ARRET N .
RG N : 12/00521
AFFAIRE :
M. Eric X...
C/
Mme Karine Y... épouse X...
ER-iB
divorce
Grosse délivrée à
la SCP CHABAUD CHAGNAUD MAURY, avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRET DU 17 JUIN 2013
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Le DIX SEPT JUIN DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Eric X...
de nationalité Française, demeurant .... A - Appt 13 - 19100 BRIVE LA GAILLARDE
représenté par la SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT SELARL, avocat au barreau de LIMOGES et Me BOUTARIC, avocat
APPELANT d'un jugement rendu le 15 MARS 2012 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE LA GAILLARDE
ET :
Madame Karine Y... épouse X...
de nationalité Française
née le 30 Juin 1972 à BRIVE LA GAILLARDE
Profession : Restaurateur(rice) de tableaux, demeurant ... NAZARETH
représentée par la SCP MAURY CHAGNAUD CHABAUD SCP, avocat au barreau de LIMOGES, Me Elodie ROUX-MEYER, avocat au barreau de CORREZE
INTIMEE
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Communication a été faite au Ministère Public le 11 mars 2013 et visa de celui-ci a été donné le 2 avril 2013
L'affaire a été fixée à l'audience du 06 Mai 2013 par application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, la Cour étant composée de Monsieur Robert JAOUEN, Président de chambre, de Madame Eliane RENON et de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND, Conseillers, assistés de Madame Elysabeth AZEVEDO, Greffier. A cette audience, en chambre du conseil, Madame Eliane RENON, Conseiller a été entendue en son rapport, Maîtres BOUTARIC et ROUX-MEYER, avocats, ont été entendus en leur
plaidoirie.
Puis Monsieur Robert JAOUEN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 17 Juin 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
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Eric Adrian et Karine Y... se sont mariés sans contrat préalable le 31 juillet 1999 à Jugeals Nazareth et deux enfants :
Elisa née le 30 avril 1998,
Maxime né le 13 août 2001 sont issus de cette union.
Régulièrement autorisée par une ordonnance de non-conciliation rendue le 26 juin 2008 Mme Y... a fait assigner son conjoint en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil et par ordonnance en date du 18 mai 2010 une médiation familiale a été instaurée.
Par jugement rendu le 15 mars 2012 le juge aux affaires familiales de Brive a :
- prononcé le divorce aux torts du mari,
- ordonné les mentions légales en marge des actes d'état civil et la liquidation des intérêts patrimoniaux, jugeant irrecevables les demandes de nature patrimoniale,
- maintenu l'exercice conjoint de l'autorité parentale avec fixation de la résidence des enfants au domicile de la mère,
- maintenu un droit de visite et d'hébergement du père le plus large possible au gré des parties et à défaut dit que Mr X... pourra accueillir les enfants en dehors des périodes de vacances scolaires deux fins de semaine par mois sous réserve de disposer d'au moins un jour de repos et à charge de prévenir la mère dès la connaissance de son emploi du temps avec respect de l'attribution de la fête des mères et des pères ainsi que la moitié des vacances scolaires avec alternance et fractionnement à la quinzaine pour les vacances d'été, les transports étant à la charge du père avec départ et remise à la gare de St Denis les Martels,
- porté à 280€ par mois avec maintien de l'indexation prévue, la contribution de Mr X... à l'entretien et à l'éducation de chacun des enfants,
- maintenu la participation du père par moitié aux dépenses exceptionnelles de santé ou de voyage scolaire,
- condamné mr X... au paiement d'une prestation compensatoire de 20 000€ et d'une indemnité de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Mr X... a relevé appel de cette décision par déclaration du 3 mai 2012;
Vu les dernières conclusions déposées par l'appelant le 9 avril 2013 tendant à voir la Cour :
- avant dire droit entendre les enfants,
- prononcer le divorce pour rupture définitive du lien conjugal,
- débouter Mme Y... de ses demandes de dommages et intérêts et de prestation compensatoire
à titre principal,
- fixer la résidence d'Elisa au domicile du père à compter du 1er juillet 2013 et dire que la mère exercera un droit de visite et d'hébergement les week-end et la moitié des vacances au cours desquels Maxime sera avec elle,
- supprimer la contribution alimentaire mise à la charge du père et dire que chaque parent assumera la charge des trajets afférents à l'exercice de son droit de visite,
subsidiairement,
- confirmer les mesures relatives aux enfants sauf à réduire à 200€ par enfant le montant de la contribution alimentaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes relatives à la liquidation du régime matrimonial et à défaut désigner Me Marcou en qualité de notaire liquidateur et dire que les sommes payées par le mari et se rapportant au domicile conjugal à compter du 1er décembre 2007 lui seront remboursées par Mme Y...,
- condamner cette dernière au paiement de la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions déposées le 20 mars 2013 par mme Y... demandant à la Cour de :
*déclarer irrecevable la demande de Mr X... en fixation de la résidence de l'enfant Elisa à son domicile,
*confirmer le jugement sur le prononcé du divorce en ajoutant le grief de violation de l'obligation de fidélité, le report des effets du divorce au 1er décembre 2007 et le montant de la contribution alimentaire mise à la charge du père,
*lui donner acte de sa proposition sur le fondement de l'article 257-2 du code civil telle que contenue dans l'assignation en divorce,
* entrer en voie de réformation pour le surplus et,
- condamner Mr X... au paiement de la somme de 8000€ sur le fondement des articles 266 et 1382 du code civil,
- porter à 30 000€ le capital du au titre de la prestation compensatoire,
- dire qu'à l'actif de communauté sera retenue la récompense due par l'épouse du fait du financement par la communauté des travaux sur le bien immobilier lui appartenant et ce à hauteur de 63500€,
*condamner mr X... au paiement de la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700du code de procédure civile.
