.
Me X..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, s'en remet à droit.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'il sera au préalable observé que si la déclaration de créance du revendiquant n'est pas une condition de l'action en revendication, une telle action, dès lors qu'elle repose sur une clause de réserve de propriété jusqu'au paiement des marchandises livrées, suppose nécessairement que la créance qui en est l'objet soit établie tant en son principe qu'en son montant ;
Or attendu qu'alors que la Pharmacie conteste le montant de la somme qu'elle reste devoir au titre des marchandises qui lui ont été livrées, aucune juridiction n'a en l'état statué au fond, le tribunal de commerce de Nanterre ayant cru devoir surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la présente procédure ; que, dans ces conditions, dès lors qu'il n'appartient pas à la cour, saisie dans le cadre d'une action en revendication, de statuer au fond sur le bien fondé de la créance de la société AHR aux lieu et place du tribunal de commerce de Nanterre qui en est saisi, il convient de juger que la revendication de la société AHR n'apparaît recevable que pour obtenir paiement de la somme de 150. 000 € retenue à titre provisionnel par le juge des référés dans une décision du 15 avril 2010 qui n'a pas fait l'objet d'un recours ;
Attendu, sur le bien fondé de l'action en revendication, que la société AHR indique à bon droit que l'inventaire du 10 juillet 2010 ne répond pas aux prescriptions de l'article L 622-6 du Code de Commerce selon lesquelles dès l'ouverture de la procédure, il est dressé un inventaire et réalisé une prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent ; que l'inventaire du 10 juillet 2010 ne répertorie pas en effet l'ensemble des marchandises en stock au sein de l'officine ; que le tribunal a exactement retenu en conséquence comme seul conforme, comme le sollicitait et le demande encore dans ses écritures la société AHR, l'inventaire des stocks établi le 30 août 2010 ;
Attendu par ailleurs qu'au regard de la clause de réserve de propriété inscrite au verso de chacune des factures, rappelée au recto de celles-ci et aux relations commerciales anciennes et continues existant entre les parties, la Pharmacie ne peut utilement conclure à l'inopposabilité de la clause de réserve de propriété contenue dans les conditions générales de vente de la société AHR ; que la Pharmacie a d'ailleurs, à l'occasion de la régularisation d'une convention liant les parties en date du 8 février 2009 déclaré (page 2 de cette convention) " être parfaitement informée des conditions générales de vente et de règlement de la société créancière " ;
Attendu enfin que les médicaments et produits pharmaceutiques peuvent être des biens fongibles dès lors qu'ils sont aptes spécifiquement et qualitativement à se substituer entre eux ; qu'ainsi un médicament est fongible par rapport à un autre, quel que soit d'ailleurs son conditionnement, dès lors que par sa nature il possède la même composition et répond aux mêmes besoins thérapeutiques, peu important que son emballage contienne le numéro du lot et la date de péremption, ces éléments ne pouvant faire obstacle à la fongibilité du produit ; que les conditions générales de vente de la société AHR prévoient au demeurant, dans les rapports entre les parties, ce depuis janvier 2010, que " le client reconnaît en effet expressément le caractère fongible des marchandises vendues sous clauses de réserve de propriété, nonobstant leur éventuelle individualisation pour quelque cause que ce soit ", ce qui a fait entrer la fongibilité des produits vendus par la société AHR à la Pharmacie dans le champs contractuel ;
Mais attendu qu'il ne peut se déduire des pièces versées aux débats par la société AHR, à savoir un relevé des sommes restant dues et un CD ROM contenant l'ensemble des factures adressées à la Pharmacie et censé contenir en conséquence les factures impayées, quelles sont précisément les factures impayées ou, à tout le moins, les produits demeurant à ce jour impayés ;
Et attendu que si l'article L 622-26 du Code de Commerce énonce une règle de fond attribuant au revendiquant la propriété des biens fongibles qui se trouvent entre les mains de l'acheteur dès lors que ceux-ci sont de même espèce et de même qualité que ceux qu'il a livrés, l'action en revendication ne peut cependant prospérer que si le stock de l'acheteur, tel qu'inventorié, comprend des produits de même espèce et de même qualité que ceux qu'il a livrés, ce qui suppose nécessairement que soient connus précisément les médicaments demeurés impayés objet de la revendication ;
Attendu en conséquence que, eu égard aux nombres de catégories thérapeutiques des médicaments livrés par la société AHR, il n'est pas possible d'affirmer, au seul vu des pièces versées aux débats, que les biens inventoriés le 30 août 2010 correspondent à ceux vendus par cette société et demeurés impayés, sauf à admettre, ce qui ne peut se déduire des dispositions légales sus-visées, qu'un médicament, quel qu'il soit, est fongible de par sa nature même de médicament, indépendamment de sa composition et de ses qualités thérapeutiques spécifiques ;
Attendu ainsi que l'action en revendication de la société AHR ne peut aboutir ;
Attendu que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
REFORME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
JUGE que l'action en revendication de la société ALLIANCE HEALTH CARE n'est recevable qu'à concurrence de 150. 000 €,
DIT l'action non fondée,
DEBOUTE la société ALLIANCE HEALTH CARE de son action en revendication,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNE la société ALLIANCE HEALTH CARE aux dépens d'instance et d'appel qui seront recouvrés conformément, en ce qui concerne ces derniers, aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Martine JEAN.