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No 25
COUR D'APPEL DE LIMOGES
Ordonnance du 17 juin 2013 à 11 heures
Madame Sonia X...
LIMOGES, le 17 juin 2013 à 11 heures,
Monsieur Jean-Pierre Colomer, Conseiller à la cour d'appel de LIMOGES, spécialement désigné pour suppléer le Premier Président légitimement empêché, assisté de Madame Marie Claude Lainez, greffier, a rendu l'ordonnance suivante par mise à disposition au greffe
ENTRE :
1o- Madame Sonia X..., née le 4 avril 1994 à VILLEFRANCHE SUR SAONE,
actuellement hospitalisée au centre hospitalier du Pays Eygurande à Monestier-Merlines (19)
Appelante d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Brive-la-Gaillarde du 29 mai 2013,
Comparante en personne par visio conférence, assistée de Maître PREGUIMBEAU, Avocat,
ET :
1o- Monsieur le Procureur Général près la cour d'appel de Limoges,
Intimé,
Représenté par Madame Odile VALETTE, Substitut Général,
2o- Monsieur le Directeur du centre hospitalier du Pays Eygurande à Monestier-Merlines (19)
Intimé,
Non comparant ni représenté
3o- Madame le Préfet du département de la Corrèze
Intimée,
Non comparante, ni représentée,
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L'affaire a été appelée à l'audience publique du jeudi 13 juin 2013 à 15 heures sous la présidence de monsieur Jean-Pierre Colomer, Conseiller à la cour d'appel de Limoges assisté de Madame Marie Claude Lainez, greffier en chef.
L'appelante, son conseil et le ministère public ont été entendus en leurs observations par visio conférence,
Après quoi, monsieur le Président a mis l'affaire en délibéré, par mise à disposition au greffe au 17 juin 2013 à 11 heures.
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Le 30 novembre 2012, Mme Sonia X... née le 4 avril 1994 à Villefranche-sur-Saône (69) a été admise en soins psychiatriques à la demande d'un tiers, sous la forme initiale d'une hospitalisation complète sans consentement au centre hospitalier de Saint-Cyr au Mont d'Or (69).
Par ordonnance en date du 12 décembre 2012, confirmée en appel le 21 décembre suivant, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lyon, saisi du contrôle de la mesure d'hospitalisation, a autorisé le maintien de l'hospitalisation sans consentement au-delà d'une durée de 15 jours.
Alors qu'elle bénéficiait d'un programme de soins ambulatoires, le Dr C..., praticien exerçant dans le centre hospitalier de Saint-Cyr au Mont d'Or, a établi, le 27 décembre 2012, un certificat de transformation de la mesure d'hospitalisation à la demande d'un tiers en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat, après avoir constaté que Mme X... refusait de prendre son traitement et qu'elle était agitée avec passage à l'acte agressif sur son médecin et sur une infirmière présente dans le bureau. Selon lui, son agressivité et sa violence rendent nécessaire de restaurer une mise en isolement thérapeutique.
Par décision du 28 décembre 2012, prise au visa des articles L.3212-9, L.3213-1 et L.3213-6 du Code de la santé publique, le préfet du Rhône a "ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète de Mme Sonia X... dans le même établissement jusqu'au 27 janvier 2013 inclus, sous réserve de la décision éventuelle prise par le juge des libertés et de la détention en application de l'article L.3211-12-1".
Les certificats médicaux prévus par la loi ont régulièrement été établis durant la période d'observation et entre le cinquième et le huitième jour d'hospitalisation.
La mesure n'a pas été soumise au contrôle du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lyon.
Mme X... a ensuite été transférée dans l'unité pour malades difficiles du Centre hospitalier du Pays d'Eygurande à Monestier-Merlines (19), par arrêté du préfet du Rhône en date du 21 février 2013.
Par requête enregistrée le 22 mai 2013, Mme X... a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Brive-la-Gaillarde aux fins d'obtenir sa sortie de l'unité pour malades difficiles et son retour dans son hôpital d'origine. A l'audience, elle a complété sa demande en sollicitant également son retour au domicile de sa mère.
Par ordonnance du 29 mai 2013, le juge des libertés et de la détention a rejeté cette demande aux motifs que, d'une part, les certificats médicaux mensuels de situation font apparaître que les troubles du comportement de la patiente restent majeurs et que, d'autre part, il ne relève pas de la compétence du juge des libertés et de la détention d'orienter un patient vers une structure de soins.
Mme X... a interjeté appel de cette décision par courrier expédié le 7 juin 2013 et reçu le10 juin suivant au greffe de la cour d'appel.