Motifs de l'arrêt
- sur le divorce
En présence de deux demandes en divorce, l'une pour faute et l'autre pour altération définitive du lien conjugal, l'article 246 du code civil impose d'examiner d'abord la requête en divorce pour faute.
A l'appui de sa demande Mme Y... fait grief à son conjoint d'avoir abandonné le domicile conjugal et entretenu une relation adultère.
Il n'est pas contesté par Mr Adrian qu'il a effectivement quitté le domicile familial le 1er décembre 2007 mais il est constant que les deux époux, avaient antérieurement consulté un avocat commun dans le cadre d'un projet de divorce par consentement mutuel et qu'un projet de convention avait été établi stipulant qu'ils résideraient séparément.
L'initiative prise par les époux caractérise l'existence de problèmes de couple rendant nécessairement la cohabitation difficile et pouvant légitimer le départ de Mr Adrian alors que le domicile familial constituait un propre de l'épouse et cette appréciation ne saurait être utilement remise en cause par l'échec de la procédure amiable dont l'imputabilité à Mr X... ne peut résulter du seul fait qu'il ait souhaité que les époux aient chacun leur avocat.
Le grief de violation de l'obligation de cohabitation n'est, au regard des circonstances, pas établi.
Le 3 mars 2009 un constat d'adultère a été dressé à l'encontre de Mr X... et s'il n'est pas démontré que sa relation avec Mme D... préexistait à la rupture, il s'évince de plusieurs éléments qu'elle existait depuis plusieurs mois puisque dès décembre 2008 Mr X... est parti en vacances avec sa "famille recomposée".
Ni l'engagement de la procédure de divorce ni même l'intervention de l'ordonnance de non conciliation ne confèrent aux époux une immunité privant de leurs effets normaux les faits dont ils peuvent se rendre coupables l'un envers l'autre de sorte que la violation avérée du devoir de fidélité par Mr X... est fautive comme ne pouvant se justifier par la longueur de la procédure et rend intolérable le maintien de la vie commune.
Le prononcé du divorce aux torts de Mr X... sera ainsi confirmé avec effets au 1er décembre 2007, sa demande au titre de l'altération du lien conjugal étant sans objet.
- sur la demande de dommages et intérêts
Si Mme Y... justifie avoir connu un état dépressif suite à la séparation, elle le rattache essentiellement au départ de son mari le 1er décembre 2007, départ dont le caractère fautif n'a pas été retenu et cet état ne caractérise pas une conséquence d'une particulière gravité telle qu'exigée par l'article 266 du code civil.
Le non respect par Mr X... du devoir de fidélité est certes fautif mais sans relation directe et certaine avec le préjudice allégué par Mme Y... dans un contexte de séparation annoncée et ne peut donner lieu à réparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil;
- sur la prestation compensatoire
Mr X..., âgé de 42 ans est conducteur de ligne principal à la SNCF et a déclaré pour l'année 2011 des revenus de 35129€ soit 2927€ par mois; il sera admis à faire valoir ses droits à la retraite à l'âge de 50ans et pourra prétendre à une retraite de 1400€ par mois.
Il ne dispose d'aucun patrimoine immobilier mais est créancier d'une récompense due à la communauté par son épouse.
Mme Y... est âgée de 41ans et travaille en tant que restauratrice de livres anciens ; son dernier bulletin de salaire produit datant du mois d'avril 2012 mentionne un salaire cumulé de 4939€ soit une moyenne mensuelle de 1234€ ; ses droits à la retraite seront affectés par une période de quatre années de temps partiel correspondant à la naissance des enfants; elle est propriétaire d'un immeuble évalué à 175 000€ mais débitrice d'une soulte au profit de son mari.
Cette situation caractérise, dans les conditions de vie des époux, une disparité justifiant le principe d'une prestation compensatoire au profit de Mme Y....
Au regard des critères posés par l'article 271 du code civil, le montant de cette prestation a été justement fixé par le premier juge à la somme de 20 000€ mais il est constant que Mr X... n'étant pas en mesure de verser ce capital dans les conditions prévues par l'article 274 du même code, il y a lieu de dire qu'il s'en acquittera en 84 versements mensuels de 238€ , avec indexation sur l'indice INSEE des prix à la consommation des ménages urbains, France entière , hors tabac pour révision au 1er janvier de chaque année.
-sur la liquidation des intérêts patrimoniaux
L'article 267 du code civil dispose qu'en prononçant le divorce le juge ordonne, à défaut de règlement conventionnel par les époux, la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux et qu'il peut statuer sur les désaccords persistant entre eux si le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire désigné contient des informations suffisantes.
Mme Y... demande qu'il soit statué sur le montant de la récompense qu'elle doit à la communauté or cette détermination suppose de connaître le montant des prêts effectivement remboursés par la communauté et comment celle-ci était alimentée en proportion des revenus respectifs des époux de sorte qu'à défaut de ces éléments, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande, les parties devant revenir vers le notaire désigné.
-sur la résidence des enfants
Selon les termes de l'article 562 du code de procédure civile, la cour n'est saisie que des chefs du jugement dont la connaissance lui ait déférée par la déclaration d'appel ou par l'appel incident de l'intimé.
En l'espèce la déclaration d'appel formalisée par Mr Adrian le 3 mai 2012 mentionne expressément que l'appel est limité à la prestation compensatoire et à la contribution alimentaire et l'appel incident formé par Mme Y... ne porte pas sur la résidence des enfants de sorte que la demande de Mr X... en transfert à son domicile de la résidence de l'enfant Alexia est irrecevable.
La fixation de la résidence de Maxime au domicile maternel et les modalités du droit de visite et d'hébergement de Mr X... n'étant pas remises en cause par les appels, l'audition des enfants ne se justifie pas dès lors que l'aspect financier de la procédure ne les concerne pas.
- sur la contribution alimentaire
Chaque parent doit naturellement et légalement contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants en proportion de ses ressources et des besoins des enfants.
Au vu des justificatifs produits, la situation respective des parties s'établit comme suit :
*Mr X... dispose d'un salaire moyen de 2927€ et supporte à titre personnel diverses dépenses (impôts, assurance, mutuelle, téléphone) de l'ordre de 250€ par mois.
Le reste des charges soit environ 850€ par mois est directement lié au ménage et donc partagé avec sa compagne qui perçoit 1500€ par mois et assume les dépenses liées à ses deux enfants qui ouvrent certainement droit à des prestations familiales et peut être à une contribution alimentaire de leur père.
*Mme Y... perçoit un salaire de 1234€ auquel s'ajoutent des prestations familiales qui s'élevaient à 255€ en juin 2012, date du dernier état produit soit des ressources mensuelles de 1489€; elle rembourse des prêts immobiliers à concurrence de 563€ et expose des charges fixes de 285€ outre des frais d'orthodontie restés à charge.
S'il apparaît que la remise des enfants à la gare de St Denis les Martel que le premier juge avait considéré comme plus onéreuse pour la mère n'est pas effective, plusieurs témoins attestant que les enfants prennent le train à Turenne, il n'en demeure pas moins que leurs besoins ont nécessairement augmentés avec l'âge ce qui justifie que l'augmentation de la contribution paternelle qui sera confirmée.
- sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande qu'une indemnité de 1500€ soit allouée sur ce fondement à mme Y... alors que Mr Adrian qui supportera la charge des dépens d'appel ne peut prétendre au bénéfice de cette disposition.
PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,
La cour, statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil et en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Reçoit Mr X... en son appel principal et Mme Y... en son appel incident,
Statuant dans les limites de ces appels,
Dit n'y avoir lieu à audition des enfants,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
*prononcé le divorce des époux aux torts du mari,
*débouté Mme Y... de sa demande de dommages et intérêts et de liquidation des intérêts patrimoniaux,
*fixé le montant de la prestation compensatoire due par Mr X... et de sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants,
Le réforme sur les modalités de paiement de la prestation compensatoire et dit que Mr X... pourra s'en acquitter en 84 versements mensuels de 238€ , ladite somme étant indexée dans les mêmes conditions que la contribution alimentaire,
Déclare irrecevable la demande de transfert de résidence de l'enfant Alexia,
Renvoie les parties à saisir le notaire désigné pour procéder à la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux,
Condamne Mr X... à payer à Mme Y... la somme de 1500€ en application de l'article 700
du code de procédure civile en cause d'appel et le déboute de sa demande sur le même fondement,
Condamne mr X... aux dépens recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Elysabeth AZEVEDO. Robert JAOUEN.