À l'audience, la question du contrôle de la mesure de soins ordonnée le 28 décembre 2012 par le préfet du Rhône a été soulevée d'office et la personne en charge du dossier administratif de Mme X..., présente dans la salle de visio-conférence de l'établissement, a confirmé que ce contrôle n'avait pas eu lieu.
Mme X... a été entendue. Elle reconnaît avoir des problèmes psychiatriques nécessitant des soins, ses problèmes ayant pour origine le viol commis par son père et le fait qu'elle retourne son angoisse sur elle-même. Elle explique avoir fait l'objet de plusieurs hospitalisations depuis l'âge de 13 ans. Par ailleurs, elle indique que le premier juge n'a pas compris qu'elle avait des projets et qu'elle voulait entreprendre des démarches en vue de trouver un appartement.
Par l'intermédiaire de son avocat, elle fait valoir que la mesure n'est plus valide car elle aurait dû être soumise au contrôle du juge des libertés et de la détention d'autant que les conditions de l'admission en soins psychiatriques n'étaient plus les mêmes et que la décision du préfet aurait dû être contrôlée à ce moment-là, d'autant qu'elle est motivée de manière très succincte.
Le ministère public s'en remet à droit.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel est régulier et recevable pour avoir été formé dans les délais légaux.
Il est prévu à l'article L.3213-6 du Code de la santé publique que "lorsqu'un psychiatre de l'établissement d'accueil d'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application de l'article L. 3212-1 atteste par un certificat médical ou, lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen de l'intéressé, par un avis médical sur la base de son dossier médical que l'état mental de cette personne nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public, le directeur de l'établissement d'accueil en donne aussitôt connaissance au représentant de l'Etat dans le département qui peut prendre une mesure d'admission en soins psychiatriques en application de l'article L. 3213-1, sur la base de ce certificat ou de cet avis médical. Les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont alors établis par deux psychiatres distincts. Lorsque ceux-ci ne peuvent procéder à l'examen de la personne malade, ils établissent un avis médical sur la base de son dossier médical".
Il se déduit des dispositions finales de cet article que la décision d'admission en soins psychiatriques prise par le représentant de l'État à l'égard d'une personne faisait déjà l'objet d'une mesure d'hospitalisation psychiatrique à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, fait naître une nouvelle période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète, régie par l'article L.3211-2-2 du même code, et donc une nouvelle mesure de soins, distincte de la première.
Il s'ensuit que la mesure d'hospitalisation complète ordonnée par le représentant de l'État dans le département, sur le fondement des dispositions des articles L.3213-1 et L.3213-6 du même code, ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention ait statué sur cette mesure avant l'expiration du délai de 15 jours à compter de la décision d'admission.
Ce contrôle est d'autant plus justifié au regard de la protection des libertés publiques que l'admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État est fondée sur d'autres critères que ceux prévus pour une admission à la demande d'un tiers et que ses effets sont également différents puisque cette décision permet, notamment, de prononcer le cas échéant l'admission du patient dans une unité pour malades difficiles, unité spécialement organisée à l'effet de mettre en oeuvre les protocoles thérapeutiques intensifs et les mesures de sûreté particulières adaptées à l'état du patient.
En l'espèce, il apparaît qu'après avoir bénéficié d'une prise en charge incluant des soins ambulatoires dans le cadre d'une admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers, Mme X... a fait l'objet d'une mesure de soins sous la forme d'une hospitalisation complète ordonnée le 28 décembre 2012 par le Préfet du Rhône et que cette décision n'a pas été soumise au contrôle du juge des libertés et de la détention dans le délai légal de 15 jours prévu à l'article L.3211-12-1.
La mainlevée de la mesure est donc acquise en application des dispositions du IV de ce même article.
La décision du premier juge sera donc infirmée.
PAR CES MOTIFS
Le Président statuant publiquement, par décision réputé contradictoire et en dernier ressort,
DECLARONS l'appel recevable ;
INFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Brive-La-Gaillarde du 29 mai 2013 ;
Statuant à nouveau,
CONSTATONS que la mesure de soins sous la forme d'une hospitalisation complète ordonnée le 28 décembre 2012 par le Préfet du Rhône, n'a pas été soumise au contrôle du juge des libertés de la détention dans le délai légal de 15 jours prévu à l'article L.3211-12-1 du Code de la santé publique ;
CONSTATONS que la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sans consentement était acquise du fait de l'absence de saisine du juge des libertés et de la détention ;
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public ;
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à :
- Monsieur le Procureur Général,
- Monsieur le Directeur du Centre Hospitalier d'EYGURANDE,
- Monsieur le Préfet du département de la Corrèze
- Madame Sonia X...
Le Greffier, Le Président,
Marie Claude Lainez. Jean-Pierre Colomer